La théorie des semi-groupes doit son origine à l'étude du flot d'une équation différentielle ordinaire autonome en dimension finie ainsi que de l'exponentielle d'opérateurs.
Définitions
Soit un espace de Banach ; on dit que la famille d'opérateurs linéaires est un semi-groupe (fortement continu) si :
La condition 4 est équivalente à ce que .
Si on remplace 4 par : on dit que est uniformément continu.
On retrouve (vaguement) avec cette définition la notion de famille à un paramètre de difféomorphismes bien connue en théorie des équations différentielles ordinaires.
On définit le générateur infinitésimal d'un semi-groupe fortement continu comme l'opérateur non borné où :
Dans le cas où et la famille d'opérateurs (définie classiquement par sa série) est un semi-groupe fortement continu de générateur infinitésimal : c'est pourquoi on note parfois abusivement .
On dit que le semi-groupe est de contraction si .
Propriétés des semi-groupes de contraction
Théorème 1 — Soit un espace de Banach, un semi-groupe de contraction sur et son générateur infinitésimal. Alors :
- le flot
- et on a , le flot et vérifie
- est fermé de domaine dense.
On commence à voir apparaître le lien entre le problème (E) et la notion de semi-groupe. Pour préciser, il faut maintenant introduire la notion d'opérateur dissipatif.
Définitions
- Un opérateur est dissipatif si . Dans le cas où est hilbertien on montre que A est dissipatif si et seulement si .
Remarque: Si est un opérateur dissipatif alors l'opérateur est injectif car .
- Si de plus , est surjectif on dit que est maximal-dissipatif (ou m-dissipatif). On peut montrer que , est surjectif si et seulement si
- .
En pratique pour montrer qu'un opérateur est m-dissipatif on montre d'abord à la main qu'il est dissipatif et on résout ensuite un problème variationnel pour une valeur bien choisie (par exemple avec le théorème de Lax-Milgram, voir exemple de l'équation de la chaleur traité plus bas).
Dans ce cas l'opérateur est un isomorphisme (a priori non continu) de et on note , qu'on appelle la résolvante de A. De plus,
- , .
Nous allons voir que cette propriété de continuité peut être améliorée (on va rendre moins fine la topologie sur en munissant d'une norme ).
Propriétés des opérateurs m-dissipatifs
Propriété 1: si est m-dissipatif alors c'est un opérateur fermé.
Corollaire 1 : pour on pose . Alors est une norme pour laquelle est un espace de Banach et .
Propriété 2 : si est un espace hilbertien et est m-dissipatif alors il est à domaine dense.
Propriété 3 : réciproquement si est de domaine dense, dissipatif, fermé et tel que son adjoint est dissipatif alors est m-dissipatif.
Corollaire 3 : toujours dans le cadre hilbertien
- si est dissipatif autoadjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif,
- si est anti-adjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif.
Remarque : dans ce dernier résultat, la condition de dissipativité n'est pas nécessaire car anti-adjoint entraîne que donc la dissipativité, voir l'exemple de l'équation des ondes plus bas.
Énoncé
Le point 1 du théorème précédent peut être réécrit en termes de résolvante :
- ' , opérateur fermé à domaine dense, vérifie et pour tout .
Ainsi sous ces hypothèses et d'après le théorème 2 pour toute condition initiale il existe une unique solution forte dans . Lorsque la condition initiale est prise quelconque dans X on a une solution faible de classe seulement (et on montre que toute solution faible est limite dans de solutions fortes).
L'équation de la chaleur
On se donne un ouvert borné de classe de et on cherche à résoudre l'équation de la chaleur
sur pour une condition initiale donnée.
On peut réécrire cette équation aux dérivées partielles sous la forme d'une équation différentielle ordinaire en posant , et en définissant par et pour tout . Nous sommes dans le bon cadre pour utiliser la théorie des semi-groupes et le théorème de Hille-Yosida ; reste à montrer que l'opérateur A est m-dissipatif.
Il est bien connu que le laplacien est un opérateur autoadjoint :
par double intégration par parties, et que est dense dans , il suffit donc de montrer qu'il est dissipatif ou de façon équivalente que . Or tout est de trace nulle, donc en intégrant par parties .
Le corollaire 3 et le théorème de Hille-Yosida permettent enfin de conclure quant à l'existence-unicité et la régularité des solutions.
On remarque de plus que
On retrouve, bien sûr, le côté dissipatif et irréversible de l'équation de la chaleur.
L'équation des ondes
L'équation des ondes homogène se formule dans un domaine suffisamment régulier (c'est-à-dire en pratique) et sur un intervalle de temps (avec ) selon
On se place dans la théorie des semi-groupes en mettant l'équation précédente au premier ordre en temps. On pose alors
- ,
(avec ) et
L'équation devient alors
- .
Le domaine du Laplacien étant , celui de est sur . Les conditions initiales seront alors prises dans . Le produit scalaire dans est défini pour tout couple dans ( et ) par
Reste à vérifier que nous sommes bien dans les conditions d'application du théorème de Hille-Yosida :
- est dense dans .
- est fermé.
- est dissipatif. Ce point mérite une preuve.
Première preuve
On utilise la caractérisation du théorème. Soient et . L'équation résolvante s'écrit en
d'où qui admet une unique solution dans via Lax-Milgram (car d'une part et d'autre part les valeurs propres du Laplacien sont strictement négatives donc est un opérateur elliptique dont la forme bilinéaire associée vérifie les hypothèses du théorème de Lax-Milgram). Et alors est dans .
L'estimation de l'opérateur résolvant vient du produit scalaire de par en remplaçant par sa valeur dans :
D'où, puisque , on obtient l'estimation attendue . Le semi-groupe engendré par est donc un semi-groupe de contraction.
Seconde preuve
On peut utiliser le Corollaire 3 pour montrer que est m-dissipatif en montrant que est anti-adjoint. On a alors pour tout couple dans
Ainsi, est anti-adjoint et à domaine dense donc m-dissipatif.
Théorème de Lumer-Phillips (en)