Le Manifeste du (arabe: وتيقة 11 يناير 1944) ou Manifeste de l'Indépendance du Maroc (وثيقة المطالبة بالإستقلال) est un acte grandement symbolique au Maroc, qui consolide et formalise les prises de position nationalistes issues du Manifeste contre le Dahir berbère du . Le est officiellement jour férié au Maroc[1].
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Le , les anciens cadres encore en liberté du Parti national interdit en 1937 et dont les principaux dirigeants (Allal El Fassi, Mohamed Hassan Ouazzani,etc.) sont encore en prison ou en exil, organisent clandestinement à Rabat le congrès fondateur du Parti de l'Istiqlal.
La version originale du Manifeste de l'Indépendance est rédigée dans l'ancienne médina de Fès (chez "DarMekouar") par Ahmed El Hamiani Khatat et Ahmed Bahnini, avocats du parti. Ensuite amendé par leurs compagnons, le manifeste en fait le programme du Parti qui mènera le Maroc à l'indépendance.
Le , alors que l'issue incertaine de la guerre semblait malgré tout évidente aux plus lucides, 66 Marocains prennent le risque énorme à l'époque de signer un manifeste public revendiquant l'arrêt de toutes les dispositions consécutives au protectorat et demandant la pleine indépendance du Maroc.
Les principaux dirigeants nationalistes toutes origines confondues se regroupent autour du manifeste pour l'indépendance, constituant une mouvance politique réelle, représentative de la société marocaine et de tous les milieux, urbains et ruraux. Ils décident ensemble et d'emblée de s'en remettre au sultan Mohammed Ben Youssef, auquel ils soumettent ainsi leur revendication.
Tous font partie du panthéon marocain: grands résistants avant l'indépendance, les signataires deviennent ensuite les symboles du Maroc libre et les hommes clés de la construction du nouveau Maroc.
Texte du Manifeste de l’Indépendance du présenté par les nationalistes de toutes tendances au sultan Mohamed Ben Youssef:
Considérant que le Maroc a toujours constitué un État libre et souverain, et qu’il a conservé son indépendance pendant treize siècles jusqu’au moment où, dans les circonstances particulières, un régime de protectorat lui a été imposé;
Considérant que ce régime avait pour fin et pour raison d’être de doter le Maroc d’un ensemble de réformes administratives, financières et militaires, sans toucher à la souveraineté traditionnelle du peuple marocain sous l’égide de son Roi;
Considérant qu’à ce régime, les autorités du Protectorat ont substitué un régime d’administration directe et d’arbitre au profit de la colonie française, dont un fonctionnariat pléthorique et en grande partie superflu, et qu’elles n’ont pas tenté de concilier les divers intérêts en présence;
Considérant que c’est grâce à ce système que la colonie française a pu accaparer tous les pouvoirs et se rendre maîtresse des ressources vives du pays au détriment des autochtones;
Considérant que le régime ainsi établi a tenté de briser, par les moyens divers, l’unité du peuple marocain, a empêché les Marocains de participer de façon effective au gouvernement de leur pays et les a privés de toutes les libertés publiques individuelles;
Considérant que le monde traverse actuellement des circonstances autres que celles dans lesquelles le protectorat a été institué;
Considérant que le Maroc a participé de façon effective aux guerres mondiales aux côtés des Alliés, que ses troupes viennent d’accomplir des exploits qui ont suscité l’admiration de tous, aussi bien en France, qu’en Tunisie, en Corse, en Sicile et en Italie, et qu’on attend d’elles une participation plus étendue sur d’autres champs de bataille;
Considérant que les Alliés ont manifesté à différentes reprises leur sympathie à l’égard des peuples musulmans et qu’ils ont accordé l’indépendance à des peuples dont le patrimoine historique est moins riche que le nôtre, et dont le degré de civilisation est d’un niveau inférieur à celui du Maroc;
Considérant enfin que le Maroc constitue une unité homogène, qui, sous la Haute direction de son Souverain, prend conscience de ses droits et de ses devoirs, tant dans le domaine interne que dans le domaine international et sait apprécier les bienfaits des libertés démocratiques qui sont conformes aux principes de notre religion, et qui ont servi de fondement à la Constitution de tous les pays musulmans.
