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série de peintures de Francisco de Goya De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Les Cartons de Goya (en espagnol : Cartones de Goya) sont un ensemble d'œuvres peintes par Francisco de Goya entre 1775 et 1792 pour la Fabrique royale de tapisserie. Bien qu'il ne s'agisse pas des seuls cartons pour tapisserie réalisés pour l'usine royale (d'autres peintres y ont en effet opéré, tels que Mariano Salvador Maella, Antonio González Velázquez, José Camarón Boronat ou encore José del Castillo), ce sont les plus connus et ceux auxquels l'histoire de l'art a octroyé l’appellation « carton pour tapisserie » par antonomase, en Espagne.
Dans leur majorité, ils représentent des thèmes bucoliques, cynégétiques, ruraux et populaires. Ils suivent strictement les goûts du roi Charles III et du couple princier Charles IV et Marie-Louise, et étaient supervisés par d'autres artistes de l'usine tels que Mariano Salvador Maella et les frères Bayeu.
Après une riche carrière dans sa région d'Aragon, le peintre de la Cour Francisco Bayeu obtient que son beau-frère Goya aille à Madrid pour travailler sur des œuvres de décoration pour les palais royaux. À cette époque Anton Raphael Mengs est l'artiste le plus reconnu de la Cour après la mort en 1770 de Giambattista Tiepolo. Ce sera cet emploi à la Cour qui donnera le plus de satisfaction à l'ambition de l'aragonais, et ce qui le convertira finalement en l'artiste de mode de la classe puissante de Madrid. Entre 1780 et 1786, il abandonne le poste pour utiliser son temps comme artiste dans d'autres activités particulières.
Les cartons pour tapisserie sont structurés en quatre séries (englobant en fait sept séries[N 1]), chacune ayant un numéro différent d'œuvre et de thématique. Un trait commun qu'elles ont toutes est la présence de sujets champêtres et des diversions populaires, tandis que seule la première montre des thèmes relatifs à la chasse.
Une fois achevés, les cartons se cousaient sur tapisserie et se plaçaient dans la pièce des palais royaux à laquelle ils étaient destinés. La plus grande partie des œuvres est conservée au Musée du Prado, tandis que d'autres cartons le sont dans des pinacothèques privées et autres musées en Espagne et dans d'autres pays.
En 1858, les œuvres sont transférées au sous-sol du palais royal de Madrid, où certaines furent dérobées en 1870. Cette année, Gregorio Cruzada Villaamil se charge de cataloguer toutes les œuvres et de les montrer au public dans le Musée du Prado. Elles sont cataloguées dans cette institution de manière officielle pour la première fois en 1876. Cependant, quelques petites esquisses (peintes par Goya pour l'approbation des thèmes) sont en possession des ducs d'Osuna, dont les descendants les mirent aux enchères en 1896. Lors de celles-ci, certaines peintures furent achetées par le Musée du Prado et d'autres par des collectionneurs tels que Pedro Fernández Durán et José Lázaro Galdiano.
Goya put grandir comme artiste et élever sa condition sociale au travers de ces pièces, qui le convertirent en un peintre très prisé par les hautes sphères madrilènes ; il est admis à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando et il obtient en 1789 le poste de Peintre de la Cour de Charles IV — celui qui était alors le prince des Asturies.
En 1774, Goya a 28 ans. Né à Fuendetodos, un village proche de la capitale aragonaise, l'une de ses plus grandes ambitions est de s'établir à Madrid, la capitale du royaume, une ville qui se modernise rapidement grâce au travail des Bourbons, une dynastie qui, malgré sa présence assez récente (70 ans), est bien consolidée en Espagne.
Goya essaya par deux fois d'être admis à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando, mais à chaque fois, les tableaux qu'il avait envoyés furent refusés.
Il voyagea en Italie, grand centre culturel de l'époque. C'est là-bas qu'il réalisa son premier tableau historique, Hannibal vainqueur contemple pour la première fois l'Italie depuis les Alpes[1]. Cependant, il n'obtint pas une bonne position au concours et décida de rentrer en Espagne, où il commença sa fameuse série de fresques dans la Chartreuse d'Aula Dei[2].
Goya se maria avec Josefa Bayeu, sœur des reconnus frères Bayeu. Peu après, son beau-frère Francisco lui obtint une place à la Cour, probablement suivant les ordres d'Anton Raphael Mengs[3]. Tomlinson fait remarquer qu'entre avril et décembre 1774, Goya est toujours en train de réaliser ses fresques pour la Chartreuse d'Aula Dei, de telle façon qu'il n'intègre le groupe de peintres de Madrid que début 1775. Rapelli conteste catégoriquement cette théorie en affirmant que l'aragonais s'est installé dans la capitale espagnole en décembre 1774[4].
Le peintre se trouva dans la capitale avec une cour d’artisans et de peintres particulièrement grande. La Fabrique royale de tapisserie était le centre de l'activité artistique. Le Bohème Mengs dirigeait parfois le travail de Goya, et lors de ses très longues absences, c'est à Francesco Sabatini qu'incombait cette tâche. De façon ponctuelle, Bayeu et Maella, un autre peintre de cartons remarquable, prendront également cette responsabilité[5].
Il peignit quatre séries de cartons jusqu'en 1780, année où la crise économique l'obligea à suspendre la provision de cartons pour les instances royales. Goya décida alors de se diversifier. Peut-être fut-ce dû au souhait — alimentée certainement par le fait qu'il ait étudier sa vie et son œuvre — d'émuler Diego Velázquez[6] : il s'essaya à la peinture chez particulier. Il revint à sa terre natale et peignit la coupole et les pendentifs de la Regina Martyrum de la basilique du Pilar de Saragosse, ce qui entraînera des conflits avec son beau-frère Francisco Bayeu ainsi que le chapitre de la cathédrale de Saragosse. De retour à Madrid, il réalise plusieurs portraits pour la haute société, en particulier ceux des Ducs d'Osuna. Il peignit également Saint Bernardin de Sienne prêchant devant Alphonse V d'Aragon pour la basilique de Saint-François-le-Grand et intègre l'Académie royale des beaux-arts avec son œuvre religieuse la plus connue, Christ crucifié, une magnifique fusion du style velasquien et de celui de Mengs. Peu après, il rencontre l'infant Louis Antoine de Bourbon, frère du roi et exilé de la cour à la suite de son mariage morganatique. L'infant devient son mécène et l'introduit dans les cercles de l'aristocratie. Il est très probable que Goya ait décidé de redevenir peintre de cartons pour tapisserie après la mort de son protecteur, en 1785[7].
En 1786, Goya revint à la fabrique et peignit des cartons qui dénotaient déjà un certain vérisme (La Nevada et El Albañil herido). La dernière série qu'il réalise préfigure des éléments — le fiancé avec un visage simiesque de La Boda (« Le Mariage ») — que l'aragonais exprime un peu plus tard dans ses Caprichos.
Six ans plus tard, en 1792, Goya souffrit d'une maladie qui devint le tournant de sa carrière. Il ne revint jamais à ses anciennes tâches de peintre de cartons et commença alors à se consacrer à des œuvres plus personnelles. Cependant, il continua à peindre d'autres œuvres pour la cour, comme La Famille de Charles IV.
Hagen met en évidence l’ascension sociale de Goya : d'un simple peintre de province, il devint un grand artiste de la cour. En 1786, Goya acquit sa première voiture et était un peintre très sollicité. Il décrivit à son ami Zapater un voyage d'essais, où il faisait comprendre qu'il jouissait d'une excellente situation économique, appartenant à l'Académie de San Fernando et étant proche de devenir Peintre du roi[8].
José Gudiol, l'un des premiers experts sur l'œuvre du maître de Fuendetodos, affirme que chez Goya se mélangent l'empreinte indélébile du monde courtisan et la grâce du monde populaire, qui ont toujours alterné dans l'esprit du peintre[9].
Jeannine Baticle, une autre des grands spécialistes de Goya, indique qu'il devient l'« héritier fidèle de la grande tradition picturale espagnole. Chez lui, l'hombre et la lumière créent de puissants volumes construits dans l'empattement, éclairés par de brefs traits lumineux dans lesquels la subtilité des couleurs produit des variations infinies[10] ».
La mort sans descendance du dernier Habsbourg espagnol, Charles II, a eu pour conséquence une longue guerre de succession entre les puissances européennes qui a fini par la reconnaissance de Philippe d'Anjou comme roi d'Espagne sous le nom de Philippe V. Celui-ci, petit-fils de Louis XIV, introduit la mode française en Espagne, et emmène avec lui des artistes français tels que Hyacinthe Rigaud et Louis-Michel van Loo.
À partir des années 1730, la présence d'Italiens dans la cour madrilènes est devenue plus importante, du fait que la seconde épouse de Philippe V, la parmesanne Élisabeth Farnèse, avait une grande préférence pour la culture de la péninsule italienne[11]. Jacopo Amigoni et Giambattista Tiepolo seront les Italiens les plus remarqués en Espagne, mais sous le règne de Charles III, cela changera avec une préférence accordée au Bohème Anton Raphael Mengs. Ce dernier sera le dernier peintre étranger à la cour d'Espagne, ce que Tomlinson appelle « la nationalisation de la peinture espagnole sous Charles III[12] ».
Il est envisageable qu'une telle nationalisation de l'art vienne d'une profonde hostilité du peuple espagnol vis-à-vis des étrangers, notamment du fait de l'échec de la Guerre de Sept Ans. Tout ce mouvement se conclut par la révolte contre Esquilache, qui voit les Espagnols reprendre peu à peu les rênes du pays aux Français, par l'intermédiaire des comtes d'Aranda et de Floridablanca.
En 1782, a lieu une brève tentative de reprise de la Fabrique royale de tapisserie par des artisans espagnols, mais le roi rejette ces demandes et cède la direction de la fabrique au flamand Jacobo Vandergoten, censé être un parent de la famille qui avait fondé la fabrique plus de soixante ans auparavant.
Les sept séries de cartons pour tapisserie sont composées au total d'entre 60 et 73 œuvres. Certains auteurs, comme Rapelli, les estiment à 63[13].
Juan Ramón Triadó Tur évalue lui dans Museo del Prado un nombre exact de 60 cartons, bien qu'il ne pourrait s'agit que des œuvres présentes dans ledit musée[14].
