branche du yoga De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le haṭha yoga (sanskrit IAST : Haṭhayoga ; devanāgarī : हठयोग) est une forme particulière de yoga qui vient de l'Inde sous l'impulsion du texte Haṭha Yoga Pradīpikā attribué au yogi Svatmarama et des Yoga Upanishad tardives, avant d'atteindre, au XXe siècle, l'Occident. Il signifie « yoga d'effort » et concerne principalement l'éveil spirituel par les postures correctes (āsana), la discipline du souffle (prāṇāyāma)[1] et la méditation (dhyāna).
Aujourd'hui, il constitue une pratique sous des formes diverses s'appuyant sur le travail corporel et l'attitude mentale correspondante. Il fait aussi l'objet d'un commerce dans le monde du développement personnel et du bien-être.
Haṭha (हठ en écriture devanāgarī) est un mot de la langue sanskrite. Il peut se présenter en composition comme dans l'expression haṭhayoga (हठयोग en devanāgarī). Les ouvrages édités en Occident omettent généralement le point sous le t de « haṭha », signe diacritique désignant la prépalatale rétroflexe sanskrite, pour des raisons typographiques. Haṭha yoga peut se traduire en français par « yoga de la ténacité » ou « yoga de la vive force ».
Une interprétation symbolique répandue fait du haṭha yoga l'union du Soleil (ha) et de la Lune (ṭha)[2],[3],[4], « c'est-à-dire de toutes les dualités : Idâ et Pingalâ, souffle inspiré et souffle expiré, masculin et féminin, etc.[5] ».
L'origine du haṭha yoga est bien antérieure au XVe siècle de notre ère, date à laquelle il est codifié dans le texte sanskrit intitulé Haṭha Yoga Pradīpikā, « Petite torche du haṭha yoga », composé par le Yogi Svātmārāma. En effet, le haṭha yoga a reçu des influences tantriques et shivaïtes remontant à l'époque médiévale des siddha yogin[6]. On trouve également l'utilisation de postures dans la civilisation harappéenne[7]. En Occident, la pratique du haṭha yoga s'est popularisée au XXe siècle.
Dans les années 1920, une équipe d'archéologues dirigée par John Marshall découvre, sur les bords de l'Indus (Pakistan actuel), les ruines de la cité de Mohenjo-daro qui aurait été fondée trois mille ans avant notre ère. Parmi les objets mis au jour lors de ces fouilles, des sceaux illustrés de personnages dans des postures (āsana) de méditation telle la position du lotus ont provoqué un débat, sans qu'il y ait de certitude à ce sujet, sur la possibilité que le yoga ait existé bien avant qu'ils soient amenés dans le nord de l'Inde par les aryens et avant même les Veda[8],[9],[10],[11],[12]. Selon Mikel Burley, de l'université de Leeds, « une autre erreur consiste à penser que le haṭha yoga est relativement récent dans la tradition indienne (…). On trouve en fait des postures au sein de la culture Harappan (…), ceci démontre que les pratiques classiques du haṭha yoga reposent sur des traditions plus anciennes »[7]. Mais de penser, en voyant des artefacts de yogis en position de méditation, qu'il s'agit du haṭha yoga est très rapide. La méditation existait bien avant le haṭha yoga et la position du lotus n'appartient pas exclusivement au haṭha yoga. Certains pensent plutôt que la spiritualité de la civilisation serait le yoga des origines, un yoga à visée mystique comme le rāja yoga, et le yoga que Krishna enseignait à Arjuna, comme décrit dans la Bhagavad-Gītā[réf. nécessaire].
En Inde, la plus ancienne pratique du yoga doit ses lettres de noblesse aux Yoga sūtra de Patañjali (IIe s. av. J.-C.). C'est le Yoga classique, ou rāja yoga, qui a pour but la libération ou délivrance (mokṣa ou kaivalya en sanskrit). Le haṭha yoga, lui, est une forme plus tardive de Yoga élaborée par les nātha ou siddha yogis vers le XIIe siècle, et recherchant la perfection corporelle comme moyen d'accès à la libération spirituelle. Cette forme de Yoga est codifiée dans le texte sanskrit intitulé Haṭha Yoga Pradīpikā, « Petite torche du haṭha yoga », composé par le Yogi Svātmārāma (XVe s.) et commenté par Brahmānanda, auquel il faut ajouter la Gheraṇḍa saṃhitā et la Śiva saṃhitā. Par ailleurs, la Centurie de Gorakṣa (Gorakṣaśataka) et le Guide des principes des Siddhas (Siddha Siddhānta Paddhati) sont des textes de la même école.
