Conférence de presse de Charles de Gaulle du 27 novembre 1967

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La conférence de presse du est une conférence de presse donnée au palais de l'Élysée par le général de Gaulle, alors président de la République française, qui est restée célèbre pour la déclaration qu'il y a faite à propos de l'État d'Israël, du sionisme et du peuple juif.

Contexte

La conférence du se déroule plus de cinq mois et demi après la guerre des Six Jours (), au moment où les relations entre la France et Israël ont changé : embargo décidé par la France concernant les ventes d'armes à Israël décidé le , communiqué du conseil des ministres du condamnant l'ouverture des hostilités par Israël et soutien de la France le à la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies qui demande la fin de l'occupation militaire des territoires palestiniens par Israël.

D'autre part, quelques semaines avant cette conférence, le président de la République française visitait Auschwitz[1].

Déclaration sur Israël

Interrogé sur la situation au Proche-Orient, Charles de Gaulle vint alors à déclarer que beaucoup se demandaient si « les Juifs, jusqu'alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu'ils avaient été de tout temps, c'est-à-dire un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur, n'en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu'ils formaient depuis dix-neuf siècles : l'an prochain à Jérusalem »[2].

Réactions

Résumé
Contexte

La célèbre « petite phrase » relative au « peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur » eut un fort retentissement au sein de la société israélienne, des Français d'origine juive et aussi des nombreux politiciens sympathisants de la cause de l'État juif. Parmi ces réactions, on peut noter un dessin de Tim publié dans Le Monde du , représentant un déporté juif derrière des barbelés, décharné, portant l'étoile jaune, avec la main dans sa chemise à la manière de Napoléon, et le sous-titre « sûr de lui-même et dominateur »[3],[4].

Bien que certains soient allés jusqu'à taxer le président d'antisémitisme, certains dignitaires israéliens prirent cette déclaration pour une maladresse. De sa retraite, David Ben Gourion, qui a proclamé l'indépendance d'Israël en et en a été le premier Premier ministre, a ainsi écrit le au général de Gaulle une longue lettre déplorant « la critique injuste formulée par de nombreuses personnes en France, en Israël et dans d'autres pays qui, je pense, n'ont pas examiné vos propos avec tout le sérieux requis », lui indiquant néanmoins que son discours contenait « quelques propos attristants et inquiétants » et « des expressions surprenantes, dures et blessantes, basées sur des renseignements incorrects ou imprécis »[5],[6],[7].

En , Jean d'Escrienne, aide de camp du général de Gaulle, relate dans son ouvrage Le Général m'a dit[8], que de Gaulle lui aurait tenu les propos suivants, lors d'une promenade dans le parc de La Boisserie à Colombey les Deux Églises le dimanche suivant la conférence de presse :

« Je n'ai outragé personne ! Vous savez très bien que, quand on étudie un texte sérieusement et honnêtement, on n'isole pas une phrase de son contexte, à plus forte raison un mot à l'intérieur d'une phrase, sans quoi... on fausse l'idée exprimée. J'ai dit du peuple juif non pas qu'il était un peuple “dominateur”, mais qu'il était un “peuple d'élite, sûr de lui et dominateur” : il y a tout de même une sérieuse nuance ! Dans un sens, c'est même un compliment que j'ai fait aux Juifs ; j'aurais mieux compris leur réaction indignée, si j'avais dit, par exemple, qu'ils étaient outrecuidants, ce qu'ils sont cependant, en effet, bien souvent ! Quant à la “surprise” de l'opinion, dont vous parlez, vous savez l'avertissement que j'avais donné : la France considérerait comme agresseur celui qui tirerait le premier. Les juifs n'avaient qu'à ne pas tirer les premiers ! Le fait d'aimer ou de ne pas aimer le monde arabe n'a rien à voir dans l'affaire : ce monde arabe existe, et il est présent sur un territoire qui s'étend du Pakistan jusqu'à l'Atlantique. Ça aussi, c'est une réalité. »

Raymond Aron quant à lui, tout en reconnaissant « que le général de Gaulle a voulu... repousser les accusations d'antisémitisme élevées contre lui — et je m'en réjouis — accusations que je n'ai pas prises à mon compte »[9], a anticipé dans son article « Le temps du soupçon », publié dans Le Figaro du (reproduit dans De Gaulle, Israël et les Juifs), les effets de cette déclaration qui désignait « le peuple juif » et non les seuls Israéliens :

« Définir un “peuple” par deux adjectifs [...] expliquer l'impérialisme israélien par la nature éternelle, l'instinct dominateur du peuple juif [...] Les Juifs de France ou, pour mieux dire, du monde entier, ont immédiatement saisi la portée historique des quelques mots prononcés le . [...] Aucun homme d'État occidental n'avait parlé des Juifs dans ce style, ne les avait caractérisés comme “peuple” par deux adjectifs. [...]

Le général de Gaulle a, sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l'histoire juive et peut-être de l'antisémitisme. Tout redevient possible. Tout recommence. Pas question, certes, de persécution : seulement de “malveillance”. Pas le temps du mépris : le temps du soupçon. »

 De Gaulle, Israël et les Juifs, p. 15–18.

Pierre Vidal-Naquet rapproche le qualificatif « dominateur » d'un thème classique de l'antisémitisme, la théorie du complot juif, qui se manifeste notamment dans Les Protocoles des Sages de Sion[10].

Notes et références

Voir aussi

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