Les trois plus grands spécialistes des cartons de Goya, Nigel Glendinning, Valeriano Bozal et Janis Tomlinson datent l'ensemble des séries entre 1775 et 1792. En prenant en compte la pause de six ans déjà mentionnée, cela fait douze ans de travail de Goya à la Fabrique royale de tapisserie.
La taille et les motifs des cartons sont intimement liés à la hiérarchie et aux lieux auxquels les tapisseries sont destinées, dans les séjours royaux. Ils peuvent ainsi se diviser en draps — les compositions de plus grande extension, qui occuperaient l'espace le plus grand et qui délimiteraient le thème de toute la série — et en autres cartons plus petits destinés à des dessus-de-porte ou de fenêtre, ou encore en encoignure. Une lettre de Goya à son ami Martín Zapater détaille une rencontre avec le souverain et les princes en 1779, où il affirme que n'ont été montrées que les esquisses pour les scènes princières[15].
Lors de la réalisation de la datation des cartons, il n'y a pas eu de grandes discussions, puisque la Fabrique royale tenait à jour des registres détaillés des œuvres, toujours conservés aujourd'hui. Cependant, il existe un sérieux conflit concernant celle de La Poule aveugle. Des critiques de la trempe de Bozal et Glendinning affirment qu'elle a été réalisée en 1789 tandis que Tomlinson rejette cette théorie et affirme que l'œuvre a été achevée avant 1788 car la série à laquelle elle appartenait est restée inachevée à la suite de la mort de Charles III, le , et que Goya a reçu le convoité poste de Peintre de cour en avril 1789, ce qui diminuerait drastiquement son activité dans la Fabrique royale. Un petit guide des œuvres de Goya élaboré par le Musée du Prado, écrit par Manuela de Mena Marqués, stipule que La Poule aveugle a été réalisée en 1788-1789[16].
Il n'a pas non plus été déterminé à quelle série appartiennent El Columpio (« La Balançoire ») et El Juego de pelota a pala (« Jeu de balle avec raquette », toutes deux de 1779. Bien que la plupart de la critique penche pour l'antichambre, Tomlinson soutient qu'elles ont été peintes pour la chambre des princes au Palais du Pardo. Le site du Musée du Prado répertorie lui la première dans la quatrième série (antichambre)[17] tandis que la deuxième l'est dans la troisième (chambre)[18]. D'autres tableaux qui ont suscité des débats pour leur appartenance à une série sont El Muchacho del pájaro (« Le Garçon à l'oiseau »), El Niño del árbol (« L'Enfant de l'arbre ») et El Majo de la guitarra, tous situés par le musée du Prado dans la quatrième série (l'antichambre)[19]. Il a par ailleurs été difficile de déterminer si El Balancín (« La Balançoire ») est un carton pour tapisserie, car bien que Tomlinson est affirmative sur le sujet, une autre partie de la critique spécialisée le nie.
Comme le fait remarquer Tomlinson, il n'y a aucun doute que Goya a peint ces cartons pour tapisserie. Cependant, il y a eu des incidents les concernant. Le plus notable concerne Riña de gatos (« Combat de chats »), découvert dans le sous-sol du Prado dans les années 1980. Comme il n'a aucun rapport avec les autres cartons de Goya, surtout vis-à-vis de la série qui lui a traditionnellement été attribuée — la cinquième —, il y a un sérieux doute qu'il s'agisse d'un carton de l'Aragonais. En plus, il ne possède pas les mêmes traits stylistiques que ses autres œuvres de l'époque[20].
Une autre peinture dont la datation est douteuse est Las Gigantillas, que Bozal considère comme faisant partie de la septième série, destinée au bureau du roi à l'Escurial[21]. Le site du Musée du Prado le situe également dans cette dernière série[22].
En général, on considère certains tableaux pour la promenade des ducs d'Osuna comme faisant partie des cartons pour tapisserie, car ils possèdent les mêmes caractéristiques et thématiques, bien que la technique soit différente. Le cas le plus connu est celui de La Chute[23]. Un autre cas notable est celui d’Un Garrochista, peint vers 1795, mais la proximité chronologique de cette pièce avec les cartons fait que beaucoup de spécialistes pensent qu'il fait partie d'une série, tandis que le Musée du Prado le maintient en dehors des séries de cartons[24].
Les tapisseries sont des tissus élaborés d'une façon similaire à celle employée pour les tapis, qui permet, au moyen de la combinaison de fils de différentes couleurs et tons, de recréer visuellement des images réelles.
Les cartons étaient une esquisse très précise, de couleur et taille réelles et proposant le motif que les tisserands devaient reproduire. Ces peintures doivent leur nom de « carton » au matériel sur lequel les esquisses étaient peintes, plutôt que sur toile ou table[N 2]. Le choix d'un support aussi humble s'explique par le fait que ces modèles ou patrons n'étaient pas valorisés comme des œuvres d'art en elles-mêmes, et leur conservation n'était pas obligatoire. Les tapisseries obtenues étaient en général encadrées ou encastrées dans les murs prévus, bien que, comme l'indique Tomlinson, dans beaucoup de cas, cette tâche n'était pas réalisée, et les tapisseries étaient simplement pendues[25].
Le métier à tisser est l'instrument le plus précis pour dessiner une tapisserie et sa base est le fil de chaîne. Il s'agit d'un ensemble de fils parallèles dans le sens longitudinal sur lesquels on dessine les scènes des cartons. La confection de la tapisserie est une tâche très lente et qui se réalise au moyen de deux types de métiers à tisser : dans le métier de haute-lisse, le carton se situe derrière et le tisserand se sert d'un miroir pour manipuler le travail ; deux de basse-lisse permette une plus grande rapidité car le travail s'effectue à l'envers de la pièce ; par ailleurs, ce dernier diminue considérablement le coût de l'œuvre tandis que sa qualité est inférieure à celle des œuvres réalisées avec un métier à tisser de haute-lisse.
La Fabrique royale commença ses labeurs avec des métiers à tisser de basse-lisse, mais sept ans après, Antoine Lainger — de l'usine Gobelinos — installa ceux de haute-lisse. Ainsi, des résultats de meilleure qualité furent obtenus. 1727 est considéré comme l'année de l'apogée de la tapisserie en Espagne[26].
Un document de 1790 détaille le processus de réalisation des cartons. Les mesures de la salle où était destinée la tapisserie, en particulier des murs, étaient prises et envoyées au directeur de la fabrique. La plupart des clients demandaient des cartons de thèmes champêtres, cocasses, allégoriques, tandis que très peu demandaient des thèmes d'allusion historique.
Dans le cas spécifique des cartons de Goya, les tisserands de la Fabrique royale ont formulé des plaintes contre l'aragonais pour le détail avec lequel il réalisait les esquisses, en particulier dans le cas de La Pradera de San Isidro (« La Prairie de Saint-Isidore », 1788). Cette esquisse, de caractère pré-impressionniste, raconte une scène avec une telle quantité de minuscules détails qu'elle est impossible à reproduire sur tapisserie. Les restrictions artisanales se sont imposées dans ce cas, et à la suite de cette situation, conjuguée à la mort de Charles III, l'œuvre est restée à l'état d'esquisse[27].
Dans La Feria de Madrid (« La Foire de Madrid », 1777-1779), les trois personnages centraux de la composition sont très illuminés. Mais dans la tapisserie, d'autres détails ont dû être pris en compte — contrairement à ce qui arriverait quelques années plus tard avec La Prairie de Saint-Isidore — et la luminosité du tableau original a dû s'estomper. La tapisserie perdit en partie l'essence de l'esquisse. Dans La cometa (« Le Cerf-volant »), un tableau de structure pyramidale, les couleurs de la veste de l'homme au premier plan passèrent de rouge à ocre et jaune. En 1780, Goya peignit les esquisses de Las Lavanderas (« Les Lavandières ») et El Resguardo de tabacos (« La Cachette de tabac »), où ne sont inclus aucun détail qui se trouvent sur les tableaux finaux, mais il semblerait qu'ils aient été tracés par Goya en accord avec les tisserands principaux[6].
Le nombre de séries ne fait pas consensus au sein des critiques d'arts. Bozal pense à quatre séries, de même que Glendinning[N 3]. Tomlinson diffère en réalisant une chronologie de sept séries, de même que le site du musée du Prado[28] (et bien que le guide officiel évoque cinq séries[29]), en divisant les quatre séries proposées par Bozal et Glendinning. Ces derniers définissent la chronologie par résidences, qui voit la première série correspondre à l'Escurial, la deuxième au palais du Pardo, la troisième à la chambre du Pardo et la quatrième au bureau de l'Escurial, tandis que Tomlinson se base sur une analyse stylistique et sur la destination des tableaux. Pour plus de clarté, nous conserverons la structure utilisée par le musée du Prado, qui offre un sous-site Web consacré au cartons[28].
La structure de Bozal et Glendinning, avec les sous-séries distinguées par Tomlinson et le musée du Prado, pour plus de clarté, donne ceci :
L'ensemble indépendant des séries selon Tomlinson et le musée du Prado est donc comme suit :
Quand Goya arriva à Madrid, le roi était Charles III, féru de chasse, comme son fils Charles IV. La cour avait des sièges itinérants car le roi souhaitait passer la plupart du temps hors de la capitale et dans les sites royaux habilités pour les activités cynégétiques. La famille royale résidait au monastère de l'Escurial de septembre à décembre, ce qui rendit nécessaire d'habiliter des chambres qui jadis étaient destinées aux serviteurs des membres de la famille royale. Il fallut également décorer les chambres de tapisseries et cela amena le roi à engager de nouveaux peintres pour la Fabrique royale, dont Goya. En attendant, la famille royale se logea au palais du Pardo — à une quinzaine de kilomètres de Madrid — du 7 janvier au dimanche des Rameaux. Charles III dupliqua l’extension du site et ajouta une aile orientale à l'ensemble du palais. C'est là que furent accrochées beaucoup des tapisseries de Goya.
