récit retraçant les aventures de l’explorateur marchand vénitien Marco Polo au XIIIe siècle De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le Livre de Marco Polo (aussi connu en français sous les titres Le Devisement du monde et Le Livre des merveilles, en italien sous celui d'Il Milione, et en anglais comme The Travels of Marco Polo) décrit l'empire sino-mongol de Khubilai Khaan, pour lequel Marco Polo a été «messager» ou émissaire impérial de 1275 à 1290. Ce livre est considéré comme ayant fait faire un pas de géant à la géographie pour avoir décrit l'Asie et, en mer de Chine et océan Indien, depuis le Japon jusqu'à Madagascar.
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Le Livre de Marco Polo
Une page d'un manuscrit du Livre de Marco Polo racontant la bataille contre les éléphants du roi de Birmanie (ms. A2, BnF fr. 2810, en ligne).
Faire connaître différents peuples et les particularités de diverses régions du monde est le but fixé par les premiers mots du Livre. Au long de ses itinéraires, il rapporte une multitude d'historiettes, historiques ou piquantes ou miraculeuses, et surtout raconte l'histoire des Mongols de Gengis Khan, les institutions de la Chine de Khubilai Khaan, avec ses fastes durant ses chasses et ses fêtes dans sa ville de Pékin (Khanbalik).
Rédigé d'abord en 1298 dans un français parsemé d'italianismes, puis corrigé à partir de 1307, ce livre comporte un prologue relatant le premier voyage en Chine du père et de l'oncle de Marco Polo, et leur second voyage avec Marco. Ce prologue est suivi de quatre itinéraires: depuis Acre vers la Chine – depuis Pékin vers le Yunnan et les États au sud de la Chine – depuis Pékin vers Hangzhou et le port de Quanzhou – enfin l'espace entre le Japon et Madagascar en passant par Sumatra et l'Inde.
Ce livre a donné lieu à de nombreuses éditions et traductions sous divers titres, et à d'innombrables études qui confirment la véracité de la plupart des nombreux faits consignés.
Le livre qui a rendu Marco Polo mondialement célèbre est la première description européenne de l'ensemble de l'Orient: Perse, Asie centrale, Extrême-Orient, Inde et océan Indien. Antérieurement Jean de Plan Carpin (1182-1252) et Guillaume de Rubrouck avaient décrit leur voyage au pays des Mongols, mais ils l'avaient écrit en latin et ils n'avaient pas pénétré aussi loin en Extrême-Asie[1]. Le Livre de Marco Polo est aussi le plus ancien des livres en langue européenne moderne, non en latin, qui soit resté populaire[n 1].
Ce livre décrit les immenses possessions de l'empire sino-mongol qui fut le plus vaste empire continental de l'histoire du monde, ainsi que le Grand Khan et empereur de Chine Khubilai, qui fut l'un des hommes les plus puissants de l'Histoire – sinon le plus puissant de tous[2] – avec le faste de ses fêtes et son mode de gouvernement.
Ce n'est pas à proprement parler un récit de voyage, car il n'évoque que de façon discrète l'expérience vécue par son auteur[3] – sauf peut-être quand il s'agit du charme des courtisanes de Hangzhou[4].
À la fois récit de belles histoires comportant parfois des éléments légendaires présentés comme tels, description de villes et d'institutions de pays lointains, relation de mœurs étranges, parfois cocasses ou piquantes[5] , ce livre fut aussi un guide utile pour les marchands en route vers l'Asie, quoique son auteur n'ait pas été lui-même en Chine un commerçant[6],[7], mais un officiel employé par le palais impérial[8]. Il a aussi beaucoup contribuer aux progrès de la géographie.
«Et si dans la longue série des siècles on cherche quels sont les trois hommes qui ont le plus contribué aux progrès de la connaissance du globe, le modeste nom du voyageur vénitien vient se placer sur la même ligne que ceux d’Alexandre-le-Grand et de Christophe Colomb.»
Le Livre de Marco Polo est actuellement connu par quatre sources.
Manuscrit no1116 de la BnF, dit F ou “franco-italien”. — Compilation initiale faite à Gênes en prison par Marco Polo et Rusticien de Pise[10]. Un seul manuscrit complet. Texte daté de 1298. Écrit en français rapide[11]. A été édité pour la première fois en 1824[12].
Manuscrits Polo-Cepoy, classés A, B, C et D[n 2],[n 3] ou FA, FB, FC et FD. — Ensemble de 13 manuscrits complets et concordants[n 4],[13] issus de la rencontre entre M. Polo et Thibaut de Cepoy en 1307 à Venise[n 5]. Daté de 1307. Texte en substance identique à celui de la compilation de 1298 (sauf 27 derniers chapitres supprimés), mais mis en français correct et incluant des corrections de fond apportées par M. Polo (dont deux importantes: les premiers mots et, dans les mss. A et C, la suppression du prénom Marco au ch. 145). - Plusieurs de ces manuscrits sont pourvus d'instruments d'authentification: un certificat d'origine contenant une dédicace «pour honneur et révérence à puissant seigneur[n 6]», et des cachets royaux[13]. - Ces manuscrits constituent la plus nombreuse collection de manuscrits concordants et «la plus belle famille de manuscrits marcopoliens que nous possédions aujourd’hui[14]». - La série A a été éditée en 1865 par Guillaume Pauthier et Firmin Didot[15]. – La série B a fait l'objet de deux éditions: en 1998 par Yves Badel (ms.B4 de Paris)[16], puis en 2001-2008 par Philippe Ménard et son équipe (ms.B1 de Londres)[17].
Traductions italiennes. — Ces traductions ont toutes pour origine la compilation initiale et toutes sont abrégées: en florentin ou toscan (groupe T, 5 manuscrits) – en vénitien, émilien, lombard (groupe V, 6 manuscrits) – en latin (groupes L, P et Z, voir ci-dessous).
Ramusio. — Réécriture du Livre en italien standard, plus de deux siècles après la mort de M. Polo. Elle est due à Giovanni Battista Ramusio, géographe vénitien et ancien secrétaire du Conseil des Dix. - La rédaction de Ramusio (dite R) comporte des additions[n 7], dont deux importantes: l'histoire d'une tentative de coup d'État en avril 1282 à Pékin avec le meurtre d'un ministre favori de Khubilai (son ch. II.8), et une description plus complète de Hangzhou (ch. II.68). Cette rédaction retranche aussi le prénom Marco au chapitre sur la bataille de Xiangyang[18], comme faisaient les mss. A et C. - Ce texte a été imprimé pour la première fois en 1559 à Venise, traduit en anglais en 1818 par William Marsden[19], et réédité en italien par Baldelli Boni en 1827. Une importante édition électronique a été réalisée en 2013 par les universités de Venise et de Padoue[20], qui inclut une comparaison avec le ms.F (BnF n° 1116) et plusieurs des traductions en lombard ou vénitien et en latin[21].
En latin
La traduction en latin (dite P) du frère dominicainFrancesco Pipino(it) a été faite après 1310[22] à partir d'une traduction en lombard[23] de la compilation initiale en français. Elle a pour titre: Liber Marci Pauli de Veneciis de consuetudinibus et condicionibus orientalium regionum (Livre de Marco Polo de Venise sur les coutumes et conditions des régions d'Orient). - Quoique abrégé et peu fidèle, ce texte est celui qui a été le plus recopié[24] et qui a donc le plus contribué à la permanence de la connaissance du Livre et de son auteur jusqu'au XVIIIesiècle. Cette traduction en latin a été, par exemple, la source de Christophe Colomb pour justifier auprès de la reine d'Espagne son projet de voyage maritime vers l'Ouest[25]. Pourtant cette traduction a cessé d'être référentielle parce qu'outre ses erreurs[n 8], elle est très abrégée, censurée[26] et chargée de commentaires moralisateurs ou critiques sur, notamment, «l'aveuglement des païens»[27] – commentaires dont le Livre de Marco Polo est dépourvu. - La version latine de Pipino a été éditée par Prasek en 1902 avec une traduction en tchèque[28], et par l'édition digitale Ca' Foscali en 2015[29]. - Les premiers imprimés remontent à 1484 par Gerard Leeu[30], puis en 1552 dans le Novus Orbis[31], et en 1671 par d'Andreas Müller[32].
Une autre traduction en latin (dite Z) a acquis de la réputation à partir de 1928. L. F. Benedetto en avait trouvé une copie à Milan (Abrosiana, ms.Y 160 sup.), puis le manuscrit a été découvert en 1932 à la bibliothèque de l'archevêché de Tolède (cote Zelada 49.20). Dans son étude de la “tradition manuscrite”, Benedetto affirmait que ce document est essentiel pour «reconstituer[33]» le Livre de Marco Polo, parce qu'il contient des additions qu'on pouvait croire être la source des additions du texte de Ramusio. Quoique Ramusio comporte d'importants passages qui ne se trouvent pas dans Z[34],[n 9]. - Ce ms. Z est extraordinairement abrégé[n 10]. Le Prologue (ch. 1 à 18[n 11]) est réduit à quelques mots, ne dit rien des deux voyages, prétend que Marco vécut en Asie depuis son enfance (“ab infancia sua”) et qu'il serait allé en Chine en partant de Boukhara (ce qui est faux). Puis il omet: l'histoire de Gengis Khan et des Mongols, leurs conquêtes, leurs coutumes, leur ville (Karakorum), la Sibérie jusqu'à l'océan Arctique. Il omet aussi les développements sur le Grand Khan et empereur de Chine Khubilai: sa guerre, son portrait, ses femmes, ses fils, ses villes (dont Pékin), ses fêtes et chasses somptueuses, ses charités, son gouvernement et ses ministères, son papier-monnaie; il omet encore la bataille contre les éléphants du roi de Birmanie, la remontée vers Pékin et la descente par le Shandong, ainsi que l'important ch. 138 sur l'empire Song et sa conquête. Quant aux missions des Polo en Chine, il omet: l'ambassade au pape des parents Polo et leur rôle dans l'importation des perrières (ch. 7 et 145), le succès et la titularisation de Marco (ch. 15-16) ainsi que ses diverses missions (sauf celle à Yangzhou, ch. 143, où Z dit de façon ambigüe qu'il eut «officium prefecture»). - Le texte du ms. Z a été publié en latin dans le 2e volume de l'édition Moule & Pelliot, puis en latin avec traduction en italien par Alvaro Barbieri[35].
D'autres manuscrits en latin témoignent de l'importante diffusion du Livre au moyen-âge. Dutschke en donne la liste[36], et les classe selon le type de leur source avant traduction en latin: source traduite du français en toscan (LT) ou en vénitien ou italien du Nord (LV), ou comprenant des additions par rapport à la compilation initiale (L)[n 12].
Classification
À cause de l'intérêt exceptionnel du Livre de Marco Polo, chacun des manuscrits parvenus jusqu'à nous a donné lieu à un examen philologique minutieux. Il en est résulté une classification en six familles, avec sous-classes. Principalement initié par L. F. Benedetto en 1928, l'effort d'analyse et de classification des manuscrits a été poursuivi par de nombreux philologues italiens (dont l'édition digitale Ca'Foscari représente un des achèvements) et français (dont Ph. Ménard et son équipe).
