Cour européenne des droits de l'homme
juridiction internationale liée au Conseil de l'Europe De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, CrEDH ou CourEDH)[n 1] est une juridiction internationale instituée en 1959 par le Conseil de l'Europe ayant pour mission d'assurer le respect des engagements souscrits par les États signataires de la Convention européenne des droits de l'homme.
Cour européenne des droits de l'homme | |||||
Nom officiel | (fr) Cour européenne des droits de l'homme (en) European Court of Human Rights |
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Sigle | |||||
Juridiction | 46 pays membres de la Conv. EDH (traité du Conseil de l'Europe) | ||||
Langue | Français et anglais[1] | ||||
Création | 1950 par l'adoption de la Conv. EDH Première session de la Cour en 1959 |
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Siège | Palais des droits de l'homme, avenue de l'Europe, Strasbourg, France | ||||
Coordonnées | 48° 35′ 47″ nord, 7° 46′ 27″ est | ||||
Géolocalisation sur la carte : Europe
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Alsace
Géolocalisation sur la carte : Strasbourg
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Composition | 1 président, 2 vice-présidents, 3 présidents de section, 40 autres juges (46 au total), 1 greffier, 1 greffier-adjoint[2] | ||||
Président | |||||
Nom | Marko Bošnjak | ||||
Depuis | |||||
Voir aussi | |||||
Actualité | Modification du règlement de la Cour entrée en vigueur le | ||||
Site officiel | (en + fr) www.echr.coe.int/fr/ | ||||
Lire en ligne | (en + fr + de + it + ru) Conseil de l'Europe
(en + fr + ru + tr) HUDOC (jurisprudence) |
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modifier |
La compétence de la Cour s'étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles additionnels[n 2]. La Cour peut être saisie d’une requête par un État ou « par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui s'estime victime d'une violation » de ses droits ou libertés, garantis par la Convention[n 3].
La Cour européenne des droits de l'homme fonctionne en permanence et siège, depuis le , à Strasbourg (France) dans un bâtiment conçu par l'architecte italo-britannique Richard Rogers.
Le , l'ONU adopte la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui vise à promouvoir la reconnaissance universelle des droits qui y sont énoncés, afin de renforcer au niveau international la protection des droits de l'homme.
Le , le Conseil de l'Europe est créé à Londres, les membres du Conseil considèrent que la Déclaration de l'ONU tend à assurer la reconnaissance et l'application universelle et effective des droits qui y sont énoncés. Ils considèrent que l'un des moyens de favoriser une union plus étroite entre les membres du Conseil est la sauvegarde et le développement des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ils réaffirment leur profond attachement aux libertés fondamentales qui constituent les assises de la justice et de la paix dans le monde. Ils affirment que le maintien de cette stabilité apaisée reposera sur un régime politique démocratique et sur un commun respect des droits de l'homme[n 4].
Les États élaborent la Convention européenne des droits de l'homme qui sera adoptée le , à Rome. Les gouvernements signataires (« Hautes Parties ») s'engagent à garantir l'accès aux droits fondamentaux, civils et politiques, non seulement à leurs ressortissants mais encore pour toutes les personnes relevant de leur juridiction. La Convention entre en vigueur le .
La Convention évolue grâce à l'interprétation des textes par la Cour (jurisprudence) et lorsque des protocoles viennent lui ajouter de nouveaux droits.
La Convention garantit notamment :
Elle interdit notamment :
La Cour, qui depuis 1998 siège en permanence, doit veiller au respect des droits de l'homme pour 800 millions d'européens dans les 46 États membres. La première session a eu lieu du 23 au et la Cour rend son premier arrêt : Lawless c. Irlande, le . C'est seulement quatre mois plus tard que la Cour rend son deuxième arrêt majeur: l'arrêt Tennakamura, le . En près d'un demi-siècle, la juridiction a rendu plus de 10 000 arrêts. Les décisions sont obligatoires et les États concernés sont régulièrement conduits à modifier leur législation ou leur pratique administrative pour se conformer aux textes conventionnels régulièrement enrichis par la jurisprudence. Sa jurisprudence est un instrument réactif et puissant pour consolider l'État de droit et la démocratie en Europe. Les motivations, les moyens avancés, les décisions prises, les arrêts de la CEDH nourrissent les débats juridiques de tous les pays membres[3].
Par un arrêt du 2 avril 2024, la CEDH reconnait le droit des individus d'être réellement protégés par l'État contre les effets néfastes du dérèglement climatique, avec une condamnation de la Suisse (pour violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme), à la suite d'une requête d'une association dénonçant des « manquements des autorités suisses » pour atténuer les effets du changement climatique ; la Cour a estimé que l'article 8 de la Convention consacre « un droit pour les individus à une protection effective, par les autorités de l'État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie »[4].
Les États membres de la Cour européenne des droits de l'homme sont, en 2015, les 46 pays du Conseil de l'Europe :
La Cour se compose d'un nombre de juges égal à celui des États membres[Conv 1] soit 46 juges.
