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Le cohéreur, connu aussi sous le nom de radioconducteur, est un élément des premiers récepteurs radio à changement d'état qui, dès le début du XXe siècle, permit la réception des ondes radioélectriques et des signaux des stations de TSF marines. Il permit aussi à des stations expérimentales de s'initier à la radioélectricité et joua un rôle scientifique important. Le récepteur cohéreur enregistreur à tube de limaille a permis notamment de réaliser les premières liaisons radios à grande distance en radiotélégraphie.
En 1890, Édouard Branly, professeur à l'Institut catholique de Paris, s'intéresse à l'effet des ondes électromagnétiques de Hertz sur les conducteurs divisés. Utilisant une bobine de Ruhmkorff pour engendrer des étincelles électriques génératrices de champs électromagnétiques transitoires, il découvre que la résistance au courant électrique du fer divisé peut chuter dans de grandes proportions, entre quelques dizaines d'ohms et quelques centaines de kiloohms, sous l'effet de ces ondes électromagnétiques. Bien que très sensible aux chocs, cette conduction se maintient dans le temps. En découvrant ce qu'il appelle la radioconduction, il ouvre la voie au développement de détecteurs d'ondes beaucoup plus sensibles que les boucles de Hertz. L'instrument principal qu'il a utilisé dans ses expériences consiste en un tube isolant (verre, ébonite…) de quelques millimètres de diamètre rempli de limaille de fer sur une épaisseur de quelques millimètres. Deux électrodes de laiton en forme de piston compriment légèrement la limaille avec une pression réglable. D'autres auteurs donneront au tube de limaille de Branly le nom de cohéreur, dispositif que l'on peut considérer comme un interrupteur (imparfait) fonctionnant en tout ou rien sous l'effet d'ondes électromagnétiques transitoires.
Édouard Branly réussit à commander à distance la fermeture d'un circuit électrique sans qu'il y ait de lien matériel entre l'organe de commande — un générateur d'étincelles — et un tube à limaille, celui-ci agissant comme un organe sensible aux ondes électriques produites par l'éclatement de l'étincelle.
Il vient de mettre en évidence le principe de la Radioconduction et baptise le tube à limaille du nom de Radioconducteur, c'est-à-dire dont la conductibilité varie sous l'effet de radiations, les ondes hertziennes générées par les étincelles électriques[1].
En novembre 1890, Édouard Branly présente sa découverte devant l'Académie des Sciences[2].
À noter que c'est dans le mot « radioconducteur » que le terme « radio » est utilisé pour la première fois[3].
Édouard Branly multiplie les expériences sur le tube à limaille en modifiant :
Il se fait aider pour construire les différents modèles par Eugène Ducretet. Il constate dans les comptes rendus des applications qui sont réalisées avec les radioconducteurs « […] de l'inconstance dans les meilleurs tubes à limailles »[7], il cherche donc « un radioconducteur plus régulier »[7]. C'est dans le cadre de cette recherche qu'il s'intéresse à d'autres types de radioconducteur. Des études de variations de conduction entre surfaces métalliques sont réalisées en utilisant des colonnes de disques métalliques superposés avec bornes en haut et en bas pour les contacts électriques. Elles donnent lieu à deux communications[8],[9] dans lesquelles Édouard Branly conclut qu'il n'y a pas de réels phénomènes de radioconduction.
Le tube à limaille en tant que résistance électrique variable avait déjà été étudié par le physicien italien Temistocle Calzecchi-Onesti vers le milieu des années 1880 (Il Nuovo Cimento, 1884, 1885, 1886). Vers 1894 le physicien anglais Oliver Lodge, professeur à l'Université de Liverpool, perfectionna le radioconducteur de Branly en y adjoignant un dispositif pour décohérer la limaille et lui rendre sa sensibilité. Il put ainsi effectuer des transmissions sur quelques dizaines de mètres. Ce détecteur d'ondes hertziennes a permis à Guglielmo Marconi de réaliser des liaisons à grande distance en radiotélégraphie.
Faisant l'hypothèse que dans les colonnes à disques les surfaces métalliques en contact sont trop larges pour qu'il y ait radioconduction, il utilise une colonne de six billes d'acier superposées dans un cylindre de verre avec électrodes — voir illustration — et un poids de laiton à la partie supérieure. Édouard Branly constate que les radioconducteurs ainsi réalisés sont d'une sensibilité comparable à celle des limailles[10]. À partir de ces expériences, partant de l'hypothèse d'un rapport entre l'exigüité des surfaces de contact et la sensibilité du radioconducteur il s'oriente vers ce qu'il appelle les radioconducteurs à contacts ponctuels ou imparfaits
Édouard Branly invente au début de l'année 1902 le radioconducteur à contacts imparfaits, qui, selon son inventeur, est d'un fonctionnement sûr et beaucoup plus sensible que les tubes à limaille. Dans sa première communication[11] intitulée Radioconducteur à contact unique il précise : « ils permettent de réaliser des conditions assurant […] une grande régularité associée à la sensibilité […] ». Dans la même communication, il décrit le dispositif, le trépied disque : « Trois tiges métalliques de même nature, parallèles et verticales, de 2 mm de diamètre environ, sont réunies à leur partie supérieure par un disque qui les relie à l'un des pôles […] les extrémités inférieures des tiges, polies puis oxydées reposent librement sur un plan d'acier poli, relié au second pôle. »
Édouard Branly conçoit plusieurs modèles de radioconducteurs de type trépied :
Afin de préserver le dispositif de toutes traces d'oxydation, certains disques sont pourvus d'un rebord avec un joint en mastic sur lequel on installe une cloche de verre où l'on fait le vide (illustration ci-contre).
