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roman de Walter Scott De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Les Fiancés (en anglais, The Betrothed ), parfois titré Le Connétable de Chester, est un roman historique de l'auteur écossais Walter Scott. Il constitue la première des deux Histoires du temps des croisades (Tales of the Crusaders), la seconde étant Le Talisman. Les deux livres paraissent le même jour, le .
Le Connétable de Chester ou les Fiancés | ||||||||
première édition | ||||||||
Auteur | Walter Scott | |||||||
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Pays | Écosse | |||||||
Genre | roman historique | |||||||
Version originale | ||||||||
Langue | anglais | |||||||
Titre | The Betrothed | |||||||
Éditeur | Constable | |||||||
Lieu de parution | Édimbourg | |||||||
Date de parution | ||||||||
Version française | ||||||||
Traducteur | Defauconpret | |||||||
Éditeur | Gosselin | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Date de parution | 1825 | |||||||
Type de média | 3 vol. in-12 | |||||||
Chronologie | ||||||||
Série | Histoires du temps des croisades | |||||||
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En 1187, les vieux royaumes bretons formant l’actuel pays de Galles résistent à l’envahisseur normand. Dans les marches, la Normande Éveline Berenger fait vœu à la Vierge d’épouser celui qui viendra délivrer son château, assiégé par les Gallois. Elle est secourue par Hugo de Lacy, connétable de Chester, vieux, rude, sans charme, et qui part en croisade. Éveline est attirée par le neveu de sir Hugo. Mais elle tient à rester fidèle à son vœu.
À travers le destin d'Éveline, Scott brosse le tableau d'un profond bouleversement historique. Au XIe siècle, s'est enclenché un vaste processus de modernisation qui, en cette fin de XIIe, fait vaciller l’ordre féodal. L'État monarchique se forme. L'Église monte en puissance. Elle prend en main l'institution du mariage, elle impose dans celui-ci le consentement mutuel — ce qui ouvre la porte à l'amour dans le mariage. Les étrangers les plus divers affluent pour former le peuple anglais. De nouvelles idées, de nouvelles valeurs changent la donne sociale et politique en mettant à mal le mythe chevaleresque. Le sens aristocratique de l'honneur est bousculé par le réalisme de la bourgeoisie. Et celle-ci noue un lien direct avec le pouvoir central, soucieux lui aussi d'affaiblir les féodaux…
Scott songe évidemment aux violentes secousses de la formation de la Grande-Bretagne au XVIIIe siècle, au passage des valeurs féodales à celles du capitalisme marchand, passage favorisé par l'accession au trône, en 1714, des Hanovres. C'est le thème dominant de ses romans.
À la lecture du manuscrit, les éditeurs jugent le livre ennuyeux. Sa rédaction donne dès lors beaucoup de fil à retordre à Scott. Il remanie maintes et maintes fois certaines parties, et projette même d'abandonner. On décide finalement de publier le livre en même temps que Le Talisman, pour le faire bénéficier du succès attendu de ce dernier[1].
Tales of the Crusaders (Histoires du temps des croisades) comprend The Betrothed (Les Fiancés) et The Talisman (Le Talisman). L'ensemble paraît en quatre volumes le sous la signature « l'auteur de Waverley » :
En 1187, la nouvelle de la prise de Jérusalem par Saladin parvient en Occident. Le pape Grégoire VIII lance des appels à la troisième croisade. Des nobles vont partir, abandonnant leurs terres aux pillages et aux insurrections.
Le récit a pour cadre les marches galloises à la fin du règne d’Henri II. Les vieux royaumes bretons formant l’actuel pays de Galles constituent un îlot de résistance à l’envahisseur normand.
L’action du roman se déroule de 1187 à la fin de l’année 1190. En faisant intervenir des personnages historiques, Scott prend quelques libertés avec les dates :
En 1187, tandis que Baudouin, archevêque de Canterbury prêche la troisième croisade, le Gallois Gwenwyn, prince du Powys, assiège le château de Garde Douloureuse[2], place-forte normande. Il tue son défenseur, le vieux Raymond Berenger. Il ne reste plus dans le château que la fille de celui-ci, lady Éveline, seize ans, et une faible garnison. Éveline fait vœu à Notre-Dame de Garde Douloureuse d’épouser celui qui viendra la secourir.
