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formation des atomes neutres par association des électrons et des noyaux atomiques, précédemment indépendants les uns des autres De Wikipédia, l'encyclopédie libre
En cosmologie, la recombinaison, souvent qualifiée de Grande recombinaison, désigne la formation des atomes neutres par association des électrons et des noyaux atomiques, précédemment indépendants les uns des autres[alpha 1]. Ce phénomène se produit au moment où la température de l'Univers descend en dessous du seuil sous lequel l'énergie moyenne des photons les plus énergétiques est en dessous de l'énergie d'ionisation de l'atome considéré. À l'époque de la recombinaison, les seuls noyaux atomiques présents dans l'Univers sont l'hydrogène, l'hélium et des traces de lithium. Le lithium se recombine (partiellement) avant l'hélium, lui-même se recombinant avant l'hydrogène.
En pratique, quand on parle de recombinaison, on évoque implicitement celle de l'hydrogène uniquement, qui représente la grande majorité des noyaux existant à cette époque. Cet événement se situe environ 380 000 ans après le Big Bang. Il est à l'origine du fond diffus cosmologique.
Selon certains auteurs, la recombinaison marque la fin de l'époque de l'univers primordial[3],[4]. Elle correspond au moment où les structures de l'univers actuel (étoiles, galaxies, amas de galaxies, etc.) se mettent en place, après le découplage du rayonnement[3],[5].
Avant les recombinaisons, l'Univers ne possède pas d'atomes neutres. La formation de ces derniers débute par l'association des nucléons (protons et neutrons) en noyaux atomiques lors de la nucléosynthèse primordiale, qui se serait produite durant les premières minutes après le Big Bang. Après cette nucléosynthèse, environ le quart de la masse de la matière (8 % des noyaux) est sous forme de noyaux d'hélium (2 protons et 2 neutrons) alors que les trois-quarts restant (92 % des noyaux) sont des protons libres[6],[7]. Il y a également d'infimes quantités de noyaux de deutérium (un proton et un neutron), de tritium (un proton et deux neutrons) et de lithium 7 (3 protons et 4 neutrons) qui se forment à cette époque[8],[9]. Les neutrons qui ne sont pas intégrés à des noyaux se désintègrent en protons et électrons[10].
À cette époque, les électrons circulent librement dans l'Univers et forment alors la principale source d'interaction entre matière et lumière, par l'intermédiaire de la diffusion Thomson[11],[12]. L'Univers est alors opaque au rayonnement : les photons sont diffusés par les électrons libres selon un processus semblable à celui du brouillard[13],[14]. Ainsi, le libre parcours moyen des photons est très faible : ils sont diffusés par la « brume d'électrons »[1] libres.
Les temps auxquels se déroulent les différents événements sont exprimés en termes de décalage vers le rouge, noté z (z augmente indéfiniment quand on remonte vers le Big Bang). Ainsi, par exemple, 1 100 correspond à 380 000 ans après le Big Bang (aBB), et 6 à 800 millions d'années aBB[15]. La température de l'Univers décroît en suivant la relation approximative[15],[alpha 2] T (MeVmillion d'électronvolts) 1√[t (s)].
La baisse de température de l'Univers engendre la recombinaison par ordre décroissant d'énergie. Cela amène d'abord la recombinaison des atomes de lithium et d'hélium[17], en passant par des niveaux d'ionisation intermédiaires pour redescendre jusqu'à l'état neutre (hélium) ou monoionisé (lithium). Chaque recombinaison s'accompagne d'une émission de rayonnement () correspondant à l'énergie d'ionisation impliquée (tableau ci-contre).
Les premières recombinaisons sont celles du lithium (). D'abord de l'état triplement ionisé à doublement ionisé, puis de doublement ionisé à simplement ionisé[15] :
Ensuite se produisent celles de l'hélium (), d'abord de l'état doublement ionisé à simplement ionisé, puis de simplement ionisé à l'état neutre[15] :
La première suit l'équation de Saha et se serait produite à un décalage vers le rouge (z) d'environ 6 000[20]. Ainsi, la moitié de l'hélium simplement ionisé aurait été formé à partir de z = 5 800[18]. La seconde recombinaison ne suivrait pas l'équation de Saha et se serait produite un peu plus tard, pour atteindre 90 % vers z ~ 2 000[21],[18].
Selon le modèle standard de la cosmologie et les observations du télescope spatial Planck, on estime que la recombinaison de l'hydrogène se produit environ 380 000 ans après le Big Bang. À ce moment, la température moyenne de l'Univers passe sous les 3 000 K, ce qui fait en sorte que son énergie n'est plus suffisante pour maintenir séparés les protons (ou deutons) et les électrons libres qui n'ont pas précédemment formé les atomes de lithium et d'hélium lors de la recombinaison de ces derniers[22]. Ces protons (ou deutons) et ces électrons se combinent alors pour former de l'hydrogène neutre (deutérium compris), monoatomique[15] :
Cette recombinaison diminue drastiquement la densité d'électrons libres qui diffusaient jusqu'alors les photons (seuls 2/10 000e des électrons ne se recombinent pas[17]). Ainsi, après la recombinaison de l'hydrogène, la presque totalité de la matière devient neutre et il n'y a à peu près plus d'électrons libres diffusant les photons. Certaines longueurs d'onde associées au spectre de l'hydrogène sont absorbées, mais l'effet est négligeable[23]. Cela entraîne le découplage du rayonnement et l'émission du FDC.
On remarque que le lithium n'atteint pas la neutralité (la recombinaison ne se produit pas), en raison des photons de la raie Lyman α émis lors de la recombinaison de l'hydrogène[19] (qui réionisent les atomes neutres de lithium éventuellement recombinés), et aussi en raison de la diminution drastique (de cinq ordres de grandeur) de l'abondance des électrons[15].
