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style ostentatoire De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le camp, terme anglais probablement tiré du français « se camper »[1] (« prendre la pose »), est utilisé par les historiens de l'art et les critiques culturels pour décrire à la fois un style, une forme d'expression. L'esthétique camp joue sur l'exagération, le grotesque, la provocation et l'ironie et émerge comme une forme de sensibilité importante dans la culture des années 1960. Le style camp est aussi décrit comme un regard propre à la sous-culture gay masculine, et queer en général.
Il est difficile de donner une définition exacte du terme, qui décrit un style ou une attitude, mais selon Paul Baker ce style comporte plusieurs éléments généralement marquants, qui ne sont pas forcément tous présents en même temps :
Premièrement la présence d'exagération, d'emphase et d'excès générant de l'attention, deuxièmement l'artifice, car ce qui est naturel n'est généralement jamais « camp ». Les gestes et actions comportant une dimension théâtrale sont ainsi par définition « camp ». Le troisième élément souvent présent est un trait de naïveté ou d'idiotie qui devient un trait d'humour, qu'il soit intentionnel ou pas. Le quatrième élément est une tendance à s'opposer aux comportements et types normatifs et à être hors norme, ce qui parfois fait référence à la notion de queer ou de marginalité[2].
Pour Andrew Bolton, conservateur en chef du Costume Institute du Metropolitan Museum of Art (MET) qui a consacré une exposition au MET sur le sujet, la première occurrence du mot camp intervient dans une lettre de Lord Arthur Clinton à son amant Frederick Park, connu pour ses performances de travestissement dans le groupe Fanny et Stella (en). Il lui écrit « My campish undertakings are not at present meeting with the success they deserve »[3].
La première occurrence du mot camp sous la forme d'un adjectif dans un dictionnaire date de 1909 de l'écrivain James Reding Ware qui en offre une définition dans Passing English of the Victorian Era[4]. Le terme apparait en 1920 aux États-Unis dans la revue critique d'un spectacle intitulé Bits of Miilinery dans la forme d'un verbe. En 1923, le poète américain Robert McAlnon l'emploie sans sa forme nominale dans le recueil de nouvelles A Companion Volume[4]. La presse populaire britannique emploie le terme dans les années 1940. Christopher Isherwood en offre la première définition dans le roman The World in the Evening (1954)[4]. L'écrivain écrit plus tard en 1939 également le roman Goodbye to Berlin (Adieu à Berlin) qui inspirera le film musical Cabaret réalisé par Bob Fosse en 1972[5], tiré du roman de Christopher Isherwood. Le film et l'actrice Liza Minnelli sont devenues des icônes du style camp[6]. Cette définition de quelques paragraphes introduit une différence entre ce qui est intentionnellement camp (défini comme low camp et aussi dans le jargon ultérieur en anglais de campy) et ce qui l'est mais sans intention préalable (high camp ou qualifié de campy plus tardivement)[7].
En 1964, Susan Sontag publie l'essai Le Style Camp (en), qui décrit l'esthétique camp et la rend célèbre[4][8]. L'essai popularise le style camp et le reconnait comme un style artistique à part entière. Il mentionne aussi la définition tirée du roman de Christopher Isherwood, The World in the Evening :
« You thought it meant a swishy little boy with peroxided hair, dressed in a picture hat and a feather boa, pretending to be Marlene Dietrich? Yes, in queer circles they call that camping. … You can call [it] Low Camp…High Camp is the whole emotional basis for ballet, for example, and of course of baroque art … High Camp always has an underlying seriousness. You can't camp about something you don't take seriously. You're not making fun of it, you're making fun out of it. You're expressing what’s basically serious to you in terms of fun and artifice and elegance. Baroque art is basically camp about religion. The ballet is camp about love … »[9].
Samuel R. Delany, un écrivain de science-fiction afro-américain bisexuel qui a vécu dans l'East Village à New York, décrit sa première rencontre avec le terme camp dans son essai Coming / Out de 1997. Il travaillait alors au début des années 1960 à la réfection d'un théâtre dirigé par deux hommes gays. Il indique que le mot dérive de camp follower pour évoquer les prostituées qui suivaient les camps militaires en Europe. Indiquant la place et le goût dans la culture homosexuelles des rassemblements militaires composés uniquement d'hommes, Delany indique que le terme a dérivé vers l'utilisation de mad camp ou to have a mad camp durant la première guerre mondiale en Angleterre. Cette forme d'utilisation était la plus courante et fut ramenée aux États-Unis par les soldats américains[10].
L'historien gay du cinéma Richard Dyer décrit le camp comme l'une des caractéristiques qui expriment l'appartenance d'un individu au groupe des hommes gays[11]. Historiquement au XIXe siècle, le camp permettait aux hommes gays de comprendre des conventions de genre et de sexualité et de démythifier les formes de la culture dominante en se mettant en scène soi-même, par l'utilisation de l'ironie ou de l'humour[12]. Le camp comprend alors un double sens, permettant d'une part d'exister dans un univers hétérosexuel, et, d'autre part, de s'adresser indirectement à des personnes issues de cette même culture gay[13]. Cet usage du camp comme double sens fut de nouveau employé lors de la Seconde Guerre mondiale, en raison de la répression des homosexuels[13].
Pour Dyer, le camp s'oppose au butch, autrement dit aux conventions masculines rigides et viriles. L'humour « folle » (Quentin Crisp, Will et Grace) et les performances de drag queens (RuPaul's Drag Race) sont par exemple des formes d'expression camp.
Jack Babuscio décrit le camp comme l'ensemble de ce qui, chez une personne, dans une situation ou dans une activité, est l'expression d'une sensibilité gay[14]. Il identifie quatre caractéristiques du camp : l'ironie, l'esthétisme, la théâtralité et l'humour[14]. Le camp est tout à la fois un regard porté sur la culture hétérosexuelle et une esthétique[14]. Une œuvre est donc camp quand elle est interprétée comme telle au sein de la sous-culture gay ou quand elle est elle-même l'expression d'une sensibilité gay : par exemple, le film Mommie Dearest est un classique camp grâce à l'interprétation ironique qui en a été faite au sein de la sous-culture gay masculine, tandis que les films de John Waters sont l'expression d'une sensibilité camp[14].
En France, le camp commence à être visible au théâtre dans les années 1970 : en réaction à la pièce La Cage aux folles, plusieurs homosexuels proposent leurs propres spectacles, où se développent une esthétique et un propos camp, fortement liés au travestissement et à l'homosexualité folle. C'est en particulier le cas de la troupe Les Mirabelles, fondée en 1974[15], mais aussi du spectacle d'Alain Marcel, Essayez donc nos pédalos[16].
L'écrivain Pascal Françaix a consacré trois ouvrages à l'étude du camp dans le cinéma anglo-saxon.
En 2013, le journaliste de Slate J. Bryan Lowder a décrit le film Gravity comme un futur classique camp[17].
Le camp, sujet de la nouvelle exposition du Metropolitan Museum of Art de New York, Camp: Notes on Fashion, était le thème du Met Gala 2019[18],[19]. Il est repris dans le 6e épisode de la 2e saison de « Next in Fashion » sur Netflix où les designers doivent s’en inspirer pour créer leur look.
Daisy Jones décrit All the Things She Said comme la fusion du camp de Believe et des sonorités industrielles d'Evanescence[20].
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