Bellur Krishnamachar Sundararaja Iyengar (1918-2014) est un maître de haṭha yoga, actif en Inde méridionale, à Pune. Yehudi Menuhin et Jiddu Krishnamurti figurent parmi ses plus célèbres élèves. Son enseignement et celui de Pattabhi Jois se fondent sur leurs expériences à Mysore, dans les années 1930, avec Krishnamacharya dont les fils, T.K.V. Desikachar, et Sri T K Sribhashyam sont aussi professeur de haṭha yoga.
Afin de tenter d'arrêter des tentatives de demandes de droits de copyright sur la pratique de certains āsana de yoga (comme c'est déjà le cas aux États-Unis pour plus de 200 āsana) de la part de certains enseignants opportunistes, l'Inde a achevé une documentation décrivant 1 300 āsana qui sera transférée à la « Bibliothèque numérique des savoirs traditionnels » (TKDL - Traditional Knowledge Digital Library), qui rendra publiques ces connaissances ancestrales. Cette documentation est fondée sur : Srimad Bhagavat Gītā, Vyāsa Bhashya, Yogāsana Vijñāna, Haṭha Pradīpikā, Gheraṇḍa Saṃhitā, Śiva Saṃhitā, le Yoga sūtra de Patañjali et Sandra Satkarma pour expliquer en détail et en différentes langues tous les āsana connus et les références sur le yoga[13].
En , le Premier ministre indien Narendra Modi crée un Ministère du yoga, dont les prérogatives s'étendent aussi aux médecines traditionnelles indiennes : āyurveda, yūnānī et siddha, incluant aussi l'homéopathie et la naturopathie[14],[15].
En Occident, le haṭha yoga est devenu assez populaire en tant que pratique d'exercices purement physiques se détachant de son but originel de libération spirituelle (kaivalya). Certains considèrent même que le yoga, et le haṭha yoga en particulier, a pu être « dévoyé » par des pratiquants occidentaux[16]. Le haṭha yoga n'est qu'un des différents types de yoga.
Le yoga de manière générale serait pratiqué par 250 millions de personnes dans le monde[17]. En , le yoga représente un marché 225 milliards de dollars[13]. L'historienne Meera Nanda indique : « Quelque 16 millions d'Américains pratiquent une forme ou une autre de yoga, comme activité physique principalement. Ainsi, ce que la plupart d'entre eux appellent yoga est en fait le haṭha yoga, qui consiste en des postures corporelles ou āsana, des étirements et des exercices de respiration. […] Les Américains ne sont pas les seuls à préférer le yoga postural à celui de méditation : en Inde aussi, des centaines de millions de personnes suivent les enseignements de Baba Ramdev, qui prône un yoga axé sur les āsana et associé à la médecine ayurvédique[18]. ».
En , l'Assemblée générale des Nations unies adopte, à 177 voix (sur 193), une résolution initiée par le Premier ministre indien Narendra Modi invitant les pays membres à soutenir l'idée d'une « Journée internationale du yoga », le , afin de « faire connaître les bienfaits de la pratique du yoga[19] ».
Ce succès est dû au fait que, contrairement aux yoga sūtra, en « huit degrés » (aṣṭāṅga), le texte référent du haṭha yoga (Haṭha Yoga Pradīpikā) est de nature pratique et fait une large place aux postures (āsana) et au contrôle du souffle (prāṇayāma), qui sont les troisième et quatrième degrés du yoga de Patañjali. On néglige en Occident les techniques difficiles (bandha, mudrā, écoute du son intérieur) et les disciplines de concentration (samādhi) qui forment les troisième et quatrième degrés du haṭha yoga, le faisant déboucher sur le rāja yoga avec son aspiration à la Délivrance de l'existence conditionnée.
En France, la première école de haṭha yoga fut fondée en , à Paris, par le professeur de philosophie et journaliste Félix Guyot qui écrivit, sous le pseudonyme de Constant Kerneïz, de nombreux ouvrages concernant l'hindouisme[20] et le yoga, rassemblés en une somme nommée Collection Hatha-Yoga[21]. Parmi les œuvres de cet érudit peuvent être citées : Le Haṭha yoga ou l'Art de vivre selon l'Inde mystérieuse (éditée en ), Haṭha yoga : culture physique hindoue (éditée en ), Postures et respirations du hatha yoga (éditée en ), Le Karma yoga ou l'Action dans la vie selon la sagesse hindoue (éditée en ).
Shri Mahesh Ghatradyal fut le premier indien à émigrer en France pour y enseigner, dès , le haṭha yoga aux Occidentaux[21].
Aujourd'hui, plus de 3 millions de personnes pratiquent le yoga en France[réf. nécessaire].
Au Canada, la journaliste Suzanne Piuze créa en à Eastman, en Estrie au Québec, un Centre de haṭha et de rāja yoga qui porte son nom.
