Élève de Jacques-Louis David, il fut l'un des principaux peintres du Premier Empire et de la Restauration. Peintre de cour sous NapoléonIer, puis Premier peintre des rois Louis XVIII et Charles X, Gérard bénéficia d'une grande renommée, non seulement française, mais aussi européenne. Surnommé «le peintre des rois, le roi des peintres», il fut en effet le portraitiste de toutes les familles souveraines européennes. Son salon, un des plus réputés de son temps, accueillit les plus grandes personnalités.
Enfance et premiers succès
François Gérard naît à Rome, en 1770 . Fils de Jean Simon Gérard, intendant du cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis, et de l’Italienne Cléria Mattei, il passe les dix premières années de sa vie dans «la ville éternelle». Il y montre très vite de réelles dispositions pour le dessin.
Jean Simon Gérard, père de François.
Claire Mattéi, mère de François.
En 1782, son père, revenu à Paris avec sa femme et ses trois fils, passe au service de Louis Auguste Le Tonnelier de Breteuil, ministre de la maison du roi, qui fait admettre le jeune François à la Pension du Roi: établissement pour jeunes artistes talentueux. Deux ans plus tard il devient élève d'Augustin Pajou, sculpteur alors très en vogue, puis de Nicolas Guy Brenet, artiste peintre. Fasciné par l'art développé par Jacques-Louis David, le jeune François Gérard rejoint son atelier à partir de 1786, où il a pour camarades Anne-Louis Girodet, Antoine-Jean Gros ou encore François-Xavier Fabre. En 1789, il obtient le second prix de Rome, derrière Anne-Louis Girodet, son ami de jeunesse. Il se représente au concours l'année suivante, mais la mort de son père le contraint à abandonner l'épreuve.
Sa mère désirant retourner vivre à Rome, Gérard part avec toute sa famille dont il a désormais la charge, dans le courant de l'été 1790[1]. Le séjour romain n'est pas long, bientôt la famille Gérard est contrainte de retourner à Paris, pour éviter l’inscription sur la liste des émigrés, et ainsi préserver leur modeste patrimoine.
Sur place, les principaux commanditaires des œuvres artistiques sont mis à mal par la révolution; les peintres se retrouvent bientôt sans commandes. C'est le cas de Gérard. Il perd sa mère en 1793 et doit subvenir aux besoins de ses deux frères et de sa jeune tante, Marguerite Mattei, qu’il a ramenée d’Italie. «Par commodité et afin d'éviter l'éclatement familial, il épouse cette dernière en 1794[2], à Paris[3].»
Grâce à la protection de son maître David, Gérard obtient un logement et un atelier au Louvre, plus la commande d'une série d'illustrations (La Fontaine, Virgile) pour l'éditeur Didot. Pour éviter la conscription militaire, il obtient, toujours par l'intermédiaire de David[réf.souhaitée], un poste de juré au Tribunal révolutionnaire, où il rejoint son collègue le peintre paysagiste Claude-Louis Châtelet[4]. Il y siégera peu, prétextant une maladie. Bien que n'ayant que peu participé aux évènements révolutionnaires, ce passé lui sera notamment reproché au moment de la Restauration, et Gérard devra se défendre des attaques de ses détracteurs, en prouvant qu'il ne faisait pas partie des jurés lors du procès de Marie-Antoinette.
Au sortir de la Révolution, le succès vient rapidement. Au Salon de 1795, Gérard expose un Bélisaire, se plaçant ainsi dans la continuité de son maître David. Mais c'est surtout avec son œuvre Psyché et l'Amour, exposée au Salon de 1798 que Gérard atteint un début de célébrité. Dès lors, les nombreux portraits de la bonne société qu'il réalise lui assurent une réputation plus qu'établie. C'est ainsi à partir des environs de 1800 que l'artiste commence à réunir autour de lui un salon littéraire où la bonne société parisienne aime à venir discuter et jouer.
L'élève de Jacques-Louis David est alors le peintre de la future cour impériale française et l'un des peintres les plus recherchés. Son succès dépasse désormais les frontières et ce sont bientôt les grandes familles régnantes d'Europe qui voudront être immortalisées sous les pinceaux de Gérard[5].
Succès sous le Premier Empire et la Restauration
François Gérard se voit attribuer la commande de la représentation de la bataille d'Austerlitz par l'administration impériale, pour le Salon de 1808. L'œuvre monumentale n'est pas achevée à temps et ne sera exposée que pour le Salon de 1810. L'ouvrage rencontre alors un accueil chaleureux. Par le biais de cette grande peinture d'histoire, Gérard entend bien confronter son talent à celui de son confrère Antoine-Jean Gros, peintre attitré des scènes de batailles napoléoniennes. Longtemps attaché au Louvre, le il est nommé professeur de l'École des beaux-arts de Paris en remplacement de Jean Simon Berthélemy et sera remplacé par Michel Martin Drolling en 1837[6].
