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soulèvement de paysans des campagnes d'Île-de-France, de Picardie, de Champagne, d'Artois et de Normandie, survenu au cours de la guerre de Cent Ans, dans un contexte de crise du royaume de France De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La Grande Jacquerie, qui a lieu en et , est un soulèvement de paysans des campagnes d'Île-de-France, de Picardie, de Champagne, d'Artois et de Normandie, survenu au cours de la guerre de Cent Ans, dans un contexte de crise du royaume de France. En effet, le roi Jean le Bon est en captivité en Angleterre tandis que le dauphin (titre) Charles doit faire face à l'opposition de deux puissants personnages : le roi de Navarre Charles II (Charles le Mauvais), prétendant au trône de France, et le prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel.
Date | au |
---|---|
Lieu | Nord de la France |
Issue | Renforcement du pouvoir royal, fin des états généraux de 1351. |
Réformistes *Bourgeoisie parisienne *Royaume de Navarre *Jacquerie Soutien: Royaume d'Angleterre |
Royaume de France |
Étienne Marcel Gaston III Jean de Grailly Charles le Mauvais Guillaume Carle |
Jean II le Bon Charles V |
Des milliers |
Ses causes sont multiples : impopularité de la noblesse après la défaite de Poitiers ; insurrection de Paris menée par Étienne Marcel à partir de février 1358 ; agitation dans les villes du comté de Flandre[1].
Cette révolte est courte : elle éclate à la fin du mois de mai 1358, peut-être le 23[2] ou le 28, à la frontière entre l'Île-de-France et le Clermontois et plus particulièrement dans un petit village appelé Saint-Leu-d'Esserent[3],[4]et la principale troupe des révoltés est écrasée les 9 et en Picardie, près de Mello (actuel département de l'Oise) par une armée de nobles rassemblée par Charles le Mauvais.
Cette révolte tire son nom de Jacques Bonhomme, archétype du « vilain » (paysan), puis sobriquet désignant les paysans français en général, probablement du fait qu'ils portaient des vestes courtes, dites « jacques » (cf. la « jaquette »). Elle eut pour chef un dénommé Guillaume Carle, aussi nommé Jacques Bonhomme[5].
Cette révolte est à l'origine du terme « jacquerie » repris par la suite pour désigner toutes sortes de soulèvements populaire par le chroniqueur Nicole Gilles (mort en 1503) dans Les chroniques et annales de la France parues dès 1492.
Cette révolte s'inscrit dans une période difficile, marquée par la guerre de Cent Ans, commencée en 1337, et par l'épidémie de peste noire à partir de 1348.
La France a subi plusieurs défaites, notamment à Crécy en 1346, sous le règne de Philippe VI, et à Poitiers en septembre 1356, sous le règne de Jean le Bon, depuis lors prisonnier des Anglais d'abord à Bordeaux (capitale du duché de Guyenne, fief de France tenu par le roi d'Angleterre), puis à Londres (avril 1357).
Ces défaites ont jeté le discrédit sur la noblesse française, imbue de chevalerie, mais incapable de vaincre une armée anglaise, moins chevaleresque, mais plus efficace.
Le pouvoir exercé en l'absence du roi par le dauphin[6] Charles (1338-1380) est contesté : le roi de Navarre Charles II (1332-1387), petit-fils de Louis X le Hutin par sa mère Jeanne de Navarre, se considère comme spolié de la couronne de France par le choix fait en 1328 d'exclure les princesses royales de la succession ; à Paris, Étienne Marcel, prévôt des marchands, souhaite établir un certain contrôle sur la monarchie dans le cadre des états généraux.
En mars 1357, une trêve d'un an a été conclue ; mais cela signifie que des compagnies de mercenaires démobilisés, les « grandes compagnies », n'ayant plus de solde, pillent les villages et rançonnent les villes.
Charles de Navarre, incarcéré par Jean le Bon en avril 1356[7], est libéré par le dauphin en 1357, ce qui lui permet de reprendre ses intrigues avec succès.
Cela pousse Jean le Bon à conclure avec Édouard III un traité assez défavorable (janvier 1358), ce qui provoque la rébellion ouverte d'Étienne Marcel (février 1358). Paris passe aux mains du prévôt des marchands et le dauphin met la ville en état de siège.
Aux difficultés liées à la guerre, notamment les grandes compagnies, et à la peste, s'ajoute pour les paysans l'accroissement dans les années 1340 et 1350 de la pression fiscale royale du fait de la guerre (et de la rançon qui devra être payée aux Anglais), mais aussi des exigences des seigneurs fonciers qui cherchent à compenser la baisse de leurs revenus, liée notamment aux mutations monétaires fréquentes[8].
Les origines immédiates de cette révolte sont mal connues mais semblent résulter d'échauffourées survenues entre des hommes d'armes et des paysans.
