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Les byōbu (屏風 , littéralement « murs de vent ») sont des paravents japonais faits de plusieurs volets articulés, en général par paire. Ils portent habituellement une ou plusieurs peintures (byōbue) et, quoique rarement, un texte en dialogue avec la peinture, mais plus généralement la signature et/ou le sceau de l'artiste. Le cadre, le chant et le dos sont recouverts de tissus à motifs décoratifs.
Le paravent permet de créer des séparations, protéger des regards et des courants d'air ou d'atténuer la lumière, mais sa surface claire ou réfléchissante, lorsqu'elle est recouverte d'or ou d'argent, permet aussi de réfléchir la lumière, parfois ténue, en provenance de l'extérieur ou de l'éclairage que procurent les bougies ou les lampes à huile. Il offre la possibilité d'articuler de manière intéressante le volume de la pièce[1].
Comme beaucoup d'arts et d'artisanats japonais, les paravents trouvent leur origine en Chine, où des exemplaires datant de la dynastie Han ont été découverts. Les byōbu, comme leur nom l'indiquent, ont pour but originel d'empêcher le vent de souffler dans les pièces. Ils sont introduits au Japon au VIIIe siècle, quand des artisans japonais commencent à fabriquer leurs propres byōbu, alors hautement inspirés de leurs modèles chinois. La structure et la conception des byōbu, tout comme leurs techniques et les matériaux utilisés, varient avec les différentes périodes de l'histoire du Japon[2].
La forme originale du byōbu est un simple panneau monté sur des pieds. Au VIIIe siècle, des byōbu à feuilles multiples font leur apparition et sont utilisés comme ameublement à la cour impériale, principalement durant les cérémonies importantes. Les byōbu à six feuilles sont les plus communs à l'époque de Nara (710-794) et sont couverts de soie et reliés par des cordes de soie ou de cuir. La peinture de chaque feuille est encadrée par un brocart de soie et le panneau est monté sur une armature en bois.
Au IXe siècle, les byōbu sont des meubles indispensables des résidences des daimyos, des temples bouddhistes et des sanctuaires shinto. Les zeni-gata (銭形 ), des charnières métalliques en forme de pièces de monnaie, sont introduites et remplacent massivement les cordes de soie pour relier les feuilles.
Il arrive souvent que des feuilles de poésie, colorées, shikishi-gata, soient collées sur la peinture, apportant une autre dimension à l'image du paravent[3].
Durant l'époque de Muromachi (1336-1573), les paravents deviennent plus populaires et trouvent place dans de nombreuses résidences, dojos et boutiques. Les byōbu à deux feuilles sont communs, et des charnières de papier recouvertes se substituent aux zeni-gata, ce qui rend les paravents plus légers à transporter, plus faciles à plier et plus résistants aux jointures. Cette technique permet aussi aux peintures d'être ininterrompues, ce qui encourage les artistes à peindre de vastes paysages et des vues plus rapprochées de la nature, soit monochromes, à l'encre ou sumi-e mais aussi en couleurs, et souvent sur fond d'or.
Les charnières en papier, bien que relativement robustes, imposent que l’infrastructure des panneaux soit aussi légère que possible. Sur le cadre, lui-même léger, les croisillons de bois tendre sont assemblés avec des « clous » spéciaux en bambou. Ces treillis sont recouverts d'une ou plusieurs couches de papier étirées sur la surface du treillis comme une peau de tambour pour fournir un support solide et plat aux peintures qui seront ensuite montées sur le byōbu. La structure résultante est à la fois légère et durable, bien que relativement fragile, un doigt posé sur la structure hors d'un élément de treillis ayant toutes les chances de traverser et de faire un trou dans le panneau.
Après la mise en place des peintures et des brocarts, une armature de bois laqué (typiquement noire ou rouge sombre) est installée pour protéger la bordure extérieure du byōbu et des décorations complexes en métal (bandes, équerres et clous décoratifs) sont appliquées sur l'armature pour protéger la laque.
La popularité des byōbu continue d'augmenter, avec la croissance de l'intérêt de la population pour les arts et artisanats à cette période. Les byōbu décorent les maisons des samouraïs, servant de marques de rang et démontrant la richesse et le pouvoir de leur propriétaire.