Nom | Pays | Position | Début du mandat | Fin du mandat[7] |
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Marko Bošnjak (d) | Slovénie | Président | ||
Gabriele Kucsko-Stadlmayer (en) | Autriche | Vice-présidente | ||
Arnfinn Bårdsen (en) | Norvège | Vice-président | ||
Pere Pastor Vilanova | Andorre | Président de section | ||
Mattias Guyomar | France | Président de section | ||
Ivana Jelić (d) | Monténégro | Présidente de section | ||
Krzysztof Wojtyczek | Pologne | Juge | ||
Faris Vehabović (d) | Bosnie-Herzégovine | Juge | ||
Branko Lubarda (d) | Serbie | Juge | ||
Carlo Ranzoni (en) | Liechtenstein | Juge | ||
Mārtiņš Mits (d) | Lettonie | Juge | ||
Armen Harutyunyan (en) | Arménie | Juge | ||
Stéphanie Mourou-Vikström (d) | Monaco | Juge | ||
Alena Poláčková (en) | Slovaquie | Juge | ||
Pauliine Koskelo | Finlande | Juge | ||
Georgios Serghides (d) | Chypre | Juge | ||
Tim Eicke (en) | Royaume-Uni | Juge | ||
Lətif Hüseynov (en) | Azerbaïdjan | Juge | ||
Jovan Ilievski (d) | Macédoine du Nord | Juge | ||
Jolien Schukking (d) | Pays-Bas | Juge | ||
Péter Paczolay (d) | Hongrie | Juge | ||
Lado Chanturia (d) | Géorgie | Juge | ||
María Elósegui (en) | Espagne | Juge | ||
Gilberto Felici (en) | Saint-Marin | Juge | ||
Darian Pavli | Albanie | Juge | ||
Erik Wennerström (d) | Suède | Juge | ||
Raffaele Sabato (d) | Italie | Juge | ||
Saadet Yüksel (en) | Turquie | Juge | ||
Lorraine Schembri Orland (en) | Malte | Juge | ||
Anja Seibert-Fohr (en) | Allemagne | Juge | ||
Peeter Roosma (d) | Estonie | Juge | ||
Ana Maria Guerra Martins | Portugal | Juge | ||
Ioannis Ktistakis (d) | Grèce | Juge | ||
Andreas Zünd | Suisse | Juge | ||
Frédéric Krenc | Belgique | Juge | ||
Diana Sârcu (d) | Moldavie | Juge | ||
Kateřina Šimáčková (en) | République tchèque | Juge | ||
Davor Derenčinović (d) | Croatie | Juge | ||
Mykola Hnatovsky | Ukraine | Juge | ||
Oddný Mjöll Arnardóttir (d) | Islande | Juge | ||
Anne Louise Bormann (d) | Danemark | Juge | ||
Sebastian Rădulețu (d) | Roumanie | Juge | ||
Diana Kovacheva | Bulgarie | Juge | ||
Gediminas Sagatys (d) | Lituanie | Juge | ||
Stéphane Pisani (d) | Luxembourg | Juge | ||
Úna Ní Raifeartaigh (en) | Irlande | Juge |
Peuvent être juges de la Cour les particuliers issus des États contractants de la Convention européenne des droits de l'homme, sous la condition de « jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire. »[Conv 2].
Chaque État contractant présente une liste de trois candidats et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe élit un juge pour chaque État à la majorité qualifiée des voix[8]. Les juges sont élus pour un mandat de neuf ans non renouvelable depuis l'entrée en vigueur du protocole no 14, le (auparavant durée de six ans renouvelable), avec une limite d'âge fixée à 70 ans[Conv 3]. Les juges siègent à titre individuel et ne représentent aucun État. Leur fonction leur interdit toute activité incompatible avec leurs devoirs d'indépendance et d'impartialité[Conv 4]. Les 46 juges sont répartis en cinq sections, et au sein de chaque section, un comité de trois juges est désigné pour une période de douze mois, par rotation parmi les membres[Conv 5].
Nom | Mandat | État d'origine |
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Marko Bošnjak | depuis 2024 | Slovénie |
Síofra O'Leary | 2022-2024 | Irlande |
Róbert Spanó | 2020-2022 | Islande |
Linos-Alexandre Sicilianos | 2019-2020 | Grèce |
Guido Raimondi | 2015-2019 | Italie |
Dean Spielmann | 2012-2015 | Luxembourg |
Nicolas Bratza | 2011-2012 | Royaume-Uni |
Jean-Paul Costa | 2007-2011 | France |
Luzius Wildhaber | 1998-2007 | Suisse |
Rudolf Bernhardt | 1998 | Allemagne |
Rolv Ryssdal | 1985-1998 | Norvège |
Giorgio Balladore Pallieri | 1974-1980 | Italie |
Sir Humphrey Waldock (en) | 1971-1974 | Royaume-Uni |
Henri Rolin | 1968-1971 | Belgique |
René Cassin | 1965-1968 | France |
Le président de la Cour, les deux vice-présidents (également présidents de section) et les trois autres présidents de section sont élus par la Cour plénière, formation composée des 46 juges élus de la Cour. Le mandat des titulaires est d'une durée de trois ans renouvelable. Ils sont réputés pour leur moralité et leur compétence. Ils doivent être indépendants et il y a incompatibilité avec d'autres fonctions. Ils ne peuvent pas être révoqués par leur État d'origine, mais uniquement par décision de leurs pairs, prise à la majorité des deux tiers et pour des motifs graves.
La Cour européenne des droits de l'homme est assistée par un greffe composé d'environ 640 agents, dont un peu moins de la moitié de juristes répartis en 31 sections[Conv 6]. Le greffe effectue un travail préparatoire des affaires à l'intention des juges[9], et assume les activités de communication de la Cour, avec les requérants, le public et la presse. Le greffier et le greffier adjoint sont élus par la Cour plénière.
