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humaniste allemand De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jean Reuchlin, en latin Johannes Reuchlin (son nom est parfois écrit Johann Reichlin), hellénisé en Καπνίον (« fumée », par allusion à son nom, apparenté à l'allemand Rauch de même sens, ou Capnio -par Érasme-), est un philosophe et théologien allemand né le à Pforzheim et mort le à Stuttgart. Convaincu, contre l'opinion commune de ses contemporains, que l'hébreu, langue de la Bible, avait une valeur spirituelle, notamment par le biais de la kabbale, il fut le premier hébraïste allemand non-juif.
Naissance | |
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Décès |
(à 67 ans) Stuttgart |
Sépulture |
Église Saint-Léonard de Stuttgart (d) |
Formation | |
Principaux intérêts | |
Œuvres principales |
De verbo mirifico (Du verbe admirable) ; De arte cabbalistica (De l'art cabbalistique) |
Père |
Georg Reuchlin (d) |
Mère |
Elisabeth Eck (d) |
Fratrie |
Dionysius Reuchlin (d) |
Reuchlin est né à Pforzheim d'un marguillier. À l'âge de 15 ans, alors qu'il a seulement fréquenté l'école primaire et la classe de latin du cloître dominicain Saint-Étienne de Pforzheim, il s'inscrit en 1470 à l'université Albert-Louis de Fribourg-en-Brisgau, et y étudie la grammaire, la philosophie et la rhétorique.
Diplômé maître ès arts, il entreprend en 1477 ses premiers travaux académiques.
Il étudie le grec ancien à l'université d'Orléans, commence à y étudier le droit et obtient sa licence à Poitiers. Il devient en 1481 secrétaire et conseiller ducal à la cour d'Eberhard V de Wurtemberg (Eberhard le Barbu).
Il accompagne le duc Eberhard V de Wurtemberg à Rome de février à avril 1482. À cette occasion il peut soumettre au pape Sixte IV son projet d'organisation de l’université de Tübingen, qu’Eberhard a fondée en 1477. Les lectures et les rencontres qu'il fait lors de ce voyage entre Rome et Florence, où il rencontre entre autres Ange Politien, ont sur lui une influence décisive.
Son mariage, vers 1484, avec une parente de Hänslin Müller, de Ditzingen près de Leonberg, lui apporte des moyens financiers suffisants pour soutenir sa thèse de doctorat (legum doctor) à l'université de Tübingen, et relancer ainsi sa carrière au service d’Eberhard. Juge de la cour de Wurtemberg, il est désormais envoyé en mission diplomatique. Lors de la diète de Francfort, en 1486, il fait la connaissance de l’exégète d’Aristote, Hermolao Barbaro[1].
Il est anobli en 1492 par l'empereur Frédéric III.
L'assassinat de Hans von Hutten par Ulrich de Wurtemberg le pousse à quitter Stuttgart. Il trouve asile à Heidelberg chez l'évêque de Worms Jean de Dalberg, chancelier de l'électeur Philippe, puis même à la cour de l'électeur palatin. Lors d'un troisième voyage en Italie en 1498 où il sert d'interprète au comte Philippe, il peut se procurer des ouvrages en hébreu et en grec et fait la connaissance de l’imprimeur Alde Manuce. Grâce à ce dernier et à des rabbins, il apprend l’hébreu et l’araméen, lit la Guémara et le Zohar dans le texte. De retour à Stuttgart, il s'établit comme procureur et juge de la cour de Souabe.
En 1510, les Juifs de Mayence et de Francfort l'appellent à l'aide.
Johannes Pfefferkorn, un boucher juif de Cologne converti au catholicisme, publie en 1505 sous le nom de « frère Strohmann, dominicain de Cologne » plusieurs pamphlets dont le plus célèbre est Handspiegel (Le Miroir à main), exigeant de l'empereur Maximilien Ier un mandat pour la saisie et l'autodafé de tous les écrits des Juifs. Le pamphlet demande aussi l'interdiction de tous les livres en hébreu. L'archevêque de Mayence Uriel von Gemmingen charge en 1510 Reuchlin d'examiner quelle influence la littérature juive a eue sur le christianisme. Cela amène Reuchlin à entrer en conflit, par écrits interposés, avec Pfefferkorn, d'où naît une opposition féroce et durable entre les deux hommes, au cours de laquelle Reuchlin défend sa prise de position contre la destruction des livres juifs dans un livre intitulé métaphoriquement Augenspiegel (Les Bésicles, 1511).