Quatre familles principales de manuscrits sont retenues:
La rédaction dite franco-italienne est représentée par un manuscrit unique, le ms.F BnF no1116 décrit ci-dessus, considéré comme représentant la compilation initiale. S'y ajoute un fragment découvert au XXIesiècle de quatre folios, difficilement lisible mais qui s'avère proche du précédent[37],[38],[39]. Le manuscrit F a été édité pour la première fois en 1824 par la Société de géographie de Paris[40].
La rédaction de Cepoy dite française est représentée par 18 manuscrits dont 13 complets[n 4]. Elle se divise en quatre sous-classes A, B, C, D. Les manuscrits C sont abrégés. Quant aux sous-classes A et B, leur différence est objet de débats, mais B paraît comporter moins de corrections de fond par l'auteur (par exemple, ne retranche pas le prénom Marco au ch. 145 sur la bataille de Xiangyang). L. F. Benedetto avait proposé de considérer toute cette famille dite française comme issue d'un «remaniement» non autorisé dû à un copiste nommé Grégoire[n 13]. Cette hypothèse est vivement combattue[41]. Les manuscrits A ont été édités en 1865 par Gauillaume Pauthier (A1 et A2 avec des variantes de B4). – Les manuscrits B ont été édités par Yves Badel, 1998 (ms.B4), et par B1: Ph. Ménard et al., 2001-2008 (ms.B1).
La version toscane, traduction de la compilation initiale en dialecte de Florence ou de Pise, est représentée par 4 manuscrits. Principalement TA1 (dit l'“Ottimo” ou “della Crusca” ms. Florence BN n° II IV 88), qui remonte à 1309 au plus tard, et a servi à Baldelli Boni pour établir que la langue originelle était le français; et TA2, actuellement préféré en Italie. Tous sont abrégés. Cette famille est celle qui introduit le titre Il Milione[42], courant en Italie. Le ms.TA1 a été édité par Baldelli Boni en 1827, puis par Ruggieri[43] en 1986. – TA2 a été édité par Pizzorusso[44] en 1975, repris en 1982 par Lanza[45].
La version vénitienne, traduction de la compilation initiale en dialectes de l'Italie du Nord, est représentée par 7 manuscrits complets, tous abrégés[46], et répartis en trois sous-classes: VA (lombard ou émilien), VB (vénitien) et V (vénitien tardif enrichi)[21]. L'un d'eux, VA3 (Padoue, Bibl. Civica, ms.CM 211), possède le record du nombre de traductions dans d'autres langues; son ch.2 suggère que les parents Polo, au début de leur premier voyage, ont été recrutés comme marchands ortogh(en) associés à Berké Khan de la Horde d'Or[47]. Ces trois rédactions sont publiées en ligne par l'Édition digitale Ca'Foscari[21].
La rédaction de Ramusio (R) n'est pas un manuscrit mais un imprimé, pourtant elle est la meilleure rédaction en italien et elle inclut de nombreuses additions[n 7].
Manuscrits les plus importants
Le grand succès de ce Livre depuis sa première compilation en 1298 l'a rendu particulièrement recherché pour les bibliothèques des rois et des seigneurs. Le roi de France Charles V en avait cinq dans sa bibliothèque et son frère, le duc de Berry en possédait trois[48]. Voici les manuscrits encore conservés qui sont les plus importants pour l'édition contemporaine.
Pour le texte issu de Cepoy, mis en français correct avec des corrections de l'auteur:
le manuscrit A1 BnF no5631 est le meilleur[49], mais doit être complété pour ses lacunes avec A2 BnF ms.2810. — Édition de référence: Pauthier 1865 (à corriger avec les remarques de Benedetto 1928, p.LXII et LXIII).
B1 British Lib. ms.19 DI est le plus ancien de la série B qui, comprenant moins de corrections, est un peu plus proche de F BnF ms.1116. — Édité par Ph. Ménard et al., 2001-2008.
B3 Berne n° 125, B4 BnF n° 5649 et B5 Genève n° 154 ont le mérite de posséder le certificat d'origine[n 6] et d'utiliser un vocabulaire plus proche du moyen français que de l'ancien français. — B4 a été édité par Badel 1998.
Pour les additions ultérieures émanant de M. Polo:
Ramusio 1559. C'est un imprimé, mais il intègre des éléments de manuscrits dont certains ont disparu.
Le codex Z est moins pertinent, car en latin, trop abrégé, et dépourvu des additions capitales de Ramusio (chapitre sur l'assassinat d'un ministre, développements sur Hangzhou). Quant à ses additions qui ne se trouvent pas dans Ramusio, elles sont d'importance moindre voire douteuses[50].
Pour les enluminures, parfois très belles (quoique le pinceau des enlumineurs illustrait ce qu'ils n'avaient jamais vu et qu'ils avaient peine à imaginer[48]): les manuscrits français issus de Cepoy sont pratiquement les seuls à en avoir[51].
Le ms.A2 BnF no2810 a 83 magnifiques enluminures pour le Livre de Marco Polo[n 15] qui lui font mériter son titre de Livre des merveilles; c'est l'un des plus beaux livres du Moyen Âge, réalisé vers 1411 à la demande de Jean sans Peur pour son oncle le duc de Berry.
Le ms.C3 BnF no5649 possède le plus grand nombre d'enluminures, 197 pour le Livre de Marco Polo, une par chapitre[52].
On cite encore le manuscrit d'Oxford B2 Bodleian no264 qui a 38 peintures[53] intéressantes[54], et celui de Londres, B1, Brit Lib no19 DI, orné de 36 peintures gothiques[55].
À New York, le manuscrit A4 Morgan ms.723 est orné de 34 petits dessins, assez décevants[56].
Toutes les sources ne sont pas d'égale valeur, et les manuscrits en dialectes italiens et en latin sont notoirement abrégés par rapport à la compilation initiale qui est leur source commune. En ne retenant que les trois premières parties, puisque la quatrième est souvent omise, le décompte des mots des diverses rédactions publiées par l'édition digitale de Ca' Foscari montre que, par rapport au nombre de mots de la compilation initiale: sa rédaction "L" en comporte environ 39% – "P", 44% – "Z", 53% – "VA" et "VB", 60% – "V", 71%. – "TA2" de Lanza[45] en comporte 55%. Ces chiffres sont plutôt surévalués, car ces éditions fusionnent le texte de plusieurs manuscrits (6 mss. pour "L").
Différences de fond entre les mss. F et A
La rédaction corrigée dite française, outre ses améliorations de la forme (orthographe, syntaxe, etc.), comporte des modifications du texte voulues par M. Polo. Elle «porte sur beaucoup de points des traces évidentes d'une révision de Marc Pol, et de modifications que lui seul pouvait opérer[57]», elle contient «un assez grand nombre de passages d'authenticité non douteuse, c'est-à-dire dont la substance ne peut avoir été fournie que par Marco Polo lui-même, qui font absolument défaut dans la première rédaction. Il y a ainsi preuve certaine qu'une révision, une au moins, fut opérée, par Marco en personne, de 1298 à 1307[58]». — Les modifications les plus saillantes sont les premiers mots («Pour savoir la pure vérité...») et la suppression du prénom Marco au ch. 145, mais il y en a beaucoup d'autres[59].
Une partie des améliorations voulues par M. Polo ne se trouvent pas dans la série B des copies, ce qui les fait paraître plus proches de la compilation initiale, ou suggère que la série A a bénéficié d'une révision supplémentaire par l'auteur.
Cependant la compilation initiale, le ms. F BnF 1116 reste une référence car il comporte des passages ou détails omis ensuite. Ainsi, dans la rédaction corrigée, disparaît toute une partie d'un chapitre qui raconte l'histoire de Sakyamuni Bouddha.
Le Livre de Marco Polo porte différents titres, repris des premiers mots (incipit) des manuscrits[n 16].
Le Devisement du monde est le titre des mss. F et A1. — Ce titre a le défaut d'utiliser un mot devenu obscur (devisement[n 17]), et d'être formellement inexact: le sujet du Livre n'est pas ‘le monde’ mais le monde du Grand Khan Khubilai, depuis la Corée jusqu'à l'actuelle Turquie.
Le Livre de Marco Polo est le titre des mss. A2, A4 et D, et celui de la traduction latine de Pipino. – Ce titre a été retenu par les deux plus grands commentateurs du livre, Guillaume Pauthier et le colonel Yule.
Le Livre du Grand Khan est le titre des mss. B.
Le Livre des Merveilles est tiré d'un complément des incipits des mss. A2, A4 et B[n 16]. — Ce titre a le défaut d'utiliser le mot 'merveille' qui est ambigu[n 18]. Il y a aussi confusion car «Le livre de merveilles du monde» est l'intitulé, ajouté par un bibliothécaire au verso de sa couverture en cuir[60], du ms. BnF fr. 2810 qui contient beaucoup d'autres œuvres en sus de la rédaction A2 du Livre de Marco Polo. Confusion aussi avec le livre de Mandeville.
Les Voyages de Marco Polo est le titre de l'édition de Ramusio (1559), adopté ensuite par la plupart des traductions anglaises depuis Frampton (1579)[61], ainsi que par l'édition de la Société de géographie (1824). — Ce titre a le défaut de représenter Marco Polo en ‘voyageur’, alors qu'il était un officiel en mission.
Il Milione est le titre courant en Italie. — En fait Milione était le surnom de l'auteur, non de son Livre[42].
Des divers titres extraits des incipits des manuscrits, à vrai dire seuls conviennent: Le Livre de Marco Polo ou, puisque Khubilai Khaan en est le sujet central, Le Livre du Grand Khan.
Le Livre a d'abord été rédigé en prison à Gênes en 1298 par Marco Polo avec Rusticien de Pise, un Pisan écrivant en français[62], célèbre pour sa compilation vers 1271 des romans de la Table ronde[63]. Cette première rédaction en français a rapidement été traduite dans les dialectes de l'Italie du Centre (florentin, pisan) et du Nord (vénitien, émilien, lombard), et de là en latin.
Le fait que la compilation initiale a été rédigée en français peut s'expliquer ainsi:
«La rédaction française du Voyage de Marco Polo et les autres ouvrages composés en français par des Italiens, montrent qu'à cette époque où toutes les langues néo-latines étaient encore presque confondues, où l'influence provençale venait de ranimer la poésie italienne, où plusieurs poètes italiens écrivaient en provençal, la langue italienne n'avait pas encore prévalu dans toute l'Italie. Alors, les nations n'avaient fixé ni leur langage ni leurs limites.»
Rusticien de Pise a donné une compilation initiale dont le français est fautif quant à l'orthographe et à la syntaxe[11]. Le texte comporte des italianismes[65],[66] morphologiques et lexicaux[67], mais il dit explicitement être en français[62]. Ce que Jean le Long d'Ypres confirme en 1350: «ce livre a été écrit en français (librum in vulgari gallico composuit)[68]». Jean Lebeuf le répète en 1741: «Un nommé Marc, qui avait été envoyé en Tartarie et aux Indes, fit en français un livre des merveilles de ce pays-là[69]».
