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contribution pédagogique de l'oeuvre de Tolstoï De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Léon Tolstoï, géant de la littérature russe, est souvent méconnu en tant que pédagogue libertaire[1],[2]. Pourtant, il fut un grand précurseur et développa des concepts qu'il expérimenta dans l'école qu'il installa dans sa propriété pour les fils de ses paysans.
En 1847, Tolstoï a 19 ans. Il vient d’hériter de la propriété d’Iasnaïa Poliana, ainsi que de ses 700 « âmes », c'est-à-dire les serfs travaillant sur ses terres. Il va essayer d’améliorer le sort de ses paysans, mais il butera sur leur passivité et la négligence des intendants.
De retour des guerres du Caucase, 7 ans plus tard, il décide de rendre ses terres aux paysans, pour qu’ils puissent améliorer leur sort. Mais ils ne veulent pas. Ils ont peur de se faire escroquer. Tolstoï écrira dans son journal: « Ils ne veulent pas de la liberté », et se tournera vers l’enseignement pour chercher une réponse à l’émancipation des peuples.
En 1859, il ouvre une école dans sa propriété pour les enfants de ses moujiks[3]. Il va d’abord appliquer les principes qu’il ressent, inspirés de Montaigne et de Rousseau. Puis il va faire un voyage en Europe l’année suivante où il tentera de répondre à la question: « Quoi enseigner et comment ? ». Il est déçu par l’école traditionnelle, mais de manière plus surprenante, également par les expériences progressistes de l’époque, inspirées par l'œuvre de Johann Heinrich Pestalozzi (premier éducateur à appliquer les principes de Rousseau en éducation) ou encore Friedrich Fröbel (l’inventeur des jardins d’enfants), dont il rencontre le neveu. Il ne veut pas d’une école qui éduque selon telle ou telle idéologie, et souhaite séparer complètement l’instruction de l’éducation.
En France, il critique l’instruction qui permet à des enfants de faire des calculs compliqués, tout en étant incapable d’en comprendre le sens. Par contre, il est ébahi de la connaissance des petits Français, d’œuvres comme Le Comte de Monte-Cristo ou encore Les Trois Mousquetaires. Il en conclut : « L’école n’est pas dans les écoles, mais dans les revues et les cafés ».
Quand il revient en Russie, Tolstoï a fait un véritable travail de documentation. Pendant son absence, Alexandre II publie un traité d’abolition du servage. Raison de plus pour mettre en place une pédagogie de l’émancipation.
Il crée aussi un journal pour rendre compte de son expérience pédagogique et défendre sa vision de l’enseignement.
Mais la police tsariste et les ministères de l’intérieur ne voient pas d’un bon œil les expériences pédagogiques de l’écrivain. L’expérience prendra fin en 1862, alors qu’une escouade de gendarmes investit le domaine pendant deux jours et met l’école sens dessus dessous.
« Qu'enseigner et comment ? » De cette question découleront toutes les réflexions et les mises en œuvre du pédagogue.
Il condamne l’immixtion du maître sur l’élève, c'est-à-dire son influence consciente et refuse l’éducation. Il refuse cette « influence forcée d’une personne sur une autre, dans le but de former un homme tel qu’il lui semblera bon ». Ainsi, il va jusqu’à ne pas reconnaître « le droit d’éducation ».
C’est ici, on le voit, un point de dissidence avec l’école progressiste de son époque, et c’est ici que Tolstoï se pose en précurseur de nouveaux courants pédagogiques (non-directifs, libertaires, etc. …).
Il souhaite aussi protéger la culture de ce qu’il appelle « l’école ».
Tolstoï est un être de contradiction. À partir de la cinquantaine, il entrera dans une grande période mystique. Apparaîtra alors, une forme tardive d’éducation dans le but de « développer chez les enfants tout ce qui favorise l’union », l’union avec tous les êtres vivants étant « la grande affaire de la vie »[6].
