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En théorie des probabilités, une variable aléatoire à densité est une variable aléatoire réelle, scalaire ou vectorielle, pour laquelle la probabilité d'appartenance à un domaine se calcule à l'aide d'une intégrale sur ce domaine.
La fonction à intégrer est alors appelée « fonction de densité » ou « densité de probabilité », égale[1] (dans le cas réel) à la dérivée de la fonction de répartition.
Les densités de probabilité sont les fonctions essentiellement positives et intégrables d'intégrale 1 sur .
Informellement, une densité de probabilité peut être vue comme la limite d'un histogramme : si on dispose d'un échantillon suffisamment important de valeurs d'une variable aléatoire à densité, représenté par un histogramme des fréquences relatives des différentes classes de valeurs, alors cet histogramme va ressembler à la densité de probabilité de la variable aléatoire, pourvu que les classes de valeurs soient suffisamment étroites.
Une variable aléatoire réelle X est dite à densité s'il existe une fonction f positive et intégrable sur , appelée fonction de densité, telle que pour tout on ait .
Dans ce cas, pour tout réel a on trouve . En outre, la fonction de répartition est continue et même presque partout dérivable, et sa dérivée est alors presque partout égale à la fonction de densité.
On obtient aussi , ce qui correspond à la somme des probabilités élémentaires pour une variable aléatoire discrète, mais la fonction de densité peut très bien avoir des valeurs strictement supérieures à 1.
Le support d'une variable aléatoire à densité est l'adhérence de l'ensemble des réels pour lesquels la fonction de densité est essentiellement non nulle, c'est-à-dire le complémentaire de la réunion des intervalles ouverts sur lesquels la fonction de répartition est constante.
En traçant la représentation graphique de la densité de probabilité, la probabilité se lit comme l'aire sous la courbe sur l'intervalle [a , b].
On peut classer les lois à densité selon leur type de support : borné, semi-infini ou infini. Chacune d'elles représente en général une famille de lois dépendant d'un ou plusieurs paramètres.
Parmi les lois à densité à support borné, on trouve notamment les lois uniforme, triangulaire, ou la loi bêta.
Beaucoup de lois à densité ont pour support l'ensemble , comme la loi exponentielle, le χ² (« khi-deux »), la loi Gamma ou la loi de Pareto.
D'autres ont pour support l'ensemble comme la loi normale et la loi de Cauchy.
En vertu d'un théorème dû à Lebesgue[2], la fonction de répartition d'une variable aléatoire réelle X étant croissante, elle est dérivable presque partout sur , et la dérivée ainsi obtenue est positive et intégrable sur , d'intégrale inférieure ou égale à 1.
Une variable aléatoire réelle est à densité si et seulement si l'un des critères équivalents suivants est satisfait :
La continuité de la fonction de répartition exclut les variables aléatoires discrètes mais ne suffit pas pour définir une fonction de densité, comme dans le cas d'une variable aléatoire dont la fonction de répartition est l'escalier de Cantor. Une telle loi est dite diffuse, mais la dérivée de la fonction de répartition est presque partout nulle.
On dispose également d'une condition suffisante souvent utilisée dans les cas pratiques : une variable aléatoire réelle dont la fonction de répartition est continue et de classe par morceaux sur est une variable à densité.
Soit X une variable aléatoire réelle ayant une densité de probabilité f. D'après le théorème de transfert, X possède un moment d'ordre k si et seulement si l'intégrale
est finie. On a dans ce cas
En particulier, lorsque le moment d'ordre 2 existe :
et, d'après le théorème de König-Huyghens,
La définition qui suit est une reformulation de la définition intégrale proposée en début d'article. C'est la définition utilisée en général par les physiciens, en particulier ceux issus du domaine de la physique statistique.
Si dt est un nombre réel positif infiniment petit, alors la probabilité que X soit inclus dans l'intervalle [t , t + dt] est égale à f (t) dt soit :
Cette « définition » est très utile pour comprendre intuitivement à quoi correspond une densité de probabilité, et elle est correcte dans beaucoup de cas importants. On peut tracer une analogie avec la notion de densité de masse, ou encore avec la notion de densité de population. Une formulation plus mathématique serait
ce qui permet de comprendre en quoi la définition donnée en physique n'est pas complètement rigoureuse :
et il est alors facile de vérifier que si f possède une limite à droite en t, qu'on note f(t+), on a alors :
ce qui corrobore la définition physique lorsque f est continue à droite en t, mais la met en défaut quand f(t) ≠ f(t+). Bien sûr, les densités de probabilités usuelles sont continues à droite sauf éventuellement en un nombre fini (et en un petit nombre) de points.
Ce genre d'interprétation infinitésimale (ou issue de la physique) s'étend aux dimensions d ≥ 2 (voir la section suivante).
