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communauté d'organismes vivants ensemble avec les composants non vivants de leur milieu de vie, interagissant comme un système De Wikipédia, l'encyclopédie libre
En écologie, un écosystème est un ensemble formé par une communauté d'êtres vivants en interaction (biocénose) avec leur environnement (biotope). Les composants de l'écosystème développent un dense réseau de dépendances, d'échanges d'énergie, d'information et de matière permettant le maintien et le développement de la vie[1]. Un écosystème transformé par l'Homme dans le but de nourrir, c'est-à-dire dans un contexte agricole s'appelle un agrosystème (ou agroécosystème).
Le terme fut forgé au XXe siècle pour désigner l'unité de base de la nature, dans laquelle les êtres vivants interagissent entre eux et avec leur habitat[2]. La notion d'écosystème regroupe toutes les échelles : de la Terre au simple caillou en passant par la flaque d'eau, la prairie, la forêt, et les organismes vivants eux-mêmes. Chacun constitue un écosystème à part entière.
Dans chaque écosystème se trouve un ou plusieurs réseaux trophiques (ou « chaînes alimentaires »). Les zones de transition entre deux écosystèmes sont nommées écotones.
Des concepts modélisateurs utilisent l'approche écosystémique pour mettre l'accent sur les processus d'un composant de l'écosystème (géosystème pour le sol, hydrosystème pour l'eau libre, sylvosystème pour les forêts, agroécosystème pour les activités agricoles).
Le terme « écosystème » naît en 1935 sous la plume du botaniste anglais Arthur George Tansley[3] : il s'agissait d'attirer l'attention des chercheurs sur l'importance des échanges de matière entre les organismes et leur milieu[4]. Il définit un écosystème comme étant un « complexe d'organismes et de facteurs physiques. » Il ajoute que « les systèmes ainsi formés sont […] les unités de base de la nature et […] offrent la plus grande diversité de type et de taille »[1]. Pour désigner l'étendue géographique d'un écosystème, il inventa le terme d'« écotope »[5].
G. Evelyn Hutchinson, un limnologiste contemporain de Tansley, rapprocha les idées de Charles Elton sur la chaîne trophique, de celles du chimiste et biogéochimiste russe Vladimir Vernadsky, et conclut que la disponibilité de nutriments limite la production algale d'un lac et, par suite, la population des animaux qui se nourrissent d'algues. Raymond Lindeman prolongea ce raisonnement en avançant que le flux d'énergie échangé avec un lac est le principal moteur de la dynamique d'un écosystème. Deux étudiants d'Hutchinson, les frères Howard T. Odum et Eugene Odum, vont préciser quantitativement ces idées sur les échanges d'énergie et formuler une approche systémique de l'écologie[4].
Il est important de noter qu'à la même époque où Arthur George Tansley développait la notion d'écosystème, Vladimir Soukatchev (1880-1967) – qui comme Alekseï Severtsov (1866–1936) et Ivan Schmalhausen (1884-1963) fut un membre éminent de l'Académie des sciences de Russie (puis d'Union soviétique) proche de Vladimir Vernadski – développait dans son pays le concept de biogéocénose. Ce concept est très proche de l'écosystème anglo-saxon, mais avec un caractère pédologique beaucoup plus prononcé, hérité de l'immense influence qu'eut en Russie (et en Ukraine), dans le milieu des naturalistes et des biologistes évolutionnaires, Vassili Dokoutchaïev le père de la science des sols (la pédologie), dont tant Severtsov que Vernadsky furent de grands disciples. Georgy S. Levit a pu ainsi montrer que la biogéocénose, par les relations qu'elle établit entre les organismes vivants, l'atmosphère, le sol organique et la roche mère minérale, peut être considérée comme une biosphère en miniature, et pour le moins comme l'unité structurale élémentaire de la biosphère, au point qu'il pourra définir cette dernière comme « la somme de toutes les biogéocénoses »[6].
Le rapport de l'ONU sur l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire définit un écosystème comme un « complexe dynamique composé de plantes, d’animaux, de micro-organismes et de la nature morte environnante agissant en interaction en tant qu’unité fonctionnelle »[7].
Le CNRS définit un écosystème comme l'« ensemble vivant formé par un groupement de différentes espèces en interrelations (nutrition, reproduction, prédation…), entre elles et avec leur environnement (minéraux, air, eau), sur une échelle spatiale donnée »[8].
