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Le breton de Batz-sur-Mer est la variante du breton parlé à Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), dernier vestige des parlers bretons dans le pays de Guérande et le Pays nantais. Les derniers locuteurs se sont éteints dans les années 1960.
Le breton a été parlé au Moyen Âge dans une large zone de l'actuel département de la Loire-Atlantique, dans le pays de Guérande, assez profondément dans le Pays nantais, jusqu’à Lusanger, Nort-sur-Erdre, Vigneux-de-Bretagne, Bouée, et la frange littorale du pays de Retz. Cette extension maximale, déterminée grâce à la toponymie, remonte au IXe siècle. Le bilinguisme breton-roman avait probablement cours dans de nombreuses parties de cette zone.
Par la suite, le breton a progressivement reculé vers l’ouest au profit du gallo, dialecte d’oïl parlé en Haute-Bretagne. On estime que la limite linguistique s'est stabilisée au cours du XIIe siècle à l’ouest des marais de Brière. La toponymie indique la zone où cette limite s'est finalement stabilisée (noms de lieu en ker-). C'est ce territoire qui forme le Pays guérandais traditionnel, qui, du fait de la langue, appartient à la Basse-Bretagne celtique et non à la Haute-Bretagne romane (voir la carte de J.-B. Nolin citée ci-dessous, d'autres cartes confirment cette limite ancienne).
Plus près de nous, témoignages et documents permettent de connaître avec quasi-certitude l’aire de pratique du breton en Loire-Atlantique :
« Il sera établi dans dix jours, à compter du jour de la publication du présent décret, un instituteur de langue française dans chaque commune de campagne des départements du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord et dans la partie de la Loire-Inférieure dont les habitants parlent l'idiome appelé bas-breton[3] ; »
Batz-sur-Mer est donc la dernière commune du Pays nantais à avoir parlé le breton.
Le breton s’est maintenu dans le bourg jusqu’au début du XIXe siècle, dans la rue du Four et au quartier de Kerbouchard.
Les villages concernés par la pratique tardive du breton sont, d’après Léon Bureau[10] en 1875 : Kervalet, Kermoisan, Kerdréan, Beauregard, Kerbéan, Le Guho, Trégaté et Roffiat, villages paludiers regroupant au total 1 320 habitants. Mentionnons aussi Keralan en bord de mer, village de la fillette auprès de qui Pitre de Lisle du Dréneuc collecta une chanson en breton en 1872, ainsi que Penchâteau sur la commune du Pouliguen qui conserva des locuteurs tardifs. En 1875, Léon Bureau estime que le breton est la langue habituelle d'environ 400 personnes, mais ne cite pas le nombre de ceux qui savent le parler. Il dit également que l'habitude de parler en français aux enfants est très récente (depuis 4 à 5 ans). Le breton a servi de langue de communication jusque dans les années 1910-1920, principalement au village de Roffiat.
Nés au village de Roffiat, ils se sont éteints entre 1960 et 1970. Citons Jean-Marie Cavalin dit « Yannik », enregistré en 1959, et Suzanne Moreau et Florestine Cavalin, interrogées par Léon Fleuriot en 1960 et 1961. Une dame décédée en 1988 à l’âge de 99 ans avait parlé le breton dans son enfance au village de Kervalet.
Certains informateurs tardifs comme Marie-Françoise Le Berre, interrogée peu avant son décès en 1983, peuvent être considérés comme des locuteurs passifs de ce dialecte (compréhension totale mais incapacité à le parler).
Des tentatives de transmission ont eu lieu jusque dans les années 1940 : Pierre Le Gal nota à cette époque quelques mots et phrases au contact de son grand-père bretonnant Guillaume Pain. Ce lexique est présenté dans l'exposition de Gildas Buron.