Sa défense passionnée de la Kabbale vaut à Reuchlin de sérieux ennuis avec les Dominicains de Cologne et l'Inquisition de Mayence. Celle-ci le condamne en 1513 pour avoir refusé de brûler des livres juifs. Reuchlin fait appel à Rome par l'intermédiaire du médecin juif du pape Bonet de Lattes, ce qui fait traîner l'affaire. De nombreux pamphlets sont alors publiés dont celui d’Ulrich von Hutten, les Lettres des hommes obscurs (1515-1517), recueil de pastiches rédigé à partir des thèses de Pfefferkorn qui tourne en ridicule les Dominicains dans toute la Chrétienté[2].
Non seulement le Ve concile du Latran (1512-1517) prend position en faveur de la thèse de Reuchlin, ne pouvant rien trouver dans le Talmud qui soit contraire au christianisme, mais le pape Léon X juge même la contradiction entre Talmud et christianisme une hérésie[3]. [réf. souhaitée]
En 1520, le pape interdit finalement la réédition des Lettres des hommes obscurs, probablement parce que Luther, par ses prises de position, commence à susciter un courant contre-réformateur au Vatican.
À partir de 1516 il vit comme frère convers de l'ordre des Augustins, puis il se résout à être ordonné prêtre. Ruiné, il fuit la guerre et la peste en 1520 à Ingolstadt, où Johannes Gussubelius le recrute comme premier professeur de grec et d'hébreu. Il revient à Tübingen en 1521, et prend parti contre la réforme de l'Église de Luther. Il mourut de la jaunisse à Stuttgart en 1522.
Avec Érasme, Johannes Reuchlin est considéré comme l'humaniste par excellence. Influencé par son aîné hollandais Rudolph Agricola, il s'impose comme le représentant du néoplatonisme allemand. En tant qu'humaniste, il se fait adversaire résolu de la scolastique obscurantiste et de l’Inquisition qui lui est liée. Reuchlin est aussi kabbaliste. Il définit la kabbale ainsi : « La cabale n'est rien d'autre (pour parler à la façon pythagoricienne) qu'une théologie symbolique où les lettres et les noms sont non seulement des choses, mais encore la réalité des choses[4]. »
Il fait connaître les fondements mystiques et théologiques des Oracles chaldaïques et de la Kabbale que vient de révéler le fondateur de la kabbale chrétienne, Pic de la Mirandole (1486), dont il est un fervent admirateur.
Il écrit dès 1494 le De Verbo mirifico , un dialogue entre le philosophe épicurien Sidonius, le juif Baruchias et le chrétien Capnion. Les trois hommes discutent le seul mot qui puisse accomplir des miracles, le Verbe même. C'est, selon Reuchlin, le nom de Jésus orthographié YHSWH. Pour Reuchlin, le nom de Jésus, traduit en hébreu, présente les cinq lettres du pentagramme YHSVH ou IHSUH : il équivaut aux quatre lettres du nom sacré de Yahvéh יהוה, le tétragramme sacré, YHWH ou IHUH, où, au milieu, vient s’insérer un shin (un « s »), une consonne entre deux voyelles de part et d'autre ; ainsi, le Nom interdit, ineffable, devient dicible. Trois étapes dans les Noms de Dieu se dessinent, selon Reuchlin : aux temps de la nature Dieu s'appelait par le trigramme Sadaï (SDI), aux temps de la Loi (sous Moïse) Dieu s'appelait par le tétragramme sacré prononcé Adonaï (ADNI), enfin, au temps de la grâce (sous Jésus), Dieu s'appelle par le pentagramme Jhesu (IHSVH). In natura SDI, in lege ADNI, in charitate IHSVH (Dans la nature SDI, dans la Loi ADNI, dans la charité IHSVH) (De verbo mirifico, folio g7). À cette époque, les connaissances de Reuchlin sur la Kabbale restent encore incomplètes.
Comme les connaissances de Reuchlin en matière de Kabbale dépassent encore largement celles de ses lecteurs, ces derniers lui demandent des explications. Reuchlin écrit donc, en 1506, ses Rudimenta hebraicae linguae (Rudiments de l'hébreu), composé d'une grammaire imitée de celle de R. David Kimhi et d'un vocabulaire. Il est en effet impossible de comprendre les techniques employées par les kabbalistes, dans l'interprétation de l'Écriture, sans la connaissance de l'hébreu[5].
Le De arte cabbalistica (De l'art cabbalistique)[6], en 1517, reste son œuvre la plus célèbre. Son but est de faire découvrir à Charles Quint et au pape Clément VII les mystères de la kabbale. Elle se présente comme une discussion entre Simon, un kabbaliste juif, Philolaus, un philosophe pythagoricien, et Marrane, un musulman converti. Elle reprend les thèmes de De Verbo mirifico, mais il s'agit du premier exposé systématique d'un courant de pensée issu de la Kabbale. Pour cet ouvrage, il utilise les œuvres classiques de Joseph ibn Gikatilia, Ginnat Egoz (Le Jardin des noix) et le Sha‘arey Orah (Les Portes de lumière), les textes les plus rares, restés manuscrits, de l'école de Gérone. En particulier, il signale les trois procédés de la science ou combinatoire des lettres : 1) la gematria (donner une valeur numérique à des mots et les identifier à d'autres mots de même valeur : echad, un = ahabah, amour = 13, car alef = 1, etc.), 2) le notorikon (utiliser les lettres d'un mot comme initiales d'un autre mot : ADAM = Adam, David, Messie), 3) la temura (traduire un mot par un autre mot suivant un système de substitution : Sheshak = Bavel, Babylone).