La preuve que la langue initiale était le français a été apportée en 1827 par le comte Baldelli Boni[70]. Étudiant les plus anciens manuscrits en dialectes italiens, dont l'un est antérieur à 1310, il trouvait de nombreux gallicismes prouvant que «ce document est traduit du français (la presente opera è versione dal francese)[71]». Son avis a été aussitôt partagé[72],[73].
Les nombreuses erreurs de syntaxe et d'orthographe de la compilation initiale ont été amendées à partir de 1307, donnant naissance à la rédaction corrigée dédiée à Charles de Valois[n 6]. Sa langue est intermédiaire entre l'ancien français et le moyen français[74] (et pour le ms.B1 «avec, ici et là, une coloration dialectale picarde, surtout sensible dans les faits de graphie et de phonétique[75]»). Le texte pour cette rédaction corrigée a été remis par M. Polo à Thibaut de Cepoy qui était en Italie entre 1306 et 1308[76] — avant de partir sur des bateaux vénitiens pour tenter de reconquérir l'empire de Constantinople[n 19].
Les deux exemples suivants montrent comment les copistes de Cepoy ont corrigé et mis en français plus correct la langue approximative de la compilation initiale:
compilation initiale, ms.F: Et sachiés qu'il ot la segnorie as 1256 ans que avoit qe Crist avoit nasqu;
rédaction corrigée, ms.A1: Et ot la seigneurie à 1256 ans de Crist.
Ou, avec les poules noires du chapitre 154, qui se calque sur l'italien:
compilation initiale, ms.F: galine qe ne ont pennes mes ont peaus come gate et sont toute noire;
première traduction italienne[77]: galline che non hanno penne, ma peli come gatte, e tutte nere;
rédaction corrigée, ms.A1: gelines qui n'ont nulles plumes mais ont poil et si sont toutes noires.
«Franco-italien»
Que la compilation initiale du Livre de Marco Polo avait été écrite en français devint l'opinion générale après les travaux du comte Baldelli Boni:
«Le comte Baldelli Boni constata que son texte italien n'était qu'une traduction du texte français, encore plus ancien qu'elle. Les arguments qu'il fournissait étaient décisifs: les fautes trop visibles de la traduction italienne laissaient apercevoir la leçon originale … Tous ceux qui, depuis Baldelli Boni, ont pris part à la discussion ont été unanimement de cet avis, qu'ils fussent eux-mêmes Français, ou Italiens ou Anglais. MM. Paulin Paris [1833, 1850] et d'Avezac [1841] sont d'accord avec MM. Hugh Murray [1844], Thomas Wright [1854] et Vicenzo Lazari [1847]»
La locution «franco-italien» pour désigner le manuscrit F BnF 1116 qui représente la rédaction initiale est apparue à peu près à la même époque[79], et cette expression «franco-italien» est couramment employée depuis l'édition par L. F. Benedetto en 1928 de ce même manuscrit[80]. Cette formulation est excellente pour rappeler que l'œuvre est toute italienne, mais paraît mal adaptée pour désignée la langue, car le texte de F n'est pas écrit en italien parsemée de traits français, mais au contraire en langue française d'oïl[81] avec des formes, expressions et mots italiens plus ou moins francisés.
C'est ainsi qu'Alvise Andreose, qui a étudié ce manuscrit afin d'analyser ses expressions et graphies pouvant être caractérisées comme italiennes (vénitiennes ou lombardes, florentines ou pisanes), a conclu que «En tout cas, ce qu'on peut dire avec certitude est que le label ‘franco-italien’ apparaît inappropriée (unfit)[82]». Simon Gaunt en 2013 paraît du même avis: «a misleading designation[83]». Quant à L. F. Benedetto, il disait du ms.F qu'il «n'est pas possible de (le) rapprocher ni confondre avec aucune des autres productions franco-italiennes de l'époque[84]», parce qu'en dépit de ses «traces d'italianité», il démontre une connaissance considérable de la langue française.
Au début du XXIesiècle, prenant l'expression comme désignant la langue et non le manuscrit seulement, une école a tenté d'introduire l'idée que la compilation initiale avait été écrite, non en «franco-italien» mais «en franco-vénitien»[85]. Il est pourtant établi que la compilation initiale représentée par le ms.F BnF no1116 italianise son français avec nettement moins de formes vénitiennes ou d'Italie du Nord que de formes toscanes de Pise ou de Florence[86]. En outre Chiara Concina, qui dans une première étude avait adopté l'expression “franco-vénitien” pour caractériser la langue de deux folios d'un fragment dit f de la compilation initiale, a par la suite cosigné avec Alvise Andreose un article qui conclut au contraire que ce fragment révèle «une base graphico-linguistique essentiellement toscane», sur laquelle ne se greffent que quelques éléments d'Italie du Nord[87]. Ce que confirme Ph. Ménard[88].
Circonstances de la rédaction
Deux théories sont en concurrence pour expliquer les circonstances des premières rédactions du Livre de Marco Polo.
La première théorie a été exposée par Paulin Paris en 1850 dans un célèbre discours devant les cinq chambres réunies de l'Institut de France[89]. C'est la théorie du work in progress. Elle repose sur l'avant-propos du ms.F Bnf no1116, et sur le certificat d'origine[n 6] attaché aux mss. B3, B4, B5 de la rédaction corrigée. Son explication est la suivante: il y eut une compilation en français rapide faite dans la prison de Gênes en 1298, suivie d'une recopie effectuée par des mains françaises (les copistes de Thibault et Jean de Cepoy), qui ont corrigé la langue et intégré des corrections de fond apportées par l'auteur à partir de 1307[90]. Les différences entre les sous-classes A et B des manuscrits de cette famille suggèrent qu'il y eut au moins deux sessions de corrections à partir de 1307. En tout cas, ces corrections n'ont pas pu être effectuées loin de l'auteur, car beaucoup comportent des précisions que lui seul pouvait connaître. La conception work in progress était déjà celle de Julius Klaproth en 1833: «Un examen, même léger, des manuscrits et des éditions imprimées de la relation de Marco Polo, démontre qu'il existe diverses rédactions de l'ouvrage de ce voyageur célèbre, rédactions qui paraissent avoir été faites ou dictées à différentes époques de sa vie[91]».
La seconde théorie est due à L. F. Benedetto en 1928. Elle est exposée en italien dans la première partie de son édition du ms.F, et en anglais dans l'introduction à son édition anglaise par Denison Ross[92]. Son explication est la suivante: il y aurait eu un manuscrit premier, dit l'original perdu, réputé complet, qui aurait contenu tous les récits, même ceux qui apparaissent tardivement[93],[n 12]. Et de ce supposé original auraient découlé deux manuscrits différents, également perdus, d'où proviendraient d'une part les mss. ressemblants au ms.F BnF n° 1116, et d'autre part les mss. comportant des innovations apparentées à la rédaction de Ramusio publiées en 1559. Cette théorie a été acceptée par beaucoup de commentateurs depuis 1928, quoiqu'elle tire argument de sources inexistantes.
Du point de vue de cette théorie de l'original complet mais perdu, le ms.F Bnf no1116 est réputé meilleur, car “plus proche” du dit original perdu. Au contraire, du point de vue de la théorie work in progress, la rédaction issue de Thibault de Cepoy est (sans préjudice de passages reconnus plus corrects dans F et de ses ch. supplémentaires) réputée meilleure, car mieux écrite, intégrant des corrections d'auteur, et qu'étant dédiée à un prince de France, elle bénéficie d'une authentification formelle. De même, la rédaction de Ramusio est meilleure que les traductions initiales en dialectes italiens et en latin, parce qu'elle standardise la langue et qu'elle contient des informations ajoutées après 1310 par M. Polo.
En 2019, une découverte[94] donne un nouvel essor à la conception work in progress. En établissant la proximité de M. Polo avec les dominicains de Saint-Jean-et-Saint-Paul à Venise, elle suggère qu'il a travaillé avec eux pour étoffer la traduction succincte en latin de Pipino; de là viendrait les additions trouvées dans Ramusio; le codex Z en serait un produit[94]; il y aurait donc eu tentative de révision en langue latine sous les auspices des dominicains, faisant pendant à la révision en langue française sous les auspices des Cepoy.
Réception au Moyen Âge
La compilation initiale a été fréquemment traduite et recopiée au début du XIVesiècle (Ramusio dit qu'en peu de mois toute l'Italie en fut pleine[95]) et ce succès a été durable. En 1430, un voyageur raconte que la ville de Venise en avait attaché un exemplaire avec une chaîne dans un lieu public pour que chacun puisse le lire[96].
Beaucoup de commentateurs ont affirmé que M. Polo n'avait pas été cru de son vivant. Mais deux spécialistes, C. Dutschke et C. Gadrat, ont étudié la réception du livre aux Modèle:Sp2- et démentent cette supposée incrédulité de ses contemporains. Dutschke donne de nombreuses citations positives[97] et Gadrat a cette conclusion: «Loin d'avoir été rejeté ou d'avoir suscité la méfiance, le récit de Marco Polo a au contraire été considéré non seulement comme fiable, mais encore comme une source remarquablement riche d'informations. Il acquiert même rapidement, aux yeux de nombreux auteurs, un statut d'autorité[98]».
En 1375, l'Atlas catalan inclut une carte de la Chine avec une trentaine de toponymes du Livre de Marco Polo. En 1450, le cartographe Fra Mauro inclut tous ses toponymes dans sa carte du monde qui a servi de référence durant trois siècles.
Au XIVesiècle, le Livre ouvre la voie à des marchands voyageurs italiens. Ainsi Pegolotti dont le livre La mercatura consigne les règles du commerce en Asie (et dont le vrai titre: Libro di divisamenti di paesi, ressemble à l'un des titres du Livre de M. Polo). Ainsi Andalò da Savignone qui effectue plusieurs voyages en Asie (dont une ambassade d'un Grand Khan vers le pape en 1336, comme les frères Polo en 1266)[99]. Ainsi Galeotto Adorno[100] et Gabriele Basso[101]. Sans compter aux XVeetXVIesièclesChristophe Colomb[25] et Vasco de Gama.
Des contemporains de M. Polo louent sa véracité. Ainsi le frère Pipino se porte garant de la vérité du Livre dans sa préface: «que tous ceux qui le liront sachent que le susdit messire Marco, le narrateur de ces choses extraordinaires, est un homme prudent, fidèle et pieux, et que sa relation est digne de confiance. Son père, messire Nicolo, homme prudent, raconte toutes ces choses de la même manière. Son oncle messire Matteo ... à l'article de la mort confirma fermement à son confesseur que le livre contient la vérité[102]». Pipino n'aurait pas pu écrire cela sans l'accord de sa hiérarchie, et les dominicains étaient des spécialistes de l'Orient.
Pietro d'Abano, l'un des plus grands esprits de son temps, a laissé ce fort compliment: «Marc le Vénitien est de tous ceux que j'ai connus, celui qui a le plus parcouru le globe et a été l'observateur le plus attentif[103]». Peu de temps après, le premier légat du pape envoyé à Pékin en 1343, Jean de Marignolli est catégorique en parlant de M. Polo et d'Odoric: «Ces auteurs ne mentent pas».