Elle est secourue par Hugo de Lacy, connétable de Chester, qui tue Gwenwyn. C’est d’ailleurs à sir Hugo que son défunt père avait promis Éveline : un écrit signé prouve sa volonté d’une union entre les deux maisons. Sir Hugo est vieux, sans charme. Éveline s’applique néanmoins à trouver des qualités à cet homme rude et autoritaire, tandis qu’elle se sent attirée par le neveu de celui-ci, Damien — amour partagé, mais non avoué. Sir Hugo a certes promis de partir combattre en Terre sainte, mais il estime urgent d’assurer sa descendance. Il se fait fort d’obtenir un délai pour son départ en croisade : le mariage n'est pas différé.
Mais, entre la signature du contrat de mariage et son exécution, c’est-à-dire avant que la cérémonie d’union n’ait pu avoir lieu, l’archevêque Baudouin fait savoir à sir Hugo qu’il refuse de lui accorder le délai : sir Hugo doit partir tout de suite, et pour trois ans. Les deux fiancés font assaut de grandeur d’âme. Comme il sent le peu d’élan d’Éveline, sir Hugo lui propose de faire annuler le contrat, en tirant prétexte de ce qu’on l’avait établi sur d’autres bases. Mais Éveline se montre intransigeante. Elle veut être fidèle à son vœu. Elle se dit prête à épouser son fiancé, tout de suite ou à son retour — en marquant néanmoins une préférence pour le retour. Sir Hugo ne peut résister à cette offre. Il espère que le temps fera évoluer le sentiment de la jeune fille. Il accepte.
Reste à tenir Éveline à l’abri des Gallois et des soupirants. Les personnes offrant les meilleures garanties refusent. Il est finalement décidé qu’Éveline attendra son fiancé dans la forteresse de Garde Douloureuse, tandis que le jeune Damien se tiendra à quelques milles de là, avec ses hommes, prêt à intervenir au moindre danger.
En , Éveline est enlevée par des Gallois. Damien accourt. Il est blessé gravement. Pour mieux le soigner, Éveline tient à ce qu’il soit transporté au château, ce qui ne fait qu’alimenter de fâcheuses rumeurs. De plus, Damien est accusé d’avoir pris la tête d’insurgés. Des envoyés du comte d’Anjou se présentent. Ils exigent que Damien leur soit livré. Éveline s’y refusant, elle est déclarée traîtresse, et son château est assiégé.
Trois mois plus tard, sir Hugo revient enfin de croisade, en compagnie de son écuyer et de Renault Vidal, un ménestrel armoricain. Il apprend que son neveu et sa fiancée furent amants, avant d’être capturés pour trahison. Mais divers témoignages lui permettent de découvrir la vérité : Éveline et Damien s’aimaient sans se l’être jamais avoué, prenant soin de ne jamais se rencontrer. Toutes les calomnies sur leur compte ont été répandues par Randal Lacy, un parent de sir Hugo.
La nouvelle de la mort de sir Hugo ayant couru, le fourbe Randal est devenu le nouveau connétable de Chester. Ce qui provoque une méprise : il est tué par le ménestrel — en réalité Cadwallon, premier barde du prince Gwenwyn, qui voulait venger la mort de celui-ci.
Ayant obtenu toutes preuves de la conduite intègre d’Éveline et de Damien, sir Hugo consent à s’effacer pour leur permettre de s’épouser. Il part conquérir l’Irlande.
Scott situe l’intrigue de ses romans historiques à l’instant où l’ordre ancien va basculer pour céder la place à l’ordre nouveau. Dans Les Fiancés, l’ordre féodal prend en effet de rudes coups. Un vaste processus de modernisation — la « première révolution européenne[10] » — s’est enclenché au siècle précédent : en cette fin de XIIe siècle, ses effets deviennent perceptibles. L’urbanisation, le développement de la bourgeoisie, l’émergence d’une économie de marché, la réforme grégorienne, la formation de l’État monarchique œuvrent à démanteler structures, formes de vie, modes de pensée du monde féodal. S’instaure une perception nouvelle des réalités, du lien social, des mécanismes du pouvoir[11]. De nouvelles idées, de nouvelles valeurs, en particulier cléricales et bourgeoises, mettent à mal le mythe chevaleresque.
