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médecin et économiste physiocrate français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
François Quesnay, né le [note 1] à Méré et mort le à Versailles, est un médecin et économiste français, et l'un des fondateurs de la première école en économie, l'école des physiocrates. Il est l'auteur du Tableau économique (1758), qui est la première représentation schématique de l'économie.
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Issu d'une famille modeste, son père est un petit propriétaire terrien
(et non un avocat comme l'a prétendu une légende tenace[note 2],[1]). Il a onze frères et sœurs[2]. À onze ans, il ne sait toujours pas lire. Il va alors apprendre avec son jardinier[3], ce qui va développer chez lui un goût pour la médecine et l'« administration rurale ». Dès 1711, il apprend le latin et le grec avec le curé de son village.
À treize ans, il se retrouve orphelin de père et décide de se consacrer à la chirurgie. Il étudie la médecine.
Il devient, en 1718, maître dans la communauté des chirurgiens de Paris[4]. Il commence sa carrière à Mantes et devient chirurgien royal en 1723[5]. En 1744, il obtient le titre de docteur en médecine et devient médecin de Madame de Pompadour en 1749[6]. Il rentre à l'Académie des sciences en 1751 et devient membre de la Royal Society en 1752. Louis XV l'anoblit la même année à la suite de la guérison du Dauphin de la petite vérole[7]. À la suite de cette guérison, il reçoit des mains du souverain, qui l'appelait son « penseur », des « armoiries parlantes » : trois fleurs de pensées[8]. Ses premiers livres portent essentiellement sur la médecine : Observations sur les effets de la saignée (1730), Essai phisique sur l'œconomie animale (1736), L'Art de guérir par la saignée (1736), Traité de la suppuration (1749), Traité de la gangrène (1749), Traité des fièvres continues (1753).
Il achète en 1755 un domaine foncier dans le Nivernais.
Ses relations, parmi lesquelles les académiciens d'Alembert et Buffon, le philosophe Diderot, les habitués de son entresol Helvétius et Condorcet, lui font découvrir de nouveaux centres d'intérêt. Après cette brillante carrière de médecin-chirurgien qui l'a conduit jusqu'au chevet du roi, Quesnay se tourne dans les années 1750 vers l'économie. Il forme l'école des Physiocrates surnommée « secte des économistes » par ses détracteurs, où le rejoignent progressivement Victor Riqueti de Mirabeau, le rédacteur des Éphémérides du citoyen, l'abbé Nicolas Baudeau, l'avocat Guillaume-François Le Trosne, André Morellet, l'intendant Pierre-Paul Lemercier de La Rivière de Saint-Médard et Pierre Samuel du Pont de Nemours. Ses principales œuvres économiques sont des articles de l'Encyclopédie : « Fermiers » (1756), « Grains » (1757), « Hommes » (1757) ; les livres Le Tableau économique (1758) ; Maximes générales du gouvernement économique d'un royaume agricole (1758) ; le chapitre VII de la Philosophie rurale de Mirabeau ; et des articles parus dans le Journal de l'Agriculture, du Commerce et de la Finance : « Le droit naturel » (1765), « Dialogue sur le commerce » (1765) et « Dialogue sur les travaux des artisans » (1767). Défenseur du modèle que représente pour lui le despotisme chinois[9], il est vénéré par ses disciples physiocrates comme « le Confucius de l'Europe »[10].
Les dernières années de sa vie, François Quesnay se met à étudier les mathématiques. Son ami d'Alembert parle en ces termes de cette expérience malheureuse : « Il eut le malheur de trouver à la fois la trisection de l'angle et la quadrature du cercle, et de démontrer par des raisonnemens métaphysiques qui lui paroissoient hors de doute, que la diagonale du carré et son côté ne sont pas incommensurables ». Cet échec tardif ne remet cependant pas en cause la réputation qu'il a acquise plus jeune en chirurgie et en économie.
À la mort de Louis XV en , Quesnay doit quitter le château de Versailles pour s'installer au Grand Commun. Il y meurt le .
Quesnay fait paraître ses premiers écrits économiques en 1756-1757 dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (les articles « Fermiers » et « Grains »). L'année suivante paraît la première version de son célèbre Tableau économique, où il présente l'ordre naturel de l'économie. Le rôle des économistes est de révéler les lois de la nature. Les lois économiques fonctionnent de la même façon que les lois de la physique.
Ce texte représente les idées des Physiocrates. Le Tableau semble être inspiré de la circulation du sang chez l'homme, sur un modèle de flux, de contre-flux et d'échange. Mais Quesnay se positionne dans une conception organique de la société, héritée de Hobbes. La représentation mécanique de l'économie est donc dans la droite ligne des représentations de la société du XVIIe siècle[11].