Un avant-propos, un prologue et quatre parties
Marco Polo révèle le pétrole, le charbon et l'amiante.
Pétrole (‘huile’)[104]: «Et en cette fin vers Géorgie, sachez qu'il y a une source qui sourde huile en moult grande quantité; si que bien 100 navires y pourraient bien charger à la fois. Mais elle n'est pas bonne à manger, mais elle est bonne à brûler et à enduire les chameaux contre la gale. Et y viennent gens de moult loin pour cette huile. Car en toute la contrée ou environ ne brûlent autre huile.»
Charbon (‘les pierres pour feu’)[105]: «Il est vrai que par toute la province du Catay a une manière de pierres noires qui s'excavent des montagnes par filons et qui brûlent comme bûche, et maintiennent mieux le feu que la bûche ne fait. Car si vous les mettez au feu la nuit vous trouverez du feu au matin, si qu'elles sont si bonnes que par toute la province ne brûlent autre chose.»
Amiante (‘salamandre’)[106]: «Et sachez bien qu'en cette dite montagne se trouve une veine de laquelle se fait la salamandre. Car sachez de vrai que salamandre n'est pas une bête si comme on dit en nos pays mais est d'une veine de terre, et entendrez comment ... l'on fait creuser en cette montagne, et on trouve une veine (de terre); et se prend cette veine et s'amenuise, et l'on trouve dedans comme fils de laine, et puis on les met sécher. Et quand elle est sèche si se réduit dans de grands mortiers de fer, puis la font laver et toute la terre s'en va et demeure si comme fils qui semblent de laine; et on les fait filer, et on en fait toiles. Et quand elles sont faites si ne sont pas bien blanches, mais ils les mettent dedans le feu. Et quand une en est retirée si est blanche comme neige, et chaque fois qu'elle devient sale on la met dedans le feu, si devient blanche. Ainsi est la vérité de la salamandre non autrement: car qui le dirait autrement ce serait bourde et fable.»
Le livre comporte un avant-propos, un prologue et quatre parties, avec un nombre de chapitres variable selon les manuscrits: entre 192 et 232[n 20].
L’Avant-propos, souvent confondu avec le Prologue (surtout dans la compilation initiale qui le numérote comme un chapitre), présente le livre, son auteur et son rédacteur (F: «Rustaciaus de Pise»; A1: «Rusta Pisan»), ainsi que les circonstances de leur rencontre. S'y adjoint un certificat d'origine de la rédaction corrigée dans les manuscrits B3, B4 et B5.
Le Prologue raconte en dix-huit courts chapitres le premier voyage de Nicolo et Matteo Polo, les père et oncle de Marco, entre 1255 et 1269, puis leur second voyage avec Marco, de 1271 à 1295. C'est la partie de l'œuvre la plus personnelle, qui valorise les parents Polo comme ambassadeurs du Grand Khan auprès du Pape[107], et Marco comme «messager» de l'empereur.
La Première partie détaille le second voyage, depuis le port d'Ayas en Petite Arménie jusqu'à Shangdu, qui était la capitale d'été du Grand Khan Khubilai et où Marco Polo lui est présenté. Elle commence par la traversée de l'Anatolie vers l'Iran et évoque les pays avoisinants: Grande Arménie, Géorgie, Mossoul où se produisait la mousseline, Bagdad où le califat est détruit par les Mongols, jusqu'à Tabriz avec ses populations mélangées, ses soieries, son orfèvrerie (ch.19 à 29[n 11]). Ensuite, Iran: Saveh d'où sont venus les Rois mages, Yazd, Kerman, Ormuz (qui était alors un port sur le continent), l'est de l'Iran où est racontée l'histoire des Ismaéliens assassins (ch.30 à 42). Puis Afghanistan avec excursion au Kafiristan des buveurs de vin irréductibles et au Cachemire; puis Pamir où «l'on monte tant qu'on dit que c'est le plus haut lieu du monde»[n 21], et entrée dans le Sinkiang (ch.43 à 50). Après une excursion à Samarcande avec le miracle du pilier hors sol, on s'avance vers la Chine par les oasis au sud du désert du Taklamakan avec ses sables mouvants, puis par le désert de Gobi jusqu'à Dunhuang avec ses grands Bouddhas (ch.52 à 57). De là, le récit évoque le nord des pays Ouïgour, puis Karakorum avec l'histoire des Mongols, leurs mœurs de guerriers nomades et la redoutable ascension de Gengis Khan (ch.58 à 73). Enfin, Mongolie Intérieure et arrivée à Shangdu en 1274 après trois ans de voyage (ch.74).
La Deuxième partie est d'abord consacrée à Khubilai Khaan: comment il a pris, affermi et défendu son pouvoir (ch.75 à 80); ses quatre femmes et ses nombreuses concubines (ch.81); ses fils (ch.82); ses palais (ch.83-84); sa salle des banquets et sa garde prétorienne (ch.85); ses fêtes et la couleur des costumes (ch.86); les présents et offrandes qu'il reçoit (ch.87); ses grandes expéditions de chasse (ch.88-92); la ville de Pékin ou Cambaluc (ch.94); le papier-monnaie rendu obligatoire et exclusif (ch.95); le gouvernement (ch.96); les relais de poste (ch.97); les dégrèvements d'impôts en cas de calamité naturelle (ch.98); le réseau de routes bordées d'arbres (ch.99); le vin de riz (ch.100); l'usage du charbon; le stockage des céréales dans d'immenses silos pour réguler les prix et prévenir les disettes (ch.102); les aides aux démunis (ch.103) — modes d'administration souvent encore inconnus en Europe[3]. Les chapitres suivants présentent deux itinéraires en Chine, l'un vers le sud-ouest de Pékin, l'autre vers le sud-est, que Marco Polo a parcourus lors de ses missions comme «messager» de l'empereur de Chine[108]. Le premier décrit la route de Pékin vers le Yunnan en passant par le Sichuan et l'est du Tibet, suivi d'un survol de la Birmanie, du nord de la Thaïlande et du Vietnam (ch.104-129). Le second itinéraire va de Pékin vers la Chine du Sud que Khubilai Khaan a ravi à l'empire Song; en longeant plus ou moins le Grand Canal, il arrive à Hangzhou qui était la plus grande ville du monde (ch.151), analyse ses immenses recettes fiscales (ch.152), puis atteint Quanzhou qui était le plus grand port du monde (ch.156).
La Troisième partie, qui s'intitule le Livre d'Inde, décrit la mer de Chine et l'océan Indien: du Japon gorgé d'or aux anthropophages de Sumatra (ch.157-165); puis Sri Lanka et l'Inde (ch.166-182); enfin l'ouest de l'océan Indien: Socotra, Madagascar, Zanzibar avec le continent africain, l'Éthiopie, pour revenir par Aden et Dhofar jusqu'à Ormuz (ch.183-192). Le récit comporte, avec de belles histoires, beaucoup d'informations vérifiées exactes, qui témoignent d'une expérience réelle, notamment lors de l'escale de cinq mois à Sumatra en raison de la mousson d'hiver. Marco décrit les jonques chinoises, les hauts fonds du détroit de Johor, la disparition de l'Étoile Polaire sous l'équateur, l'arbre à vin de Sumatra, le bois de brésil qu'il a tenté d'introduire en Europe sans succès[109], les rubis de Ceylan, les diamants de Golconde, le poivre, l'indigo, le gingembre, les cuirs du Gujarat, les moutons sans pavillon d'oreilles[110] à Ash Shihr. Il s'intéresse aux croyances religieuses, à l'aspect des brahmanes et à la nudité des ascètes[111]. Dans l'ouest de l'océan Indien (où il n'est pas allé), le récit rapporte des traditions orales: les deux îles «Masle et Femelle» habitées par des hommes et des femmes qui ne se rencontrent qu'au printemps (ch.183), l'oiseau rokh capable de soulever des éléphants (ch.183), la guerre des chrétiens d'Éthiopie contre les mahométans de la Côte (ch.187), etc.
Une Quatrième partie, souvent omise par les manuscrits, contient des fragments historiques, au long de 34 chapitres dans la compilation initiale, 8 ch. seulement dans les mss. A1 et A2. Elle raconte la «Province d'obscurité» russe, et surtout les guerres fratricides entre Mongols qui font comprendre la cause de leur déclin. La plupart des faits rapportés sont historiques, notamment: les expéditions répétées de Qaidu contre les troupes du Grand Khan en Asie centrale et en Mongolie – les combats de la Horde d'Or contre l'Ilkhanat de Perse – le combat d'Arghoun contre son oncle Ahmad Teküder pour le pouvoir en Iran – et (ce dernier probablement raconté à Marco Polo après sa captivité à Gênes[112]), la bataille en 1297 d'un puissant général, Nogaï, contre le khan de la Horde d’OrToqtaï.
Chapitres saillants
Itinéraires de Marco Polo (clic pour carte entière). En rouge, aller (1271-1294). – En bleu, missions en Chine (1275-1290). – En vert, retour (1292-1295). – En brun, lieux cités hors itinéraire certain.
Le Livre se présente comme un recueil de «merveilles» (au sens ancien: étonnant, surprenant, voire effrayant[n 18]) et de belles histoires. Mais sa trame est une base continue d'informations plus précises, nombreuses et exactes que la légèreté des récits et la simplicité de la langue ne laissent supposer.
Chapitres 97 et 99[n 11] sur les relais impériaux, leur luxe, leurs nombreux chevaux, et la rapidité de leurs courriers (lors de ses missions, M. Polo les a souvent utilisés).
Chapitre 145 sur la bataille de Xiangyang, qui révèle l'implication de Nicolo et Matteo Polo, les père et oncle de Marco, dans un transfert de technologie militaire: l'introduction de grandes perrières qui furent effectivement décisives pour la conquête par les Mongols du très riche empire des Song. L'affaire est contestée (voir ci-dessous), mais sa véracité justifierait que Khubilai ait favorisé les frères Polo et contribué à la promotion de leur fils Marco[113].
Chapitre 151 sur Hangzhou, à l'époque la plus grande ville du monde. Décrite par M. Polo à partir d'une lettre de l'impératrice Song (dont il nous a gardé la teneur) et de ses propres expériences, la ville est présentée comme le joyau de la dynastie Song et un apogée de la civilité humaine (un sommet du Livre aussi, surtout dans la rédaction de Ramusio deux fois plus développée).
Chapitre 152, seul cas où M. Polo présente le résultat d'une de ses missions: l'évaluation des recettes fiscales de la province de Hangzhou. Chiffre le plus astronomique du Livre: annuellement l'équivalent de ~300 tonnes métriques d'argent fin[114] (mais payé en papier-monnaie), soit environ douze fois la recette ordinaire du royaume de France à l'époque[115]. Pour le seul impôt sur le sel dans une seule province, c'est un montant incroyable («si desmesuré nombre de monnoie que c'est impossible chose à croire»), mais cette évaluation a été démontrée compatible avec une statistique des annales chinoises[116], prouvant que M. Polo n'affabule pas, même dans son évaluation la plus énorme.