Les écosystèmes contiennent des combinaisons d'espèces plus ou moins complexes que l'on peut organiser de manière simplifiée en producteurs primaires (les plantes), consommateurs (les animaux) et bioréducteurs (micro-organismes). Ces différents groupes assurent tous ensemble les cycles de la matière, alimentés par l'énergie du soleil[1] au sein d'un environnement d'éléments physiques, géologiques, édaphiques, hydrologiques, climatiques, etc. Dans un écosystème équilibré, à chaque niveau, en interactions avec les autres niveaux, la quantité de biomasse est stable.
Le sol est une composante majeure de l'écosystème ayant un rôle particulier : il est à la fois milieu naturel et support de la plus grande diversité des habitats. Il agit comme un accumulateur, un transformateur et un milieu de transfert pour les cycles biogéochimiques : l'eau, le carbone, les sels minéraux, les métaux…
La richesse spécifique des écosystèmes est extrêmement variable en fonction des latitudes, des sols et des climats[9]. Ainsi, les scientifiques s'accordent à dire que plus de 50 % des espèces végétales et animales du globe sont concentrées dans les forêts tropicales. Ces dernières auraient subi de moindres variations climatiques au cours des temps, ce qui aurait permis aux espèces de poursuivre leur évolution sur une longue période, jusqu'à aujourd'hui.
L'espèce humaine fait partie intégrante des écosystèmes dans lesquels elle évolue. C'est sur cette base que l'anthropologue française Béatrice Galinon-Mélénec a conçu le paradigme de « L'Homme-trace » selon lequel les « conséquences-traces » des interactions multi-échelles humain-milieu provoquent une évolution de l'un comme de l'autre[10].
L'Association française de normalisation précise que, du point de vue humain, un écosystème est constitué « des êtres humains et de leur environnement physique, des plantes et des animaux » et que cet écosystème est dit durable si « ses composantes et leurs fonctions sont préservées pour les générations présentes et futures »[11].
La délimitation d'un écosystème est arbitraire : il n'y a pas de limites objectives, de frontières physiques. Il existe donc une quantité infinie d'écosystèmes. À l'échelle terrestre, il est possible de caractériser les différents types de milieux existants et d'établir une typologie, nécessairement incomplète et imprécise. Ces zones de vie, aussi appelées biomes ou écorégions, ont été classifiées par différents organismes dont le Fonds mondial pour la nature, qui en recense 14 pour le milieu terrestre. En Europe, la base de données de l'Union Européenne Corine biotopes sert de référentiel de classification des habitats.
Les écosystèmes sont sources de très nombreux « bienfaits » pour l'espèce humaine, gratuits tant que les écosystèmes sont préservés. Depuis la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de 1992, qui s’est tenue à Rio de Janeiro au Brésil, et avec l'Évaluation des écosystèmes pour le millénaire[7], ces services écologiques commencent à être quantifiés, et certains tentent d'évaluer leur valeur économique. On les classe généralement en :
Tous ces services dépendent de la biodiversité, élément clé du caractère auto-catalytique, évolutif et auto-adaptatif des écosystèmes.
L'écosystème est un système naturel dynamique. Avec leurs interactions mutuelles et avec leur biotope, les espèces transforment l’écosystème qui évolue ainsi avec le temps : il s'agit d'un ensemble dynamique issu d'une coévolution entre les espèces et leur habitat. S'il tend à évoluer vers un état théorique stable, dit climacique, des événements et des pressions extérieures l'en détournent sans cesse. La biocénose met alors en œuvre ses capacités d'évolution et d'adaptation face au contexte écologique et abiotique en perpétuel changement. Cette capacité à supporter des impacts sans que cela ne modifie la structure de l'écosystème ou à revenir à l'état antérieur à la suite d'une perturbation est appelée résilience écologique.
Un écosystème vivant n'est jamais tout à fait stable : il suit une trajectoire vers un climax théorique, mais reste dans un état hors d'équilibre, sans cesse en mouvement, grâce à de complexes boucles de rétroactions. On parle de régression écologique lorsque le système évolue d'un état initial vers un état moins stable. Un écosystème est sain quand l'ensemble des organismes vivants et des milieux inertes forment un système capable de résilience[8].
