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La compétence « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », plus souvent dite « Compétence GEMAPI », est en France une compétence juridique nouvelle, exclusive et obligatoire, confiée à partir du aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes).
L'eau était autrefois gérée comme un bien commun, elle a fait l'objet d'une gestion hydraulique quantitative et tend maintenant à être gérée plus globalement (avec une approche cycle de l'eau[1] et à échelle de bassins versants et grandes masses d'eau).
La GEMAPI est une nouvelle compétence qui découle des lois de décentralisation (loi MAPTAM de 2014 et loi NOTRe de 2015). Ces deux lois ont, après la transposition dans la loi Grenelle II de 2010 de la Directive inondation de 2007, précisé la gouvernance de l'eau et des milieux aquatiques, ainsi que les obligations des collectivités en matière de prévention des inondations[2]
Elles sont accompagnées d'un nouveau cadre : la Stratégie nationale de gestion du risque inondation (SNGRI de 2014) qui est à décliner par bassins en plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) sous la responsabilité du préfet coordonnateur.
Pour faciliter la cohérence de l'action publique, la nouvelle compétence GEMAPI regroupe en une seule deux missions antérieurement séparées :
Les missions relatives à cette compétence étaient autrefois généralement morcelées entre diverses collectivités territoriales et leurs groupements, et non-uniformément développées sur les territoires exposés au risque d’inondation et/ou de submersion marine. De plus ces missions n'étaient souvent que facultatives[3]. Cette organisation engendrait cependant un manque de lisibilité à l’échelle d’un bassin versant et une incohérence des actions sur le territoire[2].
Il y a désormais une autorité publique unique chargée de ces questions[3], laquelle peut toutefois transférer cette compétence (pour « tout ou partie »[4]) à des syndicats ou à d’autres groupements. Cette autorité définit des périmètres de protection, prend en charge les ouvrages correspondants et bénéficie de la possibilité de lever une taxe pour financer ces actions.
« À partir du moment où le bloc communal choisit de n’exercer qu’une seule des quatre missions constitutives de la compétence GEMAPI (ex : la défense contre les inondations et contre la mer), il devra en exercer la totalité »[3].
La loi s'applique à partir du , mais les collectivités qui le souhaitaient ont pu décider de prendre la compétence GEMAPI par anticipation dès 2016[3].
Après 2018, un délai de transition est prévu pour le transfert d'une partie des responsabilités et compétences : « l’État ou l’un de ses établissements publics, lorsqu’il gère des digues à la date d’entrée en vigueur de la loi, continue d’assurer cette gestion pour le compte de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent pour la défense contre les inondations et contre la mer pendant une durée de dix ans à compter de cette date »[5]. Des conventions déterminent l’étendue de ce concours et des moyens matériels et humains consacrés.
La GEMAPI encourage la production d'une vision stratégique et partagée, à l'échelle des bassins versants (bien au delà donc des limites communales et administratives).
Pour cela les intercommunalités sont encouragées à coopérer et à se regrouper pour optimiser leurs actions (grâce aux moyens nouveaux permis par la loi MAPTAM).
La prise de compétence par les EPCI à fiscalité propre n'a pas eu pour effet de supprimer (sauf dans certaines circonstances liées aux périmètres) les syndicats de rivière antérieurs, mais les enjeux de la GEMAPI, le basculement d'une compétence facultative des territoires en compétence obligatoire a pour effet d'inciter les structures existantes à repenser leurs périmètres et compétences (les syndicats ayant souvent une compétence plus limitée techniquement et géographiquement que la GEMAPI).
En raison de l'imperméabilisation et de l'artificialisation croissante des sols et des paysages, dont par l'urbanisme, les routes, mais aussi l'agriculture intensive (semelles de labour, perte de matière organique, recul des infrastructures naturelles agroenvironnementales) et dans le contexte du dérèglement climatique, le risque inondation tend à augmenter (en gravité et occurrence). Les enjeux sont à la fois de sécurité et socio-économiques : les inondations coûtent cher à la collectivité, aux systèmes assurantiels et elles sont sources de pertes importantes de biens humains, matériels et communs. La GEMAPI vise à diminuer l'expression de ce risque dans l'espace (habité et cultivé) et dans le temps. Elle rend les territoires (Le « bloc communal »[6] notamment) plus responsables et autonomes afin d'être aussi plus résilients face aux cycles inondations/sécheresse.