L'abbé Cadic prétend avoir rencontré en 1925 la dernière locutrice du breton local en la personne de Clémence Le Berre, alors âgée de soixante-douze ans, au village de Kermoisan[11]. Cette hypothèse doit à l'évidence être rejetée au regard des éléments ci-dessus ; l'existence même de Clémence Le Berre est douteuse : ni les registres d'état civil, ni la mémoire locale n'en ont souvenir selon Gildas Buron.
Le français régional comporte un nombre considérable de bretonnismes (une centaine environ). Exemples tirés du vocabulaire paludier : dourer (de dour, « eau »), govérer (de gover, « ruisseau »), comeradure ou camladure (de *kemeradur, « prise »), etc. La plupart de ces mots tombent en désuétude. Citons aussi dans le langage courant : du linge merglé (de mergl, « rouille »), morson, « bruit de la mer » (de mor « son », plus exactement mor séoñ en breton local), pourhic, « coquillages grains de café » (de pourc'hig, « petit porc »), de la soupe de blonic (de bloneg, « oing »), morgate (de morgad, « seiche »)...
De nos jours subsiste une poignée de témoins directs ou indirects du breton local, parfois en mesure d'apporter un mot ou une expression inédite. Il va sans dire que le cas devient très exceptionnel.
De 1980 à aujourd'hui, Gildas Buron a recueilli ces derniers témoignages parmi lesquels l'expression originale et non dénuée d'humour : Kenavo, ma hi za ket hi skreñvou (« au revoir, si tu ne viens pas tu écriras »).
Autre survivance du breton sont les surnoms attachés à certaines branches familiales de Batz-sur-Mer, par exemple : Lagad Du, Tadic, Fanch, Guillouic, Job, etc. Quelques-uns sont encore employés et compris.
À Batz-sur-Mer comme dans l'ensemble de la presqu'île de Guérande, la pratique tardive du breton est mal connue voire ignorée, souvent confondue avec la présence, dans le port voisin du Croisic, d'une importante communauté de pêcheurs bretonnants originaires de Cornouaille. La confusion avec le gallo est non moins fréquente.
Vaste zone de marais située à l’est de la presqu’île de Guérande, la Brière a joué un rôle de barrière aux influences romanes venant de l’est durant le Moyen Âge. De plus, la commune de Batz-sur-Mer est à l’une des pointes occidentales de la presqu’île guérandaise.
Les paludiers vendaient leur sel dans toute la Basse-Bretagne : la connaissance du breton leur était indispensable, les bretonnants monolingues étant très majoritaires en Bretagne occidentale jusqu’à la fin du XIXe siècle. Sans cela, on peut estimer[réf. nécessaire] que le breton aurait été définitivement abandonné au moins cent ans plus tôt. Ainsi, les documents d’archives suggèrent que le bilinguisme breton-gallo était de mise dans la communauté locale depuis le XVIIe siècle au moins.
La communauté paludière se distingue par de nombreux traits particuliers, dont l’usage tardif du breton n’est pas le moindre. Une certaine endogamie alliée à une volonté de se démarquer des voisins gallos peut avoir contribué à maintenir le breton plus longtemps.
Le breton de Batz-sur-Mer était un dialecte de type nettement sud-armoricain, très proche du vannetais. Citons les traits caractéristiques suivants :
Par certains côtés, le breton de Batz se distinguait nettement des différents parlers vannetais :
r[Quoi ?] D’après les données de l’ALBB[12], c’est avec le breton des îles morbihannaises et du Goëlo que le breton de Batz présentait le plus d’affinités. Toutefois, aux dires de locuteurs du début du XXe siècle, l’intercompréhension avec les bretonnants voisins de Belle-Île ou de la presqu’île de Rhuys était devenue quasi impossible.
Selon Yves Mathelier[13], l'étude de l'ALBB de Le Roux démontre que la proximité entre breton de Batz-sur-Mer et vannetais n'est en rien comparable à celle observée entre les trois dialectes du KLT : dans le domaine vannetais, aucun point ne comprend plus de 20 % de prononciations identiques à Batz-sur-Mer.