En 2012, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)[12] a annoncé vouloir créer, avant 2025, une liste rouge des écosystèmes vulnérables, menacés ou en danger critique dans le monde[12]. C'est une initiative testée et portée par un biologiste vénézuélien, Jon Paul Rodríguez[13], qui a travaillé sur l'importance des données locales[14] et les critères régionaux des listes rouges[15], puis réalisé un tel classement pour les écosystèmes terrestres du Venezuela, et publié en 2011[13] une liste argumentée de critères d'évaluation environnementale de la santé des écosystèmes et de hiérarchisation des menaces pour les écosystèmes.
À la suite notamment de cette initiative de nombreux travaux ont porté sur l'évaluation du statut de conservation des écosystèmes, et au-delà parfois sur les risques de collapsus écologique.
Il existe en Europe un projet de Liste rouge européenne des habitats, et en France un travail sur une Liste rouge des écosystèmes développé avec le service du patrimoine naturel du Muséum national d'histoire naturelle, lequel a produit à cette occasion une synthèse des démarches existantes de « Listes rouges écosystémiques » en Europe[16].
La mémoire écologique des écosystèmes correspond à l’influence de perturbations passées sur le fonctionnement actuel et futur des écosystèmes. Ces perturbations, biotiques ou abiotiques, ont ainsi un impact sur les dynamiques et les réponses des écosystèmes. Dans ces derniers, des mécanismes adaptatifs se développent et affectent les réponses aux perturbations futures, en modifiant des paramètres clés comme la résistance et la résilience. Pour que cette mémoire existe, il faut que cette adaptation se maintienne lors des périodes de non-perturbation des écosystèmes[17],[18].
Dans la littérature scientifique certains auteurs font même l’analogie entre le système immunitaire humain et la mémoire écologique des écosystèmes[19].
En 1992, Padisak introduit le terme de mémoire écologique qu'il définit comme « la capacité des états ou expériences passés à influencer les réponses présentes ou futures de la communauté[17]. » À cette époque elle est d’abord étudiée dans un contexte de succession dans des écosystèmes d’eau douce, puis elle s’est plus généralement étendue aux écosystèmes aquatiques. Ensuite, de nombreux modèles prédictifs ont été élaborés afin d’étudier de quelle manière la mémoire écologique pouvait façonner la dynamique d’un paysage[20] ; cependant, le caractère ambigu de cette définition a amené à différentes interprétations et utilisations de la mémoire écologique selon les auteurs.
Les forêts représentent des écosystèmes particulièrement pertinents pour l’étude de la mémoire écologique. En effet, elles sont régulièrement soumises à de fortes perturbations (feux de forêts, pressions anthropiques, tempête, etc.) et les individus présentent une longue phase de croissance ainsi qu'une longévité allant jusqu'à plusieurs siècles[21],[22]. Néanmoins, la mémoire écologique est restée relativement peu prise en compte dans les travaux de recherche en écologie et de conservation[23]. La connaissance des mécanismes impliqués reste aussi très partielles selon les types d'écosystèmes. Enfin, la création d’indicateurs et l’évaluation de la mémoire écologique des écosystèmes représentent un autre défi pour les chercheurs[20].
La mémoire écologique s’applique à différentes échelles (métacommunauté, population, etc.) et concerne tous types d’organismes (animaux, végétaux, champignons, micro-organismes, etc.)[18],[22],[24],[25]. D’un point de vue spatial, elle s’applique à un écosystème dit 'local' mais peut également comprendre les écosystèmes qui l'entourent. C’est donc cette mémoire écologique qui va façonner les paysages.
La mémoire écologique des écosystèmes appliquée aux communautés peut augmenter leur tolérance aux stress récurrents qu’elles peuvent rencontrer. Cette adaptation évolutive implique de la sélection qui induit le remplacement des espèces sensibles à ces stress par des espèces plus tolérantes. Si elle est maintenue, cela amène in fine à une communauté plus résistante structurellement parlant. L’avantage ainsi procuré par la mémoire peut être mesuré en termes de fonctionnalité (comme la productivité par exemple)[18]. Dans ce cas, plus la mémoire écologique est grande, plus la communauté est résistante et résiliente.
La mémoire est maintenue dans les écosystèmes par deux types d'héritages : informationnels et matériels[21]. Ils peuvent s’observer à l’échelle intraspécifique, de la communauté et du paysage[23].
