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analyse des structures sociales à l'aide de la théorie des réseaux et des graphes De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'analyse des réseaux sociaux (ou Social Network Analysis - SNA en anglais) est une approche sociologique qui élabore et mobilise une théorie des réseaux pour l'étude des relations sociales entre des entités (individus, groupes, organisations, objets, etc.) dans l'objectif de comprendre les structures et dynamiques sociales.
L'analyse des réseaux sociaux conçoit les interactions sociales en termes de nœuds et liens. Les nœuds sont habituellement les acteurs sociaux (individuel ou collectif), mais ils peuvent aussi représenter d'autres types d'entités (un article scientifique par exemple). Les liens sont les interactions ou les relations entre ces nœuds. Il existe une très grande diversité de type de liens entre les nœuds (transactions monétaires ou d'informations, relation amicale, interactions verbales, présence à un même évènement, etc.).
Il est entre autres possible par cette approche d'appréhender le capital social des acteurs sociaux.
Les origines de l'analyse des réseaux sociaux sont multiples et pluridisciplinaires : théorie des graphes, psychologie, anthropologie. Le psychologue Jacob Levy Moreno, l’anthropologue John Arundel Barnes ou encore le psychologue social Stanley Milgram sont des précurseurs de l'analyse des réseaux sociaux. Les sociologues Harrison White, Mark Granovetter ou encore Ronald Burt en sont des figures notables. En effet, il existe notamment deux théories célèbres en analyse structurale : celle de Granovetter sur la force des liens faibles, et celle de Burt sur les trous structuraux.
L'analyse des réseaux sociaux se fonde sur l'idée que « les comportements des individus sont liés aux structures dans lesquelles ils s'insèrent »[1]. L'analyse se concentre sur les dyades (deux individus et leurs liens), les triades (trois individus et leurs liens), ou des systèmes plus larges[2]. Il s'agit donc d'analyser les relations entre les entités - appelées individus, acteurs, sommet ou nœuds - qui composent le réseaux. Les entités peuvent être : des personnes, des entreprises, des objets, des lieux, des évènements, des mots, des textes, des publications, des concepts, ou une combinaisons (publications et auteurs par exemple). Les nœuds ont des caractéristiques - appelées « attributs » - qui les distinguent les uns des autres. Il peut s'agir d'attributs dit « catégoriels », comme le fait d'être une femme ou un homme et d'avoir comme prénom Claire ou Pierre, ou d'attributs numérique, comme le fait d'être âgé de 24 ans ou 29 ans. Les relations entre les nœuds ont également des caractéristiques : ce sont des types de liens. Ainsi, les relations entre Claire (femme, 24 ans) et Pierre (homme, 29 ans) peuvent être caractérisées par le fait d'être mariés, de travailler dans la même entreprise, d'avoir des amis en commun, de se connaître depuis 3 ans, et une multitude d'autres caractéristiques relationnelles[3].
Le sociologue Pierre Mercklé défini un réseau social de la manière suivante[4],[Note 1],[Note 2] :
« Un réseau social [...] [est] constitué d'un ensemble d'unités sociales et des relations que ces unités sociales entretiennent les unes avec les autres, directement, ou indirectement, à travers des chaînes de longueurs variables. Ces unités peuvent être des individus, des groupes informels d'individus ou bien des organisations plus formelles, comme des associations, des entreprises, voire des pays. Les relations entre les éléments désignent des formes d'interactions sociales qui peuvent être elles aussi de natures extrêmement diverses : il peut s'agir de transactions monétaires, de transferts de bien ou d'échanges de services, de transmissions d'informations, de perceptions ou d'évaluations interindividuelles, d'ordres, de contacts physique [...] et plus généralement de toutes sortes d'interactions verbales, gestuelles, ou encore la participation commune à un même évènement, etc. »
Il précise que le « langage des graphes, qui a sa terminologie propre, utilise le terme de "sommet" pour désigner les individus et ceux d'arcs ou d’arêtes pour désigner les relations »[5]. Ainsi, l'analyse des réseaux sociaux trouve notamment sont origine dans la Théorie des graphes.