La Cour européenne des droits de l'homme est organisée en deux formations administratives et deux formations de jugement.
Les formations administratives sont chargées de la gestion de la Cour et des requêtes qui lui sont adressées.
La Cour plénière est la formation qui réunit l'ensemble des 46 juges de la Cour européenne des droits de l'homme. La formation plénière est chargée de constituer les chambres, d'élire les présidents des chambres parmi les juges, pour un mandat reconductible, d'adopter le règlement de la Cour et d'élire le greffier et le greffier adjoint[Conv 7]
Les comités sont des formations composées de trois juges, et constituées au sein de chaque section de la Cour par les chambres[Conv 8]. Les comités sont chargés de se prononcer sur la recevabilité des requêtes individuelles, sur saisine préalable du président de section. Les comités peuvent déclarer une requête irrecevable ou la rayer du rôle à l'unanimité « lorsqu'une telle décision peut être prise sans examen complémentaire. »[Conv 9]
Les formations de jugement sont chargées de l'examen des affaires, tant sur la forme que sur le fond. La Chambre et la Grande Chambre constituent respectivement les formations ordinaires et extra-ordinaires de jugement.
La Chambre se compose de sept juges et constitue la formation ordinaire de jugement des affaires. Le juge élu au titre de l'État membre impliqué dans le litige est membre de droit de la Chambre[Conv 10]. Les chambres sont chargées en premier lieu de statuer sur la recevabilité des requêtes, examinées ou non par les comités. À cet effet, les chambres statuent séparément en matière d'examen de recevabilité et d'examen sur le fond[Conv 11]. En second lieu, une chambre peut décider de se dessaisir au profit de la Grande Chambre, lorsque la Chambre « soulève une question grave relative à l'interprétation de la Convention ou de ses Protocoles, ou si la solution d'une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour », et ce, sauf opposition des parties[Conv 12].
La Grande Chambre est une formation extraordinaire de jugement. Elle est composée de 17 juges, dont le juge élu au titre de l'État membre impliqué dans le litige, le président de la Cour, les vice-présidents, les présidents des chambres et d'autres juges désignés par tirage au sort[Conv 13]. La Grande Chambre se prononce sur les affaires qui lui ont été déferrées, et les demandes d'avis consultatif dont elle a été saisie[Conv 14]
Le jurisconsulte a été institué en 2001 avant d’être consacré en 2014 dans le règlement de la Cour, dont l’article 18 B, intitulé « Jurisconsulte », dispose : « Aux fins de la qualité et de la cohérence de sa jurisprudence, la Cour est assistée d’un jurisconsulte. Celui-ci fait partie du greffe. Il fournit des avis et des informations, notamment aux formations de jugement et aux membres de la Cour. »
La Cour européenne des droits de l’homme est la seule juridiction internationale dotée d’un jurisconsulte.
Nom | Mandat | État d'origine |
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Lawrence Early | Depuis | Royaume-Uni |
Vincent Berger | 2006-2013 | France |
Michele de Salvia | 2001-2005 | Italie |
En pratique, le jurisconsulte assure une veille jurisprudentielle et s’efforce de prévenir les conflits de jurisprudence. Il examine tous les projets d’arrêt et de décision qui sont soumis aux chambres constituées au sein des cinq sections, et formule ensuite des observations qu’il adresse à tous les juges de la Cour et aux responsables du greffe. Il rédige chaque semaine un flash jurisprudentiel confidentiel, réservé aux juges et aux juristes du greffe et consacré aux développements intervenus dans les sections durant la semaine écoulée. Il assiste à toutes les délibérations de la grande chambre et du collège de celle-ci. Par ailleurs, il fait souvent office de greffier de la grande chambre et de porte-parole jurisprudentiel de la Cour.
Le titulaire du poste est choisi par le bureau de la Cour et nommé par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, au terme d’un concours ouvert aux ressortissants des États membre de l’organisation, quarante-sept actuellement. Il a rang de directeur au Conseil de l'Europe.
La Cour publie sur son site l'analyse statistique de ses activités[10].
La Cour a rendu plus de 12 000 arrêts. Cela est lié à une quasi-automaticité de la saisine après épuisement des voies de recours internes.
Bien connue des avocats et donc des 800 millions de justiciables européens, la CEDH est menacée d'asphyxie tant les requêtes se multiplient : 60 000 requêtes nouvelles chaque année. Les statuts de la Cour ont été modifiés (via l'adoption du protocole 14) pour permettre qu'un juge unique puisse traiter les cas les plus simples. De la sorte, le nombre des affaires pendantes est passé en six mois de 160 000 à 150 000.
Les États ayant fait l'objet du plus grand nombre de condamnations sont :
État | Condamnations | Accords à l'amiable |
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Italie | 325 | 49 |
France | 61 | 6 |
Turquie | 54 | 45 |
Royaume-Uni | 30 | 6 |
La Cour publie sur son site le recueil des arrêts et décisions ainsi que leur analyse jurisprudentielle.