De par sa définition, lorsque l’on étudie un écosystème il est important de préciser l’échelle de temps et d’espace que l’on utilise (les interactions entre organismes étant définies dans le temps et dans l’espace). Ainsi, la mémoire écologique peut affecter les écosystèmes à des échelles de temps et d’espace très variées : de quelques générations aux échelles de temps macro-évolutif, et de la localité à l’écorégion[21].
Ces héritages (informationnels ou matériels) de la mémoire écologique peuvent être d’origine biotique ou abiotique. Deux composantes principales de la mémoire sont aussi définies : la mémoire exogène (1) et endogène (2) :
On peut décomposer la mémoire écologique en différents paramètres, comme : sa longueur, son pattern temporel, sa force et sa latence :
Ces différents paramètres sont notamment importants lorsque l’on veut modéliser les effets de la mémoire écologique[26].
La mémoire écologique d’un écosystème n’est pas infinie, celle-ci tend à s’estomper avec le temps[22]. Par exemple, si l'événement stressant ne se reproduit pas pendant une longue période de temps, des individus ou espèces moins tolérants, mais plus compétitifs, peuvent peu à peu remplacer les individus et espèces tolérants. En effet, si les traits liés à la tolérance sont impliqués dans des trade-offs, la mémoire écologique peut induire une fitness relativement plus faible dans des conditions non stressantes[18].
De nos jours, dans un contexte de changement climatique et de forte pression anthropique, on remarque une augmentation de la fréquence des événements extrêmes (sécheresse, ouragan, incendie, etc.). Ainsi, comprendre comment les écosystèmes affectés répondent à ces perturbations par le biais de la mémoire écologique peut être un atout majeur pour préserver les services écosystémiques dans le cadre de politiques de conservation[24].
L’augmentation du nombre de ces périodes de stress peut notamment perturber la mémoire écologique des écosystèmes, c’est ce qu’on observe à travers la notion de dette de résilience. En effet, lorsqu'un écosystème portant les héritages d’une perturbation passée est confronté à une perturbation pour laquelle la mémoire n’est pas adaptée, on observe une perte de résilience. C’est seulement après l’apparition de cet événement différent, une fois le système re-perturbé, que la dette est mise en évidence[21].
Les perturbations impliquant une dette de résilience peuvent déclencher une transition vers un nouvel état stable. Les boucles de rétroactions présentes dans l'écosystème peuvent alors freiner cette transition ou stabiliser le nouvel état[21].
Dans un contexte de conservation, il est donc pertinent de connaître les héritages mémoriels portés par un écosystème afin de savoir quelles perturbations seront susceptibles de déclencher cette dette, et lesquelles seront susceptibles d'être compensées par une forte résistance ou résilience du système[21].
Le concept de mémoire écologique est également étudié pour mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes lors de la réintroduction d'espèces, de programmes de gestion ou de restauration. En effet, connaître les facteurs clés qui entrent en jeu dans la mise en place d’une mémoire écologique, et donc dans la dynamique des écosystèmes, pourrait permettre d’anticiper la réponse du système à la suite de l’introduction d’une nouvelle espèce[23].
L’introduction d’espèces invasives peut amener à une modification des interactions biotiques et à l’établissement de nouvelles communautés perturbant l'écosystème. Dans ce cas, la mémoire écologique peut intervenir pour limiter la colonisation d’une espèce invasive. Ainsi selon Valentin Schaefer[19] les projets de restauration écologique en zones urbaines pour lutter contre les espèces invasives rencontrent un meilleur succès lorsqu’ils prennent en compte la mémoire des écosystèmes.
Beaucoup de travaux visent à quantifier la mémoire écologique[26]. Cela peut notamment avoir un intérêt dans le cadre de la restauration d’écosystèmes. En effet, cela pourrait permettre de déterminer un seuil utile pour caractériser l’effort de restauration.
Ainsi, un écosystème possédant une mémoire écologique importante sera plus facile à restaurer[19].
Enfin, la mémoire écologique peut également être étudiée dans le cadre de l’auto-organisation, de la relation entre géomorphologie et écologie, lors du cycle de renouvellement dans les successions, de la dynamique des paysages ou de la gestion des écosystèmes urbains[20].
