..., car les choses se contentent d'être, elles ne sont ni vraies ni fausses, ni justes ni injustes, ni bonnes ni mauvaises, ni laides ni belles, en dehors des conditionnements du système nerveux humain qui les fait trouver telles. Les choses sont. Selon l'expérience que nous en avons, qui varie avec notre classe sociale, notre hérédité génétique, notre mémoire sémantique et personnelle, nous les classons hiérarchiquement dans une échelle de valeurs qui n'est que l'expression de nos déterminismes innombrables. Nos déterminisme sociaux sont dominants, car les sociétés, comme toutes les structures vivantes, ont tendance à maintenir l'état dans lequel elles se trouvent, pour préserver leur existence, en soumettant l'individu à leurs préjugés, leurs préceptes, leurs lois, leurs "valeurs". Un tel sujet est alors dit équilibré avec son milieu, état idéal car il ne sera à l'origine d'aucune révolte. Il n'aura même plus à penser, car la société lui aura créé dès l'enfance une batterie de réflexes conditionnés par des jugements de valeur, qui n'ont de valeur que pour le groupe social dans lequel il vit.
L’homme imaginant : essai de biologie politique,
Henri Laborit, éd. Union Générale d’Édition, coll. «
10/18
», 1970
(ISBN 2-264-00882-2), Chapitre I - Biologie et politique,
p.
16
Il faut toujours revenir aux questions fondamentales sous peine de s'égarer.
1°) Que fait l'homme sur la terre ? Il vit ou, plus précisément, il survit. Il croît et se multiplie, au même titre que toutes les espèces vivantes qui, à travers les âges de la terre, sont arrivées jusqu'à nous.
2°) Pour y parvenir, dans un perpétuel échange d'énergie avec son milieu, et par une régulation en rétroaction sur ce dernier, il a dû s'adapter à lui et adapter celui-ci à ses besoins.
3°) Il y a été aidé par un phénomène biologique particulier qui est sa faculté d'imagination ou, en d'autres termes, de restructuration originale de ses expériences acquises, ou transmises, à travers les générations par le langage.
4°) On peut donc admettre que cette adaptation, facteur de sa survie, sera d'autant meilleure que son expérience est plus vaste.
On peut en conclure que son but essentiel est la « connaissance » indispensable à sa survie.
L’homme imaginant : essai de biologie politique,
Henri Laborit, éd. Union Générale d’Édition, coll. «
10/18
», 1970
(ISBN 2-264-00882-2), Chapitre III - L'«
essence de l'Homme
». La notion de besoin,
p.
42
[...] ou l'humanité aura comme finalité essentielle de fuir l'ignorance et l'unidisciplinarité idéologique et technique, ou elle demeurera dans le chaos, la souffrance et le meurtre. L'ignorance et le conditionnement sont les vrais ennemis de l'homme, tant du prolétaire que du bourgeois. L'ignorance ne vient pas seulement de la difficulté que certains hommes rencontrent à s'instruire. Elle vient aussi du fait que l'homme ne cherche le plus souvent à connaître que ce qui satisfait ses désirs. Il cherche dans la connaissance la reconnaissance de ses pulsions primitives ou secondaires et interdites, une justification de ses jugements de valeur. Il ferme les yeux, atteint de photophobie quand la lumière de la vérité le frappe trop brusquement et éclaire les couches obscures de son inconscient. Il préfère l'alchimie à la chimie, le yoga à la physique moderne et la politique à la neuro-psycho-biologie.
L’homme imaginant : essai de biologie politique,
Henri Laborit, éd. Union Générale d’Édition, coll. «
10/18
», 1970
(ISBN 2-264-00882-2), Chapitre VII - Étude critique des régimes socio-économiques contemporains,
p.
76
Lorsque l'on pense au fait que chaque enfant qui naît est une page blanche, découpée dans le long parchemin enroulé du déterminisme génétique, mais fraîche et immacculée comme au premier jour du monde humain; lorsque l'on pense que ce qui s'inscrit très tôt sur elle, ce qui fait sa richesse et sa fragilité, c'est l'expérience acquise par l'humanité au cours des âges, et que cette expérience nous sommes seuls et tous responsables du contenu sémantique des caractères qui la transcrivent, nous sommes tentés de conclure qu'il y manque un chapitre, sans doute essentiel, à voir le monde des adultes, ce monde aveugle et déchaîné. Et c'est vrai qu'à l'héritage nous n'avons pas encore ajouté, ce que nous savons ou du moins croyons connaître de la Vie. Sur cette page blanche s'inscrivent, jour après jour, les lois physiques et les lois sociales, les règlements, les sens interdits, les feux rouges, les codes, les limitations de vitesse, mais rien, absolument rien, concernant la page elle-même, son origine, sa texture, ses filigranes, sa couleur et son utilité.
L’homme imaginant : essai de biologie politique,
Henri Laborit, éd. Union Générale d’Édition, coll. «
10/18
», 1970
(ISBN 2-264-00882-2), Chapitre X - Naissance et rôle des sciences de la vie,
p.
116,117
Ah! si les peuples sous-développés étaient indispensables à la survie des autres, il y a fort à penser que l'on s'occuperait d'eux plus activement. Mais si l'impérialisme mondial est prêt à faire des guerres locales pour conserver l'exploitation de certaines régions pétrolières, ou pour conserver le contrôle de certaines régions dont il considère qu'elles sont importantes à sa sécurité, il sait bien par contre qu'il peut continuer à vivre sans les populations qui les habitent. Si les classes dominantes nationales ne peuvent se passer de leur prolétariat national qui détient la force de travail, l'impérialisme international par contre n'a pas besoin du prolétariat misérable qui constitue les populations du tiers-monde. Autant dire qu'il considère faire œuvre charitable s'il ampute de quelques centimes le produit national, pour le livrer gratuitement pense-t-il à ces populations, alors qu'il retire de leur sol une richesse pourtant considérable. Pourquoi n'ont-elles pas d'ailleurs suivi une évolution technique semblable? C'est bien la preuve que ce sont des races inférieures, peu douées, et qui « méritent » le sort misérable qui est le leur. Même si cette opinion n'est pas toujours proférée, elle est toujours plus ou moins inconsciemment pensée. Elle résulte directement d'ailleurs de la notion de liberté humaine, l'homme libre étant seul responsable de son destin.
L’homme imaginant : essai de biologie politique,
Henri Laborit, éd. Union Générale d’Édition, coll. «
10/18
», 1970
(ISBN 2-264-00882-2), Chapitre XIII - Et le tiers-monde?,
p.
156,157
En effet, la cybernétique, nous l'avons dit, nous apprend que le milieu transforme l'homme et que l'homme transforme le milieu. Mais depuis des centaines de milliers d'années, la structure biologique de l'homme est restée à peu près la même. Ce qui a changé, c'est ce que sa mémoire est maintenant capable d'engrammer. Ce qui a changé, ce sont donc les éléments que son Imagination a à sa disposition et peut aujourd'hui manipuler. Mais les facteurs qui dirigent cette manipulation, nous commençons à peine à les entrevoir, à les isoler, à les comprendre, ce qui est nécessaire pour les diriger. [...] La toxicité d'un agent pharmacologique est complètement différente suivant qu'il est injecté à un animal isolé ou à un animal en groupe et suivant l'importance du groupe.
L’homme imaginant : essai de biologie politique,
Henri Laborit, éd. Union Générale d’Édition, coll. «
10/18
», 1970
(ISBN 2-264-00882-2), Épilogue,
p.
184