Soit une suite de 9 v.a.r. i.i.d. de même densité f et de même fonction de répartition F. Notons M la médiane de cette suite. Alors :
On peut voir cela comme une suite de 9 expériences aléatoires indépendantes faites dans les mêmes conditions, avec à chaque fois trois issues : « Xi ≤ t », « t < Xi < t + dt » et « t + dt ≤ Xi », de probabilités respectives F(t), f(t) dt et 1 – F(t + dt), donc la probabilité ci-dessus est donnée par la loi multinomiale de paramètres 3, 9 et (F(t) , f(t) dt , 1 – F(t + dt)). Ainsi :
et la densité de M est
Cette méthode est détaillée dans le livre de David[3]. Un résultat plus général se trouve dans Statistique d'ordre.
Pour le calcul de la densité de la médiane de 9 variables i.i.d., une solution plus rigoureuse que celle de la section précédente, mais plus lourde, est de calculer la fonction de répartition de la médiane, puis de la dériver. On reconnait un schéma de Bernoulli : le nombre d'indices i tels que {Xi ≤ t } suit une loi binomiale de paramètres 9 et F(t).
En dérivant, on trouve :
Après quelques manipulations sur les coefficients binomiaux, tous les termes de cette somme se télescopent, sauf une partie du premier terme, ce qui donne :
puis
Pour les deux dernières égalités, se référer aux pages sur la fonction bêta et sur la fonction gamma. Il en découle que fM satisfait le critère 1. CQFD.
On pourra consulter le livre de David[3] (pages 8-13) pour plus de détails.
Définition — On appelle densité de probabilité d'une variable aléatoire X à valeur dans une fonction f telle que pour toute partie borélienne
Cette définition est en particulier valable pour d = 1 et est donc équivalente à la première définition, dans le cas particulier d = 1. Il existe une définition (équivalente) en termes d'espérance mathématique :
Théorème — Soit une variable aléatoire X à valeur dans , de densité f, et soit φ une fonction borélienne de dans Alors, dès qu'un des deux termes de l'égalite suivante
a un sens, alors l'autre aussi, et l'égalité a lieu. Réciproquement, si l'égalité ci-dessus a lieu pour tout φ borélien borné, alors f est une densité de X.
Si une fonction f est la densité de probabilité d'une variable aléatoire à valeur dans , cette fonction vérifie les propriétés suivantes :
Réciproquement, si une fonction f vérifie les 3 propriétés ci-dessus, on peut construire une variable aléatoire X à valeur dans ayant f pour densité de probabilité. Les variables aléatoires qui possèdent une densité de probabilité sont appelées parfois variables à densité, parfois variables continues.
En vertu du théorème de Radon-Nikodym, le vecteur aléatoire Z possède une densité si et seulement si, pour chaque borélien A de dont la mesure de Lebesgue est nulle, on a
Ce critère est rarement employé dans la pratique pour démontrer que Z possède une densité, mais il est en revanche utile pour démontrer que certaines probabilités sont nulles. Par exemple, si le vecteur aléatoire Z = (X , Y) possède une densité, alors
ou bien encore, plus généralement,
pour des fonctions φ et ψ suffisamment régulières[4], parce que la mesure de Lebesgue (c'est-à-dire la surface) de la 1re bissectrice (resp. du cercle unité, du graphe de la fonction φ, ou de la courbe d'équation ψ = 0) sont nulles.
Le critère de Radon-Nikodym peut aussi être utilisé pour démontrer qu'un vecteur aléatoire ne possède pas de densité : par exemple, si
où Θ désigne une variable aléatoire à valeur dans [0 , 2π] (par exemple, si Z est tiré au hasard uniformément sur le cercle unité, c'est-à-dire si Θ suit la loi uniforme sur [0 , 2π]), alors Z ne possède pas de densité car
En spécialisant à d = 1, on note que, parmi les boréliens A de dont la mesure de Lebesgue est nulle, figurent en particulier les parties finies de Donc une variable aléatoire réelle X à densité vérifie, en particulier :
pour tout nombre réel x, et, par conséquent,
Il s'ensuit que les variables aléatoires réelles à densité ont nécessairement une fonction de répartition continue sur La continuité de la fonction de répartition n'est pas, toutefois, une propriété caractéristique des variables aléatoires réelles à densité, comme le montre l'exemple de la loi de Cantor, dont la fonction de répartition est l'escalier de Cantor.
Si f et g sont deux densités de probabilités de la même variable aléatoire X alors f et g sont égales presque partout. Réciproquement, si g est presque partout égale à une densité de probabilité de X, alors g est une densité de probabilité de X. Ainsi une variable aléatoire à densité possède-t-elle toujours une infinité de densités de probabilité : par exemple, en perturbant l'une des densités de X de manière arbitraire en un nombre fini de points, on obtient encore une densité de X.
En revanche, la densité de probabilité est par conséquent unique modulo l'égalité presque partout.