L'une des retombées de ces activités est l'évolution de la doctrine juridique sur les Droits de l'homme eux-mêmes. C'est le cas de la jurisprudence qu'elle construit progressivement sur les différends entre les États et les particuliers qui commence à être prise en compte par la doctrine juridique dans de nombreux pays, même non européens. Mais il ne s'agit pas que de doctrine, une autre retombée plus concrète est la modification de la législation à la suite d'une condamnation, comme en France avec la promulgation de la loi sur les écoutes téléphoniques du à la suite d'une condamnation de la France par les arrêts Kruslin et Huvig du .
De plus, étant donné que la Convention européenne des droits de l'homme peut être directement invoquée en France devant les tribunaux, il est possible de se prévaloir de l'interprétation faite par la Cour de Strasbourg pour que le juge écarte la loi contraire à la Convention[12]. Ainsi, aussi bien le juge administratif que le juge judiciaire ont chacun à leur tour rendu inopérantes des lois françaises car elles créaient des violations des droits garantis par la Convention. Enfin, la France a créé dans le cadre de sa Cour de cassation une « commission de réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme »[13].
La Cour dispose d'une compétence subsidiaire en matière de violation des droits de l'homme. Le requérant doit avoir épuisé les voies de recours internes de son État pour engager un recours devant cette juridiction supranationale. Par ailleurs, les requêtes doivent satisfaire certaines conditions pour être déclarées recevables, et examinées au fond. Les requêtes sont nécessairement dirigées contre un État contractant de la Convention.
La CEDH édite pour information le « Guide pratique sur la recevabilité » [PDF].
L'article 35 de la convention européenne des droits de l'homme établit comme condition préalable à la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme, l'épuisement des voies de recours internes. Cette condition est la conséquence de la compétence subsidiaire de la juridiction supranationale, conçue comme un organe de contrôle de l'application de la convention. Les juridictions des États signataires sont chargées d'appliquer la convention, et de faire disparaître les violations des droits de l'homme. Pour saisir la Cour, le requérant doit établir l'incapacité des juridictions nationales à remédier aux manquements, en exerçant les recours utiles, efficaces et adéquats, et en invoquant en substance une violation de la convention[14].
Le requérant doit épuiser les voies de recours internes adaptées « au redressement de la violation des droits de l'Homme dont il se dit victime »[14]. Autrement dit, les recours internes doivent être utiles, efficaces et adaptés à la situation du requérant.
Les recours adaptés sont ceux qui peuvent supprimer la cause de la violation des droits de l'homme. Les recours efficaces s'entendent des recours qui relèvent de la compétence d'autorités ayant le pouvoir de redresser la violation alléguée. L'utilité d'un recours s'apprécie quant aux chances de succès du requérant devant une juridiction donnée, compte tenu de sa jurisprudence antérieure. La Cour européenne des droits de l'homme a précisé, concernant la France, « que le pourvoi en cassation figure parmi les voies de recours à épuiser en principe pour se conformer à l'article 35 [de la Convention] »[15].
Le principe de l'épuisement des voies de recours internes connaît certains aménagements. En premier lieu, des allégations sérieuses de tortures peuvent dispenser le requérant d'épuiser les voies de recours internes[16]. En second lieu, le citoyen peut épuiser les voies de recours internes avec l'aide d'une association[17].
L'invocation en substance est un principe de recevabilité des requêtes complémentaire à l'épuisement des voies de recours. La Cour européenne des droits de l'homme impose au requérant « d'avoir soumis en substance aux autorités nationales le grief qu'il fait valoir devant les organes de contrôle de Strasbourg »[18]. À cet effet, la Cour européenne des droits de l'homme estime que cette condition est satisfaite, lorsque le requérant a seulement évoqué des dispositions de droit interne équivalentes à celles devant la CEDH devant les juridictions nationales[19]. En revanche, la Cour a rejeté le principe plus favorable de invocation en substance implicite[20]. Ainsi, le requérant « doit invoquer directement la CEDH ou se référer explicitement à des dispositions internes équivalentes »[21].
La Cour européenne des droits de l'homme peut être saisie par une personne physique, une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention et ses protocoles, par l'un des États contractants[Conv 15]. Cette conception des droits naturels de l'homme confère un droit de saisir la Cour à toute personne, indépendamment de sa nationalité ou de son lieu de résidence actuelle. Cependant, le requérant doit être victime d'un manquement d'un État contractant à ses engagements.
Le droit de recours individuel est ouvert à toute victime directe[Conv 16], indirecte[22] ou potentielle[23] d'une violation des droits de l'homme, résultant d'un manquement d'un État contractant. La Cour européenne des droits de l'homme reconnait que le frère d'une victime peut introduire une requête en son nom, sans avoir reçu de procuration[24]. Par ailleurs, la Cour a admis qu'une association de protection de l'environnement puisse engager un recours pour défendre l'intérêt général, et non des victimes particulières[25].
Ce recours a fait l'objet d'une évolution : jusqu'à l'entrée en vigueur du protocole 11, il fallait que l'État ait accepté que les individus usent d'un tel recours. Il a fallu attendre la fin des années 1980 pour que la France accepte que les individus puissent saisir la Cour. Depuis 1998, il est automatique, les États n'ont plus à acquiescer pour qu'un individu puisse saisir la Cour.
La Cour européenne des droits de l'homme retient une interprétation extensive de l'article 34 de la Convention, pour élargir la notion d'organisation non gouvernementale. Le droit de saisir la Cour est désormais reconnu aux personnes morales, telles les sociétés commerciales[26] et les personnes morales de droit public n'exerçant aucune prérogative de puissance publique, tout en jouissant d'une autonomie complète par rapport à l'État[27]. Cependant, un seul article de la Convention EDH (plus précisément l'article premier du premier protocole additionnel, relatif au droit à la propriété) dispose que sa protection s'étend aussi bien aux personnes physiques que morales.
