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compositeur, organiste et poète De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jehan Titelouze [Jean Titelouze], né à Saint-Omer vers 1563, mort à Rouen le , est un organiste et compositeur français du début de la période baroque. Il est considéré comme le fondateur de l’école française d’orgue et a passé l’essentiel de sa carrière comme organiste et chanoine de la cathédrale Notre-Dame de Rouen. Il passe pour être un des organistes les plus talentueux de son temps, improvisateur doué, expert en facture d'orgues, poète à ses heures et en relation avec les théoriciens de son temps.
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Orgue (en) |
La famille de Titelouze peut être retracée à Saint-Omer à partir de la fin du XVe siècle[1]. Le premier Titelouze identifié est Guillaume [Guillemin] « Tithelouze », bourgeois de Saint-Omer, déjà mort en 1513. On trouve en 1523 un Michel [Micquiel] Titelouze, barbier et chirurgien de son état, mort en 1553, qui eut deux fils, Lambert (lui-même père de Nicolas, sergent au bailliage de Saint-Omer et ménétrier, et de Loys, arpenteur) et Benoît (guetteur et ménétrier de la ville et plus tard poissonnier), ainsi qu’une fille. Les actes[2] indiquent que Jehan est fils de Benoît et petit-fils de Michel, et probablement arrière petit-fils de Guillaume. Contrairement à ce qui a été parfois écrit[3], il n’y a aucune preuve que la famille ait eu des ascendances anglaises ni irlandaises.
Jehan Titelouze naît vers 1563[4] dans la maison familiale de la rue du Change. Fils et neveu de ménétrier, il a probablement été initié à la musique par sa famille, mais le détail de son éducation musicale n’est pas connu. Il a pu être éduqué dans l’important collège des Jésuites de Saint-Omer, fondé en 1566, ou dans le collège des Bons-Enfants ; peut-être a-t-il été enfant de chœur d’une des églises de cette ville ? Il aurait pu apprendre l’orgue auprès d’Adrien Herlin, organiste de la cathédrale, ou de Charles Brouart, organiste de Sainte-Aldegonde, deux églises situées à proximité de son domicile. Mais sur tous ces points, les documents manquent. On sait seulement qu’il embrasse la prêtrise[5], peut-être après des études de théologie au collège Saint-Bertin, et qu’en 1585, il est un des quatre organistes remplaçants à la cathédrale de Saint-Omer, après le départ d’Adrien Balle[6] ; c’est peut-être la nomination de Liévin Baes à la place d’Adrien Balle qui le décide à partir pour Rouen.
Sa carrière rouennaise commence à l’ancienne église Saint-Jean, où il est engagé comme organiste en 1585. Il reçoit là 60 livres tournois (lt) de gages en 1585, et jusqu' à 70 lt en 1589[7]. Bien qu’engagé à la cathédrale Notre-Dame-de-Saint-Omer dès 1588, il assure un double service jusqu’en 1589, remplacé cette année-là par Jaspar Petit, et garde longtemps le contact avec cette église : il lui fournit en 1600 des livres de musique apportés de Paris et expertise en 1603 les réparations de l’orgue faites par le facteur Crespin Carlier[8].
Le décès de l’organiste François Josseline survenant le , Titelouze est nommé organiste de la cathédrale Notre-Dame de Rouen deux jours après[9]. Les archives capitulaires de la cathédrale et les comptes de la fabrique[10] révèlent une suite continue de reçus de ses gages annuels entre 1589 et 1631, d’où il ressort que ceux-ci passent graduellement de 30 écus (soit 90 lt) en 1590 ou 80 lt en 1596 jusqu’à 120 lt de 1599 à 1631.
Comme souvent dans ce genre d’emploi, Titelouze est appelé à jouer dans des occasions particulières, comme pour le jour de la fête de saint Étienne à Saint-Étienne-la-Grande-Église (une église paroissiale sise dans une des chapelles de la cathédrale), pour 15 sols 6 deniers[11], ou encore en 1603 lorsqu’il joue, contre 9 livres tournois de rétribution, les orgues de l’église Saint-Michel de Rouen depuis le jour saint Michel jusqu'à la Toussaint[12] (du au 1er novembre).
Le , il obtient l’enregistrement par le bureau des finances de Rouen des lettres de naturalité qui lui avaient été octroyées le [13] et qui empêcheront donc le roi d’exercer son droit d’aubaine sur ses biens à son décès.
Il reçoit enfin plusieurs dignités ecclésiastiques : le il obtient du grand vicaire de l’archevêque de Rouen les lettres patentes qui le font chanoine prébendé de Baillolet[14]. Cette prébende lui rapporte, en 1611, 107 lt 4 sols[15] et cette fonction lui permet de signer les comptes annuels de la fabrique, ce qui s’observe de 1611 à 1626[16]. Il jouit d’une maison canoniale, qui subit des réparations en 1629[17] et il est à l’occasion délégué pour représenter le chapitre, comme lors des États provinciaux de 1617[18]. Le , il reçoit encore la cure de Londinières, vacante par le décès de Louis Duval[19].