L'année suivante () il est élu à l'Institut au fauteuil no8, succédant ainsi au peintre d'histoire Jean Simon Berthélemy. Il est alors le premier élève de David à y faire son entrée. Girodet et Gros seront quant à eux élus en 1816. En tant que peintre de la cour impériale, Gérard peindra le portrait de l'impératrice Marie-Louise après son mariage avec Napoléon, puis celui de leur unique enfant, le roi de Rome.
Sous la Restauration il est nommé Premier peintre du roi en 1817, fonction qu'il exercera sous les règnes de Louis XVIII, et de Charles X. La reconnaissance royale lui vaudra d'être créé baron en 1819[7]. Professeur à l'École des beaux-arts, Gérard n'a formé que peu d'élèves, en comparaison avec son confrère Antoine-Jean Gros. Pour autant, il soutient la nouvelle génération, et notamment les débuts d'Eugène Delacroix. Son œuvre, son salon, ses relations, en feront l'un des personnages les plus influents des milieux intellectuels et artistiques de l'époque.
Vers 1835, sa santé chancelante se détériore rapidement; fragilisé, il s’éteint à Paris, d’une maladie qui l’emporte en quelques jours, au début de 1837, à l’âge de 66 ans. Sa sépulture se trouve au cimetière du Montparnasse à Paris[8].
Dans leur propriété d'Auteuil (Seine), qu'il avait acquise au début du siècle, sa femme tient salon, conservant le domaine jusqu'à sa mort en 1848[9].
Portraits
Bien connues, parce que nombreuses et appréciées, ses peintures de portraits peuvent être admirées pour leur virtuosité, grâce à l’étonnante galerie de réductions (appelées «esquisses») gardées dans l’atelier à Versailles. Sens de la nature, symbole de la silhouette bien détachée dans l’espace, lumière légèrement vaporeuse, ces qualités évoquent Pierre-Paul Prud'hon et l’école anglaise.
Madame Lecerf, cousine de l'artiste (détail), années 1790, Louvre.
Sous l’Empire il devient un portraitiste de la cour: portrait de Madame de Visconti, comtesse Regnaud de Saint-Jean d'Angély (Laure de Bonneuil)… Il a le goût de la matière brillante, de la lumière claire et des glacis: tel est le Portrait de Juliette Récamier de 1805, que l’on peut comparer au tableau de David de 1800. Chez David, la peinture est sobre, sur fond uni, avec une tenue simple du modèle sur un divan à l’antique. Chez Gérard, la robe est plus élaborée avec une évocation en fond de paysage, masqué par une tenture.
La Bataille d'Austerlitz, au traitement presque classique de la bataille dans la tradition du XVIIIesiècle — Il dut soumettre son esquisse à l'empereur;
Entrée de Henri IV à Paris le 22 mars 1594: ce tableau de 1817, qui eut un grand succès, est une commande des Bourbons qui, à la suite de l'expérience napoléonienne, veulent prouver leur légitimité par leur rattachement par le sang à Henri IV.
Au XIXesiècle, on comptait, entre autres: quatre-vingt-sept portraits en pied, plus de deux cents portraits à mi-corps et en buste et près de trente tableaux de genre historique[14].
Aujourd'hui plusieurs centaines d'œuvres sont inventoriées et cataloguées[15].
copie 1811 (171 × 164 cm) conservée aux châteaux de Malmaison et Bois-Préau, Rueil-Malmaison[19],[20]
réduction (32,3 × 24,5 cm) au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon[21]
Portrait de Joachim Murat (1767-1815) représenté en uniforme de hussard, 1801, huile sur toile (215 x 133 cm), musée des châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles[22]
Portrait de Bonaparte premier consul, portrait en buste, 1803, huile sur toile (62 x 53 cm), musée Condé, Chantilly[23]
Plusieurs grands portraits de Maria-Letizia (ou Marie-Laetitia) Ramolino, mère de Napoléon Bonaparte, assise dans un intérieur sont dues à Gérard Le compositeur allemand Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) voit le peintre la fin de l'année 1802 dans son atelier «travaillant au portrait de la mère Bonaparte»[24],[25], mais ne décrit pas le tableau dont il existe trois versions qui présentent de notables différences iconographiques, tant dans la sculpture posée auprès du modèle (une statue de la Fécondité dans la première, un buste de Bonaparte premier consul dans la seconde, enfin un buste en hermès de Napoléon Ier, empereur lauré, qui paraît être inspiré du modèle de Chaudet) que dans la composition du fond (fermé dans la première version, puis ouvert sur la vue d'un palais, sur des arbres dans la dernière) et les variations dans les ornements de la coiffure et la configuration du repose-pieds.
