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rite maçonnique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le Rite écossais ancien et accepté (REAA) est un rite maçonnique fondé en 1801 à Charleston aux États-Unis sous l'impulsion des frères John Mitchell et Frederic Dalcho, sur la base des Grandes Constitutions de 1786, attribuées[n 1] à Frédéric II de Prusse. Le rite ne comporte à l'origine que des hauts grades maçonniques. Il est composé actuellement de 33 degrés et il est le plus souvent pratiqué dans le cadre de deux organismes complémentaires et distincts : une obédience maçonnique qui fédère des loges des trois premiers grades de la franc-maçonnerie et une « juridiction » des hauts grades maçonniques dirigée par un « Suprême Conseil », qui regroupe des ateliers du 4e au 33e degré.
On trouve dès 1733 la trace d'une loge de Temple Bar, à Londres, ayant conféré le degré de « Maître écossais »[1] (« Scots Master » ou « Scotch Master »). Il fut également conféré dans une loge de Bath en 1735 et dans la loge « française » « St George de l'Observance » no 49 de Covent Garden, en 1736[2]
La littérature maçonnique abonde en référence aux jacobites. Elles ont cependant l'inconvénient d'être contradictoires, en sorte que les opinions divergent. Tantôt on affirme que l'influence des jacobites sur la naissance des hauts grades est nulle, si bien qu'elle participe du mythe ; tantôt on la juge réelle, voire déterminante.
Les partisans de la thèse mythologique estiment que la source des malentendus réside dans une remarque imprudente faite par John Noorthouk en 1784 dans le livre des Constitutions de la première Grande Loge de Londres. Il y était déclaré sans preuve que le roi Charles II (frère aîné et prédécesseur de Jacques II) fut fait franc-maçon aux Provinces-Unies durant son exil (1649-1660). Il est aujourd'hui clair qu'à cette époque il n'existait pas encore de loges de francs-maçons sur le continent. Cette remarque visait certainement à flatter la fraternité par la revendication de l'appartenance d'un ancien monarque. Cette légende fut embellie par John Robison (1739–1805), professeur de philosophie à l'Université d'Édimbourg, dans un ouvrage antimaçonnique publié en 1797[3].
Il n'empêche qu'avant les déclarations de Noorthouk plusieurs allusions au rôle des jacobites se retrouvent dans les archives, et les plus importantes sont contenues dans la correspondance échangée entre 1777 et 1783 par le baron danois von Wachter et le prince Charles Édouard Stuart, fils de Jacques III Stuart, lui-même neveu de Charles II. Dans un mémoire rédigé le par Wachter et approuvé par Charles Édouard, celui-ci dit très clairement que « plusieurs hommes illustres de sa maison [comprendre : la maison des Stuart] ont été maçons »[n 2]. À l'époque, la mission de Wachter est justement de savoir quelle est la part jouée par les jacobites dans la création de la franc-maçonnerie en général, et des hauts grades en particulier, surtout ceux à sensibilité « templière ». De la même façon, en 1767, un an après la mort de Jacques III survenue à Rome, le comte de Clermont, grand maître de la Grande Loge de France, reconnaît dans une lettre au marquis de Gages que Jacques III, qu'il appelle le « prince Édouard »[n 3], selon une habitude acquise depuis le séjour de celui-ci à Saint-Germain-en-Laye, jusqu'en 1713, fut le principal dignitaire des hauts grades, et que la Royale Loge (sic) qui fonctionna longtemps en France le fut en référence à sa personne[n 4].
Au milieu du XIXe siècle, le célèbre auteur maçonnique anglais George Oliver (1782-1867), dans son ouvrage Historical landmarks déclare que le roi Charles II assistait régulièrement à des tenues maçonniques. Il est possible d'en douter, bien que des auteurs maçonniques français le confirment, comme Jean-Marie Ragon (1781-1862) et Emmanuel Rebold, ce dernier imaginant même de toutes pièces une création des hauts grades au sein de la loge Canongate Kilwinning d'Edimbourg[3]. Mais la réfutation de cette extrapolation est une chose ; autre chose est le fait que les premiers hauts grades se focalisent tout de même sur des références constantes aux Stuarts. Ainsi, celui de la Voûte Sacrée, qui correspond en version anglaise au Royal Arch, fait explicitement référence à Jacques Ier, père de Charles II.
