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Le département de l'Aveyron est le premier département français par le nombre de sites mégalithiques recensés. Les dolmens (près de 800) se caractérisent par une forte concentration géographique et une très grande homogénéité architecturale. A contrario, les menhirs au sens strict y sont rares mais de nombreuses statues-menhirs y ont été découvertes. Cet ensemble mégalithique comporte plusieurs influences architecturales plus ou moins prononcées. Sa période d'édification correspond au Chalcolithique et au Bronze ancien.
Localisation des sites mégalithiques dans le département de l'Aveyron.
: dolmen - : menhir - : autre site mégalithique
Les dolmens aveyronnais se caractérisent par leur concentration géographique dans les parties occidentale (Causse de Villeneuve) et centrale (Causse de Séverac) du département. Localement, on peut même observer des sous-groupes comprenant plusieurs édifices (5 à 10) espacés de quelques de dizaines de mètres seulement.
Ces groupements très denses confirment la «loi des calcaires» selon laquelle les terrains calcaires sont des terrains de prédilection des constructions mégalithiques[1]. 92% des dolmens du centre de l'Aveyron ont été édifiés en terrain calcaire avec des dalles calcaire[2]. Les extractions de dalles ont été faites sur place d'autant plus souvent que certains bancs calcaires (Hettangien, Sinémurien, Bathonien) se prêtent mieux à une production de ce type de monolithe[2].
Côté relief, les implantations privilégient les crêtes mais rarement les points culminants et très majoritairement les pentes plutôt que les plateaux, pourtant fréquents dans l'Aveyron, pour des raisons pratiques (extraction des dalles facilitée par la pente)[3]. «Les points bas et les pentes sont généralement évités»[4]. Lorsque l'extraction de dalles se révèle impossible, d'autres modes d'inhumation apparaissent (grottes sépulcrales)[5].
Si la présence d'une combe, d'une doline ou celle d'un cours d'eau à proximité ne conditionne pas systématiquement l'implantation d'un dolmen, la prédilection des bâtisseurs pour les zones de contact entre terrains calcaires et terrains argileux doit cependant être soulignée. Elles répondent probablement à deux nécessités: disposer des matériaux nécessaires à l'édification des ensembles mégalithiques, pouvoir cultiver la terre et y développer l'habitat[6].
L'antériorité peut aussi avoir joué un rôle important: des édifices plus anciens contribuent à sanctifier un site qui par la suite attirera de nouveaux monuments[6]. Cette sacralisation du sol s'est d'ailleurs poursuivie bien au-delà de la période mégalithique comme l'attestent les nombreux tumuli satellites bien postérieurs qui sont venus se greffer à proximité immédiate d'anciens dolmens[4].
Tous ces critères d'implantation sont similaires à ceux qui ont pu être observés dans le Lot.
Une grande homogénéité architecturale
Comme dans le Lot, la très grande majorité des dolmens aveyronnais sont des dolmens simples composés de deux orthostates surmontés d'une table et fermés à l'extrémité ouest par une petite dalle de chevet. Les dolmens doubles ou à vestibule sont rares[7]. «Dans quelques rares cas, la table inclinée repose sur un seul montant»[7].
Si les tables de couverture sont de tailles variées, rectangulaires ou ovalaires, pour autant «les tables de petite dimension sont rares»[8]. Elles sont toujours beaucoup plus épaisses que les orthostates latéraux, et ceci semble être délibéré[9]. Elles recouvrent intégralement la chambre et dépassent même de quelques centimètres de tous les côtés[7].
Dans l'Aveyron, la majorité des chambres sépulcrales des dolmens s'ouvrent à l'est[10].
Cette grande homogénéité architecturale des dolmens aveyronnais a conduit Jean Clottes à en esquisser un «portrait-robot»: «il est fait de deux dalles latérales en calcaire local [...]. La dalle de fond est presque toujours plus basse que les supports. Elle a été placée entre les dalles latérales, ce qui détermine une chambre de longueur inférieure [...] ouverte à l'est . Elle est rectangulaire ou légèrement trapézoïdale.»[11].
Le département est aussi celui où l'on peut observer le plus grand nombre (38) de tumulus longs à dolmen décentré[10]. On parle de tumulus long lorsque l'indice largeur/longueur du tumulus n'est pas inférieur à 0,66[10].