Il teste des métaux de différentes natures pour les pointes : « [J'ai] utilisé […] des radioconducteurs tellure-acier, tellurure d'argent, d'or, de mercure - acier… ces pointes sont infiniment plus sensibles et plus régulières que des pointes d'acier trempées et polies[12]. »
En , Édouard Branly décrit, dans une conférence[13], un nouveau modèle de radioconducteur, le « Trépied-cylindre à pointes librement suspendues, sous cloche à vide ». Ce radioconducteur se distingue des modèles précédents, il se comporte comme un détecteur-redresseur[14].
Ce radioconducteur comprend :
Les contacts sensibles résident entre la surface polie du cylindre et les pointes en tellurure d'or des trois colonnettes. Le courant va du cylindre à l'axe par les pointes et les colonnettes. « […] Cet appareil présente une singularité : il agit comme un détecteur-redresseur, à la manière des récepteurs à galène, et non, à la manière des trépieds proprement dits, comme radioconducteur (fermant un circuit)[15]. »
Le cohéreur a été remplacé par le détecteur électrolytique et par le détecteur magnétique.
Image de droite : Récepteur cohéreur enregistreur à tube de limaille (de Édouard Branly) 1902. Ce récepteur d'ondes hertziennes a permis de réaliser les premières liaisons radios à grande distance en radiotélégraphie.
Principe du récepteur enregistreur cohéreur[16].
Un tube de verre A, dans lequel on fait le vide, contient entre deux tampons métalliques quelques fragments de limaille (comme le fer, l'aluminium, le nickel, etc.) ; il est relié par un circuit inductance-condensateur accordable disposé par conséquent de telle sorte que les alternatifs HF, qui vont de l'antenne au sol, le traversent. À l'état de non excitation le tube est très résistant, électriquement parlant, et que, si le système est excité par une onde hertzienne, cette résistance diminue brusquement dans de fortes proportions mais que cette diminution persiste après la fin du signal qui l'a causée. En un mot, le cohéreur à limaille n’est pas auto-décohérent.
Le tube A est en série dans-le circuit d'un élément de pile de 1,5 V et dans le circuit d'un relais sensible (généralement un relais magnétique) R. Une onde arrive, le tube devient conducteur, la palette du relais en R va former un contact établissant un second circuit. Ce circuit contient le Morse inscripteur E et un électro-aimant F, dit frappeur ; cet électro-aimant mis en action attire sa palette, qui porte une sphère B, laquelle vient frapper légèrement le tube à limaille et le décohère par choc. Dès lors, revenu à son état primitif, le cohéreur est de nouveau apte à recueillir une autre onde, qui s'inscrira à la suite de la première sur la bande du Morse.
En pratique, il en est tout autrement : la réception avec cohéreur nécessite un appareil fort compliqué, condensateurs ou résistances d'absorption des étincelles de rupture, shunts divers, réglages sensibles des relais, protection contre les ondes autres que celles que recueille l'antenne (l'appareil entier est enfermé dans une caisse métallique), etc. De plus la stabilité du dispositif est relative : il exige un coefficient de sécurité fort élevé et des courants intenses, et il n'est pas à l'abri des brouillages car si on veut utiliser des appareils de syntonie, la faiblesse des ondes recueillies est alors telle que le cohéreur ne fonctionne plus.
En l'absence d'applications industrielles, il n'y a pas eu beaucoup de recherches sur le phénomène de conduction, appelé « effet Branly ». L'effet Branly n'est donc pas encore bien compris à ce jour. Édouard Branly avait montré qu'elle ne pouvait pas être causée de manière prépondérante par un phénomène de percolation[17]. Des expériences ont néanmoins montré que la conductance augmentait grâce à la formation de chaînes rendues conductrices par adhérence entre les grains. Ces adhérences sont causées par l'échauffement de très petits points de contact à la suite de très petites étincelles[18]. Une expérience dérivée, consistant à appliquer directement un courant aux bornes du tube, suggère qu'au delà d'un certain courant, les points de contact entre les grains s'échauffent jusqu'à fondre, créant des microsoudures conductrices et très fragiles[17].
Le radioconducteur est utilisé dans les premiers récepteurs de télégraphie sans fil (TSF) où il fait office de détecteur.
En 1902, depuis le phare du Stiff, essais par Camille Tissot de la station Ouessant TSF faite d'un émetteur à Bobine de Ruhmkorff et d'un récepteur radio à cohéreur avec une portée radiotélégraphiques de 80 kilomètres avec une flotte de 14 navires en mer et avec Brest.
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