Bien que la recombinaison de l'hydrogène ne se soit pas produite instantanément, elle se serait produite suffisamment rapidement pour que l'on considère que l'émission du FDC provient d'une « surface », appelée surface de dernière diffusion, d'épaisseur négligeable[13].
Espèce | Abondance, rapportée au nombre d'atomes H |
---|---|
H2 | 6,3 × 10−7 |
H− | 1,8 × 10−13 |
H+ 2 | 9,2 × 10−15 |
H+ 3 | 8,0 × 10−17 |
H− 3 | 5,5 × 10−33 |
HD | 4,2 × 10−10 |
HD+ | 1,2 × 10−18 |
D+ | 6,1 × 10−19 |
H2D+ | 1,6 × 10−20 |
HeH+ | 1,7 × 10−14 |
He+ | 9,8 × 10−23 |
He+ 2 | 9,3 × 10−36 |
Li+ | 4,3 × 10−10 |
Li | 8,0 × 10−12 |
LiH | 9,0 × 10−20 |
LiH+ | 4,6 × 10−20 |
Li− | 1,7 × 10−22 |
LiHe+ | 3,0 × 10−23 |
La chimie primitive de l'Univers concerne la période comprise entre la fin de la recombinaison de l'hélium vers 2 000, et la réionisation du gaz intergalactique qui commence vers 15 et se termine vers 6 ( 800 Ma aBB). Pour la décrypter il faut prendre en compte environ 250 réactions chimiques potentielles[24]. Non pas que le nombre d'espèces chimiques impliquant H, He et Li soit très grand (environ 30), mais il faut prendre en compte les différents états vibrationnels de chacune. Les principales étapes sont les suivantes[15] :
À 1 000 la fraction d'hydrogène ionisé est encore de l'ordre de 10 %, à 800 elle n'est plus que de 1 %. Pendant cette période une (petite) partie des atomes d'hélium (neutres) réagissent avec les protons résiduels :
Cette première réaction chimique, qui produit le premier composé chimique de l'Univers, est rapidement suivie de la formation d'hydrogène diatomique, ionisé ou non :
où l'un des atomes d'hydrogène peut être du deutérium (production conjointe de et ).
Tandis que les abondances de H2 et HD augmentent continûment, celles de H+
2, HD et HeH+ passent par un maximum puis diminuent jusqu'à un minimum vers z ≈ 800.
La recombinaison des atomes peut d'abord être estimée à l'aide de l'équation de Saha :
où :
Pour l'hydrogène, cela donne[16] :
où :
Intuitivement, on serait tenté de dire que la recombinaison se produit quand l'énergie « moyenne » des photons est de l'ordre de l'énergie d'ionisation de l'atome d'hydrogène, soit 13,6 eV, ou environ 150 000 K[16]. En pratique, cette estimation est très incorrecte, car l'Univers est un système qui a un nombre considérable de photons par noyau atomique (de l'ordre de grandeur du milliard pour un)[25]. De ce fait, ce qui importe est que l'énergie du milliardième des photons les plus énergétiques soit de l'ordre de l'énergie d'ionisation de l'atome d'hydrogène. Ceci se produit quand l'énergie moyenne de « l'ensemble » des photons est bien inférieure à 13,6 eV.
Pour déterminer cette énergie, il faut d'abord déterminer le rapport entre le nombre d'électrons libres () et le nombre de noyau d'hydrogène et d'atomes d'hydrogène ()[16] :
Si l'on considère que la nucléosynthèse primordiale est responsable de 76 % de la quantité d'hydrogène, l'équation de Saha devient[16],[alpha 6] :
où :
Si l'on combine cette équation et l'évaluation du facteur par WMAP, on obtient une énergie moyenne d'environ 0,3 eV, pour une température de 3 000 K. À ce moment, estimé de nos jours à 380 000 ans après le Big Bang, on calcule qu'il reste environ 1 % d'atomes d'hydrogène ionisé[26],[27].
Toujours selon l'équation de Saha, les recombinaisons de l'hélium s'écrivent[28] :
et
Cela donne la moitié de l'hélium recombiné à l'état fondamental pour z = 2500[28].
Ces approches constituent une estimation supposant que la recombinaison se produit à l'équilibre thermique, ce qui ne serait pas tout à fait le cas.
En 1968, les physiciens Jim Peebles[29] et Yakov Borisovich Zel'dovich et al.[30] établissent indépendamment une approche de la recombinaison sans supposer que cette dernière se produit à l'équilibre thermique. Les principaux points de leurs modèles s'énoncent ainsi :
Selon ces modèles, la recombinaison s'écrit sous la forme de l'équation différentielle suivante :
où :
Cela mène à une recombinaison beaucoup plus lente que celle prévue par l'équation de Saha.
Élément | % recombiné | z | |
---|---|---|---|
Peebles | Saha | ||
Hydrogène | 50 | 1210 | 1370 |
90 | 980 | 1250 | |
99 | 820 | 1140 | |
Hélium | 50 | 2000 | 2500 |
90 | 1830 |
Le modèle de Peebles tient compte des principes physiques les plus importants. Cependant, on y retrouve encore des approximations menant à des erreurs de l'ordre de 10 %. Puisque la recombinaison est d'une importance cruciale pour l'analyse des anisotropies du FDC[32], plusieurs groupes de recherche ont peaufiné le modèle au cours des dernières décennies.
Les modèles actuels seraient précis à environ 0,1 % et certains sont en libre accès[33].
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