Il n’y a qu’un seul objectif à l’enseignement et celui-ci est évident: « l’aspiration à l’égalité des connaissances ». Comment se fait-il alors, que celui-ci soit si souvent délaissé ou relégué au dernier plan. L’explication est dans les raisons qui motivent les éducateurs. Ceux-ci n’aspirent pas forcément à cette égalité des connaissances, mais sont guidés par des valeurs et imposent « l’étude par l’obéissance, l’étude par l’amour-propre, l’étude par l’ambition et les avantages personnels ». Pourtant la pédagogie ne devrait pas s’inspirer de finalités idéologiques, philosophiques ou religieuses. Elle ne devrait pas non plus réfléchir à comment mieux préparer la jeune génération à la société. Sa seule préoccupation devrait concerner les « conditions qui ont corroboré la concordance des aspirations de celui qui instruit et de celui qu’on instruit »[4].
Il faut une rencontre la plus vraie possible entre celui qui sait et celui qui désire apprendre. Cela implique une relation sans domination entre le maître et l’élève. On voit ici un point de divergence avec Rousseau. Quand ce dernier invente un éducateur fourbe et omnipotent, Tolstoï souhaite un maître humain, c'est-à-dire imparfait et honnête:
La liberté est tellement importante qu’elle devient même le critère pour déterminer quelle méthode choisir. La méthode n’est pas choisie en fonction d’une doctrine pédagogique, ni pour réaliser un objectif en fonction de cette doctrine, mais pour la liberté ici et maintenant, seul facteur permettant l’apprentissage.
De la sorte, il n’y a qu’un critère de la pédagogie:
Ainsi, en souhaitant un maître imparfait et honnête, en laissant la possibilité à l’élève de refuser l’influence du maître et en calibrant le choix de la méthode sur l’acceptation libre de celle-ci par l’élève, Tolstoï renverse le paradigme de l’échec:
Les meilleures conditions de l’instruction étant ce rapport sans domination entre le maître et l’élève, Tolstoï interdit l’usage des punitions. Il pense aussi que la seule récompense est dans l’assouvissement du désir de savoir. Le refus d’une forme de dressage n’implique pas forcément une attirance pour le chaos. Plus les connaissances à enseigner se font précises, spécifiques, plus un ordre est nécessaire pour organiser leurs transmissions. Mais cet ordre se construit par la nécessité qu’impose le désir de savoir et non par une contrainte extérieure à l’enfant:
Par le principe de non-immixtion, par le refus de l’éducation, par l’abolition des punitions et des récompenses, par le postulat que l’enfant désire apprendre et est bon par nature, Tolstoï se pose en héraut des mouvements de résistance aux pédagogies technicistes d’un Jean Itard ou plus tard, celles inspirées par le béhaviorisme.
Tolstoï fut un grand précurseur et a ouvert de nouvelles possibilités en pédagogie.
En 1921, se tient à Calais le rassemblement pour l'éducation nouvelle. Dans la déclaration de Neill qui suit, on retrouve tous les principes de l’école de Tolstoï, avec une vision rousseauiste de la société (donc l’école) pervertissant la nature originellement bonne de l’enfant:
Carl Rogers élabore une thérapie centrée sur le développement de la personne. En 1940, il est enseignant et découvre l’importance de l’écoute dans la relation pédagogique.
Petit à petit il va mettre en place une pédagogie non-directive. Le rôle du maître n’est plus d’imposer le savoir mais d’accompagner l’apprentissage de celui qui veut acquérir le savoir.
La question qui traverse toute la pédagogie de Freinet est: «Comment faire boire un cheval qui n’a pas soif ?», ou comment susciter le désir d’apprendre, c'est-à-dire un désir intrinsèque, non motivé par la contrainte. C’est aussi le pédagogue de la méthode naturelle. Pour se rendre compte de ce que Freinet doit à Tolstoï, voici une citation de ce dernier:
Le pédagogue du «Learning by doing» s’inscrit à plusieurs reprises dans la filiation de Tolstoï. Il a une réflexion similaire sur l’intérêt en pédagogie:
Lui aussi pense que par la contrainte, on pervertit l’enfant, plus précisément, cela entraîne «la désintégration du caractère» ! :
Mais c’est tout particulièrement dans la vision de l’expérience qu’on entrevoit la relation entre ces deux pédagogues. Pour Dewey, grande figure du pragmatisme, on ne mesure la validité d’une théorie que dans ses applications pratiques. Tolstoï ne pensait pas mieux l’éducation:
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