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méthode de médecine légale visant à estimer un décès De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La datation des cadavres est une des thématiques de la médecine légale. De telles méthodes de datation se basant sur les signes biologiques de la mort ne peuvent qu'estimer la date à partir de laquelle la décomposition d'un corps a commencé.
L’état de la mort semble ne pas avoir été très bien cerné par la législation. Si tout le monde reconnaît que la mort se caractérise par une décomposition du corps, il est des états menant irrémédiablement à cette décomposition sans que la décomposition soit installée ; c'est par exemple le cas de la mort cérébrale, l'activité cardiaque étant présente. Se posent alors des questions morales, voire religieuses : une personne dans cet état doit-elle être considérée comme morte, ce qui permet par exemple le prélèvement d'organe, ou bien doit-elle être considérée comme vivante, donc maintenue en vie de manière artificielle ?
La datation d'un cadavre ne peut estimer que la date à partir de laquelle la décomposition commence.
En France, la médecine légale a donné une définition de la mort permettant de trancher la question. Cette définition est d’une part une définition basée sur la constatation de l'absence des fonctions vitales : un individu est mort s’il ne présente pas de signes de vie apparents comme la respiration, la circulation sanguine, l’activité cérébrale. C'est l'arrêt des fonctions vitales. D’autre part on trouve une définition qui complète la précédente, basée sur la constatation de signes de morbidité : un individu est mort s’il possède au niveau de son phénotype macroscopique des signes dit positifs de la mort. Ces signes sont tardifs, mais leur présence atteste d’une manière irréfutable la mort.
Le sujet est tout autant délicat que la mort ne survient pas de manière généralisée sur l’ensemble du corps. Tous les organes ne meurent pas en même temps et tout dépend du « type de décès » : lors d’un arrêt cardiaque, les organes ne meurent pas dans le même ordre que dans le cas d’un accident de voiture ayant entraîné un traumatisme crânien irréversible. Il est important de préciser que l’on distingue plusieurs types de mort : la mort cérébrale, la mort cellulaire, la mort de l’organe, la mort de l’organisme. Toutefois la constatation du décès d’un individu n’est parfois pas suffisante. On pense notamment à la constatation de décès dans le cadre d’une enquête policière. Il est nécessaire de savoir estimer l'heure du décès de la victime pour pouvoir apporter des preuves de la mise en cause ou de l’innocence du suspect. La police criminelle et la médecine légale collaborent ainsi entre elles. L’objectif de cet article sera de définir comment on peut dater le décès alors que le passage à un état létal n’est pas clairement défini. On étudiera les différentes méthodes de datation selon une chronologie en deux étapes :
Après le décès, l’arrêt des phénomènes d’homéothermie entraîne une égalisation progressive de la température du corps avec celle de son environnement (dans les pays tempérés il s’agira donc le plus souvent d’un refroidissement). Bien que ce phénomène soit connu de longue date, son intérêt potentiel dans le champ de la médecine légale n’a été identifié que vers le milieu du XIXe siècle. Le principal intérêt du refroidissement en tant que marqueur du délai post-mortem est qu’il s’agit d’un phénomène aisément quantifiable, à la différence des autres marqueurs cadavériques.
Sous les climats tempérés, la température de la peau rejoint celle du milieu environnant en 8 à 12 heures en moyenne mais la température centrale du cadavre nécessite pour ce faire un délai deux à trois fois plus important. Ces constatations ont mené à un certain nombre de simplifications abusives selon lesquelles :
Ces simplifications reposaient sur l’idée que le refroidissement cadavérique pouvait être une fonction linéaire du temps. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien.
Une deuxième approche consiste à utiliser les lois de la conduction thermique et de supposer que le flux thermique est proportionnel à la différence de température entre le corps et l'air ambiant. Cette approche permet alors de modéliser la baisse de température par une fonction exponentielle :
Cependant cette modélisation n'apparait pas satisfaisante confrontée à la réalité de l'expérience. En effet, on note, sans pouvoir l'expliquer, que la baisse de température s'effectue en trois phases :
Le docteur Claus Henssge, professeur de médecine légale à l'université de Essen (Allemagne) a cherché à modéliser la décroissance thermique sous la forme d'une fonction de sommes d'exponentielle variable selon la masse de l'individu. Il propose alors la modélisation suivante :
où k est un paramètre dépendant de la masse M (en kg) de l'individu :
L'observation de ces deux fonctions permet de remarquer que
Comme un médecin légiste n'a pas toujours sous la main une calculatrice scientifique pour déterminer t en fonction de T, Claus Hengsse a créé un système d'abaque permettant de déterminer, en fonction de la température du corps, de la température ambiante et de la masse de l'individu, le temps probable de la mort. C'est le Nomogramme de Henssge.