Chapitres décrivant l'économie: intervention sur le marché des grains (ch.102) et fonds sociaux (ch.98 et 103); appareil de production proche de l'industrie à Hangzhou (ch.151); bateaux et commerce naval (ch.156, 157, 177); papier-monnaie obligatoire pour la première fois dans l'histoire et sous peine de mort (ch.95), que M. Polo décrit comme un détournement de l'économie au profit de l'État: grâce à ce papier d'écorce «qui rien ne lui coûte … l'empereur achète tant chaque année que c'est sans fin son trésor … il a de cette façon tout le trésor de ses terres … la manière et la raison pourquoi il doit avoir et a plus de trésor que tous ceux du monde».
Chapitre posthume racontant l'histoire de l'assassinat d'un puissant ministre des finances en 1282 (ch.II.8 de Ramusio), prouvant que Marco Polo eut connaissance de nombreux détails, tenus secrets, d'un des évènements les plus graves du règne de Khubilai.
Tyrannie enfin: massacre de dizaines de milliers de personnes à l'enterrement de chaque Grand Khan avant Khubilai (ch.68)[117] – répressions terribles (ch.133 et 149) – appareil militaro-policier omniprésent dans les villes – couvre-feu permanent à Pékin (ch.84, 85) – soldats sur chacun des innombrables ponts de Hangzhou (ch.151).
Exagérations dans les récits?
De nombreux chercheurs ont depuis le XVIIesiècle confirmé un nombre incommensurable d'informations contenues dans le Livre de Marco Polo, mais trois chapitres cristallisent un soupçon d'exagération:
Le chapitre 143[n 11] sur Yangzhou, où il est reproché à M. Polo d'avoir prétendu y avoir été «gouverneur», alors qu'aucun document chinois ne confirme cela.
Le chapitre 145 sur la bataille de Xiangyang, où il est reproché à Marco Polo de s'y être mis en scène.
Le chapitre 152 sur l'impôt prélevé à Hangzhou, où l'évaluation de la recette pour le sel paraît exorbitante.
Quant au premier, le texte ne dit pas qu'il fut ‘gouverneur’ à Yangzhou, mais qu'il y «eut seigneurie durant trois ans par le commandement du Grand Khan[118]», ce qui n'est pas incompatible avec son emploi de «messager[119]», c'est-à-dire émissaire impérial chargé de transmettre des ordres et de faire rapport sur leur mise en œuvre, sans se mêler de l'exécution laissée à l'administration locale, laquelle devait impérativement obéir aux desiderata de l'Empereur transmis par ses messagers[120],[121].
Quant au second, les meilleures rédactions (A, C et Ramusio) ont supprimé la mention “et messire Marc” ajoutée fautivement par un copiste. De cette façon, le récit concerne le père et l'oncle de Marco durant leur premier voyage. Dès lors le récit devient crédible puisqu'il ne dit que ceci: qu'il «proposèrent» et «firent faire» des perrières, tandis que ces armes étaient très connues à l'arsenal de Venise dont elles étaient une spécialité.
Quant au troisième, Guillaume Pauthier[122] et Hans Ulrich Vogel[123] ont démontré que le montant énoncé par M. Polo, quoiqu'énorme, est compatible avec une statistique chinoise qui a été retrouvée. À cause du caractère mathématique de cette démonstration, Pauthier disait qu'«aucune preuve plus frappante de la véracité scrupuleuse de Marc Pol ne pouvait être fournie[124]».
Omissions
Du fait que le Livre ne parle pas explicitement de diverses réalités chinoises (sinogrammes, Grande Muraille, thé, pieds bandés, pêche au cormoran...), quelques commentateurs ont tenté d'en tirer argument contre les récits de Marco Polo[125], quoiqu'une absence ne saurait constituer une preuve: «l'argument ex silentio est au plan de la méthode un faux argument[126]».
À ces critiques, M. Polo oppose ses ultimes paroles, sur son lit de mort, à ceux qui lui demandaient de rétracter ce qui dans son Livre allait au-delà des faits: «Je n'ai pas écrit la moitié de ce que j'ai vu[127]».
Voyageur explorateur? Bon observateur
Marco Polo est souvent représenté comme un ‘voyageur’ et un ‘explorateur’. Cependant son Livre nous le montre parcourant beaucoup de «journées» de cheval, mais à titre officiel: attaché d'ambassade à l'aller, messager de l'empereur en Chine, chargé de messagerie à son retour[128]. Il n'était pas un ‘voyageur’ qui voyage pour son agrément ou pour ses propres recherches, mais un «messager» portant tablette de commandement en or, et logé dans les relais impériaux luxueux[129].
D'autre part, le Livre décrit des lieux où M. Polo n'est pas allé. Les itinéraires sont littéraires, reconstruits, «il est même impossible de fixer exactement sa route[130]».
«Vouloir, par habitude, faire du Devisement un récit de voyage est manifestement une erreur... (Il y a des) pays hors itinéraires et pourtant décrits, réintroduits d’une façon artificielle dans le cours du discours... Marco, dans son livre, ne suit pas son itinéraire... il s’agit d’une narration, pour faire connaitre les pays et non l'aventure personnelle d’un seul homme.[131]»
Aux trajets effectivement parcourus se greffent des pays adjacents, qu'il ne prétend pas avoir visités, mais qui, soit appartenaient à l'empire mongol (ch. 21-28[n 11]: Bakou, Géorgie, Irak – ch. 51: Samarcande – ch. 58-70: Dzoungarie, Mongolie, Sibérie), soit étaient plus ou moins inféodés (ch. 120-127: Birmanie, nord de la Thaïlande et du Vietnam), soit étaient en relations commerciales pouvant déboucher sur leur soumission (ch. 47-48: Cachemire – ch. 158, 162: Japon, Java – ch. 183-190: Ouest de l'océan Indien). — Le sujet du Livre n'est pas le ‘voyageur’ Marco Polo mais l'empire de son maître, l'empereur sino-mongol qui a réunifié la Chine: Khubilai Khaan. J. Heers le résume: «Le livre écrit par Marco Polo et Rusticello n’est pas le récit des voyages des Vénitiens. C’est un traité encyclopédique qui s’inscrit dans une très longue et vivante tradition[132].
Quant à ‘explorateur’, cela ne saurait être au sens du XIXesiècle. M. Polo ne découvre pas des pays inconnus, mais son Livre révèle à l'Europe des mœurs, des histoires, des pays connus des Chinois. Cependant lui-même s'avère être un chercheur et un bon observateur, ne serait-ce que pour satisfaire son maître, le Grand Khan, qui désirait connaître comment vivaient ses peuples. Le Livre le dit explicitement: Marco Polo «toujours allant et venant de çà et de là en messagerie par diverses contrées, là où le seigneur l'envoyait ... peinait moult pour savoir et pour entendre toute chose qu'il croyait plaire au Grand Kaan ... il mettait beaucoup d'attention à savoir et à espier et à s'enquérir de tout pour le raconter au grand seigneur[133]».
Ses qualités d'observateur ont été reconnues par son contemporain Pietro d'Abano, l'un des plus grands esprits de son temps, qui a laissé ce fort compliment: «Marc le Vénitien est de tous ceux que j'ai connus, celui qui a le plus parcouru le globe et a été l'observateur le plus attentif[134]». Dans son Livre, on note particulièrement son attention pour les plantes et les animaux, que les précédents voyageurs avaient rarement mentionnés[135]. Par exemple, sa description de cinq variétés de grues (ch. 73) fait dire à S. Haw que «seul un excellent observateur et bon connaisseur des oiseaux peut donner une information si juste et si précise[136]».
Enfin il ne faisait pas qu'observer par lui-même: il questionnait, notamment les fonctionnaires locaux, et il prit vraisemblablement beaucoup d'informations dans des livres et documents chinois[137].
Principales éditions du livre
2018: J. Blanchard, M. Querueil, Th. Tanase, Marco Polo: Le Devisement du monde, Genève, Droz, (présentation en ligne)
Édition du manuscrit F BnF ms. fr. 1116, la compilation initiale, précédé d'une transcription en français moderne.
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2018: (it) (fr) Mario Eusebi et Eugenio Burgio, Marco Polo, Le Devisement dou Monde, Venise, Ca' Foscari, (lire en ligne)
Édition du manuscrit F BnF ms. fr. 1116, la compilation initiale, comportant un tome 2 avec un important glossaire.
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2015: (it) Ca' Foscari, Le redazioni del Milione, édition critique digitale des universités de Venise et Bologne, Université Ca' Foscari, Venise, (lire en ligne)
Édition du texte de Ramusio (le meilleur en italien) comparé à 7 autres rédactions[21], par Alvise Andreose, Alvaro Barbieri, Eugenio Burgo, Marina Buzzoni, Antonella Ghersetti, Giuseppe Mascherpa, Fabio Romanini et Samuela Simion.
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2004: René Kappler, Marco Polo, Le Devisement du Monde, Paris, Imprimerie nationale, 2004.
Transcription en langue moderne du manuscrit F BnF ms. fr. 1116, la compilation initiale, ajoutant en italique les compléments fournis par le manuscrit Z. Édition de luxe comportant de nombreuses photographies en pleine page de Roland et Sabrina Michaud.
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2001-2008: Philippe Ménard et al., Marco Polo, Le Devisement du Monde, Genève, Droz, 6 volumes, 2001-2008 (présentation en ligne)
Édition critique du manuscrit B1 British Lib. ms. 19 DI, l'une des rédactions corrigées, avec une étude le comparant à d'autres manuscrits et, en annexe, une liste des variantes. Avec la collaboration de t. 1: Marie-Luce Chênerie, Michèle Guéret-Laferté; t.2: Jeanne-Marie Boivin, Laurence Harf-Lancner, Laurence Mathey-Maille , t. 3: Jean-Claude Faucon, Danielle Quéruel, Monique Santucci; t. 4: Joël Blanchard, Michel Quereuil; t. 5: Jean-Claude Delclos, Claude Roussel; t. 6: Dominique Boutet, Thierry Delcourt, Daniel James-Raoul.
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1998: Pierre-Yves Badel, Marco Polo, La Description du Monde: Édition, traduction et présentation, Le livre de Poche, coll.«Lettres gothiques», 1998.
Édition du manuscrit B4 Bnf n° 5649, l'une des rédactions corrigées de la série B (très fautive aux ch. 143 sur Yangzhou et ch. 145 sur la bataille de Xiangyang[138]).
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1980: (it) Ramusio, Viaggi di Marco Polo, gentiluomo veneziano, édité et annoté par Marica Milanesi, Turin, Giulio Einaudi, 1980.
Réédition des six volumes des Navigazioni e Viaggi de Ramusio avec annotations de Marica Milanesi. Le Livre de Marco Polo est en pp. 947-1070 du 3e volume.
Traduction en anglais du manuscrit F BnF ms. 1116, la compilation initiale, intégrant une multitude de variantes[139] prises dans d'autres rédactions (A1, B4, TA1, TA3, LT, VA3, P, VG3, Z, L1, V1, VB2, I, VL, S, Z et R; décription des mss. p. 509). Ne mentionne pas la variante de A, C et R supprimant le prénom Marco au chapitre sur Xiangyang. Utilise de façon critiquable le codex Z[140].