Il est le premier à imaginer l'économie à un niveau macroéconomique. Les agents économiques ne sont pas considérés comme une somme d'agents individuels, comme dans la théorie classique (Adam Smith, David Ricardo, John Stuart Mill), mais représentent des classes sociales[12]. À ce titre, c'est-à-dire en considérant l'économie dans sa globalité et à l'encontre du postulat classique d'individualisme méthodologique, il est précurseur de la pensée de Karl Marx et de Keynes, qui reprendront tous deux le modèle du tableau, en représentant l'économie sous forme de circuit.
Il faut savoir que, pour Quesnay, et différemment des pensées économiques de l'époque, la valeur ne peut être créée que par la terre. Il ne faut donc pas écraser l'agriculture par l'impôt. Il est obsédé par le « bon prix » du grain, et se lamente de la baisse des prix.
Quesnay fait publier le Tableau économique par l'imprimerie nouvellement installée au château de Versailles. Au total, Quesnay en rédigera trois versions. La première édition date de novembre ou décembre 1758. Cette première version du «zigzag» est fondée sur un revenu de 400 livres et comportait vingt-deux « Remarques ». La deuxième édition, qui date du printemps 1759, part d'un revenu de 600 livres et contient 23 remarques. La troisième édition, parue en 1759, est également fondée sur un revenu de 600 livres et est suivie d'une «explication» de douze pages et d'un «extrait» comportant vingt-quatre maximes.
Quesnay y représente l'économie comme un domaine cohérent de nature systémique en s'inspirant de la découverte, réalisée un siècle et demi plus tôt par William Harvey, du mécanisme de la petite et de la grande circulation sanguine.
Il divise la société en deux secteurs (l'agriculture et le reste) et trois classes sur la base de leur rapport au produit net : la classe productive, composée essentiellement de fermiers, qui est la seule à pouvoir fournir un produit net, c'est-à-dire capable de multiplier les produits, la classe stérile, qui est composée de tous les citoyens occupés à d'autres travaux que ceux de l'agriculture, capable uniquement de transformer les biens sans les multiplier, et la classe des propriétaires terriens, dont la seule fonction est de dépenser la part du revenu qui leur est due, sans produire aucun bien.
Le tableau qu'il élabore ainsi peut être représenté de façon plus moderne sous la forme d'un circuit ou encore d'un tableau entrées-sorties de Leontief, utilisé en analyse entrées-sorties. De plus, le tableau de Quesnay qui relie les classes sociales par des flux de matières et de monnaie peut être considéré comme l'ancêtre des matrices de comptabilité sociale.
Ce schéma conçoit la nation comme un ensemble réduit à trois grandes classes définies selon leur fonction économique :
Estimée à 5 milliards de Francs de l'époque, la production agricole a été repartie par Quesnay comme suit :
L'analyse de Quesnay fait ainsi ressortir pour la première fois les notions d'interdépendance des activités économiques, celle de processus de reproduction et d'équilibre qui seront reprises et développées ultérieurement par d'autres économistes après les physiocrates, comme Marx, Walras et Leontief notamment.
Le tableau économique décrit un état rêvé de l’économie. Sur cette base, d’année en année, l'économie se reproduit telle qu’elle. Il n’y a plus de croissance. Quesnay considère cette situation comme le meilleur état possible pour la France.
Le principal apport de Quesnay est de consolider les bases de cette nouvelle discipline, l'économie. Avec Quesnay, la réflexion économique s'autonomise notamment vis-à-vis de la théologie et de la politique, et se différencie notablement dans le cadre de sa méthode vis-à-vis des travaux antérieurs de l'époque médiévale (par exemple, Thomas d'Aquin) ou mercantiliste.
Les idées et travaux de Quesnay seront repris par de nombreux économistes. La notion d'interdépendance des activités économiques sera reprise par les travaux de Léon Walras ou ceux de Keynes dans sa Théorie générale. Le Tableau économique de Quesnay peut aussi être considéré comme le précurseur du tableau entrée-sortie (tableau input-output) de Leontief. Les classes stériles et productives peuvent en effet être assimilées aux secteurs I et II d’une économie, avec par exemple, l’agriculture et l’industrie. Les avances annuelles de la classe productive peuvent être assimilées à des consommations intermédiaires nécessaires à la production agricole[13] :
Les secteurs | Achats annuels | Production annuelle | ||
---|---|---|---|---|
I | II | III | ||
I Classes productives | 2 | 1 | 2 | 5 |
II Classes des propriétaires fonciers | 2 | 0 | 0 | 2 |
III Classes stériles | 1 | 1 | 0 | 2 |
Total des achats | 5 | 2 | 2 | 9 |
Dans l'ouvrage La richesse révolutionnaire, les auteurs Alvin et Heidi Toffler consacrent le chapitre "le facteur Quesnay" au changement de paradigme économique dans la civilisation, critiquant "la science économique conventionnelle" en avançant l'idée que Quesnay a pu se montrer "incapable de penser le passage de la société agraire à la société industrielle [de la même façon que d'autres économistes contemporains aveuglés ne peuvent mesurer] le passage d'une société industrielle à une société de la connaissance"[14].
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