À la valeur trouvée par le Nomogramme de Henssge, il faudra appliquer des facteurs correctifs en tenant compte du fait que l’évolution de la température dépend de nombreux facteurs tels que :
Sur le lieu d'un décès, il est essentiel de mesurer la température centrale du cadavre aussi bien que celle de l’environnement (c’est-à-dire la température de l’air ambiant). Les deux mesures doivent être réalisées au même moment avec le même instrument, et l’heure de la mesure doit être notée avec précision. Presque toujours, la température du cadavre sera mesurée au niveau rectal tout en sachant que ce site anatomique peut présenter des problèmes lorsque la victime a pu faire l’objet de violences sexuelles. La prise de température ne doit jamais être effectuée avec un thermomètre médical, car sa gamme de températures est trop restreinte, l’instrument de référence étant le thermomètre électronique à thermocouple, de grande précision et équipé d’une sonde de pénétration souple ou rigide. Cette dernière doit être introduite d’au moins 10 à 15 cm dans le rectum du cadavre pour obtenir une bonne estimation de la température centrale. Lorsqu'elle est mesurée dans des conditions appropriées, la température du corps doit être considérée comme l’un des meilleurs estimateurs du délai post mortem pendant les 24 premières heures.
Cette technique présente cependant un certain nombre de limitations :
La détermination du délai post-mortem par la méthode thermométrique peut d’autre part être biaisée par un certain nombre de facteurs interférents d’origine endogène (cadavérique) ou exogène (environnementale). Les principaux de ces facteurs sont :
La méthode la plus pratique pour estimer un délai post-mortem par la méthode thermométrique consiste à utiliser le Nomogramme de Henssge. Mais la modélisation précédente ne joue que pour un corps nu dans un air calme. Il est donc souvent nécessaire de faire intervenir des éléments de corrections qui réduisent ou accélèrent le refroidissement d'un facteur « Cf ». Si « Cf » est supérieur à 1, le corps se refroidit plus lentement. Un facteur Cf inférieur à 1 indique que le corps se refroidira plus vite.
Il faut cependant prendre conscience que ce calcul ne peut être qu'une estimation. le Nomogramme de Hengsse ne propose pas une durée fixe mais une fourchette d'estimation.
De nombreux auteurs ont proposé des solutions alternatives pour améliorer la précision de cette technique :
Ces méthodes ont en commun d'être difficiles à mettre en œuvre en routine sur une scène de décès ; en outre aucune d'entre elles n'a véritablement fait la preuve de sa supériorité par rapport à la méthode thermométrique de référence.
On retrouve un corps dans une mare. Celui-ci pèse 80 kg et sa température rectale est de 20 °C. À l'aide de données météorologiques, on détermine la température moyenne des quinze derniers jours : on obtient, pour la température de l'eau, . Sur le Nomogramme, on lit 22.5 heures pour l'estimation, puis on applique le facteur correctif : étant donné que le corps a été retrouvé dans de l'eau stagnante, il faut multiplier le délai estimé par 0,5.
On obtient donc heures. La fourchette de fiabilité à 95 % est, dans ce cas précis, de + ou - 4,5 heures. ce qui place la date de la mort entre 6.75 heures et 15,75 heures plus tôt.
La rigidité cadavérique (ou rigor mortis) est un raidissement progressif de la musculature causé par des transformations biochimiques irréversibles affectant les fibres musculaires au cours de la phase post-mortem précoce. Cet état disparaît habituellement lorsqu'apparaît la putréfaction, c'est-à-dire au bout de deux à quatre jours selon les circonstances.
La rigidité se caractérise par une perte d'élasticité des tissus, et notamment des muscles, causée par la coagulation de la myosine, une protéine qui y est présente.
Plus précisément, elle est due à l’arrêt des pompes ATPasiques par SERCA (donc de l'approvisionnement des cellules en énergie) qui entraîne une accumulation des ions calcium Ca2+ dans le réticulum endoplasmique des cellules musculaires; ce dernier étant appelé réticulum sarcoplasmique. Par le biais de cette altération et par la perte de l’étanchéité du réticulum endoplasmique, la concentration cytoplasmique du Ca2+ augmente. Sous l'action de cet ion, des ponts entre les filaments d’actine et de myosine se forment ce qui entraîne l'immobilisation du muscle.
La disparition de la rigidité est en rapport avec l’autolyse et la putréfaction qui détruisent la structure des filaments d’actine et de myosine ainsi que les liaisons qui les unissent.
La rigidité cadavérique affecte l’ensemble des muscles de l’organisme : elle débute à la nuque puis suit une marche descendante vers les membres inférieurs, comme l'indique la loi de Nysten. En effet, elle touche d’abord les petits muscles situés en haut du corps puis les muscles plus importants (en particulier les membres inférieurs), où elle prédomine, ce qui explique cette marche descendante.
