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ancien village palestinien vidé de ses habitants De Wikipédia, l'encyclopédie libre
al-Tantura (arabe : الطنطورة, littéralement : Le Pic[1]) était un village de pêcheurs palestiniens situé aux abords du Mont Carmel sur la côte méditerranéenne[2] sur la route d'Haïfa peuplé de 1 600 habitants[3]. À l'origine, il fut construit sur les ruines de l'ancienne cité phénicienne de Dor[4].
Situé en territoire israélien suivant le plan de partage de la Palestine, le village fut conquis le par les hommes de la brigade Alexandroni au cours de l'opération Namal. Au terme de la bataille, l'armée israëlienne procède à l'épuration ethnique du village : 40 à 200 arabes palestiniens sont massacrés (soit entre 2,5 et 12,5 % de la population, principalement des hommes âgés de 14 à 50 ans), tandis que les femmes et les enfants sont déportés vers la ville de Fureidis (en).
Ces évènements connus sous le nom de massacre de Tantura, originellement sujets à controverse durant les années 2000, ont été confirmés par plusieurs vétérans israëliens ayant participé aux massacres comme de civils israëliens ayant participé à l'enfouissement des corps dans des fosses communes[5].
La controverse initiale prit une ampleur particulière en Israël connue sous le nom d'« affaire Tantoura ». Une thèse réalisée par Theodore Katz, diplômé de l'Université de Haïfa, qui a interrogé des survivants palestiniens et des vétérans de la brigade israélienne ayant participé à ces événements[6], a été confrontée au déni.
En 2022, un documentaire israélien intitulé Tantura a été publié, dans lequel plusieurs anciens combattants israéliens ont déclaré avoir été témoins d'un massacre à Tantura après la reddition du village. En 2023, Forensic Architecture a publié son enquête commandée sur la région et a conclu qu'il y avait trois sites de sépulture potentiels dans la région de la plage d'al-Tantura (Tel Dor en hébreu) liés à ce massacre.
Le village côtier d'al-Tantura a été conquis par la brigade Alexandroni de la Haganah la nuit du 22 au [7] au début de la Première Guerre israélo-arabe. Il était situé dans la zone attribuée à Israël par le Plan de partage de la Palestine.
Au cours de la bataille, au moins 70 Arabes dont plusieurs civils furent tués[7]. Les conclusions d'une étude controversée portent le nombre de victimes à 200-250, en incluant des exécutions présumées de prisonniers après la bataille[7].
La totalité des habitants du village (près de 1 490 personnes) furent expulsés. La plupart se réfugièrent en Cisjordanie[8]. Le village fut rasé, et des Juifs s'installèrent sur le site peu de temps après[7].
En 1998, Teddy Katz, un militant de Gush Shalom âgé d'une soixantaine d'années effectuant des études d'histoire[9], rédigea un travail de fin d'études intitulé L'exode des Arabes hors des villages au sud du Mont Carmel[9]. Dans son travail, Katz établit le nombre de victimes de la brigade Alexandroni lors de la conquête du village à 200 ou 250 personnes. Son travail était basé principalement sur le recueil d'environ 200 témoignages oraux recueillis au cours d'interviews réalisés par Katz lui-même.
Le , le journaliste Amir Gilat signe un long article dans le quotidien israélien Maariv, basé sur la thèse de Katz, ainsi que des entretiens conduits par lui-même auprès de réfugiés d'al-Tantura et de vétérans de la brigade Alexandroni[7]. L'article était intitulé : « Le Massacre de Tantoura »[10]. En , les vétérans de la brigade Alexandroni attaquent Katz en justice pour diffamation[7]. C'était le début d'une longue controverse : « l'affaire Tantoura ». Selon les vétérans, les témoignages contenus dans le document de Katz auraient été fabriqués. L'avocat des soldats prouva que certaines retranscriptions n'avaient pas été fidèles. Katz accepta de se rétracter, reconnaissant son tort, ce qui y mit un terme au procès mais il changea d'avis le lendemain sans toutefois que le juge accepte ce revirement. Les circonstances de ce revirement sont controversées.
Dans le même temps, l'Université de Haïfa lui retira son grade, lui demanda de réécrire une nouvelle thèse et de la présenter dans les 6 mois. Son travail fut réexaminé par plusieurs historiens israéliens dont Yoav Gelber et Ilan Pappé. Le travail de Katz fut critiqué pour sa méthodologie douteuse qui consistait à ne recueillir que des témoignages sans essayer de les recouper par d'autres sources.
Ilan Pappé prit la défense de Katz, reprenant la thèse à son compte et défendant la méthodologie utilisée par Katz et indiquant qu'il était tout à fait correct de se baser sur des témoignages oraux. L'affaire dérapa rapidement. Pappé publia sur son site internet une retranscription des témoignages, quittant ainsi, selon ses détracteurs, le strict contexte académique pour mettre l'affaire sur la place publique et la politiser. En 2003, Pappé indique que « les soldats se sont retrouvés avec tous ces palestiniens à leur merci. C'est alors qu'ils ont décidé de les massacrer pour s'en débarrasser. Ils ne voulaient pas se retrouver avec des prisonniers de guerre[11]. ».