Bien que la peinture de cartons ne fût pas un travail qui amènerait à Goya une grande réputation[30], beaucoup d'auteurs spécialisés considèrent que Goya a essayé d'atteindre le sommet de la pyramide sociale par le biais de ses cartons. Il a en effet pu s'introduire grâce à eux dans la capitale, et, plus important, dans la Cour. Quelques années plus tard, il présentera directement au roi et aux princes ses œuvres, et parviendra même à baiser leurs mains. Ainsi, de simple peintre de province, il devint l'un des artistes les plus réputés de la Cour.
Dans les chambres royales, où étaient accrochées des tapisseries, primait le bon goût et la stricte observation des normes artistiques. L'Aragonais mélangea le rococo tiépolesque avec l'art néoclassique qu'Anton Raphael Mengs a mené à son apogée. Les scènes doivent, en plus, être charmantes et variées dans leurs thèmes. Bien que les œuvres ne soient pas d'un plein réalisme, certaines d'entre elles débordent de vérisme, comme Le Maçon blessé ou Les Pauvres à la fontaine.
Jusqu'alors, le maître de Fuendetodos n'avait travaillé que sur des scènes religieuses. Il fut donc nécessaire de s'éloigner du baroquisme tardif qu'exprimaient ces tableaux, de même que du rococo, afin de pouvoir obtenir des pièces « naturelles »[31]. Le néoclassicisme tellement en vogue lors des décennies antérieures à l'exécution des premiers cartons de Goya n'étaient pas la voie la plus idoine pour transmettre la vivacité d'une scène populaire, comme celles des majos et majas en train de jouer — qui parfois étaient des aristocrates déguisés afin de pouvoir échapper à leur hiératique existence. Le pittoresque avait besoin que l'ambiance, le type, le style, les paysages et les scènes semblent quotidiennes et contemporaines au spectateur, comme une scène de la vie de tous les jours. Elles devaient en plus avoir un certain climat de diversion et d'amusement qui éveille la curiosité et ne s'éloigne pas de l'intérêt du client. Le réalisme que devait posséder la peinture capterait le motif en l'individualisant, car les personnages des peintures de mœurs sont, au contraire, des membres représentatifs d'un groupe.
Il est naturel que Goya ait peint des scènes cynégétiques pour la salle à manger des princes à l'Escurial, un palais célèbre pour ses sites de chasse alentour pour les membres de la Cour. Il n'est pas surprenant que la deuxième série ait eu trait à des thèmes champêtres, très appropriés pour une salle à manger. En ce sens, ses cartons de Baile a orillas del Manzanares (« Danse sur les rives du Manzanares »), La Merienda a orillas del Manzanares (« Le Goûter au bord du Manzanares ») et Muchachos cogiendo frutas (« Garçons cueillant des fruits ») sont remarquables.
Mais le fait qu'elles fussent destinées aux chambres royales n'excluait pas la présence de scènes violentes, qui faisaient intégralement partie de la vie espagnole de l'époque. Goya introduisit des notes dramatiques dans la série, ce qui deviendrait par la suite l’archétype de certaines de ses gravures. La Riña en la Venta Nueva (« La Dispute à la Venta nueva ») est une scène violente qui contraste avec la tranquillité qui émane de cartons comme El Quitasol (« L'Ombrelle ») et Le Goûter au bord du Manzanares.
Un nouveau style, que Mengs commenta dans sa Carta a Pons[32], apparut, et Goya est l'un de ses premiers représentants. Connu comme Lo Sublime Terrible, ses contemporains louèrent la force avec laquelle l'Aragonais propose ces thèmes. José Moreno de Tejada exprima cette vision dans un poème de 1804, où il fait référence à La Nevada comme d'« une peinture qui lui a semblé non seulement sublime mais capable d'exprimer la tristesse et même la peur au moyen du paysage[33] ». Mais comme ses œuvres étaient destinées à des pièces royales, Goya ne put développer des peintures qui pussent recevoir complètement l'appellation de « Sublime ». Les cartons incluant des détails avec de grandes masses de gens (comme La Prairie de Saint-Isidore) pourraient être un véhicule approprié pour développer le style du « Sublime ». Cependant, c'est l'infime espace qu'ils occupent qui empêche d'approfondir les éléments propres à ce style[34].
Toujours selon Glendinning, à plusieurs reprises, l'idée principale de Goya pour un carton changeait pour s'adapter au métier à tisser et même au goût des princes. Goya dut préparer plusieurs fois une tapisserie droite en accord avec les conventions du moment, comme pour La Novillada et La cometa (« Le Cerf-volant »), mais pas avec L'Ombrelle[35].
Les thèmes bucoliques et cynégétiques inondent les compositions prévues par l'aragonais pour la Fabrique royale[N 4]. Contrairement à la cour des Habsbourg — en particulier Philippe IV —, les Bourbons n'aimaient pas les scènes du passé, mais plutôt les populaires, bon enfant, qu'ils pussent imaginer comment on vivait dans l'Espagne de leur époque.
Goya abandonna les sujets religieux et historiques sur lesquels il avait travaillé à Saragosse. Dans ses premiers cartons, il est surveillé de près par Francisco Bayeu ; à tel point que ses œuvres sont quelque peu influencées par son style. La chasse et la pêche, loisirs favoris du prince, sont traités dans la première série.
Pour les prochaines séries, Goya ajustera les scènes au goût de la princesse Marie-Louise de Bourbon-Parme, qui souhaite voir des tapisseries avec des thèmes champêtres, les diversions des galants et l'ambiance allègre et amusante du Madrid du XVIIIe siècle. Hagen affirme que cela est dû au fait que la princesse ne pouvais pas librement avoir de vie sociale avec les classes plus populaires du fait de son très haut rang[36].
L'un des motifs habituels des cartons de Goya est l'enfance. Niños inflando una vejiga (« Enfants gonflant une vessie »), de la deuxième série, est un hommage caché à l'œuvre de Pieter Brueghel l'Ancien ainsi qu'à certains thèmes de la littérature allemande[37]. Selon Tomlinson, Goya a eu des altercations avec des tisserands à cause de l'inclusion de deux hommes au second plan de ce carton qu'il serait pratiquement impossible de retransposer sur une tapisserie[38]. Malgré cela, la peinture est la première preuve de brièveté dans le divertissement et la joie des enfants, une constante idéale dans l'œuvre de Goya[39]. Un autre des tableaux qui fait allusion à l'enfance est Garçons cueillant des fruits, fortement en relation avec une autre peinture d'une série postérieure, Garçons grimpant à un arbre. Le carton inclut une métaphore relative à l'état du fruit : s'il est mûr, on obtiendra une grande satisfaction sensuelle ; s'il est pourri, l'effort aura été en vain. Cette allégorie avait déjà été exprimée par Diego de Torres Villarroel dans La fortuna varia y loca.
Los majos — traduisible par « galants » — sont habituels dans l'art goyesque. La Maja et les masques est la plus fidèle représentation — voire un hommage — à la façon d'être et au mode de vie des majos, qui avaient protagonisé quelques mois plus tôt une révolte contre la prohibition de la cape et du chapeau ailé.
La culture espagnole s'est « afrancisée » avec l'arrivée au trône des Bourbons. Il est possible que les précédents des peintres néoclassiques aient influencé Goya pour sa deuxième série. L'Ombrelle montre une jeune femme parée à la mode espagnole mais avec une coiffure à la mode française. Il est également possible qu'il s'agisse d'une maja, mais l'hypothèse la plus acceptée reconnaît une jeune femme au sommet de sa beauté, à quinze ans et quand elle commence à envisager le mariage. La même approche à l'art français se constate dans une autre œuvre classique des cartons : La Poule aveugle.
Bien que Goya n'ait peint que des thèmes allègres pour les palais royaux, on peut deviner dans ses dernières séries de cartons le vérisme qu'il va utiliser dans des tableaux postérieurs, tels que Dos de Mayo et Tres de Mayo. La Nevada abandonne complètement le thème des divertissements champêtres et montre un paysan souffrant des rigueurs de l'hiver. De la même année date Le Maçon blessé, qui fait référence à la douleur et à la souffrance de la classe basse, mais également au décret publié par le roi protégeant les artisans des accidents du travail[27].
Deux de ses derniers cartons — Le Mariage et El Pelele (« Le Pantin ») — mettent en évidence le caractère satirique de l'auteur. La première est une critique acerbe aux mariages arrangés : dans un village se célèbre l'union entre une belle jeune femme et un homme âgé au visage simiesque, où la marionnette représente un homme. Dans l'l'esquisse de la deuxième, on voit un homme avec la tête haute mais retombée, comme une victime désemparée. Il s'agit d'un jeu symbolique qui offre plusieurs interprétations : d'une part celle des femmes qui se vengent sur les hommes pour leur condition sociale ; et d'autre part, comme dans Las Gigantillas, celle des changements de ministre en Espagne à cette époque.
Le style des cartons de Goya reflète souvent ses aspirations d'atteindre une catégorie sociale plus haute[40]. Le nouveau style des cartons peut s'apprécier à partir de 1786, quand Goya revient à la Fabrique avec le statut d'artiste réputé et avec un plus haut niveau social. La facture académique, presque néoclassique, des Italiens Amigoni et Tiepolo, influe fortement sur l'Aragonais, en particulier sur la série des quatre saisons[15].
Après avoir été nommé Peintre de Chambre par Charles IV en 1789, Goya obtient encore plus de prestige, et cela se reflète sur son art. Il réalise ces années-là La Prairie de Saint-Isidore. Bien qu'il s'agisse d'un cadre approprié pour des insinuations de type sexuel, le peintre refuse de le faire car la tapisserie est destinée à la chambre des infantes. De la même manière, la nature allégorique et métaphorique de ses œuvres de l'époque fait que la dernière série soit plus inclinée vers la folie humaine que vers d'autres détails propres aux goûts royaux[41].
Comme vu précédemment, les cartons de Goya ont fréquemment recours à la vie populaire de Madrid et montrent le lent « afrancisement » de la ville, qui se pare et adopte des mœurs du pays voisin. Malgré le très fort rejet aux Français — populairement appelés gabachos, jusqu'aujourd'hui —, les Espagnols, pas seulement les Madrilènes, ont même accepté un chef d'État français, à la lueur du XVIIIe siècle. Mais le délicat équilibre qui s'établit dans la deuxième moitié de ce siècle s'effondrera définitivement lors de la guerre d'indépendance espagnole, ce qui renforcera l'idéal romantique de la recherche d'une identité nationale propre.
