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La Railway mania est une période-clé de la Révolution industrielle et de l'histoire boursière, caractérisée par un investissement massif dans les sociétés de chemin de fer. Elle fait suite, trente ans plus tard, à la Canalmania, époque de spéculation sur les sociétés creusant et exploitant des canaux pour la navigation fluviale. Les années 1920 connaîtront à leur tour la Mégawatt mania et la Radiomania, un double attrait pour les sociétés de production d'électricité et fabricants et diffuseurs de radios.
L'intérêt financier et industriel pour le chemin de fer, dont l'essor entraîne celui de la sidérurgie, se traduit par deux périodes de forte expansion, la croissance économique mondiale des années 1830, très forte en Angleterre, puis la croissance économique mondiale des années 1850.
L'Angleterre est la première région touchée par la « Railway mania », avec une avance spectaculaire : elle disposait en 1840 d'un ratio de 225 kilomètres de rail exploité par million d'habitants alors que la France n'en avait que 15 fois moins, soit 17 kilomètres par million d'habitants en 1841[1].
Le chemin de fer de Stockton et Darlington fut la première ligne de chemin de fer à utiliser des locomotives à vapeur et à transporter des voyageurs[2]. Elle est mise en service en 1825 en Angleterre dans le comté de Durham. Son succès entraîne un engouement pour le secteur : sur les 115 introductions en Bourse de Londres de 1825, juste avant la Crise boursière de 1825, pas moins de 20 venaient du rail[3].
Dès le ouvre la première ligne interurbaine entièrement à vapeur avec horaires réguliers, la Liverpool and Manchester Railway, qui a coûté 637 000 sterling, soit 53 millions de sterling de 2012. Londres est reliée à Birmingham en 1838 et en 1840, le réseau ferré britannique comprend déjà 3 000 km de lignes[4], amenant la création du Her Majesty's Railway Inspectorate.
La France suit la Grande-Bretagne avec un retard d'une décennie[5], même si dès 1827 est ouverte la ligne de Saint-Étienne à Andrézieux et qu’en 1830, une première locomotive Seguin assure la traction de quelques trains de marchandises sur la section Grand’Croix - Givors de la ligne de Saint-Étienne à Lyon. Il faut attendre le pour voir la première société ferroviaire cotée en Bourse de Paris[réf. souhaitée], la ligne Paris - Saint-Germain-en-Laye, six ans après l'entrée à Wall Street de la Mohawk and Hudson Railroad. Un premier krach des actions ferroviaires suit la panique de 1837, tandis que la crise des sociétés ferroviaires s’aggrave momentanément en 1841.
La spéculation financière commerciale et technologique sur le chemin de fer est couverte par plus de vingt journaux et publications au début des années 1840 en Angleterre, dont huit hebdomadaires, pour la plupart financées par de la publicité, contre trois avant 1840[6].
Elle débouche sur des investissements massifs à partir de 1844 : en seulement deux ans, 5 700 kilomètres de lignes sont construits en Angleterre et 960 kilomètres en France, par des sociétés privées, l’État achetant les terrains, afin d’assurer une visibilité et d'abaisser le coût total de l’investissement. Au total, 10 010 kilomètres de rail sont posés en trois ans en Angleterre entre 1844 et 1846 soit plus de la moitié du réseau actuel britannique, évalué à 18 000 kilomètres. Une bourse est fondée en 1845 à York par des passionnés de technologie[7], le chemin de fer étant suivi par plus de vingt journaux anglais[8].
Dès 1840, le parlement anglais vote une loi spécifique l’Act for Regulating Railways qui donne le pouvoir à un bureau de nommer des inspecteurs chargés de vérifier les conditions de sécurité : Her Majesty's Railway Inspectorate[9]. George Hudson (industriel) pousse à la formation de la Railway Clearing House, plate-forme d’échange permettant de mutualiser les coûts administratifs entre les lignes, opérationnelle le . Les énormes quantités d’acier nécessaires donnent une formidable visibilité sur leurs chiffres d’affaires aux sidérurgistes anglais, qui investissent massivement pour réaliser des économies d’échelle. La Midland Bank de Charles Geach investit dans les fournisseurs d'acier, comme la Park Gate iron manufacturing company de Rotherham[10]. En 1844, une autre loi fixe des règles minimum à respecter, en particulier concernant les wagons pour les passagers de 3e classe : c’est le Railway Regulation Act du , à l’origine de ce que les Anglais appellent alors les « trains parlementaires »[11]. En France, la loi sur le rail de 1842 prévoit une concession de quarante ans aux compagnies candidates. Les investisseurs sont cependant plus frileux et redoutent la concurrence. Pour l'empêcher, on crée en France des lignes ferroviaires « à embranchement », permettant à la même compagnie de desservir toute une région, via deux subdivisions desservies par un même embranchement, alors que l'Angleterre privilégie la coopération entre compagnies, y compris celles qui sont concurrentes. Dès janvier 1842, une loi britannique crée la Railway Clearing House, qui mutualise les coûts (billets, contrôles, reversements d'une compagnie à l'autre) et institue des tarifs différenciés. Moins rentables mais plus prometteuses, les petites compagnies complètent les grandes, pour un maillage optimal du territoire.
Ce système s'emballe en 1845, quand 248 sociétés ferroviaires sont autorisées par le parlement anglais contre 37 en 1844 et 24 en 1843[12]. Jusqu'à la fin de l’année 1845, la plupart des actionnaires étaient gagnants : les actions anglaises ont en moyenne doublé leur cours depuis l'émission ; leurs bénéfices représentant en moyenne 5,5 % du capital investi, et même, pour trois des grandes 10 % à 15 %[13], même si des dizaines de sociétés plus petites ne gagnent pas d’argent. Mais dès juillet 1845, les journaux anglais, comme le tout-puissant Times de Londres, estiment qu’ « un krach est inévitable »[14]. Ces avertissements ne sont pas entendus et en janvier 1846, six mois après, l'indice des actions anglaises atteint son sommet puis se maintient à un niveau proche pendant près d’un an et demi, jusqu'en , qui voit le Krach de 1847 se déclencher, en France comme en Angleterre.
Son premier déclencheur est un durcissement des politiques monétaires qui voit, le , le taux d'escompte français passer de 4 % à 5,5 %, et le taux anglais de 3 % à 3,5 %, puis le le Taux d'escompte anglais remonter de 3,5 % à 4 %, avant de remonter à 5 % en avril 1847 ; Malgré le dégonflement de la bulle, le réseau anglais, bâti dans la précipitation, reste morcelé. Même en 1850, trois ans après le Krach de 1847, il subsistait outre-Manche 200 compagnies ferroviaires différentes[15].
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