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1931: (en) Luigi Foscolo Benedetto (trad.Aldo Ricci, préface de Denison Ross), The Travels of Marco Polo, (présentation en ligne).
1928: (it) (fr) Luigi Foscolo Benedetto, Marco Polo - Il Milione, Florence, Olschki, 1928.
Édition du manuscrit F BnF ms. 1116, la compilation initiale. Texte souvent tacitement corrigé[141]. Précédé d'une étude en italien sur la «tradition manuscrite» (p. I à CCXXI; réédité en 1962) analysant et classant les principaux manuscrits disponibles en Europe. Ouvrage par ailleurs à finalité nationale[n 23].
1865: Guillaume Pauthier, Le livre de Marco Polo, citoyen de Venise, conseiller privé et commissaire impérial de Khoubilaï-Khaân, Paris, Firmin Didot, 1865, 2 volumes (en ligne: vol. 1, vol 2).
Édition de la rédaction corrigée, dite française, mss. A1 BnF n° 5631 et A2 BnF n° 2810, avec variantes de B4 BnF n° 5649. Nombreuses notes savantes en bas de page illustrées de fréquentes citations d'auteurs. Ajoute le ch. de Ramusio sur le coup d'État de 1282 (p. 276), et les derniers chapitres historiques de la compilation initiale absents des mss. (p. 740). – Réédition: Slatkine Reprints, Genève, 1978.
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1827: (it) Giovanni Battista Baldelli Boni, Il Milione di Marco Polo: Testo di lingua del secolo decimoterzo ora per la prima volta Batista Baldelli, Florence, Pagani, (lire en ligne)
Édition historique du manuscrit TA1 (dit "Ottimo" ou "della Crusca") antérieur à 1310, qui permit d'établir que le Livre avait été écrit initialement en français. (Édition plus récente de TA1 par Ruggero M. Ruggieri, Il Milione, Florence, Olschki, 1986.) Le volume II réédite le texte de Ramusio: Il Milione di Messer Marco Polo Viniziano secondo la lezione Ramusiana (en ligne).
Édition par la Société de géographie de Paris du ms. F BnF n° 1116, la compilation initiale. Toute première édition d'un manuscrit du Livre de Marco Polo.
Traduction en anglais du texte de Ramusio avec de nombreuses notes savantes. Première édition scientifique du Livre de Marco Polo.
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1735: Marc Paul, Venitien, Les voiages très-curieux & fort remarquables... ou Relation des pais orientaux, La Haye, dans le second volume des Voyages faits principalement en Asie dans les XII, XIII, XIV et XVe siecles, édité par Jean Neaulme, qui l'a repris de Pieter van der Aa[142] et comme lui l'attribue faussement à Pierre Bergeron[143], (lire en ligne).
1559: Giovanni Battista Ramusio, De i viaggi di messer Marco Polo gentil'huomo venetiano, Venise, Second volume des Navigationi et viaggi, (lire en ligne)
Réécriture du Livre en italien du XVIesiècle, vraisemblablement à partir d'une copie du latin de Pipino, mais complété avec d'autres sources. Abrégé par rapport au ms. F Bnf n° 1116, la compilation initiale, mais comprenant de nombreuses additions (notamment: histoire de la tentative de coup d'État de 1282, chapitre sur Hangzhou deux fois plus long)[n 7]. De loin la meilleure rédaction en italien.
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1556: Marc Paule gentilhomme Venetien, La description géographique des provinces & villes plus fameuses de l’Inde Orientale, meurs, loix, coustumes des habitans d’icelles, mesmement de ce qui est soubz la domination du grand Cham Empereur des Tartares: Nouvellement reduict en vulgaire françois, traduit du latin par François Gruget, Paris, éd. Groulleau, Longis et Sertenas[144], (lire sur Wikisource et sur Archive)
Première édition imprimée en français du Livre. Traduite de l'édition latine imprimée dans le Novus Orbis[31], qui fut l'édition la plus lue de la Renaissance. Très abrégé et a cessé d'être référentiel[145],[n 8].
Ouvrages
Les principales informations sur Le Livre de Marco Polo sont à trouver dans le commentaire des éditeurs ci-dessus, principalement chez Pauthier et Yule.
Pierre Racine, Marco Polo et ses voyages, Perrin, (ISBN9782262031329).
(en) Simon Gaunt, Marco Polo’s Le Devisement du Monde: Narrative Voice, Language and Diversity, Cambridge, Brewer, (présentation en ligne).
(en) Hans Ulrich Vogel, Marco Polo Was in China: New Evidence from Currencies, Salts and Revenues, Leiden; Boston, Brill, (lire en ligne).
(en) Consuelo Wager Dutschke, Francesco Pipino and the manuscripts of Marco Polo's “Travels”, Los Angeles, University of California, 1993, 1348 pages (lire en ligne); dresse une liste de tous les manuscrits (pas seulement de Pipino) et les décrits.
Articles cités
Anonyme, «Marco Polo», dans Encyclopédie des gens du monde, tome XVII, Strasbourg, Treuttel et Würtz, (lire en ligne).
Christine Gadrat, «Le Livre de Marco Polo et les géographes de l’Europe du nord au xve siècle», dans Henri Bresc et Emmanuelle Tixier du Mesnil, Géographes et voyageurs au Moyen Âge, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, (ISBN9782840160663, lire en ligne), p.147-162.
Christine Gadrat, «Le rôle de Venise dans la diffusion du livre de Marco Polo (XIVe-début XVesiècle», Médiévales, no58, (lire en ligne).
Jacques Heers, «De Marco Polo à Christophe Colomb: Comment lire le Devisement du monde?», Journal of Medieval History, vol.10, no2, (lire en ligne).
Julius Klaproth, «Observations ajoutées (à la première notice de Paulin Paris sur la relation originale de Marc Pol)», dans Nouveau journal asiatique: ou recueil de mémoires, d'extraits et de notices relatifs aux études orientales, Volume 12, (lire en ligne), p.252-254.
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Ouvrages importants avant M. Polo: Villehardouin, La conquête de Constantinople, 1213; Latini, Le livre du trésor, 1265. – La Vie de saint Louis de Joinville est postérieure: 1309, de même les Chroniques de Froissart: 1380. – La Chronique de France tenue à l'abbaye de Saint-Denis n'est traduite en français qu'à partir des années 1270 et restera rédigée en latin jusqu'en 1340. – Quant aux «romans» courtois, c'étaient des épopées versifiées et non en prose.
Les sigles contemporains A et B ne doivent pas être confondus la super classification de L. F. Benedetto qui regroupe en grand A les manuscrits ressemblant à F ms.1116, et en grand B les manuscrits plus tardifs comprenant des additions apparentées à la rédaction de Ramusio (classification qui n'a de sens que si on admet un Original perdu qui aurait inclus les additions apparues tardivement: voir Genèse du Livre, 2e théorie). - Sur cette super classification de Benedetto, voir Christine Gadrat-Ouerfelli, Traduction, diffusion et réception du Livre de Marco Polo, p. 4 (en ligne).
Sur Thibaut de Cepoy, brillant capitaine de Philippe le Bel, voir J. Petit, 1897. Son fils Jean a joué un rôle majeur dans la diffusion du Livre en France.
Le certificat d'origine avec dédicace authentifiant la rédaction corrigée (Cepoy) figure dans les mss. A3, A4 et A5: «Voici le livre que monseigneur Thiebault, chevalier, seigneur de Cepoy, que Dieu absolve, requit qu'il en eut la copie de sire Marco Polo ... pour honneur et révérence au très excellent et puissant prince Monseigneur Charles, fils du roi de France et comte de Valois ... laquelle copie que le dit messire Thiebault, sire de Cepoy, ci-dessus nommé, apporta en France, messire Jean, qui fut son fils aîné et qui est sire de Cepoy après son décès, remit la toute première copie de ce livre qui fut faite depuis qu'il fut apporté au royaume de France, à son très cher et très redouté seigneur monseigneur de Valois. ... Ce fut fait l'an mille trois cent et sept de l'incarnation notre Seigneur Jésus Christ au mois d'août.» – Ce certificat d'origine a été publié par Pauthier, p.1, et la première fois par Mardsen, p.lxvii en 1818. N.B. Ce qui «fut fait en 1307 au mois d'août» est la rédaction corrigée à l'origine des mss. B, et non «la toute première copie» sur parchemins officiellement remise plus tard à Charles de Valois, probablement en mars 1312 (J. Petit, p.236 et 238).
Les additions de Ramusio paraissent le plus souvent authentiques mais ne sont pas toujours fiables. Ainsi (ch. 36, Ramusio I.15): «Ormus, che è posta in isola vicina alla terra (Ormuz qui est située sur une île près du continent)», alors qu'il s'agissait de l'Ormuz ou Hormos encore sur le continent (Yule-Cordier 1903, p.110). - Pour une appréciation raisonnée des additions et modifications opérées par Ramusio, voir Yule-Cordier 1903, Introduction, p. 97 et suivantes (lire en ligne).
Dans les premières traduction en français, on note cette erreur dès les premières lignes du ch. 1: la ville de Soudak/Soldadie placée en Arménie! Cette erreur se retrouve dans les éditions en latin de Gerard Leeu (1484), du Novus Orbis (1532) et d'Andreas Müller (1671), et sera reprise, comme d'autres erreurs manifestes, dans les traductions françaises plus tardives: non seulement dans le Faux Bergeron de 1735 mais même dans l'édition d'Eugène Muller en 1888. – Cette erreur était apparemment dans le texte même de Pipino (on la trouve dans les éditions de Prasek, p. 7 et de Ca' Foscari).
Benedetto a modéré sa théorie à cause de ces passages de Ramusio qui ne se trouvent pas dans Z: «Si la défiance de Moule était fondée [elle l'est], ce n'est pas seulement la question des apports de Ramusìo qui devrait être remise sur le chantier. S'effondrerait aussi tout l'édifice que j'ai construit à partir de Z. Le texte d'origine de Marco, auquel j'avais cru être en substance parvenu, s'avèrerait inaccessible» (Ancora qualche rilievo circa la scoperta dello Z toledano, Atti dell'Accademia delle Scienze di Torino, vol. 94, t. 2, 1959-1960, p.53 ou 571).
L'édition digitale Ca'Foscari publie face à face le texte de Ramusio et celui du codex Z pour les comparer (lire en ligne). Cette présentation montre que dans Z manquent 59 ch. sur les 132 ch. des deux premières parties de Ramusio (manquent: ses ch. I-1, 2, 7, 10, 13, 15, 17, 19, 21, 24, 32, 34-37, 40, 42-51, 54-55 – ch. II-1, 2, 6-8, 10-11, 20-21, 31, 34-42, 44-46, 49, 53-55, 62-64, 67-68).
Sauf indication contraire, les numéros de chapitre indiqués sont ceux du ms. A1, repris par Pauthier, Ménard et, jusqu'au ch. 165, Eusebi. Cette numérotation va de 1 à 200.