Connu bien au-delà de Rouen, Titelouze est parfois sollicité pour donner son avis sur tel ou tel organiste. Ainsi, au décès de Toussaint Le Febvre, l’organiste de Saint-Maclou de Rouen, il recommande Jacques Le Febvre pour son successeur en [20].
Outre son activité de compositeur et organiste, il arrive que Titelouze s’essaye à la poésie. Il est l’auteur de deux Chants royaux récompensés à l’Académie des Palinods de Rouen, en 1613 et 1630. Le chant de 1613 est publié dans les Œuvres poétiques sur le subject de la conception de la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, composées par divers auteurs, recueillies par Adrien Bocage (Rouen : Robert Feron ou Guillaume de La Mare, 1615). Le second existe dans un manuscrit de la Bibliothèque de Rouen[21]. Ces deux pièces[22] obéissent à la règle poétique des palinods, dans lesquels le même vers doit figurer à la fin de chaque strophe. En 1613, la pièce est un éloge de l’orgue, où le vers répété est D’un sourd métail une grande harmonie ; en 1630 c’est un éloge des proportions numériques appliquées à la géométrie, à l’astronomie et à la musique, avec comme vers répété Le nombre seul d’une valeur parfaite.
Il apparaît aussi, d’après les pièces liminaires de son recueil de Cantiques de 1626, que Titelouze était en contact avec des poètes normands et notamment le groupe littéraire des Illustres Bergers, placé sous la houlette de Louis Mauduit, fils de Jacques Mauduit. Cet engagement dans la poésie lui valut d’être élu Prince des Palinods pour 1633, mais la mort l’empêcha d’assumer ce rôle[23].
Titelouze s’intéresse aussi à la théorie de la musique et fait partie des correspondants du Père Marin Mersenne. La correspondance retrouvée du savant Minime contient sept lettres à lui adressées par Titelouze, dans la période 1622- 1633. Les sujets traités sont divers : les modes, les intervalles et le tempérament, l’acoustique, la notation, la mise en place du texte comme les procédés compositionnels. Des passages de ces lettres révèlent aussi des maladies passagères comme des projets de voyages à Paris, annoncés en , (probablement pour préparer l’édition des messes et des cantiques de 1626) et . Il apparaît être en contact avec Louis Mauduit, qui est parfois son intermédiaire entre Paris et Rouen. La dernière lettre de Titelouze à Mersenne, du , fait mention d’un voyage à Paris et il s’excuse de n’avoir pas eu le temps de rendre visite à Mersenne :
Si les lettres de Mersenne à Titelouze sont perdues, on peut relever deux mentions intéressantes de lui dans son Harmonie universelle :
On ne connaît toutefois pas d’écrit théorique de Titelouze. Comme il le dit lui-même à Mersenne :
Titelouze est aussi un expert en facture d’orgues. On suppose[28] qu’il a été sensibilisé à la facture par le facteur Pierre Isoré, neveu du facteur Louis de Halen, de Saint-Omer, ou par Crespin Carlier, facteur très actif dans les Pays-Bas espagnols puis en Normandie, avec qui Titelouze aura des relations suivies. À plusieurs reprises il est sollicité pour donner son avis ou son accord sur des devis, des réparations ou des orgues neufs, parfois assez éloignés de Rouen, comme ceux d’Amiens et de Poitiers.
On considère qu’il a influencé les facteurs normands en promouvant l’usage d’un orgue fait selon son désir : à deux claviers et grand pédalier, inspiré quant à la composition des orgues flamands mais possédant déjà des jeux qui annoncent la facture française baroque[35].
Tout l’œuvre connu de Titelouze est publié entre 1623 et 1626, lorsqu’il est déjà dans la soixantaine[36]. Il gagne encore un prix au Palinods de Rouen en 1630 ; le , jour de la Saint-Louis, il participe à la consécration de la nouvelle église du collège des Jésuites. Il organise enfin, à la Sainte-Cécile 1631, le puy de musique habituellement célébré en cette occasion, en faisant construire quatre théâtres dans la nef de la cathédrale, pour que « la musique soit plus harmonieuse, et les instrumens plus intelligibles »[37]. Peut-être cet aménagement était-il préparé pour exécuter de la musique polychorale ?
Le , probablement déjà affaibli, Titelouze prie le chapitre de lui accorder une augmentation de gages pour qu’il puisse instruire un jeune organiste qui le remplace en son absence. Il obtient la remise de 86 lt du loyer annuel de sa maison canoniale[38] mais ne peut pas mener cet engagement très longtemps : il rédige un premier testament le puis le complète le [39] et meurt le même jour. Son décès est mentionné sur les registres de l’église Saint-Nicolas[40] mais il est enterré dans la cathédrale.