Mémoire des communautés phytoplanctoniques après pollution
Une récente étude de a mis en évidence l’effet bénéfique de la mémoire des écosystèmes sur des communautés de phytoplanctons contaminées par un herbicide (isoproturon). En effet, les communautés « conditionnées », c’est-à-dire déjà soumises à cette pollution, se sont avérées plus tolérantes que les non contaminées initialement. Ces communautés ont ainsi pu retrouver une bonne efficacité photosynthétique et elles sont devenues plus résistantes structurellement parlant aux concentrations croissantes d’herbicide. Les chercheurs ont en revanche obtenu des résultats semblant montrer un trade-off entre tolérance au stress et productivité (en l’occurrence la production de biomasse).
Néanmoins, d’autres processus temporels et spatiaux (comme la dispersion au sein des métacommunautés, etc.) non pris en compte ici, peuvent aussi contribuer à la stabilité de la communauté. Les différences d’échelles temporelles entre efficacité photosynthétique et production de biomasse, peuvent aussi contribuer à la mise en évidence d’un compromis entre résistance et productivité. Ainsi, d’autres études sont aujourd’hui nécessaires pour statuer d’un réel lien entre trade-off et mémoire écologique[18].
Mémoire des communautés d’arbres après des feux de forêt
Une étude de 2017 a montré que des feux de forêt survenus il y a 100 à 200 ans ont toujours un impact sur la capacité de résilience des forêts actuelles après une coupe. Il s’agit ici d’une mémoire à long terme. Les auteurs ont appliqué une perturbation nouvelle (coupes partielles) sur des forêts boréales. Le but étant de déterminer si la végétation de début de succession après 1998 (après la coupe) était liée au passage d’un incendie (entre 1837 et 1895). Ils se sont également demandés si la structure et la composition de la végétation qui dominait le paysage étaient définies par les incendies, et si elles impactaient l’assemblage d’espèces. Les résultats ont d’abord montré que la structure et la composition (46 %), ainsi que le biote forestier (10 à 51 %), étaient influencés par les incendies jusqu’en 1998. Les pourcentages mentionnés correspondent aux variations observées qui sont expliquées par les incendies. Les résultats montrent aussi que le biote forestier après la perturbation artificielle, était encore significativement influencé par les incendies anciens jusqu’à 10 ans après la coupe de 1998.
Ainsi, la mémoire écologique des incendies, en plus de perdurer à travers les siècles, peut traverser des perturbations de natures différentes. Cette mémoire pourrait être utilisée à des fins de conservation, en protégeant les héritages informationnels et matériels, de manière à améliorer la résilience des écosystèmes forestiers. Enfin, les auteurs précisent que la mémoire écologique à des effets de moins en moins importants avec le temps[22].
Mémoire des communautés microbiennes après une sécheresse
Un article de Canarini et collaborateurs, publié en 2021, montre l’apparition d’une mémoire écologique dans des communautés de bactéries en réponse à des sécheresses en Autriche. L’équipe a suivi différents paramètres dans des communautés microbiennes du sol de prairies montagneuses, dans trois conditions de traitement : certaines ayant connu des épisodes de sécheresse récurrents pendant dix ans, d’autres seulement un épisode, et enfin un groupe contrôle n’ayant pas connu de sécheresse. Les chercheurs ont mesuré notamment la productivité primaire, la diversité spécifique dans la communauté, l’activité enzymatique et les quantités de nutriments (carbone, azote, phosphore) présents dans le sol.
Les résultats ont montré que les communautés ayant déjà été exposées à des sécheresses présentent une composition en espèces différente de celles n’y ayant pas été exposées. Grâce à la mémoire écologique développée par les bactéries exposées de manière récurrente, celles-ci ont gardé une activité similaire à la population contrôle non stressée, alors que les communautés sans mémoire ont subi des chutes significatives de productivité et de fonctionnement.
La mémoire de l'écosystème a donc contribué à l'amélioration de la résistance face au stress hydrique, ouvrant ainsi des pistes de recherches pour trouver des solutions face aux phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents[25].
