poème à forme fixe arabe, hébreu ou araméen1 de cinq à sept strophes à rimes variées. De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le mouachah (de l'arabe موشح / muwaššaḥ, «double ceinture en cuir enrichie de paillettes ou d'incrustations de pierres précieuses», au pluriel موشحات / muwaššaḥāt) désigne un poème à forme fixe arabe, hébreu ou araméen[1] de cinq (au maximum sept) strophes à rimes variées. Le genre fut inventé en al-Andalus, en Espagne médiévale musulmane, par le poète aveugle de Cabra, Muqaddam ibn Mu'afa al-Qabrí, au XIesiècle. Jusqu'ici la poésie orientale, qasida et ghazal, était monorimique, c'est-à-dire elle ne connaissait ni rimes variées ni strophes[2]. Ce genre de composition fut aussi imité et continué par les poètes judéo-espagnols, comme Juda Halevi. De nos jours encore, on retrouve le mouachah, chanté dans le répertoire de la nouba.
Mouachah est parfois transcrit en muwashshah, en muwassah ou en moaxaja (sa forme hispanisée).
Les mouachahs sont soit des chansons panégyriques ou des chansons d'amour. Leur schéma de rimes est le suivant:
Une autre particularité du mouachah réside dans les vers finaux (AA) de la dernière strophe, appelés khardja. Pendant que tous les autres vers du mouachah sont écrits en arabe ou hébreu standard, ses vers finaux, la khardja, est composée dans une des deux langues vulgaires d'Al-Andalus, soit en dialecte hispano-arabe, soit dans les dialectes romans dits mozarabe, écrit en aljamiado.
Les soixante-huit khardjas retrouvées, composées en ancien espagnol et écrites en caractères hébraïques ou arabes (en aljamiado), sont d'une grande importance pour la philologie romane[4]. Datant du XIesiècle, elles représentent d'une part les plus vieux textes intégraux connus en langues ibéro-romanes, et d'autre part elles constituent les plus anciens témoignages de poésie écrite dans une langue romane, antérieure à celle des troubadours[5].
L'arabisant espagnol Emilio García Gómez[6] a traduit ce mouachah (cette 'moaxaja') de l'arabe en espagnol moderne, tout en respectant le schéma métrique. Il s'agit d'une chanson d'amour du XIesiècle (poème n° 190 du manuscrit 'Uddat al-jalis)[7]:
Lunas nuevas salen entre cielos de seda: (a)
guían a los hombres, aun cuando eje no tengan(a)
Sólo con los rubios se deleitan mis ojos: (b)
ramos son de plata que echan hojas de oro. (b)
¡Si besar pudiera de esas perlas el chorro! (b)
¿Y por qué mi amigo a besarme se niega (a)
si es su boca dulce y la sed me atormenta? (a)
Es, entre jazmines, su carillo amapola. (c)
Rayas de jaloque y de algalia la adornan (c)
Si también añado cornalina, no importa (c)
No obra bien si espanta su galán la gacela, (a)
cuando de censores las hablillas acepta. (a)
¿Con mi amigo Áhmad _ hay, decid, quien compita? (d):
Único en belleza, de gacela es cual cría. (d)
Hiere su mirada todo aquel a quien mira. (d)
¡Cuántos corazones bien traspasa con flechas (a),
que empenacha su ojo con pestañas espesas? (a)
Mientras del amigo yo encontrábame al lado (e)
y le ponderaba mi dolencia y maltrato, (e)
ya que él es el médico que pudiera curarlos, (e)
vió el espía que, sin que nos diéramos cuenta, (a)
vínose a nostros, y le entró la verguenza. (a)
Cuánta hermosa moza, que de amor desatina, (f)
ve sus labios rojos, que besar bien querría, (f)
y su lindo cuello, y a su madre los pinta: (f)
¡Mammà, 'ay habibe! so l-ymmella saqrella, (A)
el-quello albo e bokélla hamrella. (A)
Les deux vers finaux sont exprimés en ancien espagnol (dit mozarabe). Dans le manuscrit original, cette khardja est écrite - comme le reste du poème - en caractères arabes. Le fait d'écrire en caractères arabes un texte qui est exprimé en langue romane, s'appelle écrire en aljamiado.
