Cannibalisme animal
pratique consistant à manger une ou plusieurs parties d'un individu vivant de la même espèce De Wikipédia, l'encyclopédie libre
pratique consistant à manger une ou plusieurs parties d'un individu vivant de la même espèce De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le cannibalisme animal est une pratique consistant à manger une ou plusieurs parties d'un individu vivant de la même espèce. De nombreux animaux le pratiquent par nécessité ou par instinct. Il s’agit donc d’une forme particulière de prédation intraguilde. Le cannibalisme ne se retrouve pas dans tous les taxons mais néanmoins dans diverses branches du règne animal : protozoaires, arthropodes (arachnides et insectes en particulier), amphibiens, poissons, oiseaux, et 75 sur les 5 700 espèces de mammifères[1] (dont les rongeurs, les Hommes)[2]. Son observation se fait généralement pour de rares cas anecdotiques ou dans des cas d’élevage (aquaculture par exemple). Il s’agit ainsi d'une pratique le plus souvent occasionnelle[3].
Plusieurs configurations environnementales peuvent mener à l'émergence de la prédation intraspécifique. Ainsi, on classe différents types de cannibalisme en fonction des conditions sous-jacentes à leur apparition.
Le cannibalisme est dit de survie quand il va se développer pour permettre à l’individu de continuer à vivre dans son habitat malgré la présence d’un facteur externe qui pourrait mener à sa mort. Ceci se traduit par le besoin d’obtenir des ressources pour sa propre survie, même si cela conduit à s’attaquer à ses conspécifiques. On peut distinguer différents sous-types de cannibalismes de survie[4].
Le cannibalisme de densité-dépendance, aussi appelé cannibalisme de surpeuplement ou cannibalisme par effet de foule, se développe lorsque les individus sont très nombreux. Il peut également se développer quand il est lié à un stress d’inanition, c’est-à-dire à une peur de ne pas avoir assez de nourriture. Ce stress peut être dû à un phénomène observé, telle la diminution progressive de la quantité de proie ou à un facteur quelconque de l’environnement, mais il peut aussi parfois subvenir sans signes avant coureurs spécifiques. Dans un environnement défavorable, le cannibalisme peut être perçu comme une fonction adaptative, et un comportement optimal de recherche de la nourriture[5].
Bien évidemment, ces différents cannibalismes de survie peuvent être liés et ne sont pas toujours dissociables.
Quelques exemples de cannibalisme de survie :
Le cannibalisme sexuel se dit lorsqu'un individu consomme son partenaire sexuel pendant ou après l’accouplement. Cette technique est utile chez la femelle pour récupérer l’énergie nécessaire pour la ponte future et procurer les soins nécessaires à sa progéniture.
Ce type de cannibalisme a été recensé chez plus de 90 espèces, principalement chez les arthropodes (arachnides et insectes en particulier), mais aussi chez quelques mollusques et crustacés[7]. Parmi les exemples de cannibalisme sexuel les plus connus :
Les scientifiques ont longtemps interprété le cannibalisme sexuel comme un avantage pour les femelles de disposer des ressources protéiques nécessaires pour porter les œufs et augmenter leur fécondité, ce qui accroît le succès reproducteur des mâles. Chez certaines espèces à vie courte où, du fait des circonstances écologiques, les mâles ont peu de chances de s'accoupler plus d'une fois dans leur vie, le cannibalisme sexuel peut en effet correspondre à un « suicide » adaptatif du mâle qui augmente l'investissement paternel dans la progéniture. Cette interprétation est à nuancer chez les araignées où des études montrent que la consommation, même du mâle entier par la femelle, ne délivre pas un apport alimentaire intéressant en raison du fort dimorphisme sexuel[13]. Si l'acte de cannibalisme se produit avant que le mâle ait fécondé la femelle, l'avantage de ce « sacrifice » s'interprète plutôt dans le cadre de la théorie du conflit sexuel[14].
