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L'analyse fractionnaire est une branche de l'analyse mathématique qui étudie la possibilité de définir des puissances non entières des opérateurs de dérivation et d'intégration.
Ces dérivées ou intégrations fractionnaires entrent dans le cadre plus général des opérateurs pseudo-différentiels.
Par exemple, on peut se demander comment interpréter convenablement la racine carrée de l'opérateur de dérivation
c'est-à-dire une expression d'un certain opérateur qui, lorsqu'elle est appliquée deux fois à une fonction, aura le même effet que la dérivation. Plus généralement, on peut examiner le problème de définir
pour des valeurs réelles de α, de telle sorte que lorsque α prend une valeur entière n, on récupère la dérivation n-ième usuelle pour n > 0 ou l'intégration itérée |n| fois pour n < 0. Le terme « fractionnaire » est utilisé de façon impropre : α n'est pas nécessairement un nombre rationnel, et l'on devrait donc plutôt parler de dérivation non entière. Cependant, le terme « analyse fractionnaire » est devenu traditionnel.
Les dérivées fractionnaires sont utilisées par exemple dans certains domaines de la physique faisant intervenir des phénomènes de diffusion comme l'électromagnétisme, l'acoustique ou la thermique, en définissant des opérateurs pseudo-différentiels diffusifs, avec conditions de bord à « géométrie fractale ».
Les fondations de ce sujet ont été jetées par Liouville dans un article de 1832[1],[2],[3]. La dérivée fractionnaire d'ordre α d'une fonction en un point x est désormais souvent définie à partir de la transformée de Fourier ou de la transformée de Laplace.
Un point important est que la dérivée fractionnaire d'une fonction en un point x est une propriété locale seulement lorsque l'ordre α est entier ; dans les autres cas, on ne peut plus dire que la dérivée fractionnaire d'une fonction f en x ne dépend que du graphe de f au voisinage de x, comme c'est le cas en ce qui concerne les ordres de dérivation entiers.
Pour illustrer ceci, introduisons l'opérateur « de translation » et l'opérateur identité . La limite, lorsque h tend vers 0, de l'opérateur
correspond bien à l'opérateur de dérivation au premier ordre.
Grâce à la formule du binôme généralisée, on peut alors élever cet opérateur à une puissance non entière. On obtient ainsi une série infinie :
où désigne le coefficient binomial généralisé .
Une telle définition induit un caractère non local de l'opération de dérivation à un ordre non entier.
Une question naturelle qui se pose est : existe-t-il un opérateur linéaire H tel que
Il apparaît qu'il existe un tel opérateur et même, pour tout α > 0 rationnel, il existe un opérateur P tel que (plus précisément, si α = p/q, ) ou, pour le formuler autrement, que est défini pour toutes valeurs réelles n > 0.
Un résultat similaire s'applique pour l'intégration. Considérant une fonction f définie pour x > 0, on peut former son intégrale définie de 0 à x :
En répétant ce processus, on obtient
et ceci peut être répété arbitrairement.
La formule suivante, appelée formule de Cauchy pour l'intégration successive,
exprime par une seule intégrale une primitive n-ième d'une fonction f. Ceci mène tout droit à une généralisation pour tout réel α > 0 et même, pour tout nombre complexe de partie réelle strictement positive.
La fonction gamma Γ, qui étend la factorielle aux valeurs complexes, est définie de telle sorte que :
En utilisant la fonction gamma pour se libérer de la nature discrète de la factorielle, on obtient un candidat naturel pour les puissances non entières de l'opérateur d'intégration :
Si f est une fonction puissance, de la forme , alors .
La famille d'opérateurs intégraux vérifie :
Malheureusement, le processus analogue pour l'opérateur de dérivation D est considérablement plus compliqué. La famille n'est ni additive (on n'a pas en général ), ni même commutative ()[4].
L'idée la plus simple est de partir de formules « régulières » pour la dérivée n-ième et de remplacer n par le réel α ; on obtient ainsi pour l'exponentielle et pour la fonction sinus : La même idée pour les fonctions puissances oblige comme précédemment à introduire la fonction gamma : puisque , on aura . Pour ces formules, on a bien l'additivité (), qui permet d'obtenir, par exemple, une « racine carrée » de la dérivation en prenant α = 1/2.
Mais cette approche élémentaire, non seulement n'est pas généralisable, mais contredit les définitions plus générales construites à partir d'opérateurs intégraux[5].
L'idée, pour définir une dérivée d'ordre avec Re(α) ≥ 0, est ici de calculer la dérivée n-ième usuelle de l'intégrale fractionnaire d'ordre n − α, pour n = ⌊Re(α)⌋ + 1. Deux variantes de la définition existent :
Les familles d'opérateurs d'intégration et (avec Re(α) > 0) utilisées ici généralisent la famille définie ci-dessus pour x > 0 :
Une variante naturelle de la dérivée de Riemann-Liouville, pour une fonction définie sur tout entier, consiste à prendre et , donc à poser, pour tout :
puis, comme précédemment,
En 1967, Michele Caputo introduisit une nouvelle définition ne nécessitant pas de conditions aux bornes[12]. La définition de Caputo diffère de celle de Riemann-Liouville en ce qu'elle effectue la dérivation n fois avant l'intégrale fractionnaire d'ordre n − α :
Elle a l'avantage d'être nulle pour f constante et d'avoir une transformée de Laplace exprimée à l'aide de celle de f et des valeurs initiales de f(k) pour 0 ≤ k < n.
Plus généralement[13], pour α complexe non entier tel que Re(α) ≥ 0 et pour f de classe Cn sur [a, b] avec n = ⌈Re(α)⌉, on définit
et l'on démontre que
On généralise d'abord la différence finie arrière d'ordre entier en posant, pour α > 0 :
puis
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