Voici la traduction de la khardja en espagnol moderne:
Michel Nicolas, Les sources du muwaššaḥ andalou & traité sur le zağal: du chant mésopotamien antique au chant "arabo-andalou", Editions Publibook, (ISBN978-2-7483-5482-9, lire en ligne)
Otto Zwartjes: Love Songs from al-Andalus. History, Structure and Meaning of the Kharja (Medieval Iberian Peninsula), Leiden: Brill 1997, (ISBN978-9004106949), p.373.
schéma du muwashshah dans: Reinhold Kontzi: Zwei romanische Lieder aus dem islamischen Spanien. (Zwei mozarabische Hargas); in: Romania cantat. Gerhard Rohlfs zum 85. Geburtstag gewidmet. Band II Interpretationen. Tübingen: Narr 1980, (ISBN3878085095).
Álvaro Galmés de Fuentes: Las jarchas mozárabes y la tradición lírica romanica. In: Pedro M. Piñero Ramírez (ed.): Lírica popular, lírica tradicional: lecciones en homenaje a Don Emilio García Gómez. Universidad de Sevilla 1998, (ISBN84-472-0434-0), p. 28-53 extraits Google-books
Alan Jones (ed.): The 'Uddat al-Jalis of Ali ibn Bishri - An Anthology of Andalusian Arabic Muwashshahat, Gibb Memorial Trust (England) 1992, (ISBN978-0906094402)
Saadane Benbabaali: Poétique du muwashshah dans l'Occident musulman médiéval, thèse de 3ecycle, sous la direction de R. Arié, Paris 3, 1987.
Saadane Benbabaali et Beihdja Rahal: La joie des âmes dans la splendeur des paradis andalous,ANEP, Alger, 2010
Saadane Benbabaali et Beihdja Rahal: La Plume, la Voix et le Plectre,Barzakh, Alger, 2008
Federico Corriente: Poesía dialectal árabe y romance en Alandalús: cejeles y xarajat de muwassahat, Madrid, Gredos, 1998, (ISBN8424918878).
Hoa Hoï Vuong et Patrick Mégarbané, traducteurs: Le Chant d'al-Andalus, Une Anthologie de la Poésie arabe d'Espagne, édition bilingue, 2011, Actes Sud, collection Sindbad.
Álvaro Galmés de Fuentes: Las jarchas mozárabes. Forma y significado. Barcelona: Crítica, 1994, (ISBN84-7423-667-3)
Emilio García Gómez: Las jarchas de la serie árabe en su marco. Madrid 1965, 2. Aufl. Seix Barral, Barcelone 1975
Henk Heijkoop and Otto Zwartjes: Muwaššaḥ, Zajal, Kharja. Bibliography of Strophic Poetry and Music from al-Ándalus and Their Influence in East and West, Leiden: Brill, 2004, (ISBN90-04-13822-6), extraits Google-books
Alan Jones: Romance Kharjas in Andalusian Arabic Muwassah Poetry. A Palaeographical Analysis. London: Ithaca, Oxford University 1988, (ISBN0863720854).
Alan Jones and Richard Hitchcock: Studies on the Muwassah and the Kharja: proceedings of the Exeter international colloquium. Reading: Published by Ithaca for the Board of the Faculty of Oriental Studies, Oxford University 1991, (ISBN0863721508).
Alan Jones (ed.): The 'Uddat al-Jalis of Ali ibn Bishri - An Anthology of Andalusian Arabic Muwashshahat, Gibb Memorial Trust (England) 1992, (ISBN978-0906094402)
Otto Zwartjes: Love Songs from al-Andalus. History, Structure and Meaning of the Kharja (Medieval Iberian Peninsula), Leiden: Brill 1997, (ISBN978-9004106949), extraits Google-books
Nicolas, Michel: Les Sources du muwaššaḥ andalou & Traité sur le zağal: Du chant mésopotamien au chant arabo-andalou, Editions Publibook Université 2010, (ISBN9782748354829), extraits Google-books
Nicolas Michel. Muwaššah: l'extravagante "logique sémantique". In: Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, N°47, 2002. Musiques d'Algérie: mémoire de la culture maghrébine. Algérie: histoire, société, théâtre, arts plastiques. pp. 96-102.