En cas de rupture artificielle, par exemple un déplacement du cadavre, intervenant moins de 8 à 12 heures après la mort, la rigidité peut réapparaître ; ce n’est pas le cas lorsque la rupture intervient au-delà de ce délai (associée à d'autres méthodes de datation, cette considération permet par exemple de constater que le cadavre a été déplacé). Cette chronologie n’est qu’indicative et en réalité on observe des variations interindividuelles considérables en fonction de la température ambiante (comme tous les phénomènes cadavériques, la rigidité est d’autant plus rapide que la température ambiante est élevée et inversement), d’une éventuelle activité musculaire intense avant la mort, de l’importance de la musculature du sujet et de la cause de la mort :
La rigidité cadavérique présente d'autres limitations :
Pour ces différentes raisons, la rigidité cadavérique ne doit jamais être utilisée isolément pour tenter de déterminer le délai post-mortem mais doit être exploitée à la lumière d'autres méthodes de datation.
Les lividités cadavériques (ou livor mortis) sont une coloration rouge à violacée de la peau liée à un déplacement passif de la masse sanguine vers les parties déclives du cadavre, qui débute dès l'arrêt de l'écoulement du sang.
Le processus d'apparition des lividités cadavériques débute dès la mort de l'individu. En effet :
Les lividités cadavériques se répartissent de manière caractéristique sur le cadavre :
La vitesse de formation des lividités est variable. De manière générale :
Par ailleurs, la mobilité des lividités est également intéressante :
Dans les affaires criminelles, les lividités peuvent donc indiquer un éventuel changement de position du cadavre, si leur emplacement constaté ne correspond pas à celui attendu. La teinte des lividités cadavériques peut donner des renseignements sur la cause de la mort. Des lividités de teinte rouge-carmin sont typiques d’une intoxication au monoxyde de carbone (), alors que des lividités cyanosées orientent généralement vers une cause asphyxique ou vers un décès secondaire dû à une pathologie cardiaque ou pulmonaire.
L’utilisation du dosage du potassium contenu dans l’humeur vitrée de l'œil date de plus de 25 ans. C’est une méthode utile mais qui, à elle seule, n’est guère plus précise que les signes cliniques. Cette méthode repose sur le principe suivant : lorsque l'organisme cesse son activité, les cellules de la paroi perdent leur semi-perméabilité et par conséquent libèrent une partie des ions qu'elles contiennent (notamment le potassium). Et plus le temps s'écoule plus la teneur en potassium augmente. Il ne peut pas y avoir de contamination possible par l'humeur vitrée, car celle-ci pour être translucide ne doit contenir que très peu d'ions. L'avantage essentiel de cette méthode est qu’elle est utilisable pendant quelques jours (jusqu'à une semaine) alors que les méthodes non biologiques ne le sont que pendant 24 à 48 heures maximum.
Les scientifiques ont pu établir, la formule suivante basée sur plus de 200 étalonnages :
entre 18 et 20 °C,
étant le délai post-mortem exprimé en heures et la concentration de potassium dans l'humeur vitrée en . Cette formule est relativement imprécise, puisque son écart type atteint 9 heures. Cependant elle est assez simple à appliquer puisqu'il s'agit d'une fonction affine de la concentration en potassium. Il est préférable de disposer des résultats d'un étalonnage effectué en laboratoire, afin d'avoir une estimation du délai post-mortem plus précise que celle donnée par la formule. Dans des conditions expérimentales, l’écart type est plus faible. Le potassium provenant de la lyse cellulaire n’a pas un accroissement linéaire. La température est un facteur très important puisque le froid ralentit considérablement l’augmentation de la quantité de potassium présente dans l'humeur vitrée.
La putréfaction est la décomposition des tissus organiques sous l’influence prépondérante des bactéries hébergées par l’individu, surtout celles de la flore intestinale, ensuite des mycètes saprophytes et des bactéries minéralisantes qui envahissent le cadavre.
La putréfaction débute par :
Les divers mycètes se succèdent en groupes déterminés et cette flore se modifie suivant les altérations progressives du substrat qui constitue ainsi, à une époque donnée, un habitat d’élection pour certaines espèces de mycètes et pas pour d’autres. Il existe trois vagues successives :
La putréfaction du cadavre due aux bactéries et aux mycètes saprophytes accentue l’altération amorcée par l’autolyse des déchets que les bactéries minéralisantes feront rentrer dans le cycle des déchets de la biosphère. Toutes ces modifications post-mortem et leur succession sont accélérées ou retardées par de nombreux facteurs :
L'examen du cadavre seul ne permet que trop rarement une datation précise. C'est pourquoi l'étude des insectes nécrophages s'est avérée indispensable à la résolution de certaines affaires. En effet, ces insectes arrivent par « vagues », faciles à représenter sur échelle de temps, qu'a très bien décrites le vétérinaire Jean Pierre Mégnin (1828-1905), qui publia en 1894 La faune des cadavres. Dans cet ouvrage, il décrit les huit vagues d’insectes qui se succèdent sur les cadavres en décomposition et dont l’étude permet de dater précisément la mort[1].
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