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Les meubles de port sont des meubles fabriqués du XVIIe au début du XIXe siècle dans les ports de France où arrivaient les bois exotiques ou bois précieux des colonies.
Le Centre technique forestier du bois de Nogent-sur-Marne poursuit depuis 1950 des recherches sur les bois tropicaux[1]. Les inventaires du XVIIIe siècle se contentent de parler de « bois des îles ».
Ces bois étaient acheminés par bateau pour différentes raisons et sous différentes formes dans les principaux ports de France :
Les menuisiers se sont trouvés confrontés à des bois très durs et difficiles à travailler, demandant un outillage spécifique. La difficulté rencontrée pour la sculpture obligea les menuisiers ébénistes à se tourner vers la fabrication de meubles et objets aux parois lisses et polies, parfois galbées avec la mise en valeur des couleurs et des veinages savamment mélangés. Si ces bois exotiques, surtout utilisés en placage pour les meubles classiques des styles du XVIIe et XVIIIe siècles dans les ateliers du Louvre ou des Gobelins, les meubles de marine et les meubles de port sont d’une facture plus locale différente d’une région portuaire à l’autre.
Destinés au départ à des gens fortunés, l’afflux des bois exotiques engendre une diffusion plus large dans le public vers le milieu du XVIIIe siècle. Les premières fabrications, à partir des restes d’emballage, furent les malles de voyage pour ceux qui partaient aux colonies ainsi que le mobilier à bord des navires, ainsi que certains éléments du carénage.
C'est le travail des bois tropicaux qui a contribué à la reconnaissance de la corporation spécialisée des maîtres ébénistes-menuisiers ainsi que du mobilier comme une branche à part entière des arts décoratifs [4]. Les liens entre la mode britannique et française pendant l'age of mahogany sont forts, dans la mesure où les ports bordelais et rochelais étaient en lien étroit avec la Grande-Bretagne et les Antilles ; c'est ce que Madeleine Dobie appelle « l'aire commerciale et culturelle atlantique du XVIIIe siècle ». Les armoires en acajou massif, les commodes et les tables se retrouvent des deux côtés de la Manche mais également aux Antilles où l'acajou était très populaire grâce à sa résistance à l'humidité, comme en témoigne la reconstitution d'une salle à manger créole au Musée régional d'histoire et d'ethnographie de Martinique. Par contre, les sources d'information manquent en ce qui concerne la production et le transport des matières premières et le recours à la main d’œuvre d'esclaves. Certains sont d'ailleurs formés en menuiserie sur place ou en France[5] ; mais pour atténuer le caractère marchand de ces biens de consommation, l'Europe du XVIIIe siècle utilise une « esthétique de la diversion » et va donner aux meubles des noms empruntés aux colonies notamment[6]. L'essor abolitionniste s'exprime en littérature et dans les arts décoratifs à la fin des années 1780 puis après le décret d'émancipation de 1848 par un déplacement du discours, notamment l'exotisme lié à l'importation de bois précieux. Ce thème est repris dans Le Système des objets de Jean Baudrillard.
« Une relation de noumène à phénomène s'établit et engendre une production mobilière unique dans le temps et dans l'espace » comme le signale Véronique Cornet dans sa thèse consultée à la bibliothèque du musée des Arts décoratifs et du Design : Aquajou l'acajou ? ou le mobilier de port au XVIIIe siècle, Mémoire de fin d'étude, Paris, 1984, ICART 110 pages[7]. Les négociants et armateurs bordelais par exemple adoptent un style de vie inédit d'une classe sociale riche et cultivée mais sans érudition, une nouvelle façon d'habiter en veillant aux mouvements du port depuis leurs balcons. Puis ils émigrent vers les faubourgs et sont pris d'une véritable fièvre de bâtir : c'est l'époque des folies et des chartreuses, d'une vie de réceptions et en même temps d'un goût pour l'intimité (serres tropicales, jardins d'apothicaires) avec un mode de vie original (luxueux et fonctionnel) signalé par Arthur Young lors de son passage à Bordeaux à Bordeaux, le 26-08-1787. L'inventaire du mobilier confisqué de l'archevêque de Bordeaux, Champion de Cicé est révélateur[8].
Trois grands centres de production se distinguent parmi d’autres :
Présenté comme le précurseur du meuble de port à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle. Appelé malouine, le premier meuble était un buffet à quatre portes ornées d’octogones, encadrées par une double file de colonnettes torsadées et une double rangée de tiroirs. Il est fortement influencé par les modèles hollandais[9] mais se distingue par son mode d'assemblage : la corniche assure le verrouillage des parties du meuble emboîtées.
Saint-Malo a subi l'influence parisienne et son goût pour le style Louis XIV : la malouine devient plus sobre de ligne. Les armoires ont des façades droites et lisses[10].
Meubles d’un style sobre et élégant associant le citronnier, l’acajou et l’amarante, les meubles représentent les styles Louis XIV, Louis XV et Louis XVI. Là encore, l'esthétique parisienne se retrouve par la présence de fines moulures découpées et de petits enroulements. L'influence anglo-hollandaise se trahit dans les commodes-bureau dont l'abattant et la petite porte centrale sont directement issues du scriban. Les pieds sont cambrés « en bigorneau » et les façades des commodes « aiguille, ou en vague »[11].
L’arrivée de l’acajou au début du XVIIIe siècle a favorisé l’essor d’une belle production sous Louis XV, comme des meubles aux lignes agréables, ventrus et fortement galbés, agrémentés de sculptures, aux ferrures internes en acier poli en crémone ou espagnolette, de très belle qualité :
Le Havre, Brest, Lorient, Rochefort, Marseille, Rochefort, etc.
Leur disparité était grande d'où une différence de qualité dans l'exécution, entre les meubles rustiques et les meubles raffinés. L'origine précise de leur savoir-faire n'a pas encore été élucidée : prisonniers hollandais à Saint-Malo ? charpentiers de marine ? Les artisans devaient fabriquer les meubles dans le cadre corporatif de la jurande mais certains pouvaient exercer librement en vertu de franchises locales à Bordeaux par exemple. « Les sauvetats de Bordeaux et la Sanitat de Nantes accueillent un bon nombre d'ouvriers dont les ressources financières ne leur permettent pas de subvenir aux frais occasionnés par les réceptions à la maîtrise et les banquets. »[12].
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