Le "monde divin" est le premier degré de l'être ; il est constitué par ce que les kabbalistes juifs appellent Ein-Soph (Infini), et par les dix sephiroth de l'arbre kabbalistique, hypostases engendrées par l'Infini. Le "monde angélique"" est le deuxième degré de l'être ; il est gradué en dix degrés ou Intelligences : les Haioth, les Ophanim, les Aralim, les Hasmalim, les Séraphim, les Malachim, les Elohim, les Bene Helohim, les Cherubim, les Issim. Le "monde céleste" est le troisième degré de l'être ; il comprend — influencés par les Intelligences du monde angélique — dix degrés, qui sont dix sphères : Saturne ou Sabbathai, Jupiter ou Zedeq, Mars ou Madim, le Soleil ou Semes, Vénus ou Noga, Mercure ou Cocab, la Lune ou Iarcah, l'Âme intellectuelle, l'Âme des Esprits animaux. Enfin, le "monde matériel", le macrocosme, avec l'homme (le microcosme) est le quatrième et dernier degré de l'être ; ce monde, influencé par le monde céleste, est celui des Éléments, il contient le microcosme.
Reuchlin travaille aussi sur Zoroastre et Pythagore. Poète néo-latin, il transpose la poésie du dialogue au théâtre et à ce titre il est le promoteur du nouveau théâtre allemand et du théâtre classique. Il fait représenter à Heidelberg en 1496/97 ses pièces de théâtre intitulées Satire Sergius et Scaenica Progymnasmata (Henno), que le poète Hans Sachs remanie en spectacles de Carnaval. Reuchlin annonce par ses pièces les thèmes de la Commedia dell'arte.
Ses traductions, ses écrits et ses prises de position personnelles ont favorisé l'étude du grec ancien. Par sa défense de l'hébreu en tant que langue de culture et non pas seulement langue d'une minorité, il a revivifié l'étude de l'Ancien Testament. De ce point de vue, son cours d'hébreu De rudimentis hebraicis fait date.
Il y eut au XVIe et au XVIIe siècle, parmi les humanistes, une querelle sur la meilleure façon de prononcer le grec ancien. Les premiers humanistes, au XVe siècle, apprenant le grec auprès de maîtres byzantins émigrés en Italie, le prononçaient comme eux, c'est-à-dire comme le grec contemporain, le « romaïque »: β était prononcé -v-; η, υ et les diphtongues ει et οι étaient prononcés -i-; la diphtongue αι était prononcée -é- (comme ε); υ en deuxième élément de diphtongue devenait -f- (ex.: βουλή se lisait « vouli », αύτο- se lisait « afto- », etc.). Érasme et plusieurs de ses disciples se firent les promoteurs d'une restitution de la prononciation antique (cf. notamment, sous la plume d'Érasme lui-même, le De recta Latini Graecique sermonis pronuntiatione Dialogus, publié en 1528). Reuchlin, au contraire, défendit la prononciation byzantine. Toujours est-il que les hellénistes ont parlé jusqu'à nos jours de « prononciation érasmienne » et de « prononciation reuchlinienne », de façon parfois inexacte d'ailleurs, car la prononciation « restituée » qu'on utilise couramment en France, par exemple, est assez éloignée, en fait, des recommandations d'Érasme et de ses disciples (on prononce surtout le grec ancien « à la française »).
Admirateur sincère de Reuchlin, Érasme s'inquiétait de la passion (néfaste selon lui) de l'érudit allemand pour les livres juifs, et observa un silence prudent lors du procès de l'Inquisition. Pétri de remords après la mort de Reuchlin, il écrivit en son honneur un de ses colloques, l'apothéose de Kapnion.
Depuis 1955, la ville de Pforzheim attribue tous les deux ans le prix Reuchlin pour récompenser la meilleure œuvre humaniste. Sa ville natale a préservé la maison de ses parents (la Reuchlinhaus), la loge maçonnique Reuchlin, et perpétue sa mémoire en donnant son nom à un lycée. Elle lui a consacré plusieurs Festgabe (hommages d'anniversaire), ainsi qu'une collection d'essais (Pforzheimer Reuchlinschriften). Il existe également à Ingolstadt, où il fut professeur, un lycée Reuchlin.
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