Le cannibalisme parental, appelé aussi cannibalisme filial ou puerpéral, concerne les adultes qui dévorent une partie de leur descendance, ce qui le distingue de l'hétérocannibalisme (entre individus génétiquement différents) et du cannibalisme « sibling » (chez des individus issus de mêmes parents, par exemple le cannibalisme mutuel chez les jeunes d'insectes[15] ou d'escargots herbivores qui n'ont pas encore de microbiote intestinal capable de digérer les végétaux)[2]. Il peut se développer anormalement lors de manipulation en laboratoire, mais il se trouve naturellement dans la nature (œufs trophiques[16],[17], réponse au surpeuplement ou au manque de nourriture, petits morts de maladies, malformations...).
Quelques exemples de cannibalisme parental :
Les araignées pratiquent des cas exceptionnels de cannibalisme filial inversé, la matriphagie : les juvéniles de certaines espèces, notamment chez Stegodyphus sarasinorum ou Amaurobius ferox, dévorent leur mère qui s'auto-liquéfie pour offrir protéines et énergie à sa descendance[21].
Le cannibalisme peut influencer la démographie des populations le pratiquant, c’est-à-dire modifier de manière quantitative ou qualitative la dynamique des populations cannibales. Ceci se fait grâce à une variation de caractéristiques clés telles la mortalité, la natalité et la migration.
Un trait d'histoire de vie correspond à toute caractéristique affectant soit la survie d’un individu, soit sa reproduction, et donc à terme sa valeur sélective (biologie). Les aspects démographiques du cannibalisme pour la population le pratiquant doivent prendre en compte sa rentabilité car : si elle augmente la population va croître, si elle diminue la population va décroître ; du fait de ses liens étroits avec les taux de mortalité et natalité. L'aptitude due au cannibalisme peut donc mener au maintien de la population, à sa croissance ou à son déclin.[réf. nécessaire]
Les modèles mathématiques et les analyses théoriques présentent le cannibalisme comme un moyen de maximiser la rentabilité individuelle : il s’agit souvent d’une fonction adaptative pour répondre à une limitation de nourriture ou à une compétition extrême pour les mêmes ressources. Il semble intuitif que manger son semblable ne présente pas que des avantages, sinon ce ne serait pas si rare : il existe donc des coûts au cannibalisme. On distinguera entre autres le risque associé au fait d’attaquer une proie (puisque le con-spécifique pourrait aussi être un prédateur), le risque de transmission de maladies, virus et parasites, mais aussi une perte directe de rentabilité lors de la consommation de ses con-spécifiques.
Il est ainsi possible de voir le coût imposé à la rentabilité par le cannibalisme par une équation mathématique assez simple et intuitive :
où :
Explication : si l’on suppose que l’apport de nourriture est directement lié à la rentabilité F des individus, car lié à la survie et à la reproduction, alors F peut être est donnée par : F = a + bE (2). On lui retranche ensuite les différents coûts. D'abord celui dû au cannibalisme via le terme rC. De façon intuitive, on comprend que lorsque la population n’est pas cannibale rC = 0 et on retombe sur (2). Il est aussi possible de prendre en compte les coûts associés en cas de représailles (potentielle diminution de F si la proie attaquée se retourne contre son prédateur et le consomme au lieu de se laisser consommer), et d’ajouter le coût dû à la transmission de maladies, virus ou pathogènes.
Remarque : quand un cannibale tue et consomme un individu de sa propre espèce, il peut lui être apparenté ou partager une partie de son génome. En général, si le cannibalisme se fait entre individus non liés génétiquement alors le cannibale profite simplement d’un apport de nourriture et augmente sa fitness individuelle. Cependant, dans le cas contraire, il y aura une perte de fitness qui sera plus ou moins forte suivant leur degré de parenté, puisqu'il réduit les bénéfices de nutrition et survie du groupe d’individus apparentés qu’il consomme. D'où le terme r.[réf. nécessaire]
C’est par exemple le cas pour le cannibalisme filial : le parent augmente sa rentabilité future en diminuant sa rentabilité actuelle.
