un polynôme dont les valeurs donnent le nombre de points entiers dans une copie à l'échelle d'un polytope De Wikipédia, l'encyclopédie libre
En mathématiques, on associe à un polytope entier (c'est-à-dire à un polytope convexe dont les coordonnées des sommets sont entières) son polynôme d'Ehrhart (étudié par Eugène Ehrhart(en) vers 1960), lequel décrit une relation entre le volume du polytope et le nombre des points à coordonnées entières qu'il contient. La théorie de ces polynômes peut être vue comme une généralisation du théorème de Pick en dimensions supérieures.
L'idée de la construction de Ehrhart est de considérer comme fonction de t le nombre de points entiers intérieurs à un polytope obtenu par homothétie par un facteur t du polytope étudié.
Plus précisément, soit un réseau de l'espace euclidien et un polytopeP de dont tous les sommets sont des points du réseau (par exemple , on utilise fréquemment le réseau et des polytopes dont tous les sommets ont des coordonnées entières), engendrant un sous-espace affine de dimension d (d est appelé la dimension de P). Pour tout entier positif t, soit tP le polytope obtenu par dilatation de P par un facteur t, c'est-à-dire le polytope obtenu en multipliant par t les coordonnées de tous les sommets (exprimés dans une base du réseau, et soit le nombre de points du réseau contenus dans le polytope tP. Ehrhart(en) montra en 1962 que L est un polynôme en t de degré d, c'est-à-dire qu'il existe des nombres rationnels tels que pour tout entier t.
Le polynôme d'Ehrhart de l'intérieur d'un polytope convexeP de dimension d vérifie résultat connu sous le nom de réciprocité d'Ehrhart–Macdonald[1].
Soit P un hypercube unité de dimension d, dont les sommets sont les points dont toutes les coordonnées valent 0 ou 1, autrement dit
La dilatation de P par t est un hypercube de côté t, contenant (t + 1)d points entiers, et donc le polynôme d'Ehrhart de P est L(P,t) = (t + 1)d[2],[3]. On voit aussi qu'aux entiers négatifs, on a comme le prédit la réciprocité d'Ehrhart–Macdonald.
Bien d'autres nombres figurés peuvent s'exprimer à l'aide de polynômes d'Ehrhart. Par exemple, les nombres pyramidaux carrés sont donnés par le polynôme d'Ehrhart d'une pyramide à base carrée de côtés et de hauteur 1; le polynôme d'Ehrhart est dans ce cas 1/6(t + 1)(t + 2)(2t + 3)[4].
Soit P un polytope rationnel convexe, c'est-à-dire que avec et (cela revient à dire que P est l'enveloppe convexe d'un ensemble fini de points de ). Posons , le nombre de points entiers contenus dans tP. Dans ce cas, L(P, t) est un quasi-polynôme(en) en t, c'est-à-dire que , où les sont des fonctions périodiques de période entière. La loi de réciprocité d'Ehrhart–Macdonald est encore valable: on a .
Soit P un quadrilatère de sommets (0,0), (0,2), (1,1) et (3/2, 0). Le nombre de points entiers dans tP est donné par le quasi-polynôme [5].
Si P est fermé (c'est-à-dire que les faces de la frontière appartiennent à P), certains coefficients de L(P, t) ont une interprétation simple:
le coefficient dominant, , est égal au volumed-dimensionnel de P, divisé par , le covolume du réseau ;
le second coefficient, , peut se calculer en partant des réseaux induits par sur les faces F de P: est obtenu en divisant le (d-1)-volume de chaque face F par , et en faisant la somme de ces nombres pour toutes les faces de P;
le coefficient constant a0 est la caractéristique d'Euler de P; dans le cas convexe et fermé, on a
La série génératrice des polynômes d'Ehrhart pour un polytope P de dimension d est .
Cette série est une fraction rationnelle; plus précisément, Ehrhart a démontré qu'il existe des nombres complexes (dépendants de P) tels que
Un autre résultat de Stanley montre que si P iest un polytope contenu dans Q (sur le même réseau, on a pour tout j[6].
Séries d'Ehrhart pour des polytopes rationnels
On peut également définir des séries analogues pour un polytope rationnel P de dimension d. Appelant D ile plus petit entier tel que DP soit un polytope entier (D est appelé le dénominateur de P), on a la formule
On peut déterminer des bornes pour les coefficients non dominants de la représentation : on a par exemple[9], où est un nombre de Stirling de première espèce; des bornes inférieures existent également[10]
(en) Ricardo Diaz et Sinai Robins, «The Ehrhart polynomial of a lattice n-simplex», Electronic Research Announcements of the American Mathematical Society, vol.2, , p.1–6 (DOI10.1090/S1079-6762-96-00001-7, MR1405963)
(en) Matthias Beck, Jesús A. De Loera, Mike Develin, Julian Pfeifle et Richard P. Stanley, «Integer Points in Polyhedra—Geometry, Number Theory, Algebra, Optimization», Contemporary Mathematics, Providence, RI, American Mathematical Society, vol.374, , p.15–36 (MR2134759)
(en) Matthias Beck et Sinai Robins, Computing the Continuous Discretely: Integer-Point Enumeration in Polyhedra, New York, Springer-Verlag, coll.«Undergraduate Texts in Mathematics», (ISBN978-0-387-29139-0, MR2271992)
(en) Jesús A. De Loera, Jörg Rambau et Francisco Santos, Triangulations: Structures for Algorithms and Applications, vol.25, Springer, coll.«Algorithms and Computation in Mathematics», (ISBN978-3-642-12970-4, lire en ligne), p.475