Toutefois, les collectivités locales sont privées du droit de saisir la Cour européenne des droits de l'homme[28].
Il existe également une procédure inter-étatique par laquelle un État peut en attaquer un autre, mais son usage est très peu courant.
Pour être recevable, une requête doit être introduite dans les six mois (d'après le protocole no 14 en vigueur. Le protocole no 15 prévoit un délai de quatre mois, mais n'est pas encore entré en vigueur car tous les États ne l'ont pas encore signé) suivant la date de la dernière décision interne définitive[Conv 17], et doit être signée par le requérant ou son représentant[Conv 18]. Il faut aussi que le requérant ait, devant la juridiction nationale, soutenu qu'il était victime d'une violation de la Convention européenne des droits de l'homme. La règle non bis in idem constitue un autre critère de recevabilité des requêtes, au terme duquel la Cour ne retient aucune requête individuelle lorsqu'elle « est essentiellement la même qu'une requête précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance internationale si elle ne contient pas de faits nouveaux »[Conv 19]. D'autre part, la Convention prévoit deux conditions négatives de recevabilité des requêtes individuelles[Conv 20]. En premier lieu, une requête serait manifestement mal fondée « s'il n'existait aucun commencement de preuve à l'appui des faits invoqués ou si les faits établis ne révélaient même pas une apparence de violation de la CEDH »[29]. En second lieu, les requêtes sont jugées abusives lorsqu'elles contiennent des propos insultants à l'égard d'un État ou de ses représentants, ou lorsqu'elles sont fantaisistes ou provocatrices[29].
La requête adressée à la Cour est attribuée par le président de la Cour à une section, et examinée par un juge rapporteur nommé par la Chambre à laquelle il appartient[Conv 21]. Le juge rapporteur demande aux parties de soumettre tous les renseignements nécessaires et pertinents à l'examen de la cause, et décide si l'affaire doit être examinée par le comité ou la chambre. Le comité saisi de la recevabilité d'une requête ne peut la déclarer irrecevable ou la rayer du rôle qu'à l'unanimité des membres du comité. À défaut d'une telle unanimité, la requête est adressée à la chambre qui peut admettre sa recevabilité, déclarer son irrecevabilité ou la rayer du rôle à la majorité simple des voix. La Grande chambre peut également être saisie de l'admissibilité d'une requête dans les cas les plus sensibles[30].
Le protocole 14 permet l'exclusion des requêtes répétitives. C'est un premier élément qui permet d'orienter les affaires. Il va évacuer les affaires qui auront déjà donné lieu à une décision et vont se retrouver traitées les affaires qui « méritent » d'être traitées. 60 % des requêtes sont des requêtes répétitives. Cette capacité de filtrage est visible.
Ne sont pas examinées les affaires qui ont donné lieu à un préjudice peu important. Les juges ont lié cette condition à une jurisprudence importante.
Le protocole 14 est entré en vigueur le après la ratification de la Russie, qui était le seul État du Conseil de l'Europe à s'opposer à la ratification du protocole, bloquant ainsi la réforme de la Cour. Le , avec 392 voix sur 450, la Douma d’État russe a finalement donné son feu vert[31].
Une fois la requête déclarée recevable, l'affaire est instruite par une chambre de section qui dispose de pouvoirs d'instruction, et peut indiquer des mesures provisoires et solliciter l'avis de tiers. La chambre tente, après examen contradictoire des éléments, de parvenir à un règlement amiable de l'affaire, et le cas échéant, rend un arrêt susceptible de renvoi devant la Grande chambre.
Une fois la requête déclarée recevable, la chambre saisie de l'affaire dispose de larges pouvoirs d'instruction en vue d'établir contradictoirement les faits de la cause. Les mesures d'instruction peuvent être adoptées soit d'office, soit à la demande des parties[Conv 22]. À cet effet, la chambre peut solliciter la production d'éléments de preuves écrites ou l'audition de témoins et d'experts, en principe à huis clos[Conv 23]. La chambre peut également désigner un ou plusieurs juges de la Cour pour procéder à la visite des lieux en vue de recueillir des renseignements[Conv 24]. La chambre peut également indiquer des mesures provisoires et solliciter l'avis de tiers à l'affaire.
Quand l'exécution d'une décision d'une autorité d'un pays est considérée comme pouvant entraîner des dommages irréparables, la Cour, saisie en procédure d'urgence, peut ordonner à l'État considéré des mesures provisoires[32],[33],[34].
La Cour a publié des instructions pratiques pour la mise en œuvre de cette procédure[35].
La chambre saisie de l'affaire, ou son président, peuvent indiquer aux parties l'exécution de mesures provisoires qu'ils estiment adaptées à la situation. Certains auteurs jugent ces mesures « indispensables pour empêcher que l'État défendeur ne mette à profit la durée de la procédure européenne pour créer une situation irréversible gravement attentatoire aux droits de l'Homme, et empêcher ainsi l'exercice efficace du droit de recours individuel au mépris de l'article 34 in fine de la CEDH »[36]. La Grande chambre de la Cour a jugé que l'inobservation des mesures provisoires portait atteinte à l'effectivité du droit de recours individuel, garanti par l'article 34 de la Convention[37]. Le prononcé des mesures provisoires est conditionné au risque avéré de préjudice imminent et irréparable[38], mais les mesures provisoires « sont de plus en plus souvent adoptées par la Cour […] et permettent de conférer, insensiblement, un caractère suspensif de substitution au recours individuel exercé devant la CEDH »[39].
