Membra Jesu nostri (titre complet Membra Jesu nostri patientis sanctissima humissima totius cordis devotione decantata, en français «les membres de notre Jésus»), BuxWV 75, est un cycle de sept cantates composées par Dietrich Buxtehude, sur des poésies spirituelles du Moyen Âge, déplorant l'une après l'autre les plaies du Christ.
Le seul manuscrit autographe conservé, noté en tablature, était destiné à son ami Gustav Düben, ce qui n'indique pas qu'il était dédicataire de l'œuvre même[1]. Düben en fit une copie en notation traditionnelle. Ces deux sources sont conservées au sein de la collection Düben de la bibliothèque d'Uppsala[2]
Les sept cantates déplorent chacune l'une des plaies du Christ, dont le chiffre est symboliquement porté de cinq à sept. Les textes sont inspirés par un recueil médiéval de poésie spirituelle, la Rhythmica Oratio, alors attribuée à Bernard de Clairvaux, et en réalité due à un moine cistercien du XIIIesiècle, Arnolphe de Louvain, abbé de Villers-en-Brabant. Les textes des deux blessures «ajoutées» par Buxtehude sont, pour Ad latus, un autre poème attribué à saint Bernard, et pour Ad faciem, l'œuvre du prémontréHermann Joseph von Steinfeld[1]. L'église luthérienne allemande apprécie en effet ces textes empreints de mysticisme, que celui-ci soit cistercien ou rhénan. Buxtehude n'en conserve que des extraits, et les introduit à chaque fois par une citation biblique faisant référence à la partie du corps concernée.
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Les sept cantates de Membra Jesu nostri, dont on ne connaît pas la destination exacte, sont toutes divisées en six sections: une introduction instrumentale, puis un concert vocal pour cinq voix (trois seulement dans la cinquième et la sixième cantate), puis trois arias pour une ou trois voix, et pour finir la reprise du concert vocal. Seule la cantate finale, Ad faciem, dévie de ce modèle puisqu'elle s'achève, non par la reprise du concert, mais par un Amen final. Les concerts vocaux réunissent les solistes, rien n'indique que Buxtehude envisageât de recourir à des chœurs plus étoffés[1].
La structure d'ensemble est dictée par le texte[1]: le mètre de la Rhythmica Oratio influe en effet sur les motifs rythmiques utilisés par Buxtehude.
Exemples (les syllabes accentuées sont en caractères gras):
I. Ad pedes:
Sal-ve mun-di sa-lu-ta-re
II. Ad genua:
Quid sum ti-bi re-spon-su-rus
III. Ad manus:
In cru-o-re tu-o lo-tum
V. Ad pectus:
Pec-tus mi-hi con-fer mun-dum
Les effectifs requis sont faibles: cinq voix (SSATB), trois instruments (deux dessus et une basse), et l'orgue du continuo. La septième cantate (Ad faciem) précise ces instruments: deux violons et un violone, sans doute également adaptés aux autres cantates, hormis la sixième (Ad cor) pour laquelle le compositeur indique cinq violes de gambe[1].
I. Ad pedes
(Aux pieds)
1. Sonata (introduction instrumentale: deux violons, viole de gambe et continuo)
2. Concerto (SSATB)
Ecce super montes pedes evangelizantis et annunciantis pacem
Voici sur les montagnes
les pieds du messager
qui annonce la paix (Nahum 1:15)
3. Aria (SSATB)
Salve mundi salutare, salve Jesu care! Cruci tuae me aptare vellem vere, tu scis quare, da mihi tui copiam
Je te salue, sauveur du monde,
Je te salue, cher Jésus,
M'attacher à ta croix
C'est ce que je voudrais, tu sais pourquoi,
Donne moi ta splendeur
Dulcis Jesu, pie Deus, Ad te clamo licet reus, praebe mihi te benignum, ne repellas me indignum de tuis sanctis pedibus
Doux Jésus, Dieu pieux,
Je te crie, comme il est permis à ton débiteur,
Sois bienveillant à mon endroit,
Ne me repousse pas, indigne
De tes pieds saints.
(en) Kerala J. Snyder, Dietrich Buxtehude. Organist in Lübeck, Rochester, University of Rochester press/Woodbridge/Boydell & Brewer, , 554p. (ISBN978-1-58046-253-2, lire en ligne)
Eastman studies in music (44). Première édition: Schirmer Books, New York, 1987