Glendinning signale que pour beaucoup de ses premières compositions, Goya a eu recours à un schéma pyramidal, comme Le Cerf-volant, Le Buveur et El Ciego de la guitarra (« L'Aveugle à la guitare »). Fidèle admirateur de Velázquez, l'Aragonais utilise un coup de pinceau fort et décisif qui a souvent provoqué des problèmes aux tisserands. En accentuant les détails de lumière, le maître laissait de côté les ombres et rompait avec l'équilibre existant entre les deux éléments les plus importants de la composition picturale. Il est connu que la façon de travailler de Goya a empêché la réalisation d'une première version de L'Aveugle à la guitare ; le peintre a été obligé de substituer un homme avec une charrue par un arbre incliné et un pêcheur. La même chose est arrivée trois ans avant avec La Caza de la codorniz (« La Partie de chasse »), où Goya a dû changer radicalement la localisation et la couleur de la veste du chasseur au premier plan.
Dans ses premières années de peintre, Goya avait été l'élève du maître José Luzán, l'un des peintres les plus réputés de Saragosse. Bien qu'on ne puisse pas trouver de nombreuses références à cet artiste dans ses tableaux, l'une des plus notoires est dans La Prairie de Saint-Isidore[42].
L'art italien, que Goya a pu étudier lors de son séjour en Italie en 1771, laissa son empreinte dans certains de cartons. Tomlinson fait remarquer que les œuvres des deux plus grands peintres italiens de l'époque, Tiepolo et Amigoni, ont pu inspirer plusieurs cartons de Goya. La rigidité académique, utilisée spécialement dans les thèmes mythologiques et historiques — comme les œuvres tiépolesques —, a été combinée au délicat et fin art rococo pour donner lieu à quelques-uns des plus célèbres cartons de goya[15]. La peinture baroque italienne a également exercé une certaine influence sur Goya, notamment dans des œuvres comme El Cazador con sus perros (« Chasseur avec ses chiens ») et Pastor tocando la dulzaina (« Berger jouant de la dulzaina »). Toutes les deux sont à mettre en relation avec des dessins et gravures italiens que Goya a pu connaître en Italie[1]. Le Caravage a peint Les Tricheurs, dont le schéma et les tonalités sont reproduites par Goya dans Jugadores de naipes (« Les Joueurs de cartes »).
Le rococo est le style utilisé dans tous les cartons de Goya à l'exception de La Nevada, Le Maçon blessé, Les Pauvres à la fontaine et leurs esquisses respectives. Le peintre prenait une palette de tons chauds et les renforçait par touches de pâtes[43]. Un style qui a offert à Goya la possibilité de créer son propre schéma pyramidal. Ainsi, il situait les personnages principaux au premier plan, les figurants derrière un monticule et en fond un paysage travaillé. Les traits principaux du rococo qui peuvent s'admirer chez Goya sont la vivacité, la curiosité, le chromatisme de roses doux, les textures de tampon dans les robes des femmes, un paysage de fond lumineux, etc.[44].
L'Ombrelle est l'œuvre qui conserve le plus la relation avec la peinture française. Tomlinson identifie comme prototype du tableau les œuvres Concert au parc de François Boucher et la gravure Près de vous belle Iris de Nicolas Lancret, dont l'estampe est conservée au Palais royal de Madrid et a pu être étudié par Goya. D'autres hypothèses considèrent comme influence Moïse sauvé des eaux de Charles de La Fosse et Chasse au sanglier, une fine allégorie de l'Europe par Joseph Parrocel ; dans ces deux tableaux, en effet, apparaît une ombrelle. D'un autre côté, le français Jean Ranc était Peintre à la Cour de Philippe V, mais avant d'aller en Espagne, il avait réalisé Vertumne et Pomone, que Goya a dû connaître au travers d'une estampe. Le goût pour l'œuvre de Ranc à la cour a dû inciter l'aragonais à réaliser L'Ombrelle.
D'autres tableaux de Goya ont pu s'inspirer de La Lettre d'amour de Jean-Honoré Fragonard et de Femmes à la source de Michel-Ange Houasse. Ce dernier est conservé dans les collections royales du Palais royal de Madrid, et il est hautement probable que Goya l'ait admiré et s'en soit inspiré pour Las Mozas del cántaro.
La littérature de l'époque était importante pour Goya au moment de réaliser certaines de ses œuvres. La Foire de Madrid et Le Goûter sont des illustrations de sainetes de Ramón de la Cruz, dramaturge reconnu. Leandro Fernández de Moratín, ami de Goya, était intéressé par le thème du mariage inégal que représente Le Mariage[45]. Enfin, El Resguardo de tabacos traite d'un sujet qui plaisait beaucoup à Francisco de Quevedo et au comte de Villamediana, qui ont composé de célèbres sonnets sur ce thème. Il existe même un parallélisme avec le très usité thème du Lazarillo dans Le Buveur.
La Balançoire et La Novillada pourraient représenter un passage écrit par Nicolás Fernández de Moratín, père de Leandro, dans le poème clandestin Arte de las putas[46] :
«
Huya el diestro costumbre tan maldita
dé siempre el hurgonazo de pasada
a Cándido incitando, el gran torero
qué, por la pronta, es limpia su estocada
»
«
Fuyez de cette bonne habitude si maudite
donnez toujours un coup de râble en passant
en incitant Candide, le grand torero
dont, tout d'un coup, l'estocade est propre»
Cependant, selon Jeannine Baticle, Goya n'aurait commencé à fréquenter les Lumières de la capitale qu'à partir de 1779, et il est probable qu'il n'ait eu accès à ce poème — écrit au début des années 1770 — qu'à travers eux, et donc après la réalisation de ce carton[47].
Au sujet du tableau le plus important de la dernière série, Le Mariage, Bozal explique la transition particulière du rococo qui imprègne la plupart des cartons vers un néoclassicisme accentué que Goya mènera à son apogée au début du XIXe siècle. Le peintre avait déjà essayé de passer son art du rococo vers le néoclassicisme, par exemple avec La Ermita de San Isidro (« L'Ermitage de saint Isidore », 1788)[48].
Dans La Caza de la codorniz (« La Partie de chasse »), comme dans tous les tableaux de la première et certains de la deuxième série, on note l'influence de Mengs avec la composition pyramidale et de Bayeu avec les couleurs vives et les personnages très naturels, les deux ayant tour à tour dirigé le travail de Goya à la Fabrique royale. D'autres cartonistes de la cour, comme José del Castillo, ont également influencé ces premières œuvres.
William Hogarth est un peintre anglais caractérisé par ses représentations très fermes de l'enfance ; Goya reprend cela dans L'Aveugle à la guitare. C'est la seule évocation de la peinture anglaise trouvée dans ses cartons. Los Leñadores (« Les Bûcherons ») et El Majo de la guitarra (« Le Galant à la guitare ») répondent à des œuvres similaires de Zacarías González Velázquez et à Ramón Bayeu, bien que ce dernier démontre une plus grande qualité de composition que Goya.
L'empreinte de Bartolomé Esteban Murillo et d'autres représentants de l'art baroque espagnol est assez claire dans des peintures comme Garçons cueillant des fruits et El Niño del árbol (« Garçons grimpant à un arbre ») : Murillo a réalisé à plusieurs reprises des compositions où ressortait le rôle des enfants jouant à attraper des fruits.
L'illustre personnage de Diego Velázquez, dont Goya a pu étudier les œuvres dans la propriété de la Casa Real, est la plus forte influence de l'art espagnol sur ses cartons, surtout au niveau technique. C'est ce qu'admire Jovellanos, ami du peintre. L'influence du peintre sévillan s'est renforcée après la période que Goya a passé au côté de l'infant Luis. Il a pu se servir de rapides coups de pinceau pour donner plus de vie à ses tableaux, à travers un magnifique effet d'abstrait[49]. Dans pratiquement tous les cartons de la troisième et de la quatrième série, Goya applique une technique avec de forts coloris et une grande luminosité située au centre de la peinture, comme l'a fait Velázquez dans ses meilleures années[50]. Dans la rivière d’El Resguardo de tabacos, il utilise un coup de pinceau identique à celui qu'avait l'habitude d'utiliser le sévillan, tandis que les natures mortes et les céramiques du Marchand de vaisselle évoquent un hommage au peintre et à son Christ dans la maison de Marthe et Marie[51]. Par ailleurs, le portrait qui apparaît en second plan de La Foire de Madrid évoque une indubitable facture velasquienne, et la distribution des personnages et les tonalités brunâtres de El Juego de pelota a pala (« Jeu de balle avec raquette ») rappelle une fois de plus l'œuvre du maître de Séville.
La seule influence d'art étranger, en plus du français et du britannique, est celle de Rembrandt. L'hollandais, comme le disait Goya lui-même, était « son maître », en plus de Velázquez et la nature[52]. Les tonalités vives et l'effet de taches que produit chez le spectateur El Columpio (« La Balançoire ») sont une référence implicite à l'art de Rembrandt.
Peu après avoir terminé la cinquième série, Goya réalise sept tableaux pour la promenade des ducs d'Osuna. Les scènes sont dans un environnement majoritairement rural et les thèmes paisibles. Les couleurs harmonieuses et agréables n'empêchent pas Goya de penser qu'il faudrait cesser de peindre des scènes de divertissements champêtres pour les résidences de campagne[53]. Il n'existe aucune diversion dans aucun des tableaux pensés par Goya, et dans certains, on ressent même un certain climat de violence (L'Attaque de la diligence). La similitude avec les cartons existe dans le fait que les tableaux pour la promenade des ducs d'Osuna reflètent la même ambiance champêtre que les tapis, en particulier pour ceux qui sont situés sur les bords du Manzanares.
Glendinning reconnaît que La Nevada et Le Maçon blessé, commencés à cette époque, constituent la principale source d'inspiration de Goya pour ces peintures. La présence de « dangers » qu'ils dénotent sont une preuve fiable que l'Aragonais ne crois plus au pittoresque et souhaite se démarquer des peintures de mœurs imposées dans les tapisseries[54].