Mémoire des communautés de coraux après un réchauffement
Cette étude de Hugues et collaborateurs parue en 2019, montre comment la mémoire écologique a permis de diminuer le blanchissement des coraux de la Grande Barrière de corail en 2017, en réponse à un stress thermique, et ce grâce à une vague de chaleur extrême l’année précédente. En effet, les coraux de 2017 se sont avérés plus résistants qu’en 2016 puisque pour des températures plus élevées en 2017 (8-9 °C semaines[28]) qu’en 2016 (4-5 °C semaines), on observe une même probabilité de 50 % de blanchissement sévère (c'est-à-dire affectant au moins 30 % des coraux). Les chercheurs ont aussi fait une distinction entre trois zones de la grande barrière de corail avec :
Les chercheurs ont donc montré que le blanchissement des coraux était fortement dépendant d'événements extrêmes passés mais aussi du schéma géographique de l’exposition passée aux températures élevées. Néanmoins, bien que la mémoire écologique ait été mise en évidence dans cette population de coraux, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité du blanchissement met en danger la résilience de ces coraux face au réchauffement climatique actuel[24].
Mémoire du microbiome après une modification de l’apport d’un nutriment
Dans une publication récente (pas encore évaluée par les pairs) Letourneau et collaborateurs ont montré l'existence d’une mémoire écologique du microbiome intestinal humain. En partant du fait que les bactéries possèdent un fort taux de reproduction, ils ont émis l’hypothèse que la mémoire écologique peut se former dans les écosystèmes microbiens de manière rapide (quelques jours). Celle-ci est donc facilement observable et testable en laboratoire. Pour ce faire, ils ont mesuré la capacité de dégradation de l’inuline dans un modèle d'intestin artificiel humain à la suite de plusieurs séries d'injections d’inuline. Ils ont alors étudié l’ARNr 16S de la communauté intestinale et ont remarqué une modification taxonomique. En effet, une exposition répétée à l’inuline a modifié la structure génomique microbienne. Cela se traduit notamment par une augmentation de l’abondance de Bacteroides spp. et Bifidobacterium spp., deux genres qui contiennent des espèces dégradant l'inuline. De plus, une analyse multi-omique indique des modifications dans l’expression des gènes au sein d’un génome donné, dont des gènes codant la famille des glycosides hydrolases dégradant l'inuline. Ainsi, ils ont montré une amélioration du métabolisme de l’inuline après plusieurs injections, sur une échelle de temps infra-journalière. Ici l’augmentation de l’inuline est considérée comme étant la perturbation, et la facilité du microbiome à dégrader l’inuline comme étant l’adaptation. Cette adaptation lui permet de résister à cette nouvelle augmentation de l’inuline longtemps après la première perturbation. Ils ont en effet remarqué que cette mémoire écologique persiste pendant plusieurs jours (ce qui correspond à plusieurs générations de bactéries) même sans apport constant d’inuline[29].La Commission statistique des Nations unies a adopté en mars 2021 un nouveau cadre statistique pour la comptabilité des écosystèmes – System of Environmental-Economic Accounting– Ecosystem Accounting (SEEA EA) – qui vise à quantifier la contribution des écosystèmes à notre société, considérant leur état (santé) et les services qu'ils nous rendent. Au niveau européen, un projet de règlement créant les premiers comptes d’écosystèmes et de services écosystémiques a été proposé par la Commission européenne en juillet 2022, et est actuellement en discussion (2023). L’Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) contribue au suivi de ces travaux pour partager l’expertise et les connaissances développées dans le cadre du programme[30].
On trouve de plus en plus d'usages métaphoriques de l'écosystème pour désigner un ensemble d'entités qui interagissent dans un environnement.
En économie, un écosystème est constitué d'un regroupement d'entreprises d'une filière ou d'un territoire et de leurs parties prenantes (clients, employés, fournisseurs, sous-traitants, pouvoirs publics, dispositifs d'accompagnement…), qui ont en commun un projet de développement dans le temps, encadré par des engagements pris les uns envers les autres. Dans un écosystème d'entreprises, chacun contribue à la création de valeur qui profite à toutes les entreprises, à la différence d'un cluster.
En sociologie et en écosophie le terme d'écosystème social et politique est de plus en plus utilisé pour définir les rapports entre des individus au sein des communautés. Ainsi que pour préciser les rapports des communautés entre elles.
L'idée de l'existence d'un écosystème mental ou psychologique fait partie intégrante du concept d'écologie mentale.
Avec l'expansion des réseaux numériques, on parle aussi de l'écosystème du web ou écosystèmes virtuels. Ils sont analogues aux écosystèmes informationnels.
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