L'analyse de réseaux peut avoir recours à différentes méthodes de production ou de recueil de données (entités et relations) : expérimentation, simulation, dépouillement d'archives, recueil de répertoires, observation ethnographique, carnet de contacts, entretien biographique, questionnaires, captation de données, etc. ; les données peuvent être centrées sur les interactions sociales, sur les échanges sociaux, sur les pratiques sociales, sur l'intensité affective, sur les rôles sociaux, sur les positions sociales, sur les contextes sociaux, etc.[Note 3]
La forme du réseau social modélisé en graphe permet d'exprimer visuellement la dynamique au sein d'un réseau. Il est possible de représenter les liens et les nœuds avec des couleurs et des formes multiples, donnant ainsi davantage d'information sur le type de relation ou le poids d'un acteur dans le réseau. Ainsi, les liens peuvent avoir une flèche ou non indiquant si le lien a une orientation (une direction), ils peuvent avoir un signe (ex : + et - peuvent indiquer les relations de choix avec le signe + et de rejet avec le signe -), les nœuds peuvent avoir des tailles différentes indiquant le poids de l'acteur dans le réseau, etc[5].
Par exemple, un lien avec un trait épais peut indiquer un lien fort (strong tie) entre deux personnes alors qu'un lien avec un trait fin en pointillé indiquera un lien faible (weak tie). Le sociologue Mark Granovetter, dans une étude célèbre, détermine la force d'un lien à partir de quatre critères : (1) la durée de la relation, (2) l'intensité émotionnelle, (3) l'intimité, et (4) les services réciproques que se rendent les partenaires[6],[7],[8].
Comme l'indique Pierre Mercklé, l'approche par l'analyse des réseaux sociaux formule une double critique à l'égard des conceptions « sur-socialisée » (comme l'approche de Talcott Parsons) et « sous-socialisée » (approches utilitariste, de l'économie classique et néo-classique, ainsi que celle de l'individualisme méthodologique)[9]. Il s'agirait alors d'une troisième voie, ni macro-sociologique, ni micro-sociologique mais méso-sociologique[10]. Mais Pierre Mercklé souligne que les perspectives des chercheurs tendent à rejoindre l'un ou l'autre de ses pôles traditionnels de l'analyse sociologique[11].
L'analyse des réseaux sociaux se caractérise par son insistance sur la forme plutôt que sur le contenu du réseau[12]. La forme renvoyant à l'idée de structure ; le contenu renvoi notamment aux attributs des individus (classe, sexe, âge, etc.). On appelle « analyse structurale » l'analyse des réseaux sociaux qui a pour objet les structures de réseau[13]. Comme l'indique les sociologues Vincent Lemieux et Mathieu Ouimet[14] :
« l'analyse structurale [...] se fonde sur le postulat voulant que les acteurs sociaux se caractérise par leur relations, alors que, dans les autres schèmes d'intelligibilité du social distingué par Berthelot, ils se caractérisent plutôt par leurs attributs [...], par les fonctions qu'ils remplissent, par leurs actions, par le sens qu'ils donnent au monde qui les entoure, ou par les mouvements historiques où ils sont pris. [...] Dans cet ensemble de voies d'analyse, le parti pris de l'analyse structurale est de considérer que les acteurs sociaux sont définis avant tout par leur relations et par la forme de ces relations »
Ainsi, l'analyse de réseaux entend se démarquer des méthodes d'analyses sociologiques traditionnelles[15] par le fait qu'elle ne considère pas la réalité observée en termes de catégories prédéfinies. Les sociologues Alain Degenne et Michel Forsé précisent que[1] : « au lieu de penser la réalité en termes de relations entre les acteurs, beaucoup de ceux qui traitent les données empiriques se limitent à la penser en termes de catégories (par exemple, les jeunes, les femmes, les cadres, les pays en voie de développement, etc.). Ces catégories sont construites par agrégation d'individus aux attributs jugés similaires et a priori pertinents, pour le problème traité ». L'analyse de réseaux se distingue aussi des approches plus traditionnelles en sciences sociales parce qu'elle permet l'expérimentation, comme le cas pour l'« étude du petit monde »[16], et la mathématisation de son approche, comme l'étude du sociologue Harrison White via la technique dite des matrice par blocs[17]. En pratique, l'analyse des réseaux sociaux combine différents niveaux d'analyse : individuel, relationnel et structural[18]. Autrement dit, il s'agit de prendre en compte les attributs ou propriétés des acteurs, les caractéristiques des relations qu'ils ont entre eux, et les caractéristiques de l'ensemble du système[19].