Un négociant français nommé Étienne Morin, qui avait été reçu dans la franc-maçonnerie des hauts grades depuis 1744, fonda une « Loge écossaise » au Cap Français, au nord de la colonie de Saint-Domingue. Le , à Paris, Morin reçut une patente signée des officiers de la Grande Loge le nommant « Grand Inspecteur pour toutes les parties du Monde ». Des copies plus tardives de cette patente, qui ne visait probablement à l'origine que les loges symboliques, semblent avoir été embellies, peut-être par Morin lui-même, afin de mieux assurer sa prééminence sur les loges de hauts grades des Antilles[4].
Morin pratiquait un rite nommé « Rite du royal secret » en 25 degrés dont le plus haut se nommait « Sublime Prince du Royal Secret » et qui découlait peut-être lui-même du rite pratiqué à Paris par le « Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident »[5].
Morin retourne à Saint Domingue en 1762 ou 1763 et, grâce à sa patente, constitue progressivement des loges de tous grades à travers les Antilles et l'Amérique du Nord. Il crée en particulier en 1770 un « Grand Chapitre » de son rite à Kingston, Jamaïque, où il meurt en 1771[6].
L'homme qui aida le plus Morin à diffuser son rite dans le Nouveau Monde fut un Hollandais naturalisé anglais nommé Henry Andrew Francken. Morin le nomma Député Grand Inspecteur Général dès son retour aux Antilles. Francken travaille en étroite collaboration avec lui et, en 1771, rédige un manuscrit contenant les rituels du 15e au 25e degré. Il rédige au moins deux autres manuscrits, le premier en 1783 et le second vers 1786, qui contiennent tous les degrés du 4e au 25e[2].
Une loge « Parfaits d'Écosse » fut créée le à la Nouvelle Orléans. Ce fut le premier atelier de hauts grades sur le continent nord-américain. Son existence fut brève car le Traité de Paris avait cédé en 1763 la Nouvelle Orléans à l'Espagne catholique et hostile à la franc-maçonnerie : toute activité maçonnique semble cesser à la Nouvelle Orléans jusque dans les années 1790[6].
Francken s'installe à New York en 1767 où il reçoit une patente, datée du , pour la formation d'une loge de Perfection à Albany, ce qui lui permet de conférer les degrés de perfection (du 4e au 14e) pour la première fois dans les treize colonies britanniques. Cette patente ainsi que les minutes des premiers travaux de cette loge sont actuellement dans les archives du Suprême Conseil de la Juridiction Nord des États-Unis[6].
Pendant son séjour à New York, Francken communique aussi ces degrés à un homme d'affaires, Moses Michael Hays, qu'il nomme Inspecteur Général Adjoint (DIG: Deputy Inspector General). En 1781, Hays nomme à son tour huit autres Inspecteurs Généraux Adjoints, dont quatre jouèrent plus tard un rôle notable dans la fondation du Rite écossais ancien et accepté en Caroline du Sud :
Da Costa retourna en à Charleston, Caroline du Sud, et y établit une « Sublime Grande Loge de Perfection ». À sa mort, en , Hays nomma Myers son successeur. Rejoint par Forst et Spitzer, Myers créa huit degrés supplémentaires à Charleston[6].
Bien que les trente-trois degrés aient été ainsi déjà créés, le Rite écossais ancien et accepté ne fut constitué qu'avec la fondation du premier Suprême Conseil, le Suprême Conseil de la Juridiction Sud à Charleston, en , sous l'impulsion de John Mitchell et Frederic Dalcho.
C'est avec des patentes de ce premier Suprême Conseil que furent progressivement constitués tous les autres Suprêmes Conseils du monde, comme :
Né à Boston, dans le Massachusetts, le , Albert Pike est souvent considéré aux États-Unis comme étant l'homme qui fit le plus pour le succès du REAA, le faisant passer du stade de rite maçonnique assez obscur au milieu du XIXe siècle à la fraternité internationale qu'il est devenu[n 5]. Pike reçut tous les grades du 4e au 32e de l'historien maçonnique américain Albert Mackey en à Charleston, Caroline du Sud et la même année fut nommé Inspecteur adjoint (Deputy Inspector) pour l'Arkansas.
À cette époque, les degrés étaient encore dans une forme rudimentaire et le plus souvent ne contenaient qu'une brève légende accompagnée de quelques détails, mais le plus souvent sans véritable rituel d'initiation. En 1855, le Suprême Conseil de la Juridiction Sud nomma un comité chargé de préparer des rituels complets du 4e au 32e degré. Ce comité fut composé d'Albert G. Mackey, John H. Honour, W. S. Rockwell, C. Samory et Albert Pike, mais c'est Albert Pike qui fit l'essentiel du travail.
