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un outil permettant de suivre systématiquement des données définies localement et rattachées aux ouverts d'un espace topologique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
En mathématiques, un faisceau est un outil permettant de suivre systématiquement des données définies localement et rattachées aux ouverts d'un espace topologique. Les données peuvent être restreintes à des ouverts plus petits, et les données correspondantes à un ouvert sont équivalentes à l'ensemble des données compatibles correspondantes aux ouverts plus petits couvrant l'ouvert d'origine. Par exemple, de telles données peuvent consister en des anneaux de fonctions réelles continues ou lisses définies sur chaque ouvert.
En géométrie, aussi bien d'ailleurs en géométrie algébrique qu'en géométrie différentielle, la notion de faisceau est une généralisation de celle d'ensemble des sections d'un fibré vectoriel. Dans ce cadre, la base du fibré est une variété algébrique ou une variété différentielle.
Les faisceaux ont été introduits par Jean Leray en topologie algébrique lorsqu'il était en captivité durant la Seconde Guerre mondiale[1]. Sous l'impulsion, notamment, d'Henri Cartan[2], de Jean-Pierre Serre[3] et d'Alexandre Grothendieck[4],[5] (à qui on doit le terme préfaisceau), les faisceaux ont pris par la suite une importance considérable dans de nombreux domaines des mathématiques où l'on cherche à passer, pour un problème donné, d'une solution locale à une solution globale. Les obstructions à un tel passage s'étudient grâce à la cohomologie des faisceaux.
Définition d'un préfaisceau — Soit X un espace topologique et une catégorie. Un préfaisceau d'objets sur X est la donnée de :
tels que :
est appelé objet des sections globales.
De façon équivalente[6], on peut définir un préfaisceau comme un foncteur contravariant de la catégorie des ouverts de X (avec les inclusions comme morphismes) dans .
Les préfaisceaux les plus courants sont à valeurs dans des catégories concrètes (catégories des ensembles, groupes, anneaux, espaces vectoriels, algèbres, modules, espaces topologiques, groupes topologiques, etc.). Dans ce cas, pour tous ouverts V ⊂ U, on note :
et un élément s'appelle une section de au-dessus de U. On écrit au lieu de .
Les exemples ci-dessus de préfaisceaux sont des faisceaux (voir infra).
Les préfaisceaux sur un ensemble X peuvent être considérés comme des objets d'une catégorie, dont les flèches sont définies comme suit.
Définition d'un morphisme de préfaisceaux et d'un morphisme de faisceaux — Étant donné deux préfaisceaux et sur un même espace topologique X, un morphisme de préfaisceaux est la donnée d'une famille de morphismes pour tout ouvert U, telle que, pour toute section s de sur U on ait :
Un morphisme de faisceaux (voir infra) est un morphisme de préfaisceaux entre deux faisceaux.
Soit un préfaisceau sur X à valeurs dans une catégorie qui admet des limites inductives. La fibre (EGA, 0.3.1.6) (terminologie anglaise : « stalk », tige) de en un point x de X est par définition l'objet de limite inductive
la limite étant prise sur tous les ouverts contenant x, la relation d'ordre sur ces ouverts étant l'inclusion , et les morphismes de transition étant les morphismes de restriction .
Lorsque est une catégorie concrète, l'image canonique d'une section s dans est le germe de s au point x, noté sx.
Remarque. Certains auteurs appellent germe de en un point x ce qui est appelé ci-dessus la fibre de en ce point.
Reprenons l'exemple des fonctions sur une variété différentielle X. La propriété de ces fonctions d'être indéfiniment différentiables est locale. Il est donc possible de « recoller » des fonctions coïncidant sur les intersections de leur domaine de définition (y compris lorsque cette partie est vide) en une fonction globale. Il en irait de même pour des fonctions continues ou plus généralement de classe . Il en va de même, bien que ce soit moins évident, pour des distributions sur une variété différentielle paracompacte de dimension finie, ou pour des fonctions analytiques ou des hyperfonctions sur une variété analytique réelle paracompacte de dimension finie. C'est cette propriété qu'on souhaite ici généraliser à partir de la notion de préfaisceau.
Condition pour qu'un préfaisceau d'ensembles soit un faisceau — Un préfaisceau d'ensembles sur X est appelé faisceau lorsque pour tout ouvert V de X, réunion d'une famille d'ouverts , et pour toute famille de sections de sur les ouverts , vérifiant :
il existe une unique section s de sur V telle que : .
Comme la famille vide constitue un recouvrement de l'ouvert vide, la condition ci-dessus entraîne que est un singleton .
On définit de même, sur un espace topologique X, un faisceau de groupes (resp. de groupes abéliens, d'anneaux, etc.) comme étant un préfaisceau de base X à valeurs dans la catégorie des groupes (resp. des groupes abéliens, des anneaux, etc.) qui vérifie la condition ci-dessus.