Yoav Gelber vilipenda l'attitude de Pappé, tant sur la forme que sur le fond. Pour lui, l'affaire Tantura a définitivement mis un terme au crédit à accorder en tant qu'historien à Ilan Pappé. Il critique vigoureusement la thèse de Katz, parlant de « conjectures, mensonges et désinformation pure et simple[12] ». Pour Gelber, le principe d'un travail ne se basant que sur des témoignages (de civils et de militaires) n'est par principe pas acceptable.
L'affaire est encore compliquée par les préférences politiques affirmées par les deux principaux protagonistes de l'affaire, qui prêtent le flanc aux accusations de partialités idéologiques.
« Gelber s'est défini lui-même comme un partisan du Tsomet[13] », longtemps dirigé par l'ancien chef d'état-major de Tsahal, Rafaël Eitan. Cependant, les préférences idéologiques de Gelber ne l'amènent pas à contester par principe que certains massacres aient pu être commis. Il admet ainsi que plus de 250 habitants ont été exécutés après les combats[14] de l'opération Dani.
De son côté, Pappé était, en 2002, membre du Parti communiste israélien[13] et considéré comme antisioniste[15]. Ses positions générales sur l'attitude d'Israël vis-à-vis des palestiniens sont extrêmement critiques.
Ce qui est devenu la thèse d'Ilan Pappé ne semble à ce niveau n'avoir le soutien complet d'aucun historien israélien, même parmi les « Nouveaux Historiens ». Il dispose par contre du soutien des historiens palestiniens. En France, Dominique Vidal, journaliste et militant pro-palestinien semble accorder crédit aux recherches de Teddy Katz et à la version d'Ilan Pappé. Dans le cadre de l'affaire, Tom Segev a cependant apporté un soutien très prudent à Ilan Pappé[13], mais sans se prononcer clairement sur le fond.
À la suite de cette polémique, Pappé-Gelber, l'affaire Tantura a suscité des réactions fortes en Israël et à l'étranger[16].
La plupart des historiens israéliens ont préféré ne pas se prononcer ouvertement sur le fond, entre autres du fait de la difficulté à traiter la querelle méthodologique Gelber-Pappé : peut-on baser un travail d'historien uniquement sur des témoignages ?
D'un côté ceux-ci apparaissent comme parfois peu fiables. D'un autre côté, comme l'admet Benny Morris, « les massacreurs laissent rarement des rapports écrits sur leurs crimes[7] ».
Benny Morris analyse l'ensemble des documents, et en conclut[7],[17] qu'aucune preuve univoque n'établit le fait qu'un massacre a eu lieu. Morris critique la thèse de Katz sur plusieurs points principaux :
Pour Morris, le massacre reste une hypothèse qui pourrait être confirmée ou infirmée par la déclassification et analyse de « millions de documents » restant à explorer. Il considère cependant que « des crimes de guerre ont été commis » à Tantoura, et relève « un ou deux cas de viol ».
L'Affaire Tantura est devenu un sujet de controverse supplémentaire parmi les commentateurs du conflit israélo-palestinien, instrumentalisé tantôt pour présenter un négationnisme supposé[19] dans le milieu académique israélien, tantôt pour argumenter que les thèses des nouveaux historiens, en particulier d'Ilan Pappé, ne sont que des « fabrications » à des fins politiques.
Le film documentaire d'Alon Schwarz, et spécifiquement les entrevues avec des soldats de la Brigade Alexandroni, rouvre le débat en janvier 2022[20]. Plusieurs groupes réclament maintenant que des fouilles soient menées puisqu'elles pourraient mettre fin aux débats.
Plusieurs anciens combattants israéliens interrogés ont déclaré avoir été témoins d'un massacre à Tantura après la reddition du village. De nombreux interviewés ont fourni des descriptions, avec des estimations du nombre de victimes abattues allant de "quelques-unes" à "plusieurs dizaines" voire "plus de 200". Cette dernière estimation a été fournie par un habitant de Zikhron Yaakov qui a affirmé avoir aidé à enterrer les victimes. Ils ont affirmé que des soldats de la Brigade Alexandroni avaient assassiné des hommes désarmés après la fin de la bataille, et que les victimes avaient en effet été enterrées dans une fosse commune, située actuellement sous le parking de la plage de Dor près du kibboutz de Nahsholim. D'autres interviewés ont explicitement nié la survenue d'un massacre.
La projection a également incité des entités, dont l’Autorité palestinienne et la rédaction de Haaretz, à demander la création d'une commission d'enquête sur un autre site présumé de fosse commune près du mont Carmel.
L'ensemble des documents relatifs à l'affaire ont été rassemblés sur le répertoire en ligne du professeur Dan Censor de l'Université de Beersheba.
Dans Yoav Gelber, Palestine 1948, 2006 et Ilan Pappé, The Ethnic Cleansing of Palestine, 2007, les 2 auteurs présentent leur version des événements d'al-Tantura.
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