Nombre de ces particularités sont à mettre au compte d’un contact prolongé avec le gallo, ainsi que d’une isolation relative par rapport aux autres parlers bretons. D’autres semblent relever d’un archaïsme propre aux parlers périphériques.
Léon Bureau, industriel nantais et passionné de langues, fut le principal collecteur du breton de Batz. Il l'apprit vers 1875 au contact de différents informateurs, dont Marie-Françoise Mouilleron, qui exerçait la profession de porteuse de sel. Son intérêt pour le breton de Batz s’expliquerait par le fait que sa famille possédait une résidence à Penchâteau au Pouliguen[14].
Citons Émile Ernault[15], qui compila les notes de Bureau, puis Pierre Le Roux en 1910 (Atlas linguistique de la Basse-Bretagne[12], Batz est le point d’enquête 90), Dom Gaston Godu en 1942, Per Manac’h en 1959, Léon Fleuriot en 1960-61 et Donatien Laurent en 1962, qui tous interrogèrent des locuteurs.
Plus récemment, citons le rôle particulier de Gildas Buron, conservateur du musée des Marais salants de Batz, qui a réuni une quantité appréciable d’informations sur le breton local au long de 25 années de recherches documentaires et d’enquête auprès des enfants et petits-enfants de bretonnants, et a rassemblé la plus grande part des sources connues.
Aujourd’hui on connaît du breton de Batz plus de 2 000 mots et formes verbales issus de textes et de nombreuses notes, une chanson complète et deux bribes de chansons, et un court enregistrement d’un locuteur, Jean-Marie Cavalin, réalisé en 1959 par Per Manac’h. L’ensemble de ces données sera prochainement présenté dans un ouvrage de référence que prépare G. Buron.
Il est tentant de considérer le breton de Batz-sur-Mer comme un dialecte à part du fait de ses nombreuses particularités : en comparaison, il est plus éloigné du vannetais que le léonard ne l'est du cornouaillais. Certains emploient même le terme de « breton guérandais », mais en l’absence regrettable d’études sur le breton parlé autrefois dans le reste de la presqu'île de Guérande, ou même de données antérieures au XIXe siècle, comment déterminer si ces particularités sont dues à l’isolement, ou si elles sont la marque d'un supposé dialecte guérandais ? Voici quelques éléments de réponse :
En 1823, Édouard Richer collecta à Piriac-sur-Mer trois mots bretons qui semblent présenter les traits du breton de Batz-sur-Mer :
Le glossaire breton noté à Nantes en 1499 par le chevalier allemand Arnold von Harff[16] présente des traits nettement sud-armoricains, peut-être comparables au breton de Batz après décryptage des sons rendus par les graphies moyen-allemandes de von Harff. Exemples :
Ce glossaire présente plusieurs limites : le lieu d'origine de l'informateur n'est pas précisé, ce qui laisse planer une incertitude ; C.-J. Guyonvarc'h penche pour la presqu'île de Guérande. En outre von Harff n'était qu'un simple curieux et a réalisé une notation approximative de ce qu'il a entendu. On retiendra surtout de ce document unique, premier témoignage effectif sur le breton parlé, que la dialectalisation du breton était accomplie à la fin du XVe siècle.
Le recours à ces dernières ne permet pas de trancher la question avec certitude. Voici tout de même des éléments qui laissent à penser que le breton de Batz-sur-Mer aurait été le dernier représentant d'un dialecte guérandais disparu.
Mais toponymes Coët Bihan et Fourbihan à la Turballe. De même, l'étude des toponymes régionaux révèle une minorité de formes anciennes en -en. Ex : Douar Bihan de Kerbéan (Batz-sur-Mer), noté Douart bian en 1658, Douar bihen en 1678, Douairbian et Douarbihan en 1679.
Les exemples suivants, tirés des travaux de Léon Bureau et Émile Ernault[15], permettent de se faire une idée précise des particularités de ce parler.
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