Cependant, cette équation oublie d'autres coûts :
Exemple : dans les écosystèmes marins il peut y avoir du cannibalisme chez le zooplancton qui peut entraîner des impacts sur toute la chaîne alimentaire[24], depuis les individus normalement consommés par ce zooplancton jusqu’à la productivité primaire nette. En effet, on peut supposer différents niveaux dans ce réseau trophique :
Trop de cannibalisme entraîne une décroissance de la population de gammares : elle n’arrivera plus à se maintenir (tous les petits seront mangés avant de devenir adultes et quand les adultes vont mourir la population s’éteindra). Il y a alors aussi un impact sur les daphnies : elles augmentent car ne sont plus consommées, ce qui provoque une diminution d’autant plus forte des algues et donc influe sur la quantité d’azote du milieu. On a donc des conséquences sur toute la chaîne alimentaire. Avec peu de cannibalisme, la productivité primaire nette augmente par rapport à sa valeur sans cannibalisme, mais quand il y en a trop alors elle est encore plus faible qu’en son absence. Ainsi, la productivité primaire nette présente un optimum avec un peu de cannibalisme. Or, quand la production primaire nette est trop basse, il y a un impact sur tout l’écosystème. Ainsi, en étant trop cannibales les individus peuvent doublement causer des dommages à leur milieu et potentiellement mener à terme à leur propre déclin, voire à leur disparition.[réf. nécessaire]
Les coûts touchent principalement la fitness globale de la population dont certains individus sont devenus cannibales, car elle décroit avec l’augmentation du cannibalisme, mais ce n’est pas parce que la fitness globale diminue que l’individuelle des cannibales diminue aussi ; tout au contraire! Le cannibalisme permet de maximiser sa fitness individuelle, c’est pourquoi il doit donc y avoir des bénéfices derrière ces coûts.[réf. nécessaire]
Cependant, cette étude est controversée puisqu'il serait possible de se demander pourquoi se concentrer sur un cannibalisme sur les femelles, car même si elles survivent moins à la mauvaise saison, si seuls les mâles passent l'hiver le biais de sex-ratio en faveur des mâles pourra mener à un surplus de mâles et donc à des individus ne pouvant pas forcément se reproduire... Il serait donc en fait plus logique de se concentrer sur un cannibalisme des mâles pour mieux élever les femelles pour permettre d'avoir autant de mâles que de femelles à la fin de l'hiver : puisque les mâles survivent mieux à l'hiver, aider les femelles en les nourrissant mieux (via le cannibalisme d'une petite portion de mâles) pourrait aider à avoir autant des deux sexes passant la saison hivernale.[réf. nécessaire]
La recherche de nourriture (= fourragement) des individus affecte directement la dynamique de la population car elle est liée aux ressources, à la survie et à la reproduction. Dans cette optique de recherche de nourriture, le cannibalisme peut être vu comme un choix des fourrageurs pour une variété de proies particulières. Quand on considère un modèle de recherche de nourriture appliquée au cannibalisme, on doit prendre en compte trois facteurs : la vulnérabilité de la proie, sa densité et la quantité et qualité de ressources qu’elle représente. La vulnérabilité dépend de l’âge, du stade de développement, de la taille, de la morphologie et même parfois de la faim car plus un individu est affamé et moins ses critères de sélections vis-à-vis de cette vulnérabilité vont être grands.