Outre quelques legs en argent à des églises, des couvents ou des particuliers, le testament prévoit que le facteur d’orgue Guillaume Lesselier recevra son orgue organisé, et Blaise Bretel, organiste de Saint-Vincent, 500 lt et sa collection de musique. Celui-ci reçoit plus tard 40 lt de la fabrique de Notre-Dame pour les quatre derniers mois de service qui lui restaient dus[41]. Ses deux exécuteurs testamentaires sont le chanoine de Mathan, archidiacre du Vexin normand, et Daniel de La Place de Fumechon, conseiller au Parlement et président en la chambre des comptes de Rouen. Son épitaphe est rédigée par Pierre de La Place de Fumechon, chanoine de l’église Notre-Dame de Rouen (auquel il avait résigné, en 1629, sa prébende de Baillolet) et, celle-ci après avoir été approuvée par le chapitre, peut être gravée sur sa tombe[42].
Les quatre messes de Titelouze ont été découvertes à l’automne 2016 dans un recueil de messes conservé à Paris[43]. Ces messes étaient déjà connues d’après plusieurs mentions anciennes[44] mais seuls les titres de deux d’entre elles étaient identifiés : la messe In Ecclesia à 4 voix et la Missa Votiva à 6 voix.
Le découpage du texte est identique dans les quatre œuvres : [KYRIE] Kyrie - Christe - Kyrie ; [GLORIA] Et in terra pax - Qui tollis ; [CREDO] Patrem omnipotentem - Et incarnatus est - Crucifixus - Et in spiritum ; [SANCTUS] Sanctus - Osanna ; [BENEDICTUS] Benedictus ; [AGNUS] Agnus Dei. Les pièces dont l’effectif est parfois réduit par rapport à l’effectif nominal à 4 v. ou 6 v. sont le Christe, le Crucifixus et le Benedictus. Les messes sont écrites avec une belle variété de style. La messe In ecclesia à 4 v. reprend un style très imitatif, comparable à celui de Bournonville ou de Frémart, avec quelques passages en écriture homophonique, et des sections ternaires. Les trois autres messes utilisent une écriture plus souple, plus italianisante, avec de nombreux mélismes et sans se soumettre à des imitations strictes. Des sections en imitation par mouvement contraire (premier Kyrie de la messe In ecclesia, Sanctus de la messe Simplici corde) révèlent le goût du compositeur pour le jeu contrapuntique.
Les œuvres pour orgue de Titelouze imprimées en 1623 et 1626 sont les pierres de fondation de l’école française de l’orgue, tant par leur qualité intrinsèque que par leur isolement : les dernières pièces d’orgue publiées en France l’avaient été en 1530 et 1531 par Pierre Attaingnant et les suivantes ne paraissent pas avant les années 1660 (François Roberday). Les organistes improvisaient le plus souvent, sur les motifs de plain-chant. L'écriture de ces pièces se fonde sur la pratique alternatim (les « versets alternés ») : un verset chanté par le chœur, un verset à l’orgue joué ou écrit sur le même plain-chant. Titelouze y emploie des motifs fugués (dits aussi recherches, ou ricercare), des basses en notes longues sur lesquelles se déploie une polyphonie florissante et parfois un peu rêche à nos oreilles, à l’écriture encore modale, bien convenable aux tempéraments inégaux et aux jeux bien timbrés, qui révèle un talent de compositeur affirmé et sûr.
Ces pièces pour orgues de Titelouze sont les premières partitions de ce type imprimées en France ; elles constituent une performance technique tant la composition typographique est complexe. Les préfaces de ces volumes mentionnent des avancées dans la facture d’orgue, quelques aspects théoriques et pratiques du jeu et l’usage de sa musique dans la liturgie.
Il y eut sans doute d’autres œuvres sorties de la plume de Titelouze, puisqu’il écrit le à Mersenne :
Mais rien d’autre n’a paru, et on ne connaît aucun manuscrit de ses œuvres.
Trois élèves de Titelouze sont identifiés[47] :
Comme on l’a vu, Titelouze s’était déplacé plusieurs fois à Paris et avait fréquenté plusieurs des meilleurs musiciens de son temps. Il est cité par Michel de Marolles dans son Discours de l’excellence de la ville de Paris (1677) :
L’organiste Nicolas Gigault, dans son livre de 1685, fait explicitement référence à Titelouze dans sa préface :
Vers 1720, le compositeur et théoricien Sébastien de Brossard le loue dans les commentaires du catalogue de sa collection :
En 1942, l'organiste et compositeur Marcel Dupré (né à Rouen) lui rend hommage dans son recueil pour orgue Le Tombeau de Titelouze, op. 38.
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