7-12-1901. Deux lettres et deux cartes sont en route vers le Nord qui ne supposent point de réponse. Je veux savoir rompus la plupart des fils qui me rattachent à naguère. Peut-être est-ce là l'indice d'une commençante maîtrise. Je me sépare de ceux qui m'avaient enseigné. Ingratitude de l'élève! Que me reste-t-il alors? Rien que l'avenir.
J'ai porté cette guerre en moi depuis longtemps. C'est pourquoi elle ne me concerne pas intérieurement.
Pour me dégager de mes ruines, il me fallait avoir des ailes. Et je volai. Dans ce monde effondré je ne m'attarde plus guère autrement qu'en souvenir, à la manière dont on pense parfois au passé.
Ainsi je suis «abstrait avec des souvenirs».
O toi que j'aime, enfant! je te veux entraîner dans ma fuite. D'une main prompte saisis le rayon; voici l'astre. Accours! Déleste-toi. Ne laisse plus le poids du plus
léger passé t'asservir.
De l'amour et de la pensée, c'est ici le confluent subtil!
La page blanche
luit devant moi.
Et de même que le Dieu se fait homme, ainsi vient se soumettre aux lois du rythme mon idée.
Cette citation provient d'une revue dirigée par André Breton.
«Les Nouvelles Nourritures», André Gide, Littérature, nº1,Mars 1919, p.2
Dans le désert, perdu, irrémédiablement perdu, l’explorateur casqué de blanc se rend compte enfin de la réalité des mirages et les trésors inconnus, les faunes rêvées, les flores invraisemblables constituent le paradis sensuel où il évoluera désormais, épouvantail sans moineaux, tombeau sans épitaphe, homme sans nom, tandis que, formidable déplacement, les pyramides révèlent les dés cachés sous leur masse pesante et posent à nouveau le problème irritant de la fatalité dans le passé et de la destinée dans le futur.
La liberté ou l'amour!(1927), Robert Desnos, éd. Gallimard, coll.«L'Imaginaire»,1962 (ISBN978-2-07-027695-0), IX. Le palais des mirages,p.100
Je devinais que le seul mystère digne d’être sondé se cachait dans notre capacité à résister à ce flot d’inepties qui nous entraînait loin du passé où nous avions égaré l’essentiel de nous-mêmes.
Le passé est faible parce qu’il est mort. Le passé est très fort parce que personne, jamais, et même pas Dieu, ne pourra faire en sorte qu’il n’ait pas existé. Le passé est du temps tombé dans le néant et frappé d’éternité.
De par son origine archaïque, il[le Surmoi] est le représentant du passé, de la tradition, de l'inactuel.
La révolution psychanalytique — La vie et l'œuvre de Freud(1964), Marthe Robert, éd. Payot, coll.«Petite Bibliothèque Payot»,1989 (ISBN2-228-88109-0), 25. Éros et la mort,p.362
En général, le libertin semble se détourner du passé et ne jamais penser à l'avenir: il vit dans un temps présent. Les jouissances passées sont vite oubliées et la quête est à renouveler.
Psychanalyse du libertin, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll.«Psychismes»,2010 (ISBN978-2-10-054958-0), partie I. Libertinage, le plaisir et la joie,chap. Les libertins sont-ils des pervers?,p.16
Anne Calife sous le nom de Anne Colmerauer, La déferlante, 2003
Jusque- là, mon passé ne m’envoyait que de gentilles bouteilles avec du parchemin jauni. Le réseau maillé des mauvais souvenirs a ressurgi, filet oublié dans l'océan gigantesque de la mémoire.
La déferlante, Anne Calife, éd. Balland,2003, réédition Menthol House, 2003 (ISBN2-7158-1436-4), p.84
Impossible d’avoir un œil juste sur le passé. Leurs morceaux du passé sont comme les vitraux d’églises, enchâssés dans du plomb: autant de vues que de couleurs...
La déferlante, Anne Calife, éd. Balland, 2003, réédition Menthol House, 2003 (ISBN2-7158-1436-4), p.88
Dans les textes tantriques [...] il est dit que l'évolution de la conscience passe, grâce au croissant, de la région humide à la zone enflammée du soleil, et de là, à travers la région de l'air, à la pleine lune. Celui qui atteint la pleine lune «voit les trois périodes et a la vie longue», il est aux portes de la «grande libération». Ces trois périodes sont le passé, le présent et l'avenir. Elles correspondent aux trois mondes des mythes de la lune: les enfers, la terre et les cieux. [...] en termes de psychologie, celui qui a atteint au royaume de la pleine lune a gagné la connaissance de l'inconscient qui est source, passé, origine; il possède la puissance dans le monde présent, son regard pénètre l'avenir. En un sens il échappe au temps dont il transcende les limites. Il a acquis l'immortalité.
Les Mystères de la femme(1953), Mary Esther Harding(trad. Eveline Mahyère), éd. Payot & Rivages, coll.«Petite Bibliothèque Payot»,2001 (ISBN2-228-89431-1), chap. XIV. Renaissance et immortalité,p.317