Quelle que puisse être l'étincelle qui déclenche la révolte, celle-ci est tout de suite décrite avec horreur sous le terme d'« effrois » ; elle enflamme, de proche en proche, la moitié nord du pays. Les chroniques du temps dressent un catalogue des violences antinobiliaires qui se déchaînent alors sur le pays.
Ainsi, le chroniqueur Jean Froissart, dépeint, sous le terme de cruautés des « Jacques Bonhommes », un tableau pour le moins sinistre des méfaits de ceux qu'il qualifie de « chiens enragés ». Ce récit est ponctué de faits qui veulent souligner l'animalité des émeutiers :
« Ils déclarèrent que tous les nobles du royaume de France, chevaliers et écuyers, haïssaient et trahissaient le royaume, et que cela serait grands biens que tous les détruisent. […] Lors se recueillirent et s'en allèrent sans autre conseil et sans nulle armure, seulement armés des bâtons ferrés et de couteaux, en premier à la maison d'un chevalier qui près de là demeurait. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfants, petits et grands, et brûlèrent la maison. […] Ils tuèrent un chevalier et boutèrent en un hâtier et le tournèrent au feu, et le rôtirent devant la dame et ses enfants. »
Le pseudo Jean de Venette, un frère carme d'origine modeste, est plus favorable aux paysans [9] :
« En cette même année 1358, en été, les paysans qui habitaient autour de Saint-Leu-d'Esserent et de Clermont-en-Beauvaisis, voyant les maux et les oppressions qui, de toute part, leur étaient infligés sans que leurs seigneurs les en protègent — au contraire ils s'en prenaient à eux comme s'ils étaient leurs ennemis — se révoltèrent contre les nobles de France et prirent les armes. Ils se regroupèrent en une grande multitude, élurent comme capitaine un paysan fort habile, Guillaume Carle, originaire de Mello. »
De fait, quel que soit l'effroi réel des contemporains, d'autres chroniqueurs se montrent eux aussi moins éloquents sur les atrocités et moins favorables aux nobles que Froissart. Ainsi, Pierre Louvet, dans son Histoire du Beauvoisis, rappelle que « la guerre appelée la Jacquerie du Beauvoisis qui se faisait contre la noblesse du temps du roi Jean, et en son absence, arriva par le mauvais traitement que le peuple recevait de la noblesse » et le cartulaire d'une abbaye de Beauvais souligne que « la sédition cruelle et douloureuse entre le populaire contre les nobles s'éleva aussitôt. »
Charles le Mauvais, bien que roi de Navarre depuis 1349, n'est nullement navarrais : c'est un noble français de haut rang, lié à la famille royale des Capétiens (c'est un petit-fils de Louis X le Hutin par sa mère Jeanne de Navarre), comte d'Évreux (un des plus importants titres en Normandie), revendiquant le comté d'Angoulême et le comté de Champagne.
L'issue de la révolte, une forme de contre-jacquerie, est caractérisée par une grande violence qui marqua autant les contemporains que celle commise par les paysans. Après avoir exterminé bon nombre de révoltés, le comte de Foix et le captal de Buch, Jean de Grailly, assiégèrent la ville de Meaux[10] dont quelques quartiers furent incendiés[11]. De son côté, Charles le Mauvais participa à la répression et, le 9 juin, lors du carnage de Mello[12], il mit fin à la révolte à grand renfort d'atrocités. Le chef des révoltés, Guillaume Carle, ayant reçu l'assurance d'une trêve et d'une rémission, fut entraîné par traîtrise dans le camp des nobles où il fut supplicié et décapité. Cependant, par la suite, une certaine clémence royale se manifesta envers les principaux meneurs sous la forme de « lettres de rémission » qui constituent une autre source pour l'histoire de la Jacquerie.
Les interprétations de cette révolte sont nombreuses et, au-delà de son caractère circonstanciel, elle peut être rattachée à nombre des révoltes et des émotions paysannes médiévales.
Elle a ainsi pu être comparée à la révolte anglaise de 1381, dite révolte des travailleurs d'Angleterre, à l'insurrection des remensas en Catalogne, au mouvement taborite en Bohême ou encore au mouvement hussite. Dans une certaine mesure, la révolte de 1358 fait le lien entre les révoltes paysannes du Moyen Âge central et les mouvements messianiques de l'époque moderne.
Les historiens débattent de son caractère de lutte des classes et, étant donné la présence d'éléments nobles au sein du camp des Jacques, s'interrogent sur l'homogénéité du mouvement. Enfin, au-delà d'un refus de la pression fiscale, la révolte de 1358 peut se lire comme l'expression d'une revendication à la dignité de la part des masses paysannes et d'une perte de légitimité de la noblesse. Clairement, ce sont les nobles et le régime seigneurial en crise qui sont visés tandis que les habitants des petites villes comme Senlis sont plutôt favorables aux Jacques.
La Jacquerie devait profondément marquer les esprits et son nom a été retenu par la suite pour désigner toute révolte paysanne.
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