En mars 1858, Pike fut élu membre du Suprême Conseil de la Juridiction Sud des États-Unis et devint son Grand Commandeur en janvier 1859. La guerre de Sécession interrompit son travail sur les rituels du rite écossais. Après la guerre, il partit pour Washington et en 1868 il termina son travail de révision des rituels.
Pike écrivit aussi des conférences pour l'ensemble des degrés qu'il publia en 1871 sous le titre Morales et Dogme du Rite écossais ancien et accepté[7].
Le Rite écossais ancien et accepté est apparu en France grâce au frère Grasse-Tilly en 1804, alors qu'il revenait des « Isles d'Amérique ». Il fonda le premier Suprême Conseil en France[8] cette même année.
Un traité d'union en décembre 1804 est signé entre le Grand Orient de France et le Suprême Conseil du 33e degré en France. Il est dit que « Le Grand Orient unit à lui » le Suprême Conseil de France. L'accord fut dans les faits appliqué jusqu'en 1814. Grâce à ce traité, le Grand Orient de France s'approprie le Rite écossais ancien et accepté.
De 1805 à 1814 le Grand Orient de France administre les 18 premiers degrés du rite, laissant au Suprême Conseil de France le soin d'administrer les 15 autres, du 19e au 33e.
En 1815 cinq des dirigeants du Suprême Conseil fondent au Grand Orient de France le Suprême Conseil des Rites. Le premier Suprême Conseil en France tombe en sommeil de 1815 à 1821[n 6].
Le Suprême Conseil des Isles d'Amérique (fondé en 1802 par Grasse-Tilly, réveillé par Delahogue vers 1810) réveilla en 1821 le Suprême Conseil pour le 33e degré en France et ils fusionnèrent en une seule organisation : Le Suprême Conseil de France. Il s'érige en puissance maçonnique indépendante et souveraine. Il crée des loges symboliques (celles qui sont composées des trois premiers degrés et qui se fédèrent normalement au sein d'une Grande Loge ou d'un Grand Orient).
En 1894, le Suprême Conseil de France créa la Grande Loge de France dont l'autonomie devient une complète indépendance en 1904 lorsque le Suprême Conseil de France renonce à délivrer les patentes constitutives des nouvelles loges[9]. Le Suprême Conseil de France se considère cependant toujours comme gardien de la cohérence de l'ensemble des 33 degrés du Rite et les relations entre les deux structures restent étroites comme en témoignent les deux tenues communes qu'elles organisent chaque année.
En 1899 est créé un Suprême Conseil indépendant en réponse à l'aspiration de mixité en franc-maçonnerie[10]. Cette organisation devient le Suprême Conseil Universel de l'Ordre maçonnique mixte international « le Droit humain » en 1901 après la transformation de la Grande Loge symbolique écossaise de France le Droit humain, elle-même fondée le par Georges Martin et Maria Deraismes. Les principes et la méthode de travail adoptés par cette obédience correspondent aux « Grandes Constitutions Écossaises » de 1786, révisés par le convent des Suprêmes Conseils Écossais de différents pays réunis au Convent de Lausanne en 1875 (en), et ont été adaptés au besoin de mixité du 1er au 33e degré[11].
En 1964, le Souverain Grand Commandeur Charles Riandey, accompagné de 400 à 500 membres[12] de la juridiction, quitte le Suprême Conseil de France et rejoint la Grande Loge nationale française en estimant que, du fait de sa démission et bien que le Suprême Conseil de France ait continué à travailler sans lui, il n'existait plus de Suprême Conseil en France. Il se fait ensuite ré-initier à Amsterdam aux 33 degrés du rite[13] puis fonde avec l'appui du Suprême Conseil de la Juridiction Sud des États-Unis un nouveau Suprême Conseil, dénommé « Suprême Conseil pour la France », seul à être reconnu par les Suprêmes Conseils des États-Unis après avoir été désigné au convent de Barranquilla (1970) comme seule autorité du Rite écossais pour la France par le plus vieux Suprême Conseil du monde : le Suprême Conseil de la Juridiction Sud des États-Unis.
Principaux Suprêmes Conseils présents en France en 2014 :
Le Rite écossais ancien et accepté est un rite comprenant 33 degrés. Les trois premiers sont administrés par les « loges bleues » ou « loges symboliques ». Ces ateliers sont de loin les plus nombreux. Les trente suivants (du 4e au 33e), les hauts grades - développement et complément des trois premiers - sont administrés par des « Suprêmes Conseils du 33e et dernier degré du Rite écossais ancien et accepté ».