L’assassinat de Thomas Becket, dix-sept ans plus tôt, n’a fait, selon Scott, « qu’accroître la force de la domination de l’Église[12] ». Dans une scène terrible, sir Hugo se laisse humilier par son ancien ami, l’archevêque de Canterbury, qui lui refuse tout délai pour partir en Palestine.
Le mariage servait jusqu’ici à établir de solides groupes de parenté et à maintenir le patrimoine au sein de la famille. C'est dans un but d'alliance entre les deux familles qu'un contrat est établi depuis un certain temps entre le père d'Éveline et sir Hugo, promettant la jeune fille à ce dernier, sans qu'elle-même soit informée de l'existence de cet accord. Ces lignages patrilinéaires menaçaient l’entreprise de l’Église et, en particulier, son besoin d’accumuler des biens[13]. Dans sa sphère de compétence et de juridiction, l’Église grégorienne introduit alors le mariage, institution civile par excellence[11]. Au XIIe siècle, elle finit de le réglementer. Ce n’est plus le père qui choisit l’époux, il faut désormais le consentement mutuel (ce qui permet à Éveline d’être l’interlocuteur de sir Hugo, à propos de leur mariage). L’Église impose ainsi un système de parenté indifférenciée[14]. Ce qui ouvre la porte à la notion d’amour dans le mariage. Même le fruste sir Hugo, qui ne voyait dans son union que le moyen d’assurer sa descendance, se surprend — parce qu’il est empêtré dans des difficultés inattendues — à éprouver des sentiments pour sa fiancée.
On est à l’époque où le mythe celtique de Tristan et Iseut se répand dans la noblesse normande. Pour mettre en garde le vieux sir Hugo, le ménestrel armoricain lui chante la vieille légende. Et sir Hugo établit bien le rapport : le jeune Tristan est le neveu du « malencontreux » roi Marc’h, tout comme le jeune Damien est son propre neveu. Mais on ne se trouve pas ici dans « un beau conte d’amour et de mort[15] », on est dans un roman bourgeois : la faute n’est pas consommée, pour ne pas effaroucher le lecteur du XIXe siècle[16] ; et les amoureux ne meurent pas, ils vont certainement connaître le bonheur domestique.
Aliénor d’Aquitaine, épouse d’Henri II, femme aux manières libres, fait découvrir à la noblesse normande la fin’amor. Et l’histoire des Fiancés emprunte bien des thèmes de cet amour courtois où apparaît l’idée d’une relation chaste (au contraire de celle de Tristan et Iseut), noble, idéalisée[17], où l’on cultive les cruelles délices d’une attente interminable : l’amour doit rester secret, la conquête doit être difficile, seule la vertu rend digne d’être aimé, amour ne rime pas avec luxure[18]… La femme ne se trouve plus dans la position humiliante de simple monnaie de marchés masculins. Des propos étonnamment modernes sont tenus par Rose, la jeune Flamande, et même par la tante Ermengarde, 80 ans : « Et duquel de ces de Lacy es-tu destinée à devenir l’esclave ? »
L’analyse des sentiments d’Éveline, prisonnière de son vœu, se forçant à respecter et admirer son fiancé, mais invinciblement attirée par plus jeune et plus beau, renvoie également à La Princesse de Clèves[19].
La délicatesse d’âme contraste cependant avec un rude pragmatisme : l’élévation des sentiments de sir Hugo, qui peut paraître admirable dans un cadre codifié, est perçue par l’abbesse de Gloucester comme de la « candeur », dont il faut « profiter »[20].
En contrepoint des chastes raffinements aristocratiques, s’épanouit la gaillardise populaire de dame Gillian, dont le mari tente de juguler les appétits extraconjugaux à coups de courroie. Ce couple bancal, soudé par la jalousie et les querelles, est une allusion, tout comme le prénom Damien, au « Conte du marchand », l’un des Contes de Canterbury[21].