La prédation est un sujet largement étudié en écologie, il s’agit d’une interaction qui peut jouer fortement sur les dynamiques proies-prédateurs. Un individu cannibale étant un prédateur, avec une proie conspécifique au lieu d’hétérospécifique, il semble donc logique que le cannibalisme pourra lui aussi influencer les dynamiques proies-prédateurs. Cependant, c’est difficilement démontrable dans la nature. Ainsi, les scientifiques tentent plus généralement de partir de modèles mathématiques et d’ensuite mener des expériences pour valider ou invalider leurs modèles. C’est pourquoi, en général, il existe surtout des études mathématiques portant sur les dynamiques dues au cannibalisme et moins de suivis expérimentaux. Parmi ces études, la plupart portent sur un certain type de cannibalisme : celui qui apparait en cas de différences de classes de tailles ou d’âge chez la population de prédateurs : il y aura ainsi du cannibalisme des prédateurs les plus vieux/gros sur les plus jeunes/petits. C’est donc dans un tel contexte que s’inscrivent la plupart des articles scientifiques sur les dynamiques de cannibales.[réf. nécessaire]
Avant tout chose, il faut aussi savoir[pas clair] qu’en fonction des conditions démographiques initiales, les quatre aspects évoqués plus haut (i) (ii) (iii) et (iv) (soit tuer sa proie, manger sa proie, interactions tailles dépendantes et compétition intra-spécifiques, le tout appliqué dans un cadre de cannibalisme) vont interagir les uns avec les autres et influer sur la dynamique de la population cannibale, via leur impact sur la rentabilité des individus (proies et prédateurs)[28]. Actuellement, une étude simultanée de tous ces aspects du cannibalisme sur la dynamique semble impossible du fait de la complexité des modèles nécessaires. Les scientifiques en viennent donc souvent à se focaliser sur un ou plusieurs de ces traits lors de leurs recherches. Sans aboutir à un modèle complet, ces études permettent de mettre en évidence les tendances démographiques liées au cannibalisme[29].
Du fait des interactions proies-prédateurs, le cannibalisme va agir directement sur les populations de prédateurs, mais aussi indirectement sur les populations de proies : si les prédateurs gagnent plus d’énergie à s’entre-dévorer qu’à chercher et manger des proies hétérospécifiques alors ils n’auront pas le même impact sur celles-ci que s’ils s’attaquaient uniquement à elles. Le cannibalisme apparaît parfois en cas de déficit de proies dans le milieu, ainsi certains auteurs arguent qu’il pourrait s’agir d’un mécanisme capable de diminuer la compétition entre prédateurs mais aussi tout simplement permettant de survivre à ces conditions particulières. Cet par exemple le cas de l’auteur Van den Bosch qui part de cette idée et suppose qu’il doit donc finalement y avoir aussi un impact sur les dynamiques de prédateurs et de proies.
Puisqu’il est très difficile de voir ce comportement naturellement, Van der Bosch crée divers modèles mathématiques et a validé l’un de ceux-ci expérimentalement. Celui-ci s’intéresse à des populations de copépodes (Cyclops abyssorum) très cannibales[30]. Son modèle permet de montrer qu’en absence de prédateur et avec une limitation de ressources (il intègre une capacité de charge du milieu), une proie suit une croissance logistique (comme le montrent les modèles simples de dynamique des populations), mais aussi que la prédation entraîne un certain taux de mortalité. Sans pénurie alimentaire, le prédateur présente plusieurs stades de vie (œuf, différents stades larvaires, adulte). À partir d’un certain âge, les copépodes sont suffisamment gros pour manger leurs semblables, ce qui se traduit par une réponse fonctionnelle de Holling de type II (le nombre de proies capturées augmente linéairement en fonction du nombre de proies, mais finalement on atteint une saturation due au fait que le temps de manipulation des proies par les prédateurs n’est pas négligeable). En faisant varier l’activité cannibale, il a pu déterminer le taux d’attaque des cannibales sur leurs congénères appelé C et donc pu l’insérer à ses équations pour modéliser en fonction du temps les oscillations des abondances de proies hétérospécifiques et des prédateurs (cannibales et non cannibales sont mis ensemble).
Ainsi, Van der Bosch crée un modèle qui montre également que les densités des proies et des prédateurs moyennes en présence de cannibalisme sont plus faibles qu’en absence de cannibalisme. Ainsi, son modèle montre que le cannibalisme pourrait être un mécanisme capable de diminuer ou même éliminer les oscillations proies-prédateurs, ce qui signifie que le nombre d’entrées dans les populations (naissances et immigrations) serait égal au nombre de sorties (morts et émigrations) ce qui mène à un équilibre stable, parfois appelé grossièrement une « stabilité ».