Los Caprichos est une série de gravures qu'a réalisée Goya dans les années 1790. Sa première étape se fait dans le cadre d'un climat esthétique favorisé par les cartons[55]. La Promenade en Andalousie, de la deuxième série, est un précédent direct de certaines des scènes les plus caractéristiques des eaux-fortes des Caprices, où le jeu de l'amour et de la jalousie devient l'argument central de la composition.
Dans les tableaux de la dernière série règne une relation tendue et exempte de confiance entre les deux sexes — un des thèmes favoris de Goya, très développé dans les Caprices —, et Tomlinson note que c'est à partir de ce moment-là qu'ont pu commencer à s'élaborer les dessins préparatoires pour cette série[46]. C'est le cas de Le Pantin et du Mariage, qui, comme cela a déjà été évoqué, sont des satires cachées sur les relations homme-femme.
Las Gigantillas est une allégorie sarcastique aux remaniements ministériels de l'époque de Charles IV déguisée en un jeu infantile inoffensif. Subir y bajar, le Caprice no 56, publié en 1799, répète la scène mais en ironisant sur les secrétaires d'État sous la forme de marionnettes grotesques.
L'ironie piquante de Goya sera poussée à son comble avec les Peintures noires (1819-1823). L'œuvre de cet ensemble qui prend le plus les Cartons comme racine est La Procession à l'ermitage Saint-Isidore, bien que le même sujet soit également traité dans Pèlerinage à la source Saint-Isidore. Le même thème avait déjà été exploité par Goya plus de trois décennies auparavant avec deux cartons de la sixième série, La Prairie de Saint-Isidore et L'Ermitage de saint Isidore, mais l'ivresse et les visages déformés des Peintures noires prennent la place de la saine diversion qui y régnait. Il utilise enfin ce thème à nouveau en 1812 avec L'Enterrement de la sardine[56].
Quand il arrive à la Fabrique royale, Goya n'a encore peint que quatre peintures religieuses, historiques ou mythologiques. C'est à Francisco Bayeu que Goya doit sa formation comme peintre de carton. D'ailleurs le reçu des cinq premiers cartons de Goya est fait au nom de Bayeu. Le même document stipule cependant que les cartons ont été réalisés par Goya, sous sa direction. Tous les autres reçus seront exclusivement faits au nom du peintre de Fuendetodos[57].
Cette première série resta longtemps ignorée par les spécialistes de Goya car elle était en général attribuée à Ramón ou à Francisco Bayeu. Dans l'ombre de son beau-frère, Goya commence une étape difficile à la cour et on confond même son nom : un document de l'époque l'appelle « Ramón Goya »[58].
La première série des cartons pour tapisserie compte neuf tableaux, tous de thème cynégétique — l'intérêt principal du prince Charles IV. La salle à manger des héritiers du trône à l'Escurial — le palais où le plus grand nombre d'exercices de chasse sont pratiqués — leur sera dédié. Contrairement aux autres séries, on se sait pas exactement le lieu que chaque tableau occupe dans la salle où ils sont destinés. Dans cette série, Goya montre des scènes des plus réalistes et quotidiennes[59].
Elle est réalisée en collaboration avec son beau-frère Ramón et sous le regard attentif d'un autre frère de son épouse, Francisco. La trace de l'aîné des Bayeu est perceptible aussi bien dans les dessins préparatoires que dans les cartons achevés, car c'est lui qui lui a indiqué les thème à traiter[60]. Le 24 mai 1775, Bayeu livre à Cornelio Vandergroten cinq des cartons de Goya : La Chasse au sanglier — le plus grand de la série[N 5],[61] —, La Partie de chasse, Le Pêcheur — seule peinture de la série traitant de la pêche, bien qu'en arrière-plan on peut identifier quelque activité cynégétique —, Muchachos cazando con mochuelo et une nature morte identifiée comme Caza muerta. D'autres cartons de la série, livrés le 30 octobre[N 6] étaient les dessus-de-porte de Chiens et outils de chasse et Chasse avec un appeau, en plus de deux encoignures avec Chasseur avec ses chiens et Chasseur chargeant son fusil.
Cette série est caractérisée par des contours délinéés, un coup de pinceau lâche au pastel, des personnages statiques au visage arrondi. Les dessins, la plupart étant fait au fusain témoignent eux aussi de la claire influence de Bayeu. La distribution est différente par rapport aux autres cartons de Goya, où les personnages sont montrés plus libres et dispersés dans l'espace. Elle est plus orientée vers les besoins des tisserands que vers la créativité artistique du peintre[62]. Il a recours à la composition pyramidale, comme dans Chasse avec un appeau et La Partie de chasse.
Il est possible qu'il ait reçu un accueil favorable dans la Fabrique royale et à la cour, car les directeurs — en particulier Mengs — inciteront par la suite Goya à réaliser des « cartons de sa propre invention ». Il ne reprendra plus le thème cynégétique jusqu'à 10 ans plus tard, avec le tableau Chasseur à une source.
Le traditionalisme des thèmes de cette série, uni au style impersonnel, rend difficile l'attribution correcte des carton sans documents. Jusqu'au XIXe siècle, les œuvres de cet ensemble étaient considérées comme étant réalisées par Francisco Bayeu.
La composition la plus réussie est la plus importante de la série, La Partie de chasse, possède quelques défauts évidents de couleurs et de tonalités, mais démontre la capacité de Goya à peindre une bonne scène de chasse.
Pour cette série, Goya se libère de la puissante influence de Bayeu et conçoit pour la première fois des cartons de sa propre imagination. Pour la salle à manger des Princes des Asturies dans le palais du Pardo, il a recours au goût courtisan de l'époque, qui souhaite se rapprocher du peuple. Les aristocrates inavoués veulent être comme les majos, paraître et s'habiller comme eux pour participer à leurs fêtes. C'est ainsi que Goya inclut des mentions les concernant dans pratiquement tous les cartons de cette série.
La deuxième série de cartons est composée de Le Goûter au bord du Manzanares, Danse sur les rives du Manzanares, La Promenade en Andalousie, L'Ombrelle, Le Cerf-volant, Le Buveur, La Dispute à la Venta nueva, Garçons cueillant des fruits et Enfants gonflant une vessie. Selon l'étude de José Rogelio Buendía, la plupart des cartons de la série ont été délivrés le 12 août 1777[63].
Que Goya ait pu peindre ses cartons sans la tutelle de Bayeu est considéré comme très positif par la critique, néanmoins les premières peintures de la série montrent quelques failles, comme dans Le Goûter, un carton plein de couleurs imaginatives et variées, mais qui souffre d'un grand désordre dans la composition. L'étude de l'œuvre suggère que Goya ne s'est pas beaucoup attardé sur les détails pour éviter des problèmes avec les tisserands.
Une lettre de Goya, datée du 30 octobre 1776, révèle que le peintre a obtenu une totale autonomie comme peintre de tapisseries. Il fait dans ce document la description du Goûter et mentionne qu'il a été aidé par Mengs[64].
La deuxième série est intimement liée aux troisième et quatrième séries, les trois captant l'ambiance vive du Madrid de l'époque. Elles abordent des thématiques populaires et spontanées, non dénuées de fraîcheur[65]. Mais Goya ne peut pas développer librement son génie artistique : malgré l'absence de Bayeu, la fabrique conserve des règles strictes concernant les thèmes à produire dans les cartons.
Le peintre s'éloigne complètement des diversions cynégétiques préalablement imposées par son beau-frère : les tableaux de la deuxième série dévoilent un compromis avec les tisserands, avec des compositions simples, des couleurs claires et une bonne luminosité, qui permettent de tisser plus facilement. Les thèmes abordés sont les majos, midinettes et les gitans, et des sujets plus complexes, avec des contours plus nets et des personnages explicitement rigides, semblent être recherchés. L'aragonais identifie plusieurs majos qui participent à la série comme habitants des diverses provinces espagnoles. Par exemple, dans La Dispute à la Venta nueva, Goya décrit l'un des hommes qui participent à la rixe comme « un Murcien[66] ».
Bozal, ainsi que d'autres spécialistes dans la peinture de Goya, considère que L'Ombrelle est l'œuvre la plus réussie de cette série, car elle combine l'art pyramidal du néoclassicisme aux effets chromatiques de la peinture galante en train d'apparaître alors.
Goya termine sa deuxième série en octobre 1777. Le succès est tel qu'il obtient qu'on lui en commande une troisième, destinée à la chambre des princes des Asturies au palais du Pardo. Il reprend les thèmes populaires, mais se concentre à présent sur ceux qui concernent la foire de Madrid. Les audiences entre le peintre et les princes Charles et María Luisa, en 1779, ont été fructueuses en ceci qu'elles ont permis à Goya de continuer sa carrière à la cour. Une fois devenus rois, ils deviendront d'authentiques promoteurs de l'aragonais[67].
Le 4 janvier 1779, Goya livre à la Fabrique La Foire de Madrid, La Vendeuse de cenelle, Le Marchand de vaisselle et El Militar y la señora. Tomlinson suppose que cette liste est incomplète, étant donné que les dessus-de-porte sont ignorés car considérés moins importants. D'autres peintures de la série, envoyées à la Fabrique peu après, sont Enfants dans un chariot, L'Aveugle à la guitare, Enfants jouant aux soldats et El Majo de la guitarra.
À nouveau, cette série est un véritable succès. Il en profite pour solliciter le poste de peintre de la chambre du roi à la mort de Mengs, mais il lui est refusé. Cependant, il dispose définitivement de la sympathie des princes.
Sa palette adopte des contrastes variés et terreux, dont la subtilité permet de mettre en relief les personnages les plus importants du tableau. La technique de Goya est une évocation de Vélasquez, dont Goya avait reproduit les portraits dans ses premières eaux-fortes[68].
Les descriptions détaillées dont on dispose sur cette série permettent de reconstituer la disposition de ses tapisseries dans le Pardo[69]. Goya raconte dans ses correspondances qu'il souhaite accrocher la série dans la chambre, suivant le sens des aiguilles d'une horloge. Si c'est le cas, sur le mur nord aurait été situé L'Aveugle à la guitare ; mais comme elle est rejetée par les tapissiers, Jeu de balle avec raquette prend sa place. Les murs est et ouest seraient décorés du Marchand de vaisselle et de La Foire de Madrid, les tapisseries les plus grandes de la série, ainsi que les dessus-de-porte Niños del carretón et Enfants jouant aux soldats. Enfin, le mur sud serait décoré de La Vendeuse de cenelle et du Militar y la señora[70].