Un réseau personnel, dit aussi réseaux égocentré[20], est un réseau est construit à partir d'un nœud nommé « ego » : les relations entre ego et ses contacts (dit « l'étoile ») et les relations entre les contacts eux-mêmes (dit « la zone »)[21]. On construit le graphe sans tenir compte des frontières entre les groupes. Cette approche a été notamment utilisé dans une étude sur la dynamique des relations sociales[22]. Pour un acteur individuel, le réseaux peut être constitué de son conjointe ou sa conjointe, de sa famille, de ses amis, de ses collègues de travail, etc. contacts plus ou moins reliés entre eux. Autrement dit, il s'agit d'étudier les relations autour d'un individu pris au sein d'une population, ce qui permet l'étude de la solidarité sociale par exemple[Note 3].
Un réseau complet, (whole network ou total network en anglais[23]) est un réseau restreint au sens où les frontières sont délimitées : celles d'un groupe, d'une organisation, etc.[20]. La complétude ici renvoie à l'idée d'une exhaustivité restreinte à des frontières délimitées[24]. Ainsi, un réseau complet peut être : tous les élèves d'une classe d'école par exemple. Autrement dit, il s'agit d'étudier les relations d'une sélection d'individus sur un critère, ce qui permet l'étude du pouvoir ou de l'action collective par exemple[Note 3].
Mentionnons également les « chaînes relationnelles » qui permet l'étude des processus de mise en contact pour l'étude d'accès aux ressources, et les « grands réseaux » pour l'étude de la connectivité et la diffusion des ressources par exemple[Note 3].
Les origines de l'analyse des réseaux sociaux sont multiples : théorie des graphes, psychologie, anthropologie. Mentionnons quelques repères historiques notables : le psychologue Jacob L. Moreno, l’anthropologue John A. Barnes, l’anthropologue et psychanalyste Elisabeth Bott, le psychologue social Stanley Milgram, et les sociologues Harrison White, Mark Granovetter et Ronadl Burt.
L'analyse de réseaux repose aussi sur l'apport des mathématiques aux sciences sociales[25]. Notamment la théorie des graphes[26].
Pour Stanley Wasserman et Katherine Faust[27],[28], le psychologue Jacob Levy Moreno, fondateur de la sociométrie, est considéré comme un des précurseurs de l'analyse de réseau. En 1934, il publie son ouvrage de référence Who Shall Survive?. Il invente une représentation graphique, le sociogramme dit aussi « géographie psychologique »[29] :
Sociogrammes de Moreno | |||||||||
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[Note 4] |
En 1954, l’anthropologue John Arundel Barnes, dans une étude sur la stratification sociales d'une île norvégienne (Class and Committees in a Norwegian Island Parish), introduit dans les sciences sociales le terme de réseau social (social network)[30],[8] :
« Chaque individu a un certain nombre d’amis, et ces amis ont leurs propres amis ; certains de ses amis se connaissent les uns les autres, et d’autres non. Il me semble approprié de parler de réseau pour désigner cette sphère sociale. L’image que j’ai en tête est celle d’un ensemble de points qui sont reliés par des lignes. Les points de cette image sont des individus, ou parfois des groupes, et les lignes indiquent quelles sont les personnes qui interagissent les unes avec les autres »
Le texte est traduit en français en 2013[31].
En 1957, l’anthropologue et psychanalyste Elisabeth Bott publie Family and social network en partant du principe que le groupe domestique est un système relationnel comportant des liens entre ses membres d'une part, et des liens avec l'extérieur[32]. Elle fait l'hypothèse que « le degré de ségrégation des rôles entre mari et femme varie dans le même sens que la densité du réseau social de la famille »[32],[33].
En 1967, le psychologue social Stanley Milgram met en place un dispositif expérimental, considéré comme un classique dans les recherches sur le « petit monde »[16],[34],[35],[36]. Milgram conclu que tout les individus étaient reliés les uns aux autres dans un réseau sans clôture (sans frontière) et que la distance moyenne entre deux individus quelconques était de cinq intermédiaires.