Des récits ou informations non inclus dans la compilation initiale se trouvent dans les mss. suivants (voir Dutschke 1993, p.281): V1: Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, Ham. 424. – VB: Venice, Museo Civico Correr, Dona dalle Rose 224. – VB1: Rome, Bibl. Apost. Vaticana, Barb. latin 5361. – VB2: London, British Library, Sloane 251. L: Ferrara, Bibl. Comunale Ariostea, MS Cl. II, 336. – L1: Venice, Museo Civico Correr, Cicogna 2048. – L2: Wolfenbuttel, Herzog-August-Bibl., Weissenb. 41. – L3: Antwerp, Museum Plantin-Moretus, M 16.14. – L4: Bloomington, Ind. Univ., Lilly Lib., Allen (s.n.) – dans le ms. Z enfin. - Un exposé des innovations de plusieurs de ces rédactions est donné par l'édition digitale de Ca' Foscari: Ramusio e la tradizione del “Milione”.
La théorie du «remaniement» est fondée sur une lecture erronée d'un mot de l'incipit: contrescris (recopier) lu contrefais. Par cela L. F. Benedetto (p. xxxiv) prétendait qu'elle est un «rimaneggiamento» et une «espèce de traduction (una specie di traduzione)», justifiant de placer le préfixe FG signifiant “français (contrefait par) Grégoire” devant les sous-classes A, B, C, D.
L'édition Eusebi-Burgio contient un impressionnant Glossaire dans son tome 2. Elle est généralement moins retouchée que les autres (sauf, p. 220, Madagascar remplacé par Mogadiscio suivant l'affirmation discutable de Paul Pelliot).
Incipit des manuscrits de la rédaction Polo-Cepoy[n 4]: F et A1: Ci commence les rubriques de ce livre qui est appelé le devisement du monde. A2: Ci commence le Livre de Marc Paule des merveilles d'Asie la grande et d'Inde la grande et mineure, et des diverses régions du monde. A4: Cy commence le Livre de Marc Paule des merveilles d'Aise la grant et de Ynde la majour et mineur. B1, B2: Ci commence le Livre du Grand Kaan qui parole de la grande Arménie, de Perse et des Tartars et d'Ynde et des grandes merveilles qui sont par le monde. B3: Cy commence le [livre du] Grand Kaan qui devise les grandes merveilles qui sont en la terre d'Ynde. B4: Cy commence le Livre du Grand Kaan de Cathay qui devise des grandes merveilles qui sont en la terre d'Inde. C1, C2, C3: Pas de titre, commence par Pour savoir la pure vérité. D: Cy commence par table toutes les rubriques de ce livre nommé le Livre Messire Marc Pol citoyen de Venise croyant en Jesucrist auquel livre sont déclarées et contenues plusieurs grandes merveilles de aucunes parties du monde.
En ancien français, devisement signifie «Description, récit, narration» selon le DMF, ou selon Godefroy: «Division, partage, stipulation, parole, conte, entretien».
Attention au mot merveille: il ne signifiait autrefois que 'étonnant' ou 'extra-ordinaire' et non surnaturel (ce qui est surnaturel est un «miracle»), et il n'était pas forcément positif: au ch. 107, le roi d'Or «moult se merveilles» quand ses écuyers lui mettent l'épée sous la gorge. – Voir Blanchard et al., 2019, Introduction: «Même si le mot merveille et ses dérivés sont fréquents dans le texte [il n'a pas le] sens que lui assigne la critique littéraire: un surnaturel assumé comme tel».
Thibaut de Cepoy signe un traité avec Venise en décembre 1306 (J. Petit, 1897, p.232). Sa rencontre avec M. Polo, spécialiste de l'Orient, s'inscrit dans le cadre de ses négociations en vue de sa campagne de Grèce. - Cette campagne menée officiellement pour le compte de Charles de Valois, en fait financée principalement par le gouvernement de Paris et partiellement par l'évêché de Chartres (J. Petit, 1897, p.233), sera un échec en dépit de la gloire de ce personnage: Grand arbalétrier de France, héros en Guyenne et en Flandre, il avait même été annoncée à Venise par une bulle du pape datée de janvier 1306 (voir Henri Moranvillé, Les projets de Charles de Valois sur l'Empire de Constantinople, Bibliothèque de l'école des chartes, 1890, t. 51, p. 68-69; en ligne).
Le nombre de chapitres est restreint dans beaucoup de mss. qui souvent omettent la quatrième partie. - Quant au mode de numérotation des chapitres, il varie selon les éditions. Pour une table comparative, voir Moule & Pelliot, p.504-507 (en ligne).
Après le Corridor du Wakhan (ch. 49), les Polo passent plutôt par le Petit Pamir selon Nicolas Severtzov, Les anciens itinéraires à travers le Pamir, Paris, Bulletin de la Société de géographie, 1890 (en ligne).
«Das is der edel Ritter Marcho Polo von Vendig der grost landfahrer, der uns beschreibt die grossen wunder der welt die er selber gesehen hat. Von dem aufgang bis zu dem nydergang der sonne der gleychen vor nicht meer gehort seyn.»
Cet ouvrage majeur de F. L Benedetto s'inscrit dans un contexte politique, ses voyages en Europe pour étudier les manuscrits ayant été financés par un membre du Grand Conseil fasciste mussolinien, auquel le livre est dédicacé: «À S. E. le Ministre de l'Éducation publique Pietro Fedele(en) qui a facilité la mise en œuvre de cette recherche, noblement sensible à la finalité scientifique et nationale qui l'a inspirée.»
Ch. 92: «Si que je vous dis bien en vérité que jamais ne fut ni ne sera, je crois, (homme) qui puisse avoir si grande réjouissance et agrément en ce monde comme celui-ci a; ni qui mieux eut le pouvoir de le faire» (lire en ligne).
Rédaction de Ramusio: «Ces dames sont très talentueuses (molto valenti) et ont un grand savoir-faire en flatteries et caresses, et en paroles vives accordées à chaque genre de personne; en sorte que les étrangers qui les ont goûtées une fois demeurent comme hors d'eux, et tellement épris de leur douceur et agréments qu'ils ne peuvent jamais les oublier...» (ch. II-68, lire en ligne).
(en) Leonardo Olschki, Marco Polo's Asia, Berkeley: University of California, 1960, p. 97 (lire en ligne): «Cette interprétation romanesque de Polo comme commerçant médiéval doit être réexaminée à la lumière des faits … il est très difficile de découvrir chez Marco Polo un commerçant au sens professionnel ou romanesque du mot. Il ne se présente jamais comme tel dans son livre».
(en) John Larner: «Qui chercherait dans ce livre la narration d'un explorateur héroïque serait sérieusement déçu … On peut conclure que son livre n'est pas l'œuvre d'un marchand vénitien sur le commerce en Orient» (Marco Polo and the Discovery of the World, New Haven: Yale University, 1999, pp. 68, 74).
Luciano Petech: «sa carrière ne fut pas vraiment celle d'un marchand, mais plutôt d'un administrateur, ou si l'on veut, d'un gentilhomme au service de Qubilai. Il ne parle presque jamais de ses affaires» (Les marchands italiens dans l'empire mongole, Journal asiatique, t. 250, 1962, p. 552).
Paulin Paris 1850, p.139: «Mauvais patois français».
- Ph. Ménard, 1998, p. 350: «à chaque phrase les mots se trouvent estropiés, les règles de la déclinaison et de la conjugaison bafouées».
- Ph. Ménard, 2005, p. 409: «Les mots sont fréquemment déformés. Le copiste juxtapose allègrement un substantif pluriel et un adjectif singulier ou vice versa. Les désinences verbales sont particulièrement maltraitées.»
- Blanchard et al., 2019, Introduction: «la langue du manuscrit (F) prend une totale liberté vis-à-vis des usages de la langue française de son époque»; «la gestion des pronoms personnels est plutôt anarchique» et les «formes verbales passablement exotiques».
Rédactions comparées et éditées par Ca' Foscari: Ramusio e la tradizione del ‘Milione’): F: BnF ms. fr. 1116, la compilation initiale, L: concis mais meilleure rédaction latine, contient des additions, P: latin de Pipino, abrégé, religieux, R: Ramusio, imprimé, 1559, V: vénitien tardif mais enrichi d'éléments nouveaux, ms. unique, V1, Berlin, VA: vénitien, lombard ou émilien, 5 mss. dont 1 fragmentaire, élagué et censuré, source de Pipino et le plus traduit en diverses langues, VB: vénitien, 2 mss. et un fragment, met davantage en scène M. Polo, Z: latin, ms. dit Zelada, de Tolède.
Novus orbis regionum ac insularum (Bâle, 1532) est une compilation de textes géographiques publiée par Simon Grynaeus; le Livre de Marco Polo y est nommé Marci Pauli Veneti De Regionibus Orientalibus (lire en ligne).
- Cette édition du Novus Orbis semble avoir été une retraduction d'une nième copie du latin de Pipino en portugais (le Livro de Marco Paulo, 1502, selon Arlima). - Voir Arthur A. Tilley, Studies in the French Renaissance, 1932, pp. 29-31, et Lisa Pochmalicki, Marco Polo in the Novus Orbis, Digital Philology, n° 11.2, 2022, p. 335.
C. Moule dit que le ch. de Ramusio sur Hangzhou «est en fait un long et important chapitre dont Z, à part dans deux bref alinéas, n'a pas ou peu connaissance» (The Description, p.499). – Voir aussi Benvenuto Terracini en 1933 (Ricerche ed appunti sulla più antica redazione del Milione, Rendiconti della Reale Accademia Nazionale dei Lincei, 9, 1933, p.369-428). - Manque aussi dans Z le ch. II.8 de Ramusio, qui raconte l'importante histoire de l'assassinat d'un puissant ministre des finances en 1282, affaire dont M. Polo dit qu'il «se trouvait sur les lieux quand cela se passait (E nel tempo, ch' intravvenne questa cosa M. Marco si trovava in quel luogo)».
Ph. Ménard, Le prétendu “remaniement” attribué à Grégoire, 1998. - Ménard, Académie, 2005, p.420-421: «Contrairement à ce qu'a soutenu Benedetto, la version française n'est pas un remaniement. La théorie de Benedetto se fonde sur une faute de lecture des manuscrits (‘contrescris’ lu ‘contrefais’) … La signification du passage est exactement le contraire de ce que Benedetto prétendait y trouver».
Il Milione est l'abréviation de: Libro di messer Marco Polo da Vinegia che si chiama Melione (Livre de Marco Polo de Venise surnommé Million). - Apostolo Zeno: «Le titre Milione a été donné improprement au Livre de Marco Polo. C'était un surnom appliqué à lui-même et qui passa ensuite aux descendants de sa Maison» (annotation de Biblioteca dell'eloquenza italiana di monsignore Giusto Fontanini, vol. 2, 1753, p. 186; en ligne).
La rédaction "TA2" d'Antonio Lanza (éd. Riuniti, 1982) est sur Wikisource. Selon sa préface, cette édition «reproduit le texte établi par Bertolucci Pizzorusso (1975) avec quelques interventi».