Portrait de Madame Mère, mère de Napoléon, n.d., vers 1802, huile sur toile (210 × 129 cm), collection privée[26]. Cette toile représentant Madame Mère à côté d'une statue allégorique de la Fécondité est supposée être la première version peinte par Gérard, aperçue dans son atelier en 1802.
Portrait de Madame Mère, Maria Laetitia Ramolino Bonaparte, 1750-1836), n.d., c. 1800-1804, huile sur toile (210,8 × 129,8 cm), National Galleries Scotland, Édinbourg, Royaume-Uni[27]. Version avec perspective vers un palais, généralement désigné comme étant celui des Tuileries et buste comparable au Bonaparte premier consul de la République sculpté par Louis-Simon Boizot en 1800.
dont une copie signée et datée Pierre-Edmond Martin, dans l'appartement de Joachim Murat (Joachim Ier, roi de Naples de 1808-1815) au Palais de Caserte, Caserta, Italie[28],[29]
Marie Laetitia Ramolino (1750-1836), n.d., esquisse, huile sur toile (32 x 24 cm), musée des châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles[30]Esquisse de la version au buste d'empereur lauré, les pieds du modèle reposant sur un coussin.
Marie-Laetitia Ramolino, madame Mère, pieds du modèle posés sur un tabouret de pied, à côté d'un buste de Napoléon Ier, empereur lauré, 1803, déposé au musée des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau, Rueil-Malmaison[31]
dont réplique de l'atelier Gérard au musée national du château de Fontainebleau
Portrait de Madame Tallien, 1804, musée Carnavalet, Paris
Madame Charles Maurice de Talleyrand Périgord (1761–1835), vers 1804, huile sur toile (226 × 165 cm), Metropolitan Museum, New York[32]
Portrait d'Hortense, reine de Hollande avec le Prince royal de Hollande, 1807, musée national du château de Fontainebleau
Portrait de Napoléon Ier, 1808
Portrait de l'Impératrice Joséphine en grand costume ou en costume de sacre, 1807-1808, musée national du château de Fontainebleau[35]
Portrait de Stéphanie de Beauharnais (1789-1860), grande-duchesse de Bade, 1808 (31 x 21 cm), musée des châteaux de Versailles et Trianon, Versailles[36]
Portrait de Caroline Murat entourée de ses enfants, 1808-1810, musée national du château de Fontainebleau
Portrait de jeune femme, anciennement Portrait de Désirée Clary, vers 1810, huile sur toile (63 × 52 cm), musée Marmottan, Paris[39]
Portrait de Marie Laczynska, comtesse Walewska puis comtesse d'Ornano, vers 1811-1812, Paris, musée de l'Armée
Portrait de Joachim Napoléon Murat (1767-1815), roi de Naples et des deux Siciles, 1811-1812, huile sur toile (243 × 163,5 cm), collection particulière, Paris
Portrait de Joachim Murat, grand duc de Cleves et de Berg, roi de Naples (1767-1815), 1812, huile sur toile, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon[40]
Portrait de l'impératrice Marie-Louise (1791-1847) présentant le roi de Rome, 1812, musée national des châteaux de Versailles et du Trianon
Portrait de Constance Ossolinska Lubienska, 1814, Paris, musée du Louvre
Portrait de Louis XVIII, 1814. Musée de Versailles, Château d'Ambleville, Château d'Ambleville
Portrait de la duchesse d'Orléans, 1817, musée Condé
Portrait de Caroline des Deux-Siciles, duchesse de Berry et ses deux enfants devant le Château de Rosny, 1820, huile sur toile (40 x 30 cm), musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles[41]
Portrait de Louis-Philippe, 1823, musée du château de Versailles
Portrait de Tommaso Sgricci, 1824, Modène, musée d’art médiéval et moderne
Le Sacre de Charles X, à Reims, , vers 1827, exposé au salon Carré en 1829 (hors salon), huile sur toile, 514 × 972 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, grand tableau conservé roulé[45],[46];
Dont réplique réduite, 1830-1831, huile sur toile, 175 × 330 cm, Palais du Tau, Reims[47];
Achille jurant de venger la mort de Patrocle, musée des Beaux-Arts de Caen (laissé inachevé à la mort de l'artiste, œuvre détruite)[48];
La Reconnaissance du Duc d'Anjou pour devenir le Roi Philippe V d'Espagne, château de Chambord;
Hylas et la Nymphe, 1826, huile sur toile, Bayeux, musée d'art et d'histoire Baron-Gérard (MAHB)
Jésus descendant sur la terre et dissipant les ténèbres Dit aussi Le Sauveur du monde,1836-1837, huile sur toile, 260 x 163,5 cm, musée des Beaux-Arts d'Orléans[49]
Compositions murales
Allégories La Mort, La Patrie, La Gloire, La Justice, achevés en 1837, pendentifs de la coupole du Panthéon, Paris
Dessins
Homme tenant un bouclier du bras gauche, pierre noire et estompe sur papier beige (h. 0,600; l. 0,456 m)[50]. Paris, Beaux-Arts de Paris[51]. Élève de Brenet, avec cette figure d'homme au bouclier, il remporta une 3e médaille au prix de quartier de l'Académie en juillet 1785. L'étude attentive de l'anatomie musculaire, le fond abstrait, le côté narratif de la composition et l'expression du visage illustrent parfaitement la pratique réformée du dessin, telle que la concevait Brenet.
