chimiste américain (1918-1999) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Sidney Gottlieb, né le à New York et mort le à Washington, en Virginie, est un chimiste et un agent du renseignement américain connu pour avoir été directeur du projet MK-ULTRA entre 1953 et 1972.
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City College of New York Université du Wisconsin à Madison Arkansas Tech University (en) California Institute of Technology |
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Sidney Gottlieb est né le à New York de parents juifs orthodoxes émigrés de Hongrie[1],[2],[3]. Il grandit dans le Bronx et entre au James Monroe High School dont il sort diplômé en 1936[3]. Il étudie les mathématiques, la physique, la chimie et la botanique d'abord au City College of New York, puis à l'Arkansas Polytechnic College, à Russellville[1],[4].
Il s'inscrit aussi à un cours d'allemand et participe à des sessions d'art oratoire, ce qui l'aide à surmonter le bégaiement dont il souffre depuis l'enfance[3].
Sidney Gottlieb est admis à l'université du Wisconsin, où il rencontre Ira L. Baldwin et obtient un premier diplôme universitaire magna cum laude en [1],[3],[4]. Marqué par les conditions difficiles qu'il a observé dans les ateliers de tailleur de New York, notamment celui que possédait son père, il s'engage au sein de la Ligue des jeunes socialistes[2],[3].
Il soutient ensuite un doctorat en biochimie au California Institute of Technology, se spécialisant dans les substances toxiques. Il reçoit son diplôme le [3],[4]. Durant ses trois années en Californie, il rencontre et épouse Margaret Moore, fille d'un pasteur presbytérien née en Inde avec qui il partage le besoin de s'émanciper des traditions religieuses familiales[1],[3].
À l’automne , ils s’installent à Takoma Park, dans le Maryland[3]. Sidney Gottlieb travaille au département de l'Agriculture des États-Unis, où il étudie la structure chimique des sols organiques. En , il est transféré à l'U.S. Food and Drug Administration (FDA) pour y développer des tests permettant de mesurer la présence de drogues dans le corps humain. Il acquiert une certaine renommée dans ce domaine, au point d'être sollicité comme expert lors de plusieurs procès[3],[4]. En , il rejoint un autre organisme gouvernemental, le National Research Council (NRC)[3],[4].
En , Sidney Gottlieb est recruté par la Central Intelligence Agency (CIA) pour intégrer la section chimie du bureau des services techniques (TSS)[2],[5]. Il commence son travail pour l'agence le [4],[6]. Il est rapidement promu par Allen W. Dulles, qui souhaite que son expertise des poisons soit mise à profit dans le cadre des projets BLUEBIRD puis ARTICHOKE[6].
Destinés à la recherche d'un agent biologique ou chimique capable d'influencer le comportement humain, ces programmes sont une priorité pour le directeur des opérations clandestines de la CIA, Richard Helms. Ce dernier est l'instigateur d'un projet plus gros, regroupant l'ensemble des recherches et des activités sur la manipulation mentale[6],[7]. Le , Dulles, nommé directeur du renseignement quelques semaines auparavant, approuve le projet MK-ULTRA et en confie la direction au Dr Sidney Gottlieb[6],[7],[8].
Le centre des opérations est basé à Fort Detrick où, depuis plusieurs années déjà, l'équipe du Dr Gottlieb est soutenue par une unité de l'U.S. Army Chemical Corps. Les scientifiques de la division des opérations spéciales (SOD) travaillent en étroite collaboration avec les chimistes du TSS[8],[9].
Sidney Gottlieb est à l'origine de nombreuses expérimentations du LSD et de beaucoup d'autres psychotropes, dont le cannabis, l'alcool, les opiacés, les barbituriques, les amphétamines et la psilocybine[6],[10],[11]. Parmi les sujets figurent des prisonniers, des transfuges, des patients, des étudiants, des militaires et des fonctionnaires du gouvernement, qui ne sont pas informés de la véritable nature de ces tests secrets[2],[10]. Il autorise le financement d'études sur la lobotomie, les électrochocs, la privation sensorielle et s'intéresse à l'hypnose, comme d'autres agents et scientifiques de l'agence[2],[6].
Il fait envoyer des agents dans diverses régions du monde pour recueillir des plantes rares présentant un potentiel intéressant[11],[12]. Pour cela, Sidney Gottlieb étudie les rites mystiques de plusieurs cultures anciennes qui, déjà, utilisaient les propriétés hallucinogènes de certains champignons[13],[14].