Menhirs et statues-menhirs
«Tout comme dans le Lot, les menhirs sont extrêmement rares»[11]. «Il n'y a que dans le Sud-Aveyron qu'ils ne sont pas exceptionnels»[12]. Une trentaine de mégalithes peuvent prétendre être classés dans la catégorie des menhirs, mais pour beaucoup d'entre eux la problématique de leur authenticité s'y pose dans les mêmes termes que pour ceux du département du Lot: l'absence de matériel archéologique retrouvé sur place et la banalisation des pierres ayant servi de tous temps à de multiples usages (borne routière, borne cadastrale...) doivent conduire à se garder de toute classification hâtive.
A contrario, l'authenticité des statues-menhirs n'est pas sujette à caution même si pour la plupart la découverte n'a pas été effectuée sur le site d'implantation initial[13]. Les 55 statues-menhirs de l'Aveyron appartiennent au groupe dit «rouergat» lui-même divisé en cinq sous-groupes. Au cas particulier, les édifices du département, implantés exclusivement dans le sud-ouest du territoire, relèvent des sous-groupes du Dourdou, du Rance et de Tauriac. Dans un souci de protection ne sont désormais visibles sur place que des copies, les originales sont conservées au musée Fenaille de Rodez (20), au musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye (4), par la société archéologique du Midi de la France de Toulouse (2), au musée Damien Bec de Saint-Crépin (3), au musée François Fabié (1) ou chez des propriétaires privés[14].
De multiples influences
Le mobilier retrouvé dans les dolmens aveyronnais se distingue par des caractéristiques qui traduisent autant d'influences diverses plus ou moins prononcées:
les pointes de flèches tranchantes (caractéristiques d'une influence atlantique) sont rares[15] alors que les pointes de flèches perçantes y abondent sous des morphologies très variées (formes foliacées, losangiques, pédonculées)[16]
la fréquence des perles-pendeloques à pointe ou à ailettes, et d'une manière plus générale l'abondance des perles de tous types, et celle des poignards en silex du type à crans latéraux sont caractéristiques d'une identité spécifique marquée par des influences venues de l'Est[15] (Culture des Treilles)[17]
la présence de nombreux boutons prismatiques en os à perforation en «V» est caractéristique des influences méridionales ou pyrénéennes[15].
Toponymie et légendes
Les toponymes en langue occitane de Pèira levada (Pierre levée), Pèira fichada (Pierre fiche), Pèira Quilhada, Pèira Plantada (Pierre plantée) sont des appellations génériques encore assez fréquentes qui attestent d'une implantation ancienne ou toujours actuelle de mégalithes. Le caractère sépulcral des dolmens est parfois directement évoqué dans le toponyme comme pour Tombels dels Angleses (Tombeau des Anglais), le Tombarel (petit tombeau) ou le Sibornièr (cendrier). Ces noms évocateurs tendent pourtant à disparaître[13].
Curieusement, les dolmens de l'Aveyron ont laissé peu de traces dans le folklore local[3]. Certaines légendes sont fort curieuses comme celle associée au Dolmen du Cheval du Roi qui voudrait qu'y soit enterré le cheval de Vercingétorix et celui de François Ier[13].
Malgré l'absence fréquente de grands tessons de céramique facilitant la datation, l'essentiel du mobilier retrouvé est attribuable au Chalcolithique (Groupe des Treilles) et au Bronze ancien[16], soit environ un millénaire [5]. Le phénomène mégalithique aveyronnais est donc contemporain de celui observé dans le reste du Quercy[15]. Pour autant, les réutilisations occasionnelles de ces dolmens ancestraux jusqu'au Moyen Âge sont avérées[5].
Recensements historiques
De tous les départements français, l'Aveyron est celui qui possède le plus de dolmens[18]. Ce constat est opéré dès la fin du XIXesiècle:
L'Inventaire des monuments mégalithiques de France[19] réalisé en 1880 lui attribuait: 435 dolmens, 21 menhirs, 2 cromlechs, et 1 pierre branlante;
Fernand Niel en 1958[22] reprend les décomptes de Mortillet et Déchelette et les actualise, soit 480 dolmens et 35 menhirs;
L'inventaire de Louis Balsan, commencé en 1936 et inachevé, recensait plus de 400 mégalithes (dolmens et menhirs) en 1971[18];
Dans leur Inventaire des Mégalithes de France, consacré uniquement à l'ouest du département, Jean Clottes et Claude Maurand dénombrent 91 dolmens et 2 menhirs et estiment que l'Aveyron est le département français «qui compte le plus de dolmens, probablement plus de 700»[23].