Selon l'auteur Philip Goldberg, « personne n'a davantage contribué à l'essor du yoga moderne que Swami Satchidananda, qui a commencé la formation des enseignants américains dans les années 1970. Son héritage est également évident dans l'acceptation croissante du yoga dans la communauté médicale traditionnelle[22]. ». En , aux États-Unis, il est estimé que 30 millions d'Américains pratiquent le haṭha yoga[23]. Les Américains dépenseraient environ 3 milliards de dollars par an dans des cours de yoga qui est très populaire parmi les stars d'Hollywood. Oprah Winfrey l'apprécie beaucoup, tout comme Madonna, Sarah Jessica Parker, Jennifer Aniston, Cameron Diaz, Gwyneth Paltrow, Jane Fonda, Tina Turner ou encore Angelina Jolie[13]. En , pour la Maison-Blanche, « le Yoga est devenu un langage universel de l'exercice spirituel aux États-Unis, franchissant de nombreuses lignes religieuses et culturelles […]. Chaque jour, des millions de personnes pratiquent le yoga pour améliorer leur santé et leur bien-être général. C'est pourquoi nous encourageons tout le monde à participer à la Presidential Award Active Lifestyle, et ainsi montrer votre soutien pour le yoga et répondre au défi », au moment où certaines écoles en Amérique s'opposent à cette ancienne pratique indienne, disant qu'elle promeut l'hindouisme dans les écoles et qu'un procès est en cours en Californie[24]. Le juge John Meyer a donné son verdict : « Le yoga ne favorise pas l'hindouisme dans les écoles de Californie » ; c'est un « phénomène culturel typiquement américain », dans cette affaire intentée par groupe chrétien[25].
Alors qu'il était interdit en Union soviétique et qualifié de gadget transcendantal favorisant la pensée individualiste, en , le yoga et la méditation connaissent un véritable boom à Moscou et le président Dmitri Medvedev se considérait comme « le premier yogi de l'État[26] ».
En , à l'occasion du 15e sommet annuel Inde-Russie, le président Vladimir Poutine et le Premier ministre indien Narendra Modi signent des accords cruciaux ; leur déclaration conjointe inclut que l'Inde et la Russie encourageront leur coopération afin de promouvoir la santé et la remise en forme à travers les méthodes traditionnelles indiennes du yoga et de l'āyurveda, y compris à travers des centres et des camps de yoga et des centres ayurvédiques[27].
Patañjali, dans ses Yoga Sūtra, énumère huit membres du yoga (aṣṭāṅga) : yama, niyama, āsana (les postures), prāṇāyāma (contrôle du souffle vital), pratyāhāra (rétractation intérieure des sens), dhāraṇa (concentration), dhyāna (méditation), samādhi (contemplation préparant la libération spirituelle).
La pratique indienne du haṭha yoga s'attache à développer le contrôle du souffle (prāṇāyāma) et la stabilité des postures (āsana) qui peuvent s'enchaîner en séquences quasi-chorégraphiques telle la Salutation au Soleil (Sūryanamaskāra). Il est dit dans la Haṭha Yoga Pradīpikā (IV, 79) : « ceux qui pratiquent seulement le haṭha yoga sans connaître le rāja yoga, je pense qu'ils se donnent beaucoup de peine sans aucun fruit[28]. »
Extrait de la Śvetāśvatara upaniṣad (2.8-15) : « tenant son corps fermement avec les trois parties érigées, et guidant avec son esprit ses sens jusqu'au cœur, un homme sage avec l'équipement du brahman peut dépasser toutes les craintes provenant des flots… Quelqu'un qui pratique les préceptes yogiques aperçoit ici la nature du brahman. ».
En Occident, la grande majorité des séances de yoga s'articulent autour d'un certain nombre de postures organisées selon les niveaux des participants et l'objectif de la séance (bhāvana). La respiration peut être rythmée au sein des postures ou concentrée pendant un temps privilégié. La séance se termine généralement par un moment de relaxation. Ces trois constituants peuvent être disposés de manière très différente selon les écoles, le moment de la journée, l'âge et l'attente des participants. Moins fréquemment, des extraits des Yoga Sūtra peuvent être chantés, ainsi que des mantra ; cette étape est plus fréquente dans son contexte, en Inde.
La pratique occidentale du haṭha yoga se veut une recherche de l'unité de toutes les modalités physiques et psychiques qui composent l'être humain.[réf. nécessaire] La pratique met l'accent sur l'expérimentation d'opposés complémentaires, tels : féminin/masculin, mouvement/immobilité, inspiration/expiration, résistance/lâcher-prise. Posture, respiration et méditation peuvent tour à tour culminer dans la pratique. Avec la maturité et dans une difficulté croissante, elles se combinent par deux : postures/respiration ou postures/méditation, et par trois : postures/respiration/méditation.
