un fort mécontentement populaire contre les pénuries de toutes sortes, notamment alimentaires, et l'absence de liberté;
une rivalité sous-jacente avec Rudolf Slánský, secrétaire général du KSČ;
une pression de Staline qui «voit des espions partout» et qui exige que le KSČ procède aux mêmes purges que celles qui ont cours en Union soviétique et dans les autres pays de l'Est, dans le but d'éviter une contagion yougoslave.
Comme dans le complot des blouses blanches, en Union soviétique, qui vise essentiellement des Juifs et qui est concomitant aux procès de Prague, onze des quatorze accusés sont juifs et accusés d'un «complot titiste».
En organisant lui-même une purge qui décapite la direction du Parti, dans le plus pur style stalinien, Klement Gottwald poursuit plusieurs objectifs à la fois:
il se débarrasse d'un rival dangereux, que Staline aurait pu utiliser contre lui;
l'origine juive de 11 des 14 inculpés permet de trouver des boucs émissaires faciles à dénoncer —il s'agit d’un complot sioniste ourdi par des trafiquants juifs— dans un pays à l’antisémitisme latent[1];
Gottwald s'en prend aux anciens de la guerre d'Espagne, soupçonnés de trotskisme; ceux-ci, le plus souvent, avaient activement participé à la résistance anti-nazie, alors que lui-même était resté réfugié à Moscou, ce qui pouvait entacher sa légitimité révolutionnaire;
une nouvelle génération de militants communistes, qui lui doit tout, arrive aux commandes du Parti;
enfin, il se justifie vis-à-vis de Staline en montrant qu'il peut frapper à très haut niveau en n'épargnant personne: tous les condamnés sont membres du Comité central ou du Politburo du KSČ, sinon du gouvernement tchécoslovaque.
Vladimír Clementis, ministre des Affaires étrangères, condamné à mort; exécuté;
Otto Fischl, vice-ministre des Finances, condamné à mort; exécuté;
Josef Frank, vice-secrétaire général du KSČ, condamné à mort; exécuté;
Ludvík Frejka, chef du comité de l'économie à la chancellerie du président, condamné à mort; exécuté;
Bedřich Geminder, chef de la section internationale du secrétariat du Parti, condamné à mort; exécuté;
Vavro Hajdů, vice-ministre des Affaires étrangères, condamné à la prison à vie;
Evžen Löbl, vice-ministre aux Affaires commerciales, condamné à la prison à vie;
Artur London, vice-ministre des Affaires étrangères, condamné à la prison à vie;
Rudolf Margolius(en), vice-ministre des Affaires commerciales, condamné à mort; exécuté;
Bedřich Reicin(en), vice-ministre à la Défense nationale, condamné à mort; exécuté;
Otto Katz, dit André Simone, éditeur du journal Rudé Pravo, condamné à mort; exécuté;
Otto Šling(en), secrétaire régional du Parti, condamné à mort; exécuté;
Karel Šváb, vice-ministre de la Sécurité d’État, condamné à mort; exécuté.
Les condamnés à mort sont pendus et les corps incinérés. Le fourgon transportant les cendres se trouve bloqué sur la route par la neige, et les occupants dispersent les cendres en bordure de route pour alléger le fourgon.
Gottwald ne survit que très peu de temps à ses victimes: en effet, moins de quatre mois après les exécutions capitales, de retour des funérailles de son inspirateur, le «Petit père des peuples», Gottwald, atteint depuis longtemps de syphilis et souffrant d'alcoolisme—faits tenus cachés—, est victime d’une rupture d’un anévrisme de l'aorte et meurt le 14 mars 1953.
D'autres procès suivront cependant:
celui d'Osvald Závodský(de) , ministre de la Sécurité d’État, arrêté dès 1951, qui sauvera brièvement sa vie en se faisant l'accusateur de ses camarades et qui sera néanmoins condamné à mort lors d'un procès à huis clos le et pendu le .
En 2021, Ruth Zylberman réalise Le procès - Prague 1952, qui retrace la trajectoire de trois accusés, brisés par un monde qu'ils avaient contribué à édifier. Le documentaire s'appuie entre autres sur les bobines de films que des ouvriers ont retrouvées dans un entrepôt en 2018 et ainsi que sur des témoignages de contemporains.