La fonction g définie de dans est une densité jointe de la suite de variables aléatoires réelles (Z1, Z2, ... , Zd) si g est une densité de probabilité du vecteur aléatoire Z à valeurs dans défini par
On peut alors calculer la probabilité d'événements concernant les variables aléatoires réelles (Z1, Z2, ... , Zd) de la manière suivante :
Si d = 2, s'écrit où A désigne le demi-plan sous la première bissectrice On a alors, par définition de la densité,
Si par exemple Z1 et Z2 sont indépendants et ont même densité de probabilité f, alors une densité de Z est g = f ⊗ f, c'est-à-dire une densité de Z est g défini par g(z1, z2) = f(z1)f(z2). En ce cas,
Si par contre Z2 = Z1 p.s., le vecteur (Z1,Z2) a les mêmes lois marginales (Z1 et Z2 ont f pour densité de probabilité), mais n'a pas la même loi jointe, puisqu'alors Ainsi la donnée des densités marginales de Z1 et Z2, seules, ne permet pas de calculer la probabilité d'événements faisant intervenir à la fois Z1 et Z2, comme l'évènement {Z2 ≤ Z1 }. Pour effectuer le calcul, on utilise ordinairement la loi jointe de Z1 et Z2, définie dans le cas ci-dessus par leur densité jointe.
Soit Z un vecteur aléatoire à valeurs dans de densité fZ et pour ω ∈ Ω soit X(ω) et Y(ω) les deux coordonnées de Z(ω). On notera
Alors
Propriété — Les variables aléatoires réelles X et Y possèdent toutes deux des densités, notons-les respectivement fX et fY, et ces densités sont données par
Les densités de probabilités fX et fY sont appelées les densités marginales de fZ.
Plus généralement, si f définie de dans est une densité jointe de :
on peut calculer une densité g de (par exemple) Y=(Z2, Z5, Z6) de la manière suivante (si d = 8 par exemple) :
c'est-à-dire en intégrant par rapport à toutes les coordonnées qui ne figurent pas dans le triplet Y. La fonction g est elle aussi appelée « densité marginale » ou « marginale » de f. Une formulation générale serait lourde. La démonstration générale est calquée sur la démonstration de la propriété ci-dessus.
La densité jointe des 9 statistiques d'ordre[5], notées ici (Zi){1 ≤ i ≤ 9} de l'échantillon (Xi){1 ≤ i ≤ 9} est donnée par :
Par définition des statistiques d'ordre, la médiane M est aussi la 5e statistique d'ordre, Z5 On a donc :
Ainsi, de proche en proche,
Soit une suite X = (X1, X2, ... ,Xn) de variables aléatoires réelles définies sur le même espace de probabilité
Théorème —
Dans cette section, on considère la question suivante : étant donné une variable aléatoire X de densité fX et une fonction g, quelle est la loi de la variable aléatoire Y = g(X) ? En particulier, sous quelles conditions Y possède-t-elle aussi une densité de probabilité fY ? Et comment peut-on la calculer ? Une réponse rapide est que, localement, on doit pouvoir appliquer à la fonction g le théorème d'inversion locale sauf sur un ensemble de points de mesure de Lebesgue nulle). Le calcul de fY se résume alors à un changement de variable dans une intégrale simple ou multiple, comme cela est illustré dans les quelques exemples ci-dessous.
La densité de probabilité de la somme de deux variables aléatoires indépendantes U et V, chacune ayant une densité fU et fV, est donnée par une convolution de ces densités :
Pour déterminer la loi de la somme de variables indépendantes, on peut aussi passer par la fonction génératrice des moments ou par la fonction caractéristique d'une variable aléatoire[6]. C'est ainsi qu'est démontré le théorème central limite.
La densité de probabilité de la moyenne de deux variables aléatoires indépendantes U et V, chacune ayant une densité fU et fV, s'obtient alors en utilisant la fonction suivante :
Notons fX la densité de la variable aléatoire réelle X. Il est possible de considérer un changement de variable, dépendant de x. La transformation est la suivante : Y = g(X) où la fonction g est strictement monotone et dérivable, de dérivée qui ne s'annule nulle part. La densité fY(y) de la transformée est
où g−1 représente la fonction réciproque de g et g' la dérivée de g.
Pour une transformation g non monotone, la densité de probabilité de Y est
où n(y) est le nombre de solutions en x de l'équation g(x) = y, et g-1
k(y) sont les solutions. La fonction g doit vérifier certaines hypothèses, toutefois : essentiellement on doit pouvoir lui appliquer le théorème d'inversion locale sauf sur un ensemble de points de mesure de Lebesgue nulle. Par exemple un ensemble d'hypothèses peu limitatif mais simple à vérifier serait : g est de classe C1 et l'ensemble des zéros de la dérivée g' est localement fini. Il s'agit d'exclure entre autres (mais pas seulement) le cas où g est constante sur un ensemble de mesure non nulle pour la loi de X, cas où g(X) n'a pas une loi à densité, car la loi de g(X) peut alors avoir une partie discrète.
Prenons X uniforme sur [0 ; 2] et g(x) = min (x,1). Alors
Autrement dit, la loi de Y a une partie à densité, mais aussi un atome en 1.
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