Selon le juge Jean-Paul Costa, cette procédure est une ébauche d'une procédure de référé de la cour, qui reste à consolider[40].
L'article 36 de la Convention, modifié par le protocole no 11, a introduit une procédure de tierce intervention destinée à aider la Cour à se prononcer en toute connaissance de cause. À cet effet, le Président de la chambre peut inviter une personne à présenter des observations écrites, ou à prendre part aux audiences. Les personnes sollicitées s'entendent des États contractants dont un ressortissant est requérant, des États contractants qui ne sont pas parties à l'affaire, et plus généralement de « toute personne intéressée ». Ainsi, la Conférence des évêques catholiques d'Angleterre et du pays de Galles et un organisme de recherche ont été invités à donner leur avis sur les questions liées au suicide assisté[41]. De même, le HCR a présenté des observations écrites sur la question de la détention d'un demandeur d'asile[42].
Après avoir admis la recevabilité de la requête individuelle, la chambre saisie se met à la disposition des parties, pour parvenir à un règlement amiable de l'affaire. Le cas échéant, la chambre se prononce par un arrêt.
Le règlement amiable de l'affaire doit être tenté à l'initiative de la chambre, dans le respect des droits de l'homme reconnus par la Convention et ses protocoles[Conv 25]. Le règlement amiable se traduit par une radiation de l'affaire du rôle, et le prononcé par la chambre d'une brève décision se limitant à l'exposé des faits et de la solution retenue[Conv 26].
À défaut de règlement amiable, et après examen contradictoire de l'affaire, la chambre saisie rend un arrêt qui se prononce sur l'existence ou non d'une violation de la Convention et de ses protocoles. Si la violation alléguée est reconnue, et que le droit interne ne permet pas de réparer efficacement les effets de la violation, la chambre peut accorder à la partie lésée une satisfaction équitable sous forme de dommages-intérêts[Conv 27]. Les arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l'homme sont obligatoirement motivés. Les juges peuvent exprimer leur opinion individuelle, concordante ou dissidente, en annexe de l'arrêt[Conv 28]. Il est arrivé que des juges ajoutent à l'arrêt, non pas une opinion, mais une « déclaration ».
Les arrêts rendus en chambre ordinaire deviennent définitifs, lorsque les parties annoncent leur intention de ne pas saisir la Grande chambre, ou trois mois après le prononcé de l'arrêt en l'absence de saisine de la Grande chambre[Conv 29]. Le protocole 11 prévoit que les affaires jugées peuvent faire l'objet d'un réexamen dans la Grande Chambre à condition que l'affaire comporte un problème d'interprétation ou que l'affaire donne lieu à une contradiction de jurisprudence. La Cour va examiner de nouveau l'affaire au fond. Le renvoi donne lieu à un arrêt. L'arrêt définitif ne peut faire l'objet que de deux seuls recours : recours en interprétation ou recours en révision. Les États contractants s'engagent à exécuter les arrêts définitifs, sous la surveillance du Comité des ministres[Conv 30], mais la Cour européenne des droits de l'homme est une juridiction supranationale dépourvue de pouvoir de coercition à l'égard des États. Le comité des ministres est habilité à saisir la Cour contre un État qui, après mise en demeure, continuera de ne pas exécuter l'arrêt de la Cour. On parle de recours en manquement d'un État. La décision est prise à la majorité qualifiée.
La Grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme se prononce sur le fond dans les affaires interétatiques, et dans les affaires individuelles en deux hypothèses.
Une chambre de section saisie d'une affaire peut se dessaisir au profit de la Grande chambre, en l'absence d'arrêt définitif et sauf opposition des parties, lorsque l'affaire « soulève une question grave relative à l'interprétation de la Convention ou de ses Protocoles, ou si la solution d'une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour »[Conv 12].
En présence d'un arrêt rendu par une chambre de section, un requérant peut demander le renvoi de l'affaire devant la Grande chambre de la Cour, dans un délai de trois mois à compter du prononcé de l'arrêt[Conv 31]. La demande de renvoi est examinée par un collège de cinq juges de la Grande chambre, et l'accepte seulement lorsque « l'affaire soulève une question grave relative à l'interprétation ou à l'application de la Convention ou de ses Protocoles, ou encore une question grave de caractère général »[Conv 32]. Les auteurs relèvent que « les parties laissent devenir définitifs l'immense majorité des arrêts de Chambre en ne demandant pas le renvoi dans les trois mois et que, le feraient-elles, le collège de cinq juges n'accepte leur demande qu'avec la plus extrême parcimonie »[43].
La Grande chambre peut infirmer légèrement[44] ou plus radicalement[45] les arrêts de chambre de section. Elle peut également déclarer irrecevable une requête qu'une chambre avait déclaré recevable[46], et peut parfois autoriser un réexamen de l'ensemble de l'affaire[47].