Toute posture (āsana) que le corps peut adopter sera du yoga tant que l'intensité respectera le contentement qui ressortira de cette pratique. La non-violence envers son propre corps, l'humilité, sont des principes qui évitent de confondre yoga et acrobatie. Les postures peuvent être statiques. Quand elles sont dynamiques, elles peuvent se pratiquer selon un enchaînement précis, souvent selon un ordre respiratoire particulier.
Il faut une certaine expérience pour prendre une posture dans une détente « structurée », avec une respiration régulière ainsi qu'un bon alignement vertébral coordonné avec les alignements des autres segments corporels.
Les postures ont un impact :
Les quatre phases de base de la respiration sont explorées : l'inspiration, la rétention poumons pleins, l'expiration et la rétention poumons vides. Dans les niveaux avancés de pratiques, d'autres phases sont explorées.
Différents exercices mettent l'accent sur[réf. nécessaire] :
Ces techniques de prāṇayāma permettraient le développement de la concentration en diminuant la dispersion mentale, et lorsqu'une base de recueillement suffisante a été établie, le corps et l'esprit pourraient acquérir une vigueur et une vitalité nouvelle en puisant à même l'énergie du prāṇa.
Elles favoriseraient aussi l'aptitude à supporter les stress par la prise de conscience du rythme irrégulier de la respiration, pour la ramener vers un rythme plus lent.
André Van Lysebeth, dans son ouvrage Prāṇayāma, la dynamique du souffle, émet l'hypothèse que le prāṇa correspond aux ions négatifs de l'air environnant. Cependant, la théorie pranique préscientifique y voit une force vitale, possiblement plus fondamentale, à la base de toute vie et de toute conscience.
On pourrait dire de la relaxation qu'il s'agit d'un samādhi mineur, ou d'un entraînement à la méditation.
Cette phase, qui conclut généralement la séance, s'accomplit en position assise ou allongée et vise l'éclosion d'un sentiment de paix. Elle s'accompagne d'une respiration lente et profonde, de suggestions ou de sons très doux.
La relaxation prépare à la méditation. La méditation selon qu'elle soit objective ou non, « volitive[29] » ou non, accède à des niveaux différents[30].
La concentration posturale ou respiratoire va inclure des aspects divers comme la vitesse, l'adresse et la coordination. Du point de vue du yoga, persévérer dans la stabilité posturale, favorise la concentration et à la longue favorise une stabilité psychologique. La pratique régulière des āsana et du prānāyāma déployée dans une ambiance tranquille et sans compétition conduit à un moment de silence, d'arrêt des perturbations du mental[31]. En cela, le haṭha yoga est considéré comme une phase préparatoire à la méditation profonde.
À un niveau intermédiaire, le pratiquant persévérant commence une connaissance de soi où progressivement vont apparaître les habitudes qui entretenaient des pensées ou des attitudes négatives. Lorsque les pratiques (posturale, respiratoire ou autre) deviennent à leur tour objet de méditation, concentration et stabilité mentale ont atteint un niveau certain de qualité. La méditation occupe une place plus importante que les autres pratiques, le corps étant libéré de ses tensions. À un niveau de pratique très poussé, l'illusion des projections et identifications personnelles (Māyā) disparaît, permettant au Soi de se révéler dans sa véritable nature[32].
Au fil des années de pratique, les différences entre les techniques de yoga s'amenuisent[réf. nécessaire], puisque toutes convergent vers le même but ; la concentration perd de son caractère volontariste pour devenir « attention sans intention[33] ». Progressivement, cette attention s'intègre à tous les instants de la vie, même dans les plus petits événements. Le devoir quotidien perd de sa pesanteur, en permettant l'ouverture au discernement et à l'humilité[34].
Les divers mouvements et positions sont appelées āsana et leur exécution nécessite une complète présence au geste ainsi qu'un patient engagement afin de coordonner tous les éléments qui y sont mis en jeu. Dans le haṭha yoga, il est dit que le corps est un laboratoire où peuvent être vécus en direct les réussites comme les échecs. Cette recherche pragmatique se doit de rester constamment avertie des abîmes d'orgueil que représentent les prouesses corporelles. L'orgueil est effectivement en totale contradiction avec les objectifs d'humilité et d'harmonie que la tradition du yoga a tracés depuis des millénaires.
Dans son aspect purement physique, le haṭha yoga ne diffère que peu d'un entraînement physique ou sportif.[réf. nécessaire]
Dans une posture, le muscle peut se trouver dans trois états :
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