Examinons maintenant le cas d'un faisceau sur X à valeurs, de manière générale, dans une catégorie (EGA, 0.3.1) :
Définition générale d'un faisceau —
Un préfaisceau sur X à valeurs dans une catégorie est appelé faisceau si la condition suivante est vérifiée :
Pour tout objet de , est un faisceau d'ensembles.
Voyons quelques exemples fondamentaux.
Soit un faisceau d'anneaux sur un espace topologique X. On appelle -module à gauche un faisceau d'ensembles de base X muni de la structure suivante : pour tout ouvert U, on se donne sur une structure de module à gauche sur l'anneau , de telle sorte que l'application de restriction () soit un homomorphisme de modules compatible avec l'homomorphisme d'anneaux . Pour tout , par passage à la limite inductive sur les ouverts décroissants , la fibre est un -module à gauche, et la donnée de ces fibres pour tout , avec la structure de -module à gauche qui vient d'être précisée, équivaut à celle du -Module à gauche .
Soit la catégorie des groupes topologiques (avec pour morphismes les homomorphismes continus). Un faisceau sur X à valeurs dans est un faisceau de groupes tel que, pour tout ouvert U et tout recouvrement de U par des ouverts , la topologie du groupe soit la moins fine rendant continues les restrictions . Un morphisme de faisceaux de groupes topologiques est un morphisme de faisceaux de groupes tel que pour tout ouvert U, est continu (EGA, 0.3.1.4).
On définirait de même un faisceau d'anneaux topologiques ou un faisceau de modules topologiques sur un faisceau d'anneaux topologiques.
Dans la définition ci-dessus, le faisceau est un foncteur d'un type particulier de la catégorie des ouverts d'un espace topologique dans une catégorie . On peut envisager un cas plus général : soit une « petite catégorie » (c.-à-d. une catégorie dont la classe des objets est un ensemble) admettant des produits fibrés, et une catégorie. Un préfaisceau sur à valeurs dans est, de manière générale, un foncteur contravariant de vers . On peut munir d'une structure appelée « topologie de Grothendieck »[7]. Cela consiste à définir pour tout objet U de des « familles couvrantes » de U, à savoir des familles de morphismes qui ont des propriétés analogues au recouvrement d'un ouvert U d'un espace topologique X par une famille d'ouverts , les morphismes, dans ce cas, étant les inclusions. La catégorie , munie d'une topologie de Grothendieck, s'appelle un site. Un faisceau sur le site à valeurs dans se définit à partir de la notion de préfaisceau en raisonnant, mutatis mutandis, comme si était un espace topologique habituel[8], une intersection de parties ouvertes étant remplacée par le produit fibré. On appelle topos toute catégorie équivalente à la catégorie des faisceaux d'ensembles sur un site. La notion de topos généralise celle d'espace topologique. Il existe toutefois nombre d'exemples qui n'ont pas de rapport avec la topologie : si G est un groupe, la catégorie des ensembles sur lesquels G opère est un topos ; le « topos ponctuel », c.-à-d. la catégorie des faisceaux sur l’espace réduit à un point, n’est autre que la catégorie des ensembles[9].
Soit X un objet de . Le foncteur représentable est, d'après ce qui précède, un préfaisceau, dit « représenté par X ». Le foncteur covariant canonique , de la catégorie dans la catégorie des faisceaux d'ensembles sur , est pleinement fidèle[10], et permet donc d'identifier X avec le préfaisceau , ainsi que la catégorie avec la catégorie des préfaisceaux sur . La « topologie canonique » sur se définit comme étant la topologie (de Grothendieck) la plus fine (c.-à-d. celle qui a le plus de familles couvrantes) pour laquelle les foncteurs représentables sont des faisceaux ; en choisissant sur une topologie (de Grothendieck) moins fine que la topologie canonique, on peut donc identifier le site avec son topos[9].
Soit X un espace topologique. On appelle espace étalé de base[11] X un couple (E, p) où E est un espace topologique et p est un homéomorphisme local de E dans X (c.-à-d. tout point de X appartient à un ouvert que p applique homéomorphiquement sur un ouvert). Pour tout sous-ensemble S de X, on appelle section de (E, p) au-dessus de S une application continue telle que pour tout . Soit, pour tout ouvert U, l'ensemble des sections de (E, p) au-dessus de U. Alors (muni des morphismes de restriction aux ouverts des applications ) est un faisceau d'ensembles de base X, appelé faisceau des sections de l'espace étalé (E, p). On montre le résultat suivant[6] :
Théorème — Tout faisceau d'ensembles de base X est isomorphe au faisceau des sections d'un espace étalé, unique à un isomorphisme près.