La Cour européenne des droits de l'homme a précisé que ses arrêts sont essentiellement déclaratoires[48], et se contentent de déclarer l'existence ou non d'une violation de la Convention et des protocoles. La compétence supraétatique subsidiaire de la Cour l'empêche d'abroger les lois et les décisions, ou d'annuler les décisions de droit interne à l'origine de la violation des droits. Ainsi, les arrêts de la Cour « ont une portée individuelle limitée à une compensation pécuniaire »[49]. La portée obligatoire des arrêts définitifs est limitée en premier lieu par la compétence supraétatique de la Cour. En second lieu, les arrêts de la Cour ne valent pas titre exécutoire en droit interne. Leur exécution est normalement contrôlée par le Comité des ministres[Conv 33], mais la Cour se reconnaît la compétence de surveiller l'exécution de ses arrêts, à la demande d'un requérant individuel[50]. En dernier lieu, la portée des arrêts de la Cour est limitée par l'autorité de chose jugée des décisions de droit interne.
La satisfaction équitable, de nature exclusivement pécuniaire[51], est accordée à la victime « lorsque le droit interne de l'État mis en cause est impuissant à faire disparaitre complètement la violation constatée »[52]. L'indemnité allouée par la Cour, et à la charge de l'État reconnu coupable d'une violation des droits de l'homme, correspond aux frais et dépens exposés, et au préjudice matériel et moral de la victime[53]. Le montant de la somme allouée peut être considérable : ainsi, l'État français a été condamné à verser près d'un million d'euros aux victimes d'une liquidation discriminatoire[54]. L'État condamné doit effectuer le versement de l'indemnité dans les trois mois suivant l'arrêt[55], et la Cour peut ordonner le versement d'intérêts moratoires en cas de dépassement de ce délai[56].
La Cour européenne des droits de l'homme est compétente pour interpréter la Convention et ses protocoles additionnels[Conv 34] selon les règles générales d'interprétation des traités définies par la Convention de Vienne du [57]. Cependant, la Cour s'est affranchie d'une interprétation littérale au profit d'une interprétation téléologique des textes, afin de leur garantir une meilleure effectivité et « de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs »[58].
La Cour estime que le principe de prééminence du droit, visé dans le préambule de la Convention, est « un des éléments du patrimoine spirituel commun des États membres du Conseil de l'Europe »[59] et concerne la Convention dans son ensemble[60]. Ce principe de prééminence du droit a notamment fondé l'exigence de la Cour d'une protection adéquate contre l'arbitraire des immixtions de la puissance publique[61].
Les violations de l'article 4 doivent être sévèrement et efficacement sanctionnées en droit interne :
La régularité de la privation de liberté doit être contrôlée rapidement par un juge
L’intéressé a refusé de déférer à un ordre de la police lui enjoignant de quitter un lieu de fête. Il affirme que son arrestation et sa détention par la police sont une violation de l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention. La Cour considère que la durée de la détention policière couplée au retard dans le contrôle effectué par le juge n’a pas suffisamment respecté l’équilibre qu’il fallait établir entre la nécessité de garantir l’exécution de l’obligation imposée au requérant et le droit de celui-ci à la liberté. Dès lors, la Cour conclut à la violation de l’article 5, paragraphe 1, alinéa b de la Convention.Communiqué du Greffier.
On peut d'abord remarquer que sur un plan quantitatif, il s'agit de l'article le plus souvent invoqué par les requérants devant la Cour européenne des droits de l'homme. Le respect de la présomption d'innocence s'impose à tous :
L'égalité des armes devant les tribunaux, quels qu'ils soient, doit être assurée :
Les audiences des tribunaux doivent être publiques :
Les décisions des tribunaux doivent être exécutées :
Les tribunaux doivent être indépendants :
Obligation de rendre la justice dans un délai raisonnable
La Cour a examiné si la Norvège avait forcé un enfant n'étant pas d'obédience chrétienne à recevoir des cours sur le christianisme, ce qui ne correspondrait pas aux normes pluralistes établies sur le continent et aurait violé l'article 2 du protocole additionnel no 1 permettant aux parents d'éduquer leurs enfants en accord avec leurs convictions religieuses et philosophiques[70]. La Cour a décidé qu'au vu de la place du christianisme en Norvège, et du contenu des enseignements visés, la Norvège était dans sa marge d'appréciation.
Un ou plusieurs États parties à la Convention peuvent déposer une requête contre un autre État.
Le , le gouvernement russe a saisi la Cour pour dénoncer " l’existence en Ukraine d’une pratique administrative, notamment de meurtres, d’enlèvements, de déplacements forcés, d’atteintes au droit de vote, de restrictions à l’usage de la langue russe et d’attaques d’ambassades et de consulats russes ", ainsi que la coupure du ravitaillement en eau de la Crimée et la responsabilité dans la mort des passagers du vol MH17 de Malaysia Airlines (Affaire Russie c. Ukraine, n°36958/21)[72].
Le , quatre jours après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement ukrainien a saisi la Cour pour dénoncer des " violations graves et massives des droits de l’homme " et demander des mesures provisoires (Affaire Ukraine c. Russie X, n°11055/22)[73].
La France a été condamnée 23 fois en 2011 pour avoir enfreint la Convention européenne des droits de l'homme. Soit, depuis la création de la Cour dans les années 1950, un total de plus de 600 condamnations. Les principaux domaines incriminés — qui ont dû faire l'objet d'un réaménagement de la législation française — sont : les conditions de détention, la réglementation des étrangers, le domaine des mœurs et de la famille[74].