Décide: A- En ce qui concerne la politique générale:
De demander l’indépendance du Maroc dans son intégrité territoriale sous l’égide de Sa Majesté Sidi Mohammed Ben Youssef, que Dieu le glorifie;
De solliciter de Sa Majesté d’entreprendre avec les nations intéressées des négociations ayant pour objet la reconnaissance et la garantie de cette indépendance, ainsi que la détermination dans le cadre de la souveraineté nationale des intérêts légitimes des étrangers au Maroc.
De demander l’adhésion du Maroc à la Charte de l’Atlantique et sa participation à la Conférence de la paix.
B- En ce qui concerne la politique intérieure:
De solliciter de Sa Majesté de prendre sous Sa Haute direction le Mouvement de réformes qui s’impose pour assurer la bonne marche du pays, de laisser à Sa Majesté le soin d’établir un régime démocratique comparable au régime de gouvernement adopté par les pays musulmans d’Orient, garantissant les droits de tous les éléments et de toutes les classes de la société marocaine et définissant les devoirs de chacun.»
Le fond de cette section est à vérifier(novembre 2016): Que ce soit Julien, Alaoui, Abitbol, Bouaziz ou El Mansour, indiqués en Bibliographie, tous ces historiens indiquent que le manifeste a réellement été signé par 58 personnes. Boubker El Kadiri, dans ses mémoires sur le mouvement national, mentionne 66 signataires
La réaction de la Résidence française à Rabat fut immédiate: une forte pression fut exercée sur le sultan Mohammed Ben Youssef pour qu'il condamne publiquement le Manifeste et il fut procédé à l' arrestation de tous les signataires connus et de nombreux nationalistes, déjà fichés par les services de la police française au Maroc.
À la suite de ces premières arrestations, des manifestations et des soulèvements de protestations secouent le pays et se soldent par de nombreuses victimes et de nombreuses arrestations, en particulier dans les villes de Casablanca, Fès, Rabat et de Salé. Les tribunaux militaires condamnent à mort de nombreux résistants.
L'indignation suscitée par leur exécution associée à l'admiration portée aux signataires du Manifeste seront les éléments déclencheurs d'une déferlante populaire qui trouvera son issue onze ans plus tard avec la fin du protectorat et l'indépendance du Maroc, proclamée le par les autorités marocaines, deux jours après le retour d'exil du sultan Mohammed Ben Youssef et reconnue officiellement par la France le .
Moulay Abdelhadi Alaoui, «Mohammed V et le mouvement de Libération nationale», dans Le Maroc et la France: 1912-1956 - Textes et documents à l'appui, Rabat, Fanigraph, , 568p. (ISBN9789954038598, OCLC262650411, présentation en ligne), p.86-135.
Mostafa Bouaziz, «Les manifestes de l'Indépendance», Zamane, Casablanca, no4, , p.48-49[chapeau en ligne].
Mostafa Bouaziz, «Les manifestes de l'Indépendance…», Zamane, Casablanca, no42, , p.12-13 (lire en ligne)
Voici à quoi fait référence Bouaziz lorsqu'il écrit, p.12, «[d]ans notre numéro d'avril (Zamane, no41, p.18), nous avons soulevé la question du nombre de signataires du Manifeste du Parti de l’Istiqlal»: une section de la rubrique «Les buzz de l'Histoire» intitulée «Faux: Malika El Fassi est la seule femme signataire du manifeste de l'Indépendance de 1944»[lire en ligne].
Mohamed El Mansour, «À propos du Manifeste de l'Indépendance», Zamane, Casablanca, no63, , p.72-73[premières lignes].