Dans la nuit du au , le biochimiste Frank Olson meurt après une chute depuis le dixième étage de l'hôtel Statler à Manhattan, New York[8],[15]. Une semaine auparavant, lors d'une réunion du projet MKNAOMI, une dose de LSD est discrètement versée dans une bouteille d'alcool par Sidney Gottlieb et son adjoint, Robert V. Lashbrook. Cet événement est très mal vécu par le Dr Olson, dont la méfiance et la suspicion envers ses collaborateurs de la CIA alertent sa hiérarchie[8],[15].
En 1962, Sidney Gottlieb est nommé directeur adjoint de la division des services techniques (TSD) de la CIA[16]. En 1966, il est promu à la tête de la division par le nouveau directeur de l'agence, Richard Helms[16],[17].
MK-ULTRA est arrêté en , dans un contexte national de défiance vis-à-vis des activités d'espionnage sur le territoire américain. Howard Hunt et G. Gordon Liddy, deux des cambrioleurs impliqués dans le scandale du Watergate, ont été équipés par la TSD[17]. Sur ordre de Helms, Sidney Gottlieb participe à la destruction des archives sur le contrôle de l'esprit en [8],[18],[19].
Il est aussi à l'origine de l'opération Midnight Climax, contactant personnellement George H. White en pour donner carte blanche à cet ancien colonel de l'Office of Strategic Service (OSS)[20],[21]. Pendant douze ans, entre 1953 et 1965, des expérimentations du LSD ont lieu dans des endroits publics et des planques clandestines aménagées pour la surveillance, à New York et San Francisco[16],[22].
En , dans le cadre des opérations de déstabilisation du régime cubain, Gottlieb propose de vaporiser du LSD dans le studio de radio de Fidel Castro et d'imprégner ses chaussures de thallium dans le but de le désorienter et de le discréditer. Plusieurs méthodes pour assassiner le dirigeant cubain sont envisagées, notamment l'utilisation d'un cigare et d'un stylo empoisonnés[23],[24],[25].
La même année, Gottlieb est impliqué dans la tentative d'assassinat de Patrice Lumumba, premier ministre de la République démocratique du Congo. Il est missionné par le directeur des opérations clandestines, Richard M. Bissel Jr., pour mettre au point et acheminer sur place une substance hautement toxique destinée au chef d’État[2],[25],[26].
Gottlieb quitte l'agence le . Une partie de son travail pour les services secrets et l'armée reste inconnue. Pour sa participation au complot visant à éliminer Lumumba, comme pour d'autres opérations du SOD, l'identité du chimiste est protégée par un pseudonyme : Joseph ou Victor Scheider[27],[28]. En 1975, lorsque l'ensemble des projets sur les agents chimiques et le contrôle de l'esprit sont révélés publiquement par la commission Rockefeller, Gottlieb est auditionné une première fois par les sénateurs de la commission Church. Ceux-ci ignorent presque tout de l'ampleur des activités menées dans le cadre de MK-ULTRA, à cause de la destruction des fichiers. L'ancien directeur, lui, prétend avoir oublié la plupart des détails et des informations relatifs au projet[29],[28].
En , des milliers de documents, films et cassettes audios sont retrouvés dans les archives de plusieurs sites, dévoilant de nombreux détails sur les recherches réalisées et les expérimentations[30],[31],[32]. De nouvelles auditions sont programmées par les sénateurs, dont celle de Gottlieb le . Par la voix de son avocat Terry F. Lenzner, le scientifique à la retraite exige l'immunité avant de témoigner. Par ce biais, il ne sera jamais poursuivi pour son implication dans les activités clandestines de la CIA et de l'US Army Chemical Corps. Son audition dure une demi-journée, au cours de laquelle il donne quelques détails sur les systèmes de financement mis en place. Dans sa déclaration sous serment remise au comité du Sénat des États-Unis à cette occasion, il admet conserver des regrets quant à la manière dont certaines choses ont été faites, invoquant le contexte de Guerre froide de l'époque[16],[32].
Après son témoignage, Sidney Gottlieb se retire dans une ferme à Washington en Virginie, où il élève des chèvres et pratique la danse folklorique, refusant toute sollicitation en lien avec son passé. Il y décède le 7 mars 1999 à l'âge de 80 ans[1],[33].
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