Le Rite écossais ancien et accepté est dirigé dans chaque pays par un Suprême Conseil (en théorie, il ne devrait y en avoir qu'un seul par pays, ce qui dans les faits n'est pas le cas. Ainsi, aux États-Unis il existe plusieurs suprêmes conseils reconnus dans la sphère anglo-saxonne). Il n'existe théoriquement pas de gouvernement mondial du REAA, chaque suprême conseil étant souverain dans sa juridiction. Cependant, certains suprêmes conseils ont une influence politique plus forte que d'autres.
En Europe, onze obédiences pratiquant les trois premiers degrés du Rite écossais ancien et accepté se sont associées au sein de la Confédération des grandes loges unies d'Europe.
Les suprêmes conseils reposent sur les constitutions signées en Prusse et en France le de 1762 et les grandes constitutions de 1786. Ces textes fondateurs confèrent leurs caractéristiques et entité aux suprêmes conseils[14].
En 1875, les constitutions furent révisées lors du convent international des suprêmes conseils réunis à Lausanne.
Il n'existe pas en franc-maçonnerie de grade supérieur au troisième degré, celui de maître maçon. Un des principes fondamentaux de la « régularité maçonnique » est que tous les maîtres maçons sont placés sur un pied d'égalité, sans considération de position sociale ou d'appartenance à d'autres degrés maçonniques. C'est pourquoi les degrés d'un numéro supérieur au troisième doivent être considérés comme des degrés « latéraux » (side degrees des anglo-saxons), grades d'instruction ou de perfectionnement, et non pas comme des grades « supérieurs », c'est-à-dire impliquant un pouvoir particulier dont pourrait se prévaloir un maître maçon pour se prétendre au-dessus des autres.
Dans de nombreux pays, les trois premiers degrés peuvent être pratiqués à un autre rite que le REAA avant l'accès aux grades suivants de celui-ci.
Degré n° | Titre | Jur. Sud France | Belgique | Angleterre | Jur. Nord |
---|---|---|---|---|---|
1 | Apprenti | Loge symbolique (dans certains pays, ces degrés sont pratiqués à un autre rite) | |||
2 | Compagnon | ||||
3 | Maître | ||||
4 | Maître Secret | Loge de perfection (ateliers verts) | Chapitre | Chapter | Lodge of Perfection |
5 | Maître Parfait | ||||
6 | Secrétaire Intime | ||||
7 | Prévôt et Juge | ||||
8 | Intendant des Bâtiments | ||||
9 | Maître Élu des Neuf | ||||
10 | Illustre Élu des Quinze | ||||
11 | Sublime Chevalier Élu | ||||
12 | Grand Maître Architecte | ||||
13 | Chevalier de Royal Arche | ||||
14 | Grand Élu Parfait et Sublime maçon ou Grand Élu de la Voûte Sacrée | ||||
15 | Chevalier d'Orient ou de l'Épée | Chapitre (ateliers rouges) | Council | ||
16 | Prince de Jérusalem | ||||
17 | Chevalier d'Orient et d'Occident | Chapter | |||
18 | Souverain Prince Chevalier Rose + Croix | ||||
19 | Grand Pontife | Aréopage ou Council (ateliers noirs) | Aréopage | Supreme Council | Consistory |
20 | Maître Ad Vitam | ||||
21 | Chevalier Prussien | ||||
22 | Prince du Liban | ||||
23 | Chef du Tabernacle | ||||
24 | Prince du Tabernacle | ||||
25 | Chevalier du Serpent d'Airain | ||||
26 | Prince de Mercy | ||||
27 | Grand Commandeur du Temple | ||||
28 | Chevalier du Soleil | ||||
29 | Grand Écossais de Saint-André d'Écosse | ||||
30 | Chevalier Kadosh | ||||
31 | Grand Inspecteur Inquisiteur | Souverain tribunal | Consistoire | ||
32 | Sublime Prince du Royal Secret | Consistoire | |||
33 | Souverain Grand Inspecteur Général | Conseil suprême | Conseil suprême | Supreme Council |
Dans de nombreuses juridictions, il existe également des particularités, généralement minimes, mais parfois plus importantes. Elles concernent principalement les degrés qui sont réellement pratiqués, les autres degrés étant transmis par « communication », suivant l'usage fréquent du XVIIIe siècle, c'est-à-dire sans que le rituel du degré ne soit réellement pratiqué.
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