En 1998, Jacques Lourdou publie son monumental Inventaire des mégalithes du Centre de l'Aveyron et estime que le département compterait «un millier de dolmens»[24].
Conservation et destruction
En raison de leur ancienneté, les constructions mégalithiques ont subi les outrages du temps. Le gel constitue un redoutable déprédateur des dalles exposées (table de couverture principalement) en fonction de la qualité du matériau utilisé. Les schistes et les calcaires de l'Hettangien et du Sinémurien résistent beaucoup mieux que les calcaires du Bathonien[25].
Cependant, les destructions complètes sont uniquement d'origine humaine. Les réutilisations successives comme caveau funéraire, la récupération des matériaux de construction et les fouilles clandestines quand elles n'ont pas directement détruit le monument ont souvent a minima contribué à le fragiliser (exposition des orthostates sous-jacentes directement aux intempéries après déplacement ou destruction de la table, déstructuration du cairn). Les recensements opérés au XIXesiècle et au début du XXesiècle permettent même d'indiquer que ces destructions se sont accélérées avec le développement des engins mécaniques, lors des travaux routiers et agricoles[4].
Ainsi, alors que le département de l'Aveyron est le premier département français par le nombre de sites mégalithiques recensés (près de 800 dolmens), moins d'une trentaine d'entre eux sont inscrits ou classés au titre des Monuments historiques.
Jean Arnal et Louis Balsan, «Les longs tumulus à dolmen décentré du département de l'Aveyron», Gallia Préhistoire, notome 23, fascicule 1, , p.183-207 (lire en ligne)
«Inventaire des monuments mégalithiques de France», Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, noIII° Série, tome 3, , p.64-131. (lire en ligne)
Adrien de Mortillet, «Distribution géographique des dolmens et des menhirs de la France», Revue mensuelle de l'École d’anthropologie de Paris, noA11, (lire en ligne)
Le dolmen mentionné sous le nom de Dolmen de la Vernhiette pourrait correspondre au dolmen de Saplous n°2 mais les informations figurant sur les fiches Mérimée sont incohérentes: la parcelle cadastrale indiquée pour le dolmen de la Vernhiette correspond à celle du dolmen de Saplous n°2 et celle mentionnée pour Saplous n°2 est distante d'une centaine de mètres à l'est mais sur la commune de Buzeins.
Rémi Azémar, «Lapanouse-de-Cernon, dolmen de la Baume», Bilan scientifique régional, Direction Régionale des Affaires Culturelles Midi-Pyrénées, , p.53-54
Rémi Azémar, «Lapanouse-de-Cernon, dolmen de la Baume», Bilan scientifique régional, Direction Régionale des Affaires Culturelles Midi-Pyrénées, , p.50-51
Rémi Azémar, «Lapanouse-de-Cernon, dolmen de la Baume», Bilan scientifique régional, Direction Régionale des Affaires Culturelles Midi-Pyrénées, , p.53-54
Rémi Azémar, «Lapanouse-de-Cernon, dolmen de la Baume», Bilan scientifique régional, Direction Régionale des Affaires Culturelles Midi-Pyrénées, , p.56-57
Le dolmen est mentionné sur la parcelle C522 au sud de Roquecanude à l'est de la route menant à Joug. Cette parcelle n'existe plus et le site est occupé par les stocks de la carrière voisine.
Jean Clottes et Claude Maurand, Inventaire des mégalithes de la France, 7: Aveyron, L'Ouest Aveyronnais: Causses de Limogne et de Villeneuve, Paris, Éditions du CNRS, , 117p. (ISBN2-222-03072-2).
Jean Clottes et François Rouzaud, Préhistoire du causse occidental, Millau, , 46p. (ISBN2-908124-07-X (édité erroné), OCLC312319429).
Joseph Déchelette, Manuel d'Archéologie préhistorique celtique et gallo-romaine, Paris, Picard,
Jacques Lourdou, Inventaire des Mégalithes du centre de l'Aveyron, Rodez, Vivre en Rouergue, Spécial Cahier d'Archéologie Aveyronnaise, , 174p. (ISSN1166-0732).
Michel Maillé (préf.Jean Guilaine), Hommes et femmes de pierre - Statues-menhirs du Rouergue et du Haut-Languedoc, Toulouse, Archives d'Écologie Préhistorique, , 538p. (ISBN9782358420044)