Un autre enjeu de taille concerne la préservation de la qualité de l'eau et des écosystèmes aquatiques, et au-delà le maintien de tous les services que ces écosystèmes rendent à l'environnement et aux personnes (biodiversité, récréation, paysage..., dont celui de réguler les crues en amont des zones vulnérables[2]).
Aussi la compétence GEMAPI associe deux volets[3] :
La solidarité territoriale autour du thème de la gestion partagée de l'eau est l'un des enjeux de cette loi[3].
La compétence GEMAPI comprend quatre grandes missions (obligatoires) [7] (parmi les douze missions composant la politique de l'eau qui est territorialement déclinée dans les SAGE)[8] :
Items (Cf. Art. L. 211-7) | Mission (intitulé) | Exemples |
---|---|---|
1° | Aménagement d’un bassin ou d'une fraction de bassins hydrographiques | Ces aménagements doivent contribuer à retenir, ralentir et infiltrer l'eau (ressuyage de crues) grâce notamment à la restauration de champs d'expansion de crues, reméandrage, faucardage (maintien des racines et rhizomes fixateurs, mais coupe des herbes ou roseaux risquant de colmater les fossés)[8]... |
2° | Entretien et aménagement de cours d'eau, canaux, lacs ou autres plan d'eau (et de leurs accès) | Plans de gestion[9] Gestion restauratoire des berges (ripisylves notamment); Vidanges et entretien réguliers des ouvrages hydrauliques du plan d’eau, avec colmatage d'éventuelles fuites de digues)[8] |
5° | Défense contre les inondations et contre la mer (pour les communes littorales ou infralittorales) | Entretien, gestion et surveillance des ouvrages de protection existants contre les crues et les submersions marines ; Études et travaux neufs sur l’implantation de nouveaux ouvrages ; Définition et régularisation administrative des systèmes d’endiguement[8] |
8° | Protection et restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines | Plan de gestion des milieux aquatiques, entretien ; Opération de renaturation, restauration de zones humides Continuité écologique (trame bleue, gestion du transport sédimentaire[8] |
Concernant le volet « prévention des inondations », il s'agira donc notamment de :
En lien avec les SDAGE et SAGE et en fonction d'enjeux et/ou aléas spécifiques à certains bassins, le périmètre de compétences de la GEMAPI peut aussi intégrer des missions complémentaires précisées par le Code de l’environnement [10] tels que :
Concrètement, la mise en œuvre de la GEMAPI modifie la manière d’aborder les projets d’aménagement des cours d’eau notamment pour les bureaux d'étude qui doivent proposer des équipes aux compétences complémentaires[2] (hydrobiologie, hydroécologie, hydraulique, urbanisme, aménagement du paysage...)
Le cas de la restauration de la Brévenne dans le département du Rhône menée de 2017 à 2018 est un exemple concret d’intégration d’une opération de restauration écologique et de valorisation paysagère d’un cours d’eau et de ses abords dans un secteur urbain à fort enjeu inondation. Le projet s'est concrétisé par la création d’un « parc naturel en milieu alluvial » de neuf hectares, en amont du centre-ville de l’Arbresle (Rhône)[2]. Les travaux menés sur les digues de la Leysse dans la région de Chambéry (Savoie) de 2016 à 2017 est une seconde illustration[11] de la façon dont on peut concilier les deux volets de la GEMAPI. Le projet a permis de sécuriser la digue de protection contre les crues, créer un espace de mobilité pour la rivière adaptée à son fonctionnement hydraulique, diversifier les habitats aquatiques et reconnecter les zones humides.
La compétence GEMAPI encourage également les collectivités territoriales à mettre en œuvre des solutions innovantes pour concilier la prévention des inondations avec la gestion intégrée des milieux aquatiques. Les solutions fondées sur la nature[12], basée sur l’utilisation d’ouvrages de génie écologique et végétal, complémentaires à des ouvrages de génie civil, peuvent répondre aux enjeux croisés de prévention des inondations et de restauration des milieux[13].C'est dans ce contexte que le projet GEVéMAPI [14]a été initié en 2017 en vue de réaliser un état de l'art de ce type d'ouvrages et de leur plus-value, en particulier en contexte torrentiel. Une expertise sera également menée sur des chantiers récents de génie végétal permettant de stabiliser des berges situés à proximité immédiate de digues de protection sans fragiliser le remblai ou les maçonneries de la digue.