C’est à Notre-Dame de Garde Douloureuse qu’Éveline adresse un vœu. En effet, au XIIe siècle, le culte de la Vierge Marie connaît un regain de faveur. Et les historiens ne manquent pas de souligner la simultanéité du développement de l’amour courtois et de celui du culte marial[22].
Le thème de l’honneur sert de ressort dramatique au livre. Mais, au lieu de jouer sur les réflexes éthiques et émotifs du lecteur comme cela se fait habituellement, Scott porte d’abord sur l’honneur un regard historique et sociologique. Le sens de l’honneur, dit Henri Suhamy, est le « thème central et génétique » du livre[23].
L’idéal chevaleresque paraît bien mal armé, face à la vague de réalisme qui va le submerger : la conception que les nobles se font de l’honneur est menacée par celle que s'en font religieux et bourgeois. Tandis que sir Raymond et lady Éveline refusent de transiger avec l’honneur, le père Aldrovand, la mère abbesse, l’artisan flamand et sa fille ont des vues beaucoup plus accommodantes. Et celui qui succédera à la tête brûlée Richard Cœur de Lion, le pleutre Jean sans Terre, peu empressé d'exposer sa vie, annonce lui aussi un nouvel ordre plus réaliste.
Thème récurrent dans les romans de Scott, les bourgeois se montrent finalement supérieurs par le bon sens, la profondeur de vues et la grandeur d’âme. Ils sont ici représentés par le Flamand Wilkin Flammock et par sa fille Rose. Flammock hait « les pauvres » (les nobles), toujours en quête de ce qu’ils appellent des « entreprises honorables » (des batailles et des pillages). Aux « fredaines d’honneur et de générosité », Flammock préfère « la prudence et l’honnêteté ».
Tout au long du livre, Wilkin Flammock et sa fille jettent un regard consterné sur l’attitude irréaliste des nobles, que le sens de l’honneur conduit à de sanglantes catastrophes. Rose, qui a son franc-parler, va jusqu’à prononcer le mot « stupide ». Lorsque sir Raymond part se faire tuer avec les trois quarts de sa garnison pour tenir une promesse faite « le verre en main », il ne trouve pour le remplacer dans la défense du château que le bourgeois Wilkin Flammock : le seigneur, qui avait pour charge de protéger le bourgeois, non seulement ne tient pas l’engagement, mais confie à ce bourgeois la protection de son château. Éveline ne fera pas mieux, puisque son sens de l’honneur compliqué d'une passion finira par vouer tous ses fidèles au massacre. À la fin du livre, lassé de tant d’inconséquences, le bourgeois préfère s’adresser directement au monarque. Celui-ci le délie de son allégeance au seigneur local. C’est par une charte royale que le bourgeois Wilkin Flammock est investi de privilèges et de devoirs.
L’alliance de la monarchie et de la bourgeoisie prépare un temps heureux où, selon le vœu de Rose, « les Saxons, les Bretons, les Normands et les Flamands s’appelleront du même nom et se regarderont tous comme les enfants du même sol[24] ». On reconnaît, dans ce roman écrit juste après Redgauntlet, le Walter Scott « bien formé par le libéralisme et l’empirisme[25] », partisan de la domination d’une bourgeoisie appuyée de la maison de Hanovre ; mais aussi le Walter Scott artisan de la réconciliation, après les rébellions jacobites et les sauvages répressions[26].
L'accueil du public est bon. Seuls quelques critiques jugent Les Fiancés « faible » ou, par endroits, de construction « indigeste » et « maladroite »[1].
La postérité se montre plus sévère. Hesketh Pearson (en), biographe de Scott, va jusqu'à donner au roman toutes ses chances dans un concours de « livre le plus ennuyeux et le plus stupide jamais produit par un écrivain de génie[27] ». C'est un des romans de Scott les moins connus. Henri Suhamy estime cependant qu’« il ne mérite pas cette défaveur[23] ».
Francesco Maria Piave s’inspire de passages du roman pour le livret d'Aroldo, opéra en quatre actes de Verdi créé le au Teatro Nuovo de Rimini[30].
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