Un transi, dans l'art funéraire de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, est une sculpture représentant un mort. Le terme transi, du verbe transir, signifie étymologiquement «aller, passer (du latin ire) au-delà (du latin trans-)», c'est-à-dire mourir[1], de la même façon que le plus moderne trépassé[2]. Contrairement au gisant représentant un personnage couché et endormi, dans une attitude béate ou souriante, le transi représente le défunt de façon réaliste, nu, voire en putréfaction. De façon exceptionnelle, le transi de René de Chalon, dans l’église Saint-Étienne à Bar-le-Duc, sculpté par Ligier Richier, est debout, tendant son cœur à pleine main vers le ciel[3].
Apparu dans ce XIVesiècle où guerre (celle de Cent Ans), peste et famine ont emporté la moitié de la population, le transi marque une cassure dans l'art funéraire du Moyen Âge. L'horreur et les vers, la putréfaction et les crapauds remplacent — brutalement — sourires, heaume ou hennin. Guillaume de Harcigny ne joint pas les mains dévotement, mais tente, de ses phalanges sèches, de cacher un sexe pourri depuis longtemps. Le cardinal Lagrange exhorte le passant non à prier pour lui, mais à faire preuve d'humilité, car tu seras bientôt comme moi, un cadavre hideux, pâture des vers[4].
Le terme transi apparaît au XIIesiècle dans l'acception de «transi de vie», c'est-à-dire «trépassé». La religion populaire, empreinte de magie, en fait un saint à invoquer dans les cas désespérés. On trouve un bon exemple de ce culte à Ganagobie dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Seules certaines régions sont touchées par le remplacement des gisants par des transis. Ainsi en est-il de l'Est de la France et de l'Allemagne occidentale. En revanche, le transi demeure exceptionnel en Italie ou en Espagne[5]
Johan Huizinga voit la preuve, dans l'apparition des transis, d'une crise morale. Alberto Tenenti, à l'inverse, y voit une horreur de la mort: célébration de «la vie pleine». Philippe Ariès se positionne plutôt du côté de Tenenti. Se fondant sur les vers des Vigiles des Morts de Pierre de Nesson («O charoigne, qui n'es mais hon,/Qui te tenra lors compaignée?/ Ce qui istra [sortira] de ta liqueur,/ Vers engendrés de la pueur/ De ta ville chair encharoignée.», cité p.30), l'historien nous explique que l'horreur de la décomposition n'est pas post mortem, mais dans la maladie[6].
transi de Francis de la Serra à La Sarraz en Suisse, premier transi de la sculpture occidentale datant de la fin du XIVesiècle;
transi de 1500-1525 de Jeanne de Bourbon-Vendôme, comtesse de Boulogne et d'Auvergne (morte en 1521) provenant de l'église des Cordeliers de Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme), musée du Louvre; transi de Guillaume Lefranchois (après 1446), musée des Beaux-Arts d'Arras;
transis de François II de la Rochefoucauld (1494-1533) et sa femme, Anne de Polignac (morte en 1554), bas-relief, musée du Louvre, provient du couvent des Cordeliers de Verteuil (Charente);
bas relief du monument funéraire de Valentine Balbiani, par Germain Pilon, (1572);
Alain Rey (sous la direction de), Le Grand Robert de la Langue Française, Le Robert, (ISBN978-2-85036-673-4 et 2-85036-673-0), articles transi et transir
«Transir, v. int., Passer, partir [exemples], en particulier, trépasser, mourir», Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVesiècle, t.8, Paris, F. Vieweg, 1881-1902, 1reéd. (lire en ligne), p.16-17
Françoise Baron, Le médecin, le prince, les prélats et la mort. L'apparition du transi dans la sculpture française du Moyen Âge dans les Cahiers archéologiques. Numéro 51. Paris, Picard, 2006, p.125-158.