Cela initie des changements radicaux dans la fabrication des byōbu, avec des décors faits de feuille d'or (金箔, kinpaku ) et des peintures très colorées représentant la nature et des scènes de la vie quotidienne.
Les byōbu sont généralement fabriqués en série, et de qualité moindre. Cependant, il est toujours possible de se procurer des byōbu faits à la main, surtout produits par des familles qui préservent la fabrication artisanale traditionnelle.
Le plus grand peintre de Nihonga de la seconde moitié du XXe siècle est Kayama Matazo (1927–2004). Il a peint près de 100 paravents sur une période de trente ans, dont plusieurs se trouvent au Musée national d'Art moderne de Tokyo. Interviewé à l'occasion de son exposition au British Museum en 1996 il dit :
Depuis la mort de Kayama, très peu d'artistes peignent encore des byōbu. De nombreux artistes contemporains continuent de faire allusion au format byōbu, en alignant plusieurs panneaux à la suite, créant ainsi des peintures ultra-larges. À l'ère du commerce international de l'art, cela se fait davantage pour faciliter la manipulation et le transport, puisqu'au final, ces œuvres sont exposées à plat sur un mur.
Kentaro Sato (佐藤 健太郎 ), né en 1990, a réalisé un exceptionnel byōbu à deux paravents (chaque paravent comportant six feuilles) pour son projet de maîtrise à l'Université des beaux-arts Tama intitulé Transfiguration des courants (流転ノ行方 ). Il a abandonné le format traditionnel au profit de panneaux individuels, qui ressemblent davantage à des fusuma (écrans coulissants utilisés pour redéfinir l'espace intérieure). Lui et Kiyo Hasegawa (長谷川幾与 ), né en 1984, peignent tous deux de grandes œuvres à l'aide de pigments minéraux sur du papier japonais, qui sont ensuite montées sur quatre ou six panneaux individuels ne dépassant pas un mètre de large[7],[8].
Allan West, né en 1962, qui a étudié avec Kayama Matazo à l'Université des Arts de Tokyo de 1989 à 1992, peint des rouleaux suspendus, des éventails et des paravents :
« J'ai trouvé que le format byōbu avec sa surface tridimensionnelle, était idéal pour créer le type de profondeur que je recherchais. Le monde à l'intérieur du tableau semble se poursuivre au-delà des limites de la surface du tableau. Avec les surfaces métalliques articulées et réfléchissantes, les œuvres semblent changer en fonction de l'angle du spectateur et de la lumière. Byōbu sont des œuvres à grande échelle qui placent le spectateur à l'intérieur de la peinture. Une peinture qui remplit le champ visuel du spectateur. Une peinture dans laquelle on sent une présence animée dans l'œuvre[9]. »
West a été chargé de créer de nombreux paravents que l'on trouve dans des hôtels, des entreprises et des salles de concert dans tout le Japon.
Comme Allan West, mais basé en Europe, Benjamin Gordon, né en 1968, est un peintre américain attiré par les genres japonais. Si ses sujets et son traitement capturent l'esprit de la peinture japonaise, à la différence des peintres Nihonga, Gordon utilise à la peinture à l'huile, créant de multiples couches de couleurs translucides. Les paravents de Gordon se distinguant par l'absence d'un cadre extérieur noir. Au lieu de cela, il utilise des tissus non conventionnels pour l'avant et l'arrière de ses paravents, ce qui ajoute une couche de commentaire ou de signification au sujet de la peinture[10].
Gordon et Ichiro Kikuta, né en 1961, sont tous deux uniques parmi les artistes de paravents : les deux artistes sont à la fois artisans et peintres (ces fonctions sont généralement remplies par deux personnes : le peintre et l'artisan), construisant les cadres en bois (骸骨 , squelette en japonais) de manière traditionnelle. Les byōbu sont immédiatement reconnaissables à leur sujet d'oiseaux et d'animaux de Yambaru (zone forestière située près de la maison de Kikuta dans la partie nord de l'île d'Okinawa), et aux dos en papier des paravents, sur lesquels sont imprimés des motifs de frondes de fougères gravés sur bois[11].
Les byōbu se distinguent selon leur nombre de feuilles.
Les paravents japonais sont aussi classés selon leur usage ou leur thème.
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