La croissance artistique de Goya est de plus en plus manifeste, et il démontre sans contestation qu'il n'a plus besoin de la moindre supervision. Par ailleurs, la naturalité déborde dans deux de ses œuvres les plus réussies — non seulement de cette série, mais de tous les cartons — : Le Marchand de vaisselle et La Foire de Madrid. Les personnages se montrent plus humains et naturels, et non plus attachés ni au style rigide de la peinture baroque, ni à un néoclassicisme en herbe : il s'agit d'une peinture plus éclectique.
Le paysage, que Goya avait l'habitude de tracer avec beaucoup d'application, devient un problème dans le tissu. Les tapissiers ne peuvent pas développer complètement les détails de Goya. Il leur est surtout difficile de tracer les contours avec netteté. Le conflit entre le peintre et les tisserands débouche sur la dévolution de L'Aveugle à la guitare, et Goya trouve la solution en peignant Jeu de balle avec raquette, qui sera accrochée dans l'antichambre et, par conséquent, fera partie de la quatrième série.
Les thèmes abordés par la troisième série sont variés. On peut trouver la séduction dans La Vendeuse de cenelle et El militar y la señora ; la candeur infantile dans Enfants jouant aux soldats et Niños del carretón ; des scènes populaires de la capitale dans La Foire de Madrid, ainsi que dans L'Aveugle à la guitare, El Majo de la guitarra et Le Marchand de vaisselle, qui appartiennent en fait à la quatrième série. Le sens caché se fait présent dans plusieurs cartons, car La Foire de Madrid est une critique déguisée à la haute société de l'époque[71].
La critique a voulu voir dans Le Marchand de vaisselle le carton le plus beau de la série, du fait que l'utilisation des nuances et du traitement délicat des objets sont remarquables. L'harmonie des dorés nuancés de cuivre, les gris et le bleu du ciel sont admirables. La réunion de personnages de toutes les classes sociales constitue une avancée dans les peintures de l'époque ; un authentique dynamisme est alors du jamais vu dans la peinture espagnole.
Cette série est destinée à l'antichambre des princes des Asturies au palais du Pardo. Plusieurs auteurs, comme Mena Marqués, Bozal et Glendinning, considèrent que la quatrième série est la suite de la troisième et qu'elle s'est développée dans le même palais du Pardo. Tomlinson, cependant, distingue des traits stylistiques différents de l'antérieure. Par ailleurs, Valentín de Sambricio et Gregorio Cruzada Villaamil, les premiers à étudier les cartons pour tapisserie, remarquent que les murs de la salle ne sont pas totalement décorés par les cartons de Goya : les princes l'ont en effet agrémentée de mobilier français. Le travail de Goya a pu se voir affecté par cette situation[72].
Un document signé par Goya nous fait savoir que la série a été commencée entre 1779 et 1780. Les cartons réalisés dans cette période sont La Balançoire, Le Rendez-vous, El Resguardo de tabacos, Les Lavandières — la composition la plus importante de la série, car établissant le thème des autres réalisations de celle-ci —, La Novillada, Les Bûcherons, Le Garçon à l'oiseau et L'Enfant de l'arbre.
Contrairement à la troisième série, celle-ci n'est pas autant influencée par la vie des majos que par des scènes de cour plus champêtres, dérivées de la deuxième série.
De cet ensemble sont conservées des descriptions détaillées de Goya lui-même et qui constituent la principale source pour l'étudier. Malgré cela, il renferme des détails importants qui ne sont visibles qu'après une observation très poussée. Goya y développe le sens sexuel de ses personnages : dans Les Lavandières, une femme caresse les cornes de l'animal — une claire connotation phallique. Pour rappel, la très mauvaise réputation de ces travailleuses avait été un thème récurrent dans la littérature du XVIIIe siècle, au point qu'en 1790, un décret royal empêche les lavandières du Manzanares de s'adresser au citoyens de classe moyenne[réf. nécessaire].
Les cornes de l'animal ont de nouveau cette connotation sexuelle dans La Novillada, où un torero s'amuse avec un novillo. Le bassin de l'homme au premier plan est encadré par l'animal. Une grande partie de la critique a voulu voir en La Novillada un autoportrait de Goya, qui était par ailleurs amateur de tauromachie. La contrepartie féminine est présente dans Les Lavandières et La Balançoire. L'immense jeu de séduction dessiné par Goya est complété par l'un des cartons qui renferment le plus de mystères à caractère sexuel, appartenant à la troisième série : Jeu de balle avec raquette, réalisée dans le même temps. Dans cette peinture existe un fort message sexuel qui ne peut être déchiffré qu'en la comparant aux autres œuvres de ces deux séries. Il est très surprenant qu'un monarque aussi puritain que Charles III — qui a essayé de détruire la collection de nus des Habsbourgs — ait pu permettre qu'une composition au contenu si fort reste dans son palais, mais la plupart des auteurs pensent que cela est dû au fait que peu de gens se soient réellement rendu compte du sens authentique de la pièce[72].
Dans El Resguardo de tabacos peut être interprété comme une allégorie de la virilité, car, comme La Novillada, il se situe en face de peintures de thèmes féminins. Dans ce cas spécifique, le garde paré de pistolets, épées et autres est une métaphore de la virilité qui réside, dans cette situation, à l'épée soutenue entre ses jambes.
Les deux derniers cartons de la série, La Fuente et El Perro, fonctionnent comme dessus-de-porte. Ces peintures ont été perdues au cours du XIXe siècle et la seule façon de les étudier a été à travers des descriptions fournies par Goya lui-même. Tomlinson a affirmé que les tisserands ont modifié la composition originale, ce qui rend les tapisseries qui en résultent inintéressantes.
La situation des cartons et le sens qu'ils ont lorsqu'on les observe comme ensemble a pu être une stratégie tracée par Goya pour que ses clients, Charles et María Luisa, restent piégés par la séduction qui se démontrait d'un mur à l'autre. Les couleurs de ses peintures répètent la gamme chromatique de la série antérieure, mais évoluent désormais vers un meilleur contrôle des fonds et des visages.
À cette époque, Goya commence à réellement se démarquer de autres peintres de la cour, qui suivent son exemple en traitant des mœurs populaires dans leurs cartons, mais n'obtiennent pas la même approbation que l'aragonais.
En 1780, la production de tapisserie s'est brusquement freinée. La guerre que la couronne a maintenu avec l'Angleterre afin de récupérer Gibraltar a causé de sérieux dommages à l'économie du royaume et il devient nécessaire de réduire les frais superflus. Charles III ferme temporairement la Fabrique royale de tapisserie et Goya commence à travailler dans le secteur privé[73].
En 1786, après la reprise des travaux à la Fabrique royale, Goya réalise à nouveau des cartons. Une série destinée à la salle à manger des princes des Asturies au palais du Pardo lui est commandée, avec des « peintures de thèmes cocasses et agréables nécessaires pour ce Lieu[74],[75]. » Bien que la série soit identifiée comme la salle à manger, des études — et la correspondance de Goya à Zapater[76] — ont déterminé qu'il s'agit en fait de la salle de séjour, où l'héritier à la couronne déjeunait également.
Pour cette série, Goya aborde un thème de longue tradition dans l'art occidental : celui des quatre saisons. La thématique des saisons était en général la plus appréciée pour le rococo et la tapisserie pour décorer les salles à manger. Mais il y laisse une empreinte propre en convertissant les allégories en scènes bucoliques représentatives de chaque période de l'année[77].
Mais Charles III meurt de façon inattendue le 14 décembre 1788 et le programme décoratif du Pardo reste incomplet. Les cartons de cette série, transposés sur tapisserie, sont alors destinés à l'Escurial, où ils décorent les murs du monastère sans ordre particulier.
Les cartons de cette série sont le premier travail de Goya à la cour après qu'il a été nommé peintre à la cour du roi en juin 1786. Le 12 juillet, il envoie une carte à Zapater dans laquelle il affirme : « maintenant je suis très occupé à faire des brouillons pour une pièce où mange le prince[78],[79]. » Peu après, il doit les montrer au monarque, étant donné qu'à la fin de l'année, il présente une facture des frais d'une « diligence au Site Royal de l'Escurial pour présenté à S. M. (que Dieu la garde) les Brouillons de la Salle à Manger du Pardo[80],[79]. »
La première partie de la série traite de la vie dans les villages, avec un regard plus traditionnel. Deux des peintures montrent des activités champêtres (La Nevada et La Era) et deux autres représentes des mœurs aristocratiques attachées à la vie à la campagne (Las Floreras et La Vendimia).
Tandis que Las Floreras évoque une grande beauté, La Era rejette le modèle traditionnel de Cérès comme allégorie de l'été et représente un groupe de paysans qui se reposent et font des blagues à leurs compagnons. Dans La Vendimia, l'automne[81] est représenté comme une traditionnelle vente de fruits et autres produits des champs, avec une touche d'élégance, apportée par la femme à gauche, vêtue finement, et par le petit enfant qui essaie d'attraper des fruits. De nouveau, Goya apporte ici une autre magnifique représentation de l'enfance. Enfin, La Nevada est le carton le plus étudié de la série et la première œuvre de Goya avec un caractère réaliste marqué, manifesté par des paysans souffrant des intempéries.
La même dose de vérisme est appliquée sur Le Maçon blessé. Dessinée au début comme une peinture satirique — son ébauche étant Le Maçon ivre[N 7] —, Goya change de façon inattendue[N 8] le sens de l'œuvre, et peint un maçon blessé porté par ses compagnons[82]. La douleur des classes populaires représentée dans Le Maçon blessé est comparable à la misère qui émane des Pauvres à la fontaine.
Ces trois tableaux représentent la douleur dans ses facettes les plus connues. D'ailleurs, des critiques pensent que la femme et les enfants des Pauvres à la fontaine sont la famille du Maçon blessé car les deux peintures sont côte à côte dans la salle à manger.