En 2014 les services de l’État ont évalué pour le Comité national de l'eau le coût du seul volet prévention des inondations (coût d’exploitation courant + provision pour renouveler les ouvrages de protection : plus de 300 millions d’euros par an). Il faut y ajouter le coût de gestion restauratoire des milieux aquatiques dont l'évaluation doit s'appuyer sur les missions d'appui technique de bassin (MATB) et les préfets coordonnateurs de bassin[8].
La GEMAPI peut s'appuyer sur des outils existants tels que :
Autour des SAGEs et SDAGE, la planification et la gouvernance du domaine de l’eau, tant pour la gestion des milieux aquatiques que pour la prévention des inondations se réorganise donc partenarialement en France. À la suite des délégations et transferts de la compétence GEMAPI, cette gouvernance sera souvent portée par un EPAGE ou un EPTB, structures qui seront alors qualifiées d'« autorités locales compétentes pour la prévention des inondations ». Les critères de leur délimitation ont été précisés en 2015[18]. Le code de l'environnement a aussi été modifié pour faciliter la reprise en gestion par les nouvelles Autorités locales compétentes en matière de prévention des inondations des digues et autres ouvrages existants utiles à l’exercice de la compétence GEMAPI ;
La GEMAPI doit viser à limiter à restaurer et préserver leurs écosystèmes fragiles tout en assurant au mieux la sécurité des citoyens, nombreux à habiter dans des zones urbanisées en zone inondable ou potentiellement inondable. Or certains fleuves traversent plusieurs régions (Loire par exemple) ou sont transnationaux (Escaut par exemple). Depuis quelques décennies des « plans grands fleuves » notamment financés par des contrats de projets interrégionaux État-régions (CPIER) pour la Seine, le Rhône, la Garonne et la Meuse. Le plus avancé est le « plan Loire grandeur nature » opérationnel depuis 1994. Pour l'Escaut et la Meuse une gouvernance internationale s'exerce déjà via la Commission internationale de l'Escaut (CIE) et la Commission internationale de la Meuse (CIM).
C'est un risque notamment envisagé par un rapport du CEPRI « Les collectivités territoriales face aux risques littoraux » (2016). Ce risque grandit avec la montée de la mer, il devrait d'abord se manifester par des inondations épisodiques et temporaires du littoral et des zones basses de l'arrière pays à la suite d'un débordement des ouvrages de protection (en cas de surcote, de petit tsunami...) ; d’une rupture ou destruction d’un élément protecteur (naturel comme un cordon dunaire ou artificiel comme une écluse ou un ouvrage de protection) ; de franchissements par paquets vagues, avec localement possible avancée du biseau salé dans le sous-sols. Il peut se combiner en hiver au risque d'inondation terrestre quand le haut niveau de la mer ne permet plus de chasser vers l'océan les crues dues aux pluies.
Concernant les zones exposées aux inondations de surcotes, et à la montée de la mer, une Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte a été créé en 2012, à la suite des dégâts de la tempête Xynthia de 2010 (et suivie d’un appel à projets 2013-2015). Cette stratégie doit contribuer « aux objectifs d’adaptation du Plan climat » de la France. Elle incite pour la première fois à un recul stratégique (relocalisation) des activités et des biens menacés quand il est impossible ou trop couteux de les protéger contre la mer et les tempêtes littorales. Elle est pilotée par un « comité de suivi » présidé en 2018 par Stéphane Buchou (député LREM de Vendée)[19].
Il est question en France, dont dans un projet de loi en préparation depuis 2016[20] de permettre à des collectivités et entreprises - « Sur proposition de la collectivité territoriale concernée ou du groupement de collectivités concerné, lorsque la stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte définie à l'article L. 321-15 le prévoit » - de créer des « zones d'activité résiliente et temporaire » (ZART où des constructions, aménagements ou exploitations auraient pu être implantés, déplacés ou utilisés en fonction du risque de recul du trait de côte et peut-on supposer de submersion marine épisodique), ce qui est en contradiction avec la loi Littoral qui protège la plus grande partie du trait de côte et du littoral de nouvelles constructions, hors « dents creuses ». Le projet de loi gelé en 2017[20] était supposé redémarrer début 2018[21].
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