En juin 2022, la Russie a adopté une loi selon laquelle elle n'appliquera pas les décisions de la CEDH prises après le , date à laquelle elle a quitté le Conseil de l'Europe[75]. Au juin 2022, la Russie devait aux plaignants 74 des 148 millions d'euros des dommages et intérêts auxquels elle a été condamnée par la CEDH depuis son adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, sans compter 1,9 milliard d'euros que Moscou a été condamné à verser aux ex-actionnaires du groupe petrolier Ioukos[76].
Historiquement, la CEDH a été très tôt la cible de critiques. Charles de Gaulle ne reconnaîtra jamais réellement la compétence de la Cour européenne au motif que dans un État démocratique aucune institution ne saurait se placer au-dessus du peuple : « En France, la seule Cour suprême, c’est le peuple français. »[77].
L'étendue des pouvoirs de la CEDH a été critiquée comme une diminution réelle de la souveraineté du droit des différents États européens. Pour Pierre Lellouche, la CEDH est passée d'une vocation de protection des libertés fondamentales à une intrusion directe dans de nombreux domaines de la vie publique de chaque État qu'il juge dangereuse notamment en matière de sécurité nationale. Ce « gouvernement des juges » serait un « déni démocratique » d'autant plus « tyrannique puisqu’il n’y a aucun recours possible une fois que la Cour a rendu un arrêt »[78].
Pour Bernard Edelman, la Cour est devenue une « institution tyrannique, aux réactions imprévisibles »[79],[80]. Pour Bertrand Mathieu, la CEDH ne cesse de dépasser son rôle premier et de s'immiscer dans le champ du politique. Il rappelle que « dans une démocratie, c’est au législateur qu’il appartient de définir l’intérêt général ». Ce pouvoir glisse, selon lui, progressivement entre les mains des juges[81].
Les critiques vis-à-vis de la CEDH grandissent à mesure que son ingérence dans les jurisprudences nationales sur les questions de société sont jugées inacceptables par les membres des différents États européens[82]. Après que la CEDH a pris plusieurs décisions en opposition avec les traditions politiques du Royaume-Uni (droit de vote des prisonniers[83]...), en 2012, David Cameron dénonce plusieurs défauts de fonctionnement et le fait que la Cour soit devenue une instance de dernier ressort[84]. Bien qu'opposé au Brexit (2016), le premier ministre du Royaume-Uni s'est servi du référendum comme moyen de pression pour demander des concessions à Bruxelles telle que l'abrogation de la loi britannique qui oblige les tribunaux à appliquer les arrêts de la CEDH[85].
En 2015, cinquante-six députés français de l'Union pour un mouvement populaire dénoncent, dans une proposition de résolution, le « gouvernement des juges » et leur « soi-disant ‘progressisme juridique’ »[86].
Pour le Groupe Plessis, association créée par quelques hauts fonctionnaires en réaction au mariage pour tous[87], la CEDH pose « un véritable problème démocratique ». François Fillon, candidat à l’élection présidentielle française en 2017, adopta ce même discours, menaçant de quitter la CEDH si elle ne se réformait pas[88],[89]. Pour l'élection présidentielle de 2017, comme celle de 2022, plusieurs prises de positions de candidats conservateurs ciblent la CEDH jusqu'à éventuellement appeler à un « Frexit » de l'institution[90],[91].
Entre et , la Cour est l'objet de critiques relayées par certains à la droite[92] et à l'extrême droite[93], affirmant qu'elle aurait attenté à liberté d'expression en validant la condamnation d'une Autrichienne pour « dénigrement de doctrine religieuse ». Celle-ci avait parlé de pédophilie, Mahomet ayant épousé Aïcha, alors âgée de six ans et consommé le mariage lorsqu'elle était âgée de neuf ans[94]. Cette condamnation a été justifiée par le fait que cette critique outrepassait le rejet critique et incitait à l'intolérance religieuse, la juridiction autrichienne considérant qu'en voyant dans la pédophilie la préférence sexuelle générale de Mahomet, la demanderesse n'avait pas fait preuve de neutralité historique[95].
Une enquête du lobby conservateur Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), publiée en février 2020, mettant en cause l'indépendance de juges de la Cour qui auraient des conflits d'intérêts avec l'Open Society, suscite une controverse[96],[97]. Ce rapport à charge, doublé par un deuxième rapport publié en 2023[98], est considéré comme une attaque malveillante contre la Cour par de nombreux spécialistes[96]. Mark Elis, président de l'International Bar Association, constate notamment « des raisonnements fallacieux et des fabrications »[99].
Le Royaume-Uni après le Brexit souhaite développer une législation qui lui permette d'esquiver certaines décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Concrètement, le ministre britannique de la Justice, Dominic Raab, pense que ce n'est pas à la Cour européenne de Strasbourg de « donner des ordres » sur des sujets comme le National Health Service (le service public de santé), la protection sociale ou les forces de police.
Selon lui, ces services publics devraient être régis par des « parlementaires élus », plutôt que par une « législation judiciaire ». Il dit souhaiter que la Cour suprême du Royaume-Uni ait le dernier mot sur l'interprétation des lois du pays. Le ministre a qualifié de « problème grave » le fait que des criminels étrangers utilisent la clause dite de « droit à la vie familiale » de la loi sur les droits de l'homme pour empêcher leur expulsion[100].
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