D'autres cartons de la série sont Enfants avec des chiens — une possible allégorie des Gémeaux, selon Tomlinson —, Enfant montant un mouton — de pair avec le précédent —, Combat de chats — un dessus-de-porte pour la salle à manger, et dont la paternité est remise en question —, La Marica en un árbol — une tapisserie de grand format qui rappelle Le Garçon à l'oiseau et L'Enfant de l'arbre (quatrième série) — et enfin Pastor tocando la dulzaina et Chasseur à une source, qui vont de pair et qui sont des échos des séries de thèmes champêtre et cynégétique.
Une fois terminé le projet décoratif de la salle à manger du prince au Pardo, le succès acquis par l'œuvre de Goya lui a permis participer à la série suivante, destinée à décorer la chambre des infantes, filles des princes des Asturies, dans le même palais.
Mais le roi Charles III tombe malade fin 1788 avant de mourir le 14 décembre de la même année. Le plan de travail pour le Pardo reste donc inachevé, et seul le carton La Poule aveugle est transposé sur tapisserie, les autres restant à l'état de carton.
Tomlinson considère que si la série s'était achevée, elle aurait été considérée comme la plus complète et mieux réalisée des séries entreprises par Goya jusqu'alors[réf. nécessaire]. Cependant, bien qu'elle n'ait jamais été transposée sur tapisserie, elle a pu être étudiée avec attention.
La première information connue de cette série date du 31 mai 1788. Quelques mois auparavant, Goya en avait reçu la commande, et à cette date-là, il écrit à Zapater pour lui annoncer qu'il a fini de concevoir les cartons et qu'il va commencer à les peindre. Goya écrit que les thèmes sont difficiles et donnent beaucoup de travail, comme pour La Prairie de Saint-Isidore, le jour-même du Saint, et avec tout le brouhaha dont nous habitue la cour[83]. Comme Goya l'affirme dans sa lettre à Zapater, la scène centrale de la série aurait dû être La Prairie de Saint-Isidore, mais il n'y a qu'une ébauche de 44 × 94 cm[84]. Le peintre fait remarquer qu'il a travaillé pratiquement d'après nature[85]. Cette ébauche anticipe ce que serait la peinture de l'impressionnisme du XIXe siècle. Dans le domaine de la topographie, Goya avait déjà étalé sa maîtrise de l'architecture madrilène, qui réapparaît ici. Le peintre capte les deux plus importants bâtiments de l'époque, le palais royal et la basilique de Saint-François-le-Grand. Le peuple se réunit pour un goûter convivial à l'occasion du 15 mai, jour de Saint Isidore le Laboureur — patron de la ville de Madrid. Bien que le thème puisse se prêter à des allégories érotiques occultes, l'aragonais les rejette — au contraire de certains cartons des troisième et quatrième séries —, et montre uniquement un panorama festif dans une composition libre et sans conventionnalisme[86].
L'un des tableaux les plus connus de la série est La Poule aveugle, qui a pu se transposer sur tapisserie et a été l'un des cartons les plus étudiés. Il représente le jeu populaire du même nom, typique de l'aristocratie et approprié pour les filles des princes. Certains participants s'habillent de majos et d'autres sont parés à la mode parisienne[87]. La mobilité et le dynamisme obtenus avec cette peinture[7] fait que le spectateur croit qu'il fait partie de la foule. L'utilisation intelligente de la lumière suggère une tenue aristocratique et les contrastes permettent d'arriver à avoir une scène chaleureuse et familière[88]. L'une des plus grandes différences entre l'ébauche et la tapisserie finale est que dans la première apparaît une femme hors du cercle, probablement en couple avec l'homme qui tient la louche. Goya, pour des raisons inconnues, a décidé de supprimer ce personnage du carton final[89].
L'Ermitage de saint Isidore, comme La Prairie de Saint-Isidore, reprend le thème de la fête populaire de Madrid. Ces deux peintures sont fortement liées. Dans la première, on observe un fort dynamisme et un contour pratiquement parfait de la majestueuse chapelle[90],[91].
D'autres peintures de la série sont Goûter champêtre, où Goya change le stéréotype du goûter et le transforme en une peinture de style néoclassique[92] et Chat harcelé, une ébauche pratiquement inconnue et ignorée par la critique, malgré un traitement intéressant du contre-jour et un coup de pinceau rapide[93].
Goya reçoit le titre de peintre de la chambre du roi en 1789 après avoir réalisé des portraits de grande qualité des nouveaux monarques — et anciens princes des Asturies aux palais desquels étaient envoyés les cartons de tapisserie —, Charles IV et Marie-Louise de Bourbon-Parme, héritiers de Charles III. Conscient de ses nouvelles responsabilités, il refuse dans un premier temps de peindre de nouveaux cartons.
Depuis la mort de Charles III, la réalisation de cartons pour tapisserie est suspendue — bien que la Fabrique royale laisse entendre qu'elle permettra « qu'on sorte des dessins qui plaisent, et se distinguent par le bon goût[94] », et le Pardo est délaissé par les princes devenus rois, faisant de l'Escurial leur Site royal favori. Le 20 avril 1790, les peintres de la cour reçoivent un communiqué où il est écrit que « le Roi a décidé de déterminer les thèmes champêtres et cocasses comme étant ceux qu'il veut représentés sur les tapisseries[95] ». Goya fait partie de cette liste des artistes qui vont s'employer à décorer l'Escurial. Cependant, étant peintre de la chambre du roi, il refuse dans un premier temps de commencer une nouvelle série, considérant cela comme un travail trop artisanal, lui qui pense s'être séparé de la corporation des peintres de carton[96]. Il réalise Femmes conversant — une pièce où est racontée avec brio une conversation entre majas[97] —, ainsi que Mujer dormida et El Sueño, faisant partie d'une commande pour Sebastián Martínez y Pérez, commerçant, Lumière et ami de Goya[98] ; le succès est si grand qu'il motive Goya à entamer la septième et dernière série.
On lui assigne les peintures qui seront accrochées dans le bureau royal du monastère, et le roi lui-même menace l'aragonais de lui suspendre son salaire s'il se refuse à collaborer. Il s'exécute, mais la série restera inachevée après son voyage en Andalousie en 1793 et la grave maladie qui le rendra sourd : seuls sept cartons sur douze seront réalisés[96].
Les autres peintures de la série sont Las Gigantillas, un jeu d'enfants cocasse qui fait allusion au changement de ministres[99], Les Échasses, une allégorie de la dureté de la vie[100], Le Mariage, une critique acerbe des mariages arrangés[101], Las Mozas del cántaro, une peinture qui a été interprété de diverses façons, comme une allégorie des quatre âges de l'homme ou sur les majas et les entremetteuses, sans qu'il y ait eu un consensus[102], Garçons grimpant à un arbre, une composition de représentation en raccourci qui ne manque pas de rappeler Garçons cueillant des fruits de la deuxième série[103] et Le Pantin, dernier carton pour tapisserie de Goya, qui symbolise la domination implicite de la femme sur l'homme, avec d'évidentes connotations carnavalesques d'un jeu atroce où les femmes jouissent de manipuler un homme[104],[105].
Cette série est en général considérée comme la plus ironique et critique de la société de l'époque. Goya a été influencé par des thèmes politiques — étant alors contemporain de l'essor de la Révolution française. Dans Las Gigantillas, par exemple, les enfants qui montent et descendent constituent un l'expression d'un sarcasme déguisé de la situation volatile du gouvernement et du changement incessant de ministres.
Toutes les peintures sont particulièrement différentes les unes des autres quant aux dimensions, et Las mozas del cántaro est l'une des tapisseries les plus grandes. Elles sont également différentes dans la captation de la réalité, mais la satire est un dénominateur commun de toute la série. À l'exception de la troisième série, située à Madrid, cette septième privilégie comme toutes les autres l'environnement rural et champêtre.
Le fait qu'il s'agisse d'une facette allègre de la société espagnole n'empêche pas les cartons de porter de féroces critiques au gouvernement, bien que du fait de sa position, Goya doit les maquiller afin qu'on ne lui diminue pas ses émoluments[106]. Les jeux à l'air libre, dont les jeunes, les enfants et les femmes sont les protagonistes, sont un cadre parfait pour les critiques sous couverture de Goya[107].
Le Mariage est la tapisserie la plus connue et la mieux réussie de cette série. L'enfance radiante, si habituelle chez Goya, réapparaît avec l'enfant situé à gauche[108]. Le curé du village et le vieil homme qui ouvre les bras — probablement le père de la fiancée — ressortent de la composition. La beauté de la femme met en évidence la laideur de son futur mari, bien qu'il puisse s'agit d'un « bon parti ». Goya confirme ici son intrépidité pour capter les expressions faciales et caractérologiques des personnages de ses tableaux[109]. Il s'agit d'une allègre procession de gens qui avancent avec un très fort sens de l'ironie[110].
Une fois les tapisseries terminées, elles sont disposées à l'endroit qui leur est assigné. Tomlinson note que les séries réalisées entre 1787 et 1792 (les cinquième, sixième et septième) n'ont jamais été accrochées selon spécifié sur le plan de la fabrique.
La grande majorité des cartons ont été conservés dans l'un des sous-sols de la fabrique royale. Pendant la guerre d'indépendance espagnole, l'antiquaire Livinio Stuyck[111]. Il a fait l'inventaire de cent cartons de grand format, vingt-sept petits formats et soixante-six cartons pour dessus-de-porte. L'archive générale atteste que les principaux auteurs ont été Goya, Francisco Bayeu et Antonio González Velázquez.
En 1858, une bonne partie de l'œuvre des cartons de Goya a été transférée au sous-sol du palais royal de Madrid, où elle est restée jusqu'en 1870, quand Gregorio Cruzada Villaamil les a découverts et les a emmenés au musée du Prado. Ces œuvres apparaissent pour la première fois dans le catalogue de l'institution en 1876[112].
Le 19 janvier de cette année, on rapporte que les cartons Chiens et outils de chasse, El Majo de la guitarra, Las Gigantillas, Enfants dans un chariot, Le Médecin et El Balancín ont été dérobés[113]. Les trois dernières pièces sont quelques-uns des seuls cartons que l'on ne trouve pas au musée du Prado.