Cependant, il n’y a pas toujours cet état final ! Dans une autre étude, Van den Bosch[31] soulève le problème suivant : selon les modèles et les expériences, il peut y avoir des conclusions très différentes. En effet, en utilisant à nouveau le modèle de Lotka-Volterra et une réponse fonctionnelle de Holling hyperbolique, il dit qu’en fonction des paramètres initiaux on aura soit un changement de l’état d’équilibre (c'est-à-dire des densités de proies-prédateurs différentes de l’état d’équilibre trouvées sans cannibalisme (augmentation ou diminution de ces densités suivant les cas)), soit il pourra apparaître des mécanismes de stabilisation. Il constate par exemple que le taux d’attaque et la capacité de charge peuvent jouer dans l’état stable ou instable de l’équilibre obtenu, mais cela peut aussi dépendre de qui est cannibale dans la population de prédateurs : si la population n’est prédatrice qu’à un stade adulte et que ce sont seulement ces adultes qui deviennent cannibales, cela n’aura pas du tout le même effet que si toute la population est prédatrice et donc potentiellement cannibale et donc il n’y aura pas le même effet sur la dynamique proie-prédateur.
Ainsi, selon certains paramètres initiaux, il constate qu’on pourra soit augmenter, soit diminuer la densité de prédateurs selon les paramètres suivants :
De plus, comme nous l’avons énoncé précédemment, Van der Bosch pense que la réponse sera totalement différente suivant qui est cannibale :
Considérons à présent uniquement une population de prédateurs divisée en deux groupes distincts d'individus cannibales et d'individus proies (donc ici proies conspécifiques). De nombreux modèles prédisent une stabilisation de la dynamique de cette population. Par exemple, les relations d'exploitation entre ces groupes peuvent générer :
Il travaille sur une population de poissons structurée en taille. Les individus de petite taille sont ici meilleurs compétiteurs que ceux de grande taille, comme c'est souvent le cas du fait des besoins énergétiques qui augmentent plus vite que les capacités des individus à trouver des ressources suffisantes, et d'un métabolisme mieux adapté. Les individus de grande taille peuvent alors passer par le cannibalisme. C'est le cas des populations de poissons qu'il étudie. Sans cannibalisme, on observe une forte compétition entre les groupes de différentes tailles qui mène à des oscillations identiques dans les densités de chacun des groupes. Avec des taux de cannibalisme modérés on réduit la compétition entre les groupes ce qui autorise leur coexistence : l'effet du cannibalisme taille dépendant compense l'effet de la compétition taille dépendante. On obtient alors une dynamique de population beaucoup plus stable, avec une répartition en taille relativement homogène chez les individus et des fluctuations très faibles dans la densités de population.
Cushing[34] a lui aussi mis en évidence cette stabilisation lors de son étude de population de poissons cannibales structurée en taille : Si, le nombre net de reproduction est >1, on a une autorégulation de la population. Ceci est vrai, si et seulement si, l’intensité du cannibalisme et l'approvisionnement en ressources sont suffisamment grands. Or, comme le cannibalisme est souvent une réponse à des niveaux faibles de ressources, il est peu ou pas pratiqué lorsque celles-ci sont présentes en quantité suffisante. La stabilisation est donc théorique.
Imaginons une population dont la dynamique est constante (qu'il s'agisse d'un cycle ou d'un équilibre stable) à un temps t. L'introduction du cannibalisme dans cette population va modifier la dynamique de la population et, en fonction des conditions initiales et des valeurs des constantes du modèle, mener vers un des états alternatif stables possibles. Afin d'illustrer cette notion, nous nous appuierons sur une étude menée par Cushing[35] :
Il considère une classe de jeune (YOY = young of the year, individus de moins de 1 an) et une classe d'adultes cannibales. La compétition intervient entre les YOY pour la ressource basale, et définit leur taille à l'âge de 1 an. Le taux de cannibalisme est lui considéré comme proportionnel à la taille des adultes. Les effets négatifs résident dans la mortalité des proies (i), les effets positifs sont divisés en deux catégories :
Les conditions initiales et la valeur des constantes du modèle peuvent alors mener à deux équilibres stables distincts : un équilibre où la taille ultime des poissons est faible, et un équilibre avec des poissons de grande taille. On parle alors de bistabilité.