On compte plus de soixante gravures exécutées (vingt-et-une d'après tableaux et quarante d'après dessins), répertoriées en 1886 par Henri Gérard, son neveu.
François Gérard et Marguerite Mattei n’auront pas d’enfants. Son neveu, Henri Gérard, son seul héritier —plus tard député du Calvados— sera alors autorisé à reprendre le titre de baron.
Michel Biard (dir.), «Terminée la Révolution…», nohors-série du Bulletin des amis du vieux Calais, 2002, p. 166, texte et n. 9 (SUDOC06165311X):
«D'après les recherches de Dowd, il y aurait eu trois peintres au comité de surveillance du département de Paris […]; et huit au Tribunal révolutionnaire: Châtelet, François Gérard […].»
Julien Coudert, «La commande royale dans l'œuvre du baron François Gérard (1770-1837), Premier peintre du roi sous la Restauration (1814-1830)», cf. Bibliographie.
Gaïté Dugnat et Pierre Sanchez, Dictionnaire des graveurs, illustrateurs et affichistes français et étrangers..., L'Échelle de Jacob, Dijon, 2001; article «GÉRARD».
Henri Gérard, 1886, (voir Bibliographie), T. 2, p.395 pour un inventaire d'époque; Collections des musées de France, catalogue JOCONDE: Requête: 'GERARD BARON'
Christophe Marcheteau de Quinçay, «Les fantômes du musée (II), Achille jurant de venger la mort de Patrocle, du baron François Gérard (1770-1837)», Cahiers du musée des Beaux-Arts de Caen, n° 2, 2012, p. 22-35.
Adolphe Viollet-le-Duc, «Notice sur la vie et les œuvres de François Gérard», dans Correspondance de François Gérard, peintre d'histoire avec les artistes et les personnages célèbres de son temps publiée par M. Henri Gérard, son neveu, Paris, 1867
Henri Gérard, Lettres adressées au baron François Gérard, peintre d'histoire…, Paris, Quantin, 1886, 2e éd., 2 vol.
Élodie Lerner, «François Gérard (1770-1837) ou l'opportunité d'une belle carrière sous le règne de Napoléon IER», Napoleonica. La Revue, Paris, La Fondation Napoléon, no1, , p.101-119 (DOIhttps://doi.org/10.3917/napo.081.0004, lire en ligne).
Christophe Marcheteau de Quinçay, «Les fantômes du musée (II), Achille jurant de venger la mort de Patrocle du baron François Gérard (1770-1837)», Cahiers du musée des Beaux-Arts de Caen et des Amis des musées de Basse-Normandie, no2, Caen, 2012, p.22-35
Julien Coudert, «La commande royale dans l'œuvre du baron François Gérard (1770-1837), Premier peintre du roi sous la Restauration (1814-1830)», mémoire universitaire, université François-Rabelais, Tours, 2013, 153 p.
Xavier Salmon, Peintre des rois, roi des peintres: François Gérard (1770-1837) portraitiste, Paris, Réunion des musées nationaux, 2014 (catalogue de l'exposition au château de Fontainebleau, -)
Lucie Lachenal, «François Gérard et la critique d'art pendant la Restauration» dans Lucie Lachenal, Catherine Méneux (éd.): La Critique d'art de la Révolution à la monarchie de Juillet, actes du colloque organisé à Paris le , Paris, site de l'HiCCSA (en ligne)