Remove ads
De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Une politique linguistique, aménagement linguistique ou planification linguistique, est une politique conduite par un État ou une organisation internationale, à propos d'une ou plusieurs langues parlées sur son territoire[1],[2], pour modifier trois composantes de leur évolution : leur statut : langue officielle ou non; leur corpus ou code : standardisation de la langue ; leur acquisition, notamment à l'école.
La politique linguistique est un domaine interdisciplinaire, qui fait partie pour certains de la sociolinguistique, pour d’autres de la linguistique appliquée. En tant que domaine, la politique linguistique était connue sous le nom de planification linguistique et est liée à d'autres domaines tels que l'idéologie linguistique, la revitalisation des langues, l'enseignement des langues, entre autres.
Aménager le statut relatif des langues peut s'opérer explicitement ou implicitement. C'est par exemple attribuer des fonctions particulières à une langue donnée, par exemple en la déclarant langue officielle ou en en faisant la langue unique de l'administration et de la justice, ou bien au contraire, en lui enlevant ces rôles. L'emploi de la signalisation routière bilingue est sans doute le principal instrument symbolique de perception et d