La présence de cannibalisme et de compétition intra-spécifique peut générer une répartition discrète en génération dans la population, donc potentiellement des classes de taille. En effet, ces phénomènes entraînent une pression forte sur une ou des fractions précises de la population du fait du ratio limite taille des victimes/taille des cannibales autorisant la prédation intra-spécifique. Le cannibalisme taille dépendant est aussi présent lorsqu’une taille de proie vient à disparaître, il peut alors apparaître sur des individus, de l’espèce en question, de la même catégorie de taille que les proies absentes.[réf. nécessaire]
C’est ce qu’a pu observer DeAngelis lors de ses expériences sur les poissons Micropterus salmoides (Lacépède). En effet, les juvéniles de la même taille que les proies absentes se faisaient cannibaliser par les adultes. Grâce à diverses expériences, DeAngelis a pu élaborer un modèle mathématique montrant que la distribution initiale en taille des poissons Micropterus salmoides est plus importante pour l'évolution de leur dynamique que la quantité de ressources alternatives qu’ils ont à disposition. Ainsi, il a pu observer, qu’au sein de cette population de poissons micropterus salmoides cannibales, la distribution initiale en taille des individus d'une cohorte guide l'évolution de sa dynamique[36] :
Dans le modèle de Claessen cité précédemment : si le taux de cannibalisme augmente trop, on obtient de nouveau des cycles, avec des oscillations de grande amplitude, et une distribution en taille bimodale dans la population avec des individus de petites tailles peu cannibales (« nains ») et des « géants » très cannibales[33].
DeAngelis arrive donc aux mêmes conclusions que Claessen sans cette étude : le cannibalisme induit des cycles de population avec une forte distribution bimodale en taille. La population sera composée de deux classes de taille distinctes : une classe dense d'individus de petite taille (relative) et une classe clairsemée d'individus qualifiés de « géants ». Ces derniers présentent principalement un comportement cannibale, quand les premiers se nourrissent majoritairement de la ressource alternative.
Si l’on part d’une population où la mortalité due au cannibalisme est stable durant t générations, et que ce taux de natalité est significativement modifié du fait des conditions environnementales, alors un cycle de densité de population émerge. En prenant en compte certains aspects du cannibalisme, on obtient souvent une évolution chaotique de la densité de population. La déstabilisation va agir sur un équilibre stable puisqu'après il n'existera plus du tout
C’est le cas dans le modèle de Ricker, lorsqu’on augmente le taux de croissance de la population on peut observer l’émergence d’une dynamique chaotique de la densité de population[37].
Quand la nourriture est trop faible pour les adultes, manque de proies, alors dans certains cas ils vont dévorer leurs jeunes pour survivre et échapper à l’extinction. On parle d’effet de « canot de sauvetage »[38] uniquement si :
En dévorant les jeunes, l’adulte cannibale peut augmenter son taux de reproduction ou diminuer son taux de mortalité. Quand il y a des proies hétérospécifiques accessibles, mais qu’elles ne sont pas assez reproductives pour soutenir la population de prédateur, le cannibalisme peut diminuer le risque d’extinction. Si les individus adultes ne deviennent pas cannibales : l’abondance de prédateurs diminue jusqu’à s’éteindre, s’ils deviennent cannibales envers les jeunes alors l’abondance de la population peut ne pas décroître jusqu’à l’extinction et arriver à se maintenir. De plus, une augmentation de la densité de population juvénile peut permettre aux adultes de se maintenir en vie : les jeunes ayant accès à une ressource, ils vivent et grandissent, puis une partie est mangée par les adultes, ce qui leur permet de survivre et de produire davantage de jeunes, ce qui leur permettra de continuer à survivre. Ce mécanisme de « canot de sauvetage » peut être vu comme un effet Allee peu habituel.
Remarque : cette idée a d'ailleurs été également soulevée par Cushing qui dit que : si le nombre net de reproduction est inférieur à 1, alors une population de « non-cannibale » irait à l’extinction. Mais le cannibalisme peut éviter cette extinction, soit en créant un équilibre stable positif ou, dans le cas extrême de très faibles ressources, une croissance démographique non régulée. C'est une stratégie dite de sauvetage qui fonctionne comme expliqué précédemment.
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