Le sociologue Michel Forsé précise[37] :
« À chaque personne d’une population de départ (100 choisies au hasard dans le Nebraska, 96 à Boston, et 100 sélectionnées parce que possédant des actions, à nouveau dans le Nebraska), on demande d’acheminer par la poste un dossier vers un individu-cible [...]. Mais elle ne peut envoyer le dossier qu’à une personne qu’elle connaît personnellement. Comme cela a peu de chances d’être le cas pour ce qui est de l’individu-cible, on lui demande d’envoyer ce dossier à une de ses connaissances dont elle pense qu’elle pourra le faire progresser vers cet individu. [...] La question était (notamment) de savoir combien il faudrait d’intermédiaires pour que le document parvienne au destinataire »
Le sociologue Pierre Mercklé indique que : « Sur les 296 individus des groupes de départ, 217 [soit 73,3%] ont accepté de participer à l'expérience et ont expédié le dossier à une de leurs connaissances, et finalement, 64 dossiers [soit 21,6%] sont parvenus jusqu'à l'individu-cible, au terme de chaînes de connaissances de longueurs variables, mais dont la longueur moyenne était de 5,2 intermédiaires »[38].
Le sociologue Harrison White est reconnu pour avoir introduit l'analyse des réseaux sociaux dans la sociologie[39],[40]. Ses travaux ont aidé à établir les bases théoriques et méthodologiques de ce domaine, en mettant l'accent sur les structures relationnelles plutôt que sur les attributs individuels des acteurs sociaux. Son ouvrage majeur est « Identité et Contrôle : Une théorie de l'émergence des formations sociales » (Identity and Control: A Structural Theory of Social Action) publié en anglais en 1992[41] et remanié en 2008[42], grâce à Michel Grossetti, puis traduit en français en 2011[43]. Il y développe l'idée que les identités sociales et les actions sont largement déterminées par les réseaux de relations dans lesquels les individus sont intégrés.
Le sociologue Mark Granovetter est notamment reconnu pour sa théorie sur la « force des liens faibles » (Strength of weak ties)[44] publié en 1973[6] et revisité en 1983 (The strength of weak ties: A network theory revisited)[45]. Mark Granovetter soutient que comme les liens faibles sont des ponts entre des ensembles d’acteurs qui autrement seraient isolés, ce sont les liens faibles qui procurent aux individus des informations qui ne sont pas disponibles dans leur cercle restreint[46],[47].
Le sociologue Ronald Burt est notamment reconnu pour sa formulation de la notion de trou structural (structural hole) proposée en 1992 dans l’ouvrage Structural holes,[48],[49]. Elle se réfère à une absence de relation directe entre deux contacts d'un acteur donné qui se trouve alors en position de tertius gaudens (nœud qui est en relation avec deux nœuds qui ne sont pas en relation directe l'un avec l'autre : ces deux nœuds sont dans un trou structural). Burt emprunte explicitement sa définition du « trou structural » à la théorie de la force des liens faibles de Mark Granovetter, et l'idée de tertius gaudens (le « troisième larron ») à Theodore Caplow[49]. L'objectif de Burt est de donner un sens analytique à la métaphore du capital social, en montrant la manière dont la structure d'un réseau offre des avantages compétitifs aux acteurs sociaux[49]. Selon Burt, le capital social réside pour l'acteur, dans la possibilité d'exploiter à son avantage les « trous structuraux » que présente le réseau autour de lui[49].
Dans la figure ci-dessous, l'acteur en rouge est en position de « tertius gaudens » : il entretient des liens non redondants avec deux sous-groupes distincts.
Études sur la sociabilité[50],[51]. Études sur le capital social[52],[53]. Études sur l'activité scientifique[39],[54].
Les graphes sont produits à l'aide de traitements mathématiques effectués sur des matrices. Un graphe est composé de nœuds et de liens. Les nœuds (ou unités, sommets) sont généralement les acteurs sociaux (individuel ou collectif), mais ils peuvent aussi représenter d'autres types d'entités (un article scientifique par exemple). Les liens (arêtes ou arcs) sont les interactions ou les relations entre ces nœuds[5].
Un graphe est une combinaisons de nœuds et de liens, de clique, de chaîne, de chemin, de cycle ou de circuit[55].
Pour obtenir un graphe, il est généralement nécessaire de construire ou d'utiliser une matrice d'adjacence. Pour ce faire, il suffit de noter les sommets qui sont liés entre eux. La matrice binaire indique la présence (1) ou l'absence (0) de liens entre les sommets. La matrice peut s'écrire sous forme mathématique ou sous forme de tableau.
Graphe étiqueté | Matrice d'adjacence |
---|---|
En combinant les propriétés mesurées, on peut obtenir des informations détaillées des structures et des dynamiques d'un réseau social, permettant ainsi une meilleure compréhension des interactions et des comportements au sein de ces réseaux.
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