Cet événement a poussé Cruzada Villaamil à faire connaître les cartons, qui ont rapidement reçu un accueil très favorable dans la société artistique espagnole. Le musée du Prado, institution héritière des collections royales, a reçu pratiquement une quarantaine de cartons[114]. Par ailleurs, la plupart des tapisseries finales sont toujours dans leur localisation originale, à savoir le palais du Prado et l'Escurial.
L'immense majorité des ébauches préparatoires de Goya pour ses cartons, comme celles de la sixième série et La trilla (es) — ébauche de La Era —, ont été vendues au ducs d'Osuna, mécènes de l'artiste, en 1799[115],[116]. En 1896, leurs héritiers vendent les œuvres aux enchères : la famille du noble espagnol Pedro Fernández Durán y Bernaldo de Quiraldós en acquiert quelques-unes, dont Le Maçon ivre[117], et la pinacothèque du Prado acquiert La Prairie de Saint-Isidore, La Poule aveugle et L'Ermitage de saint Isidore, toutes étant des toiles préparatoires aux cartons. À la mort de Fernández Durán, en 1931, son testament indique que sa collection picturale est entièrement donnée au musée du Prado[118]. Enfin, certains collectionneurs, comme José Lázaro Galdiano (es) et plusieurs entrepreneurs américains, ont acheté à bon prix des cartons tels que Enfant montant un mouton et Goûter champêtre.
Entre 1984 et 1987, ont été découverts dans les sous-sols du musée du Prado six cartons de Goya, parmi lesquels Combat de chats et Chasseur à une source. On pense qu'ils ont été rangés là par Sambricio plus de cent ans auparavant.
Le premier historiographe à étudier les cartons pour tapisserie de Goya est Cruzada Villaamil. En 1946, est publiée l'étude de Valentín de Sambricio, qui apporte de nombreux documents pour connaître très précisément la situation des tableaux. En 1971 apparaît le livre de Jutta Held, Francisco de Goya, Literatur von 1940-1962[119], novateur dans sa manière d'analyser en profondeur les peintures au travers de documents obtenus dans les archives de la Fabrique royale. À côté du travail de Sambricio et du catalogue de Pierre Gassier et Juliet Wilson Bareau — qui ne se circonscrit pas uniquement aux cartons mais à toute l'œuvre de Goya —, c'est le plus complet catalogue des cartons pour tapisserie.
Peu après ont commencé à voir le jour les premières études faites d'un point de vue purement analytique. Ainsi, Nigel Glendinning et Fred Licht publient, au début des années 1980, leurs livres Goya y sus críticos[120] et Goya in perspective[121], respectivement. En 1989, l'Université de Cambridge édite en anglais le livre de Janis Tomlinson, qui étudie les premières années de Goya à la cour, Francisco Goya: the Tapestry Cartoons and Early Career at the Court of Madrid (en espagnol, livre utilisé comme source ici : Francisco de Goya: los cartones para tapices y los comienzos de su carrera en la Corte de Madrid). Enfin, en 2005, sortent des études de Valeriano Bozal, Francisco Goya: vida y obra[122], et de Nigel Glendinning, Goya[123], qui couvrent toute la vie et l'œuvre de Goya, mais tous deux consacrent un chapitre important à l'étude des cartons.
Titre | Date | Dimensions | disposition | Musée | |
---|---|---|---|---|---|
Première série (salle à manger des princes à l'Escurial, 1775) | |||||
Perros y útiles de caza | 1775 | 112 × 174 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado (Madrid, Espagne) | |
Caza con reclamo | 1775 | 112 × 179 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado | |
La Caza de la codorniz | 1775 | 290 × 226 cm | Musée du Prado | ||
El Pescador de caña | 1775 | 289 × 110 cm | Musée du Prado | ||
Cazador cargando su escopeta | 1775 | 289 × 90 cm | Encoignure | Musée du Prado | |
El Cazador con sus perros | 1775 | 262 × 71 cm | Entre deux fenêtres ou en encoignure | Musée du Prado | |
La Caza del jabalí | 1775 | 249 × 173 cm | Musée du Prado | ||
Caza muerta | 1775 | 171 × 51 cm | (perdu) | Localisation inconnue | |
Muchachos cazando con mochuelo | 1775 | 171 × 51 cm | Collection privée | ||
Deuxième série (salle à manger des princes au Pardo, 1776-1778) | |||||
La Merienda a orillas del Manzanares | 1776 | 271 × 295 cm | Musée du Prado | ||
Baile a orillas del Manzanares | 1776-1777 | 272 × 295 cm | Musée du Prado | ||
La Riña en la Venta Nueva | 1777 | 275 × 414 cm | Musée du Prado | ||
La Riña en el Mesón del Gallo | 1777 | 41,9 × 67,3 cm | (esquisse non transposée sur tapisserie) | Musée du Prado | |
El paseo de Andalucía | 1777 | 275 × 190 cm | Musée du Prado | ||
El Bebedor | 1777 | 107 × 151 cm | Musée du Prado | ||
El Quitasol | 1777 | 104 × 152 cm | Musée du Prado | ||
La cometa | 1778 | 269 × 285 cm | Musée du Prado | ||
Jugadores de naipes | 1777-1778 | 295 × 272 cm | Musée du Prado | ||
Niños inflando una vejiga | 1778 | 116 × 124 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado | |
Muchachos cogiendo frutas | 1778 | 119 × 122 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado | |
El Atraco | 1776-1778 | 46 × 54 cm | (esquisse non transposée sur tapisserie) | Collection privée | |
Troisième série (chambre des princes au Pardo, 1777-1779) | |||||
La Feria de Madrid | 1778-1779 | 258 × 218 cm | Musée du Prado | ||
El Cacharrero | 1779 | 259 × 220 cm | Musée du Prado | ||
El Militar y la señora | 1778-1779 | 259 × 100 cm | Musée du Prado | ||
La Acerolera | 1778-1779 | 259 × 100 cm | Musée du Prado | ||
Muchachos jugando a soldados | 1778-1779 | 146 × 94 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado | |
Niños del carretón | 1779 | 145,4 × 94 cm | Dessus-de-porte | Musée d'art de Toledo (Ohio, États-Unis) | |
El Juego de pelota a pala | 1779 | 261 × 470 cm | Musée du Prado | ||
Quatrième série (antichambre des princes au Pardo, 1777-1780) | |||||
El Ciego de la guitarra | 1778 | 211 × 311 cm | Musée du Prado | ||
El Columpio | 1779 | 260 × 165 cm | Musée du Prado | ||
Las Lavanderas | 1780 | 218 × 116 cm | Musée du Prado | ||
La Novillada | 1780 | 136 × 259 cm | Musée du Prado | ||
El Resguardo de tabacos | 1780 | 262 × 137 cm | Musée du Prado | ||
El Muchacho del pájaro | 1780 | 262 × 40 cm | Encoignure | Musée du Prado | |
El Niño del árbol | 1780 | 262 × 40 cm | Encoignure | Musée du Prado | |
Los Leñadores | 1780 | 141 × 114 cm | Musée du Prado | ||
El Majo de la guitarra | 1779 | 137 × 112 cm | Musée du Prado | ||
La Cita | 1779-1780 | 100 × 151 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado | |
El Médico | 1780 | 95,80 × 120,20 cm | National Gallery of Scotland, (Édimbourg, Royaume-Uni) | ||
El Balancín | 1777-1780 | 30 × 43 cm | Musée des beaux-arts de Valence (Valence, Espagne) | ||
El Perro | 1779-1780 | 267 × 75 cm | Dessus-de-porte (perdu)[124] | Localisation inconnue | |
La Fuente | 1779-1780 | 200 × 75 cm | Dessus-de-porte (perdu)[125] | Localisation inconnue | |
Cinquième série (salle à manger des princes au Pardo, 1786-1787) | |||||
Las Floreras | 1786 | 277 × 292 cm | Musée du Prado | ||
La Era | 1786 | 276 × 641 cm | Musée du Prado | ||
La Vendimia | 1786 | 190 × 275 cm | Musée du Prado | ||
La Nevada | 1786 | 275 × 293 cm | Musée du Prado | ||
El Albañil herido | 1786-1787 | 268 × 110 cm | Musée du Prado | ||
Los Pobres en la fuente | 1786-1787 | 277 × 115 cm | Musée du Prado | ||
El Niño del carnero | 1786-1787 | 127,2 × 112,1 cm | Institut d'art de Chicago (Illinois, États-Unis) | ||
Niños con perros de presa | 1786-1787 | 112 × 145 cm | Musée du Prado | ||
Cazador junto a una fuente | 1786-1787 | 130 × 131 cm | Musée du Prado | ||
Pastor tocando la dulzaina | 1786-1787 | 130 × 134 cm | Musée du Prado | ||
Riña de gatos | 1786 | 56 × 193 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado | |
Pájaros volando | 1786-1787 | 53 × 93 cm | (perdu) | Localisation inconnue | |
La Marica en un árbol | 1786-1787 | 279 × 28 cm | Musée du Prado | ||
Sixième série (chambre des infantes au Pardo, 1788) | |||||
La Gallina ciega | 1788 | 269 × 350 cm | Musée du Prado | ||
La Pradera de San Isidro | 1788 | 44 × 94 cm | Musée du Prado | ||
La Ermita de San Isidro | 1788 | 44 × 42 cm | Musée du Prado | ||
Merienda campestre | 1788 | 41,3 × 25,8 cm | National Gallery (Londres, Royaume-Uni) | ||
Septième série (bureau de Charles IV à l'Escurial, 1791-1792) | |||||
La Boda | 1792 | 269 × 396 cm | Musée du Prado | ||
Los Zancos | 1791-1792 | 268 × 320 cm | Musée du Prado | ||
El Balancín | 1791-1792 | 82,4 × 163,2 cm | Philadelphia Museum of Art (Philadelphie, États-Unis) | ||
Las Gigantillas | 1791-1792 | 137 × 104 cm | Dessus-de-porte | Musée du Prado | |
Muchachos trepando a un árbol | 1791-1792 | 141 × 111 cm | Musée du Prado | ||
El Pelele | 1791-1792 | 267 × 160 cm | Musée du Prado | ||
Las Mozas del cántaro | 1791-1792 | 262 × 160 cm | Musée du Prado |
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