VA3: «lesquels biens (donnés par Berke pour prix de leurs joyaux) il les envoya vendre en lieux où ils le furent très bien». - Voir Enerelt Enkhbold, The role of the ortoq in the Mongol Empire in forming business partnerships, Central Asian Survey, 38 (4), p. 537.
Simon Gaunt 2013, p.141 et 143, met en doute les histoires, uniquement dans Z, de 700 000 familles chrétiennes depuis 700 ans… mais qui ignoraient qu'elles étaient chrétiennes! et d'une bague perdue que M. Polo aurait retrouvé grâce à une idole. – L'évaluation par Z de la rente du sel (ch. 152) est aussi très fautive: 2,1 au lieu de 5,6 ou 6,4 millions, qui sont les évaluations vérifiées correctes.
Ménard, Académie, 2005, p.419: «Les autres manuscrits ont, à titre exceptionnel, un nombre insignifiant de miniatures de très petit format. On peut citer trois manuscrits de la version latine de Pipino».
Ménard, Académie, 2005, p.419: «les personnages sont peints dans les tenues et les attitudes du XVIesiècle (mais) l’enlumineur ne manque pas de talent créateur et aussi de poésie fantastique».
Philippe Ménard, L'illustration du Devisement du Monde de Marco Polo - Étude d'iconographie comparée, dans Métamorphoses du récit de voyage, Paris: Moureau, 1986, p.17-31.
Pauthier analyse une cinquantaine de ces modifications (index p. 815 sous ‘Société de géographie’), notamment p. XCV (tatar) et pp. 22 n.3 (supprime une exagération, idem 32 n.6); 27 n.3; 28 n.4; 39 n.1 (toujours David); 52 n.1 (ordre de Tabriz); 97 n.1 (Mulette); 111 n.6 (aigles); 215 n.3; 275 n.5 (barons); 311 n.1 (ch. supplémentaire). – Tome 2, pp. 389 n.4 et m; 472 h (suppression Marco); 527 n.5 (Kayteu); 587 n.6; 703 n.2.
‘The most noble and famous travels of Marcus Paulus, one of the nobilitie of the state of Venice, into the east partes of the world, as Armenia, Persia, Arabia, Tartary, with many other kingdoms and provinces’ (lire en ligne).
Le Roman du roi Artus sur le site de l’Université de Pise, où on remarque que les premiers mots sont identiques à ceux de la compilation initiale, ms. F du Livre de Marco Polo.
Vincenzo Lazari: «nos terminaisons (italiennes) et parfois nos mots reviennent souvent parmi les phrases françaises» (I Viaggi di Marco Polo Veneziano, Venise, 1847, p. XXXVI, en ligne).
Jean Lebeuf, L'état des sciences en France, depuis la mort du roy Robert, arrivée en 1031, jusqu'à celle de Philippe le Bel, arrivée en 1314, Paris, Lambert et Durand, 1741, p. 177 (en ligne).
Baldelli Boni, 1827, p.XII-XVIII, CXXIIII, CXXV, CXXXI et passim. - Pour une vue de l'ignorance où l'on était avant Baldelli Boni, voir De la Langue Originale de cette Histoire dans la préface au Livre rédigée par André Müller Greiffenhag et publiée sous le nom de Bergeron, t. 2, en 1735 (en ligne).
Baldelli Boni, 1827, p.12, où est épinglé cette bévue amusante: le traducteur au ch. 22 rend «David melic, qui veut dire en français David roi» par «David Melic, cioè a dire in francesco David re», alors qu'il aurait dû traduire in italiano; répétition de la même bévue aux ch. 30, 40, 46, 49, 63, 85, 150, 151 et 170.
D'Avezac, Un mot sur la langue en laquelle a été écrite la relation originale de Marc Polo, Bulletin de la Société de géographie de Paris, 1841, pp. 117-120 (en ligne).
Apparemment sous la plume du père jésuite Charles Cahier traduisant une critique «d'un docte Italien, et fort bon patriote» (J. Bianconi), publiée dans les Études religieuses, historiques et littéraires, t. 8, Paris: Douniol, 1866, p. 396 (lire en ligne).
Formellement précisé au ch. 178 de F: «Comant, feist le filz au roi, donc morent tuit les homes? Oïl voiremant, font celz (Comment, dit le fils du roi, donc tous les hommes meurent? Oui vraiment...)» (lire en ligne).
Simon Gaunt 2013, p.15: «‘Franco-Italian’ is in some respects a misleading designation for the language of BnF fr. 1116 (though the text is in a form of French mixed with Italian, and the manuscript itself is from Italy)».
Philippe Ménard, Deux nouveaux folios inédits d’un fragment franco-italien du 'Devisement du monde' de Marco Polo, Medioevo romanzo: 2, 2012, p. 258: «L’appellation “frammento franco-veneto” donnée sans justification par C. Concina paraît discutable. Il n’y a pas ici prolifération de traits de la scripta vénitienne.»
Paulin Paris 1850, p.141: «Les phrases obscures et les contradictions nées de la rapidité d’une première rédaction furent même soumises à la décision souveraine de Marco Polo».
(it) Federica Ferrarin, Un nuovo tassello della vita di Marco Polo: inedito ritrovato all'Archivio, Université Ca' Foscari de Venise, cfNEWS, 18/11/2019: Cette découverte «offre un support documentaire à l'hypothèse séduisante qu'après son retour à Venise de sa captivité génoise, Marco Polo s'est consacré à la révision de l'œuvre en collaboration avec des dominicains; révision dont serait le témoin la rédaction latine dite Z, que de nombreux témoignages suggèrent avoir été produite à Venise dans un cadre dominicain» (lire en ligne).
Chapitre 189: «n'ont nulles oreilles mais là où l'oreille doit estre, a un petit cornet». – «Il faudrait dire “sans pavillon de l’oreille”: en effet, le conduit auditif, l’oreille moyenne et l’oreille interne subsistent... J’ai en effet trouvé, au Musée de l’école vétérinaire de Lyon, une tête de mouton chez qui les deux pavillons de l’oreille étaient absents, mais, sous la peau, des deux côtés, le cartilage conchinien était représenté par une petite lame roulée en anneau de 1 cm de long» (Felix Regnault, Lapin né avec absence d'un pavillon d'oreille, Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VIe série, tome 2, 1911, p. 185; en ligne).»
Ramusio 1559, ch. II.62: «Cette espeditione, exécutée si promptement, augmenta la réputation et le crédit de ces deux frères vénitiens auprès du Grand Khan et de toute la cour.»
Évaluation haute des recettes du royaume de France sous Louis IX par Natalis de Wailly: 235 285 livres parisis, équivalant à 23,8 T d'argent fin (Les dépenses et recettes ordinaires de saint Louis, 1855, p. LXXVI; lire en ligne).
Ch. 16: «Marco Polo demeura dans l'entourage du seigneur bien 17 ans, toujours allant et venant de çà et de là en messagerie par diverses contrées, là où le seigneur l'envoyait» (lire en ligne).
Petech 1975: les Envoyés (Chū shǐ, 出使) du Palais impérial avaient «qualité et prérogatives d'émissaire impérial, avec droit d'utiliser les relais impériaux et droit d'exiger l'obéissance de l'autorité locale».
Philippe Ménard, Le Vénitien Marco Polo et la Chine. Discussion d'hypothèses erronées récemment avancées, Colloque ‘Les Voyageurs européens en Chine’, Shanghai, août 2001, § II-6 (en ligne).
Chapitre 18: Avant leur départ de Chine, le Grand Khan «les chargea de messagerie au pape et au roi de France et au roi d'Angleterre, et au roi d'Espagne, et aux autres rois de chrétienté».
Bertold Spüler, La situation de l'Iran à l'époque de Marco Polo, dans Oriente Poliano, Istituto italiano per il Medio ed Estremo Oriente, Rome, 1957 p. 121.
Yule-Cordier 1903, Introduction, p. 120, où est aussi reproduit un dessin des Nuages de Magellan que M. Polo avait décrit à d'Abano. - Pietro d'Abano, Conciliator... (Conciliateur des différences entre philosophes et médecins), 1310 (lire en ligne l'édition attribuée à Bergomense, Venise, 1496, figurant aussi le dessin des Nuages de Magellan).
Constantin de Skatschkoff, Le Vénitien Marco Polo et les services qu'il a rendus en faisant connaître l'Asie, Journal asiatique, août-sept. 1874, p. 137: «que Marco Polo ait fait une foule de descriptions d'après des écrits chinois, c'est ce dont je suis persuadé; car, en Chine, jusqu'à présent, dans les très anciennes descriptions de l'Inde et des pays d'outre-mer, on ne trouve ni plus ni moins de renseignements que dans le livre de Marco Polo» (lire en ligne).
Analyse critique par Ph. Ménard, 2008, qui affirme: «La traduction de Moule ne donne pas le texte de Marco Polo, je me permets de le contester fermement et absolument, elle offre un texte recomposé et imaginé, c'est un texte de Moule, c'est du Moule».
Alvaro Barbieri: «Le fait d'avoir traité F et Z comme des sources indépendantes, lui fait répéter Z quand il ne fait que traduire F, et donne une fausse impression de richesse et complétude. Mais il y a pire: il arrive que Moule intègre comme apport original de Z des leçons qui ne sont que des mésinterprétations de F (cf. Benedetto, 1939, pp. 637-638). Z est ainsi pressé jusqu'à l'os: rien n'est laissé, tout converge pour donner un texte hypertrophié qui devient une espèce de collection de variantes. Cette grave erreur rédactionnelle n'a pas empêché l'édition “Moule & Pelliot” de devenir Le Marco Polo intégral par excellence, du moins pour les orientalistes français et anglo-saxons. On comprend facilement que la griffe “Pelliot” dut représenter une sorte de marque de garantie pour les sinologues et les historiens de l'exploration de l'Extrême-Orient» (Studi sul Milione, Véronne: Fiorini, 2004, p. 87-88).
Subrepticement corrigé. Les fautes nombreuses du manuscrit «il semble les cacher à ses lecteurs» (Ph. Ménard, en ligne). «À vrai dire une mauvaise édition: corrections multiples, en bonne part tacites» (Frankwalt Möhren, en ligne sous MPolRustB).
Eyrès: «Bergeron n'avait donné que les voyages d'Ascelin, de Rubrusquis, de Plan Carpin ... C'est ainsi que tous les jours encore on attribue à Pierre Bergeron les extraits pitoyables qui remplissent la plus grande partie du Recueil de voyages faits principalement en Asie dans les XII, XIII, XIV et XVe siècles, recueil que Van der Aa, libraire à Leyde, fit imprimer en 1729 et duquel Neaulme de la Haye, ayant racheté le fonds, fit modifier le titre en 1735» (Nouvelles annales des voyages, t. 1, Paris, Gide, 1839, p. 352; en ligne).
Yule (Introduction, p. 96): Tout à fait inutile comme Texte... Les éditions françaises publiées au milieu du XVIIesiècle sont des ‘traductions’ de Grynaeus, donc de cinquième main: français—italien—latin de Pipino—portugais?—latin de Grynaeus—français!