On peut identifier le faisceau d'ensembles et l'espace étalé (E, p), ce qui explique pourquoi de nombreux auteurs définissent un faisceau comme étant un espace topologique vérifiant les conditions idoines (c'est le point de vue dû à Michel Lazard[2] ; celui présenté ci-dessus a été développé ultérieurement par Grothendieck[4],[5]).
Soit un préfaisceau. On appelle faisceau associé au préfaisceau un faisceau muni d'un morphisme de préfaisceaux possédant la propriété universelle suivante : pour tout morphisme dans un faisceau, il existe un unique morphisme tel que . Le faisceau associé, s'il existe, est unique. Dans le cas des préfaisceaux à valeurs dans une catégorie où la limite inductive existe (par exemple les catégories des ensembles, des groupes, des anneaux, des algèbres sur un anneau, des modules sur un anneau etc.), le faisceau associé existe. Le morphisme induit un isomorphisme des fibres .
Le faisceau se construit explicitement de la manière suivante dans le cas où le préfaisceau , défini sur l'espace topologique X, est à valeurs dans une catégorie concrète où la limite inductive existe : pour tout ouvert U de X, soit l'ensemble des fonctions s' de U dans la réunion disjointe tel que pour tout et il existe un voisinage ouvert V de x, , et tels que pour tout . Alors est le faisceau associé à . Pour des raisons évidentes, il est également appelé le faisceau des sections de . Si est un faisceau, le morphisme est un isomorphisme.
Soit X un espace topologique métrisable, S une partie de X, et un faisceau de base X. L'ensemble des sections de au-dessus de S se définit par
c.-à-d. une section de au-dessus de S est un germe de section définie dans un voisinage ouvert de S.
On définit comme suit le faisceau induit sur S, noté : pour tout sous-ensemble V de S, relativement ouvert par rapport à S, l'ensemble de ses sections au-dessus de V coïncide avec .
Soit une application continue entre deux espaces topologiques. Soit un préfaisceau sur . Son image directe par est le préfaisceau qui à tout ouvert de associe , les applications de restrictions sont évidentes. Si est un faisceau, il en est de même pour .
La construction de l'image inverse est plus délicate. Soit un préfaisceau sur , à valeurs dans une catégorie où la limite inductive existe. À tout ouvert de , on associe la limite inductive des lorsque W parcourt l'ensemble des ouverts de Y contenant . Lorsque est un faisceau, ce procédé ne donne pas un faisceau en général et est alors par définition le faisceau associé à ce préfaisceau.
Les constructions d'image directe et d'image inverse sont adjointes dans le sens suivant : Soient , des faisceaux sur , respectivement. Alors on a une bijection canonique entre et .
Un morphisme de faisceaux sur est injectif si est injectif pour tout ouvert de . Il est surjectif si les morphismes de fibres sont surjectifs. Les morphismes injectifs sont exactement les monomorphismes dans la catégorie des faisceaux sur , et les morphismes surjectifs sont exactement les épimorphismes dans cette catégorie.
Soit un morphisme de faisceaux de groupes abéliens (resp. de -Modules à gauche, où est un faisceau d'anneaux de base X) sur un espace topologique .
La catégorie des faisceaux de groupes abéliens (resp. des -Modules à gauche) sur X est une catégorie abélienne, et on a la suite exacte
est exact, d'où l'exactitude de la suite
Soit un faisceau d'anneaux sur un espace topologiques X et , deux -Modules à gauche sur X. Le préfaisceau
est un faisceau de groupes abéliens noté , et appelé faisceau des germes d'homomorphismes de dans . Pour tout , on a
Soit . Le germe est représenté par, disons, , où U est un voisinage ouvert de x. Puisque , induit un morphisme de fibres . Par conséquent, il existe une application canonique
qui n'est ni injective ni surjective en général (elle est bijective si est un « faisceau cohérent »[3]).
Soit un faisceau d'anneaux sur un espace topologiques X, un -Module à droite et un -Module à gauche. On appelle produit tensoriel de et le faisceau de groupes abéliens noté engendré par le préfaisceau . La fibre de ce faisceau au point est le groupe abélien
Nous présentons ci-dessous trois types de faisceaux : les faisceaux flasques et les faisceaux mous, introduits par Godement[6] et la notion (introduite antérieurement par Henri Cartan[12]) de faisceau fin.
Soit X une variété différentielle paracompacte de dimension n. Les faisceaux de groupes abéliens de base X suivants sont mous: le faisceau des germes de fonctions continues sur X, le faisceau des germes de fonctions indéfiniment dérivables sur X, le faisceau des germes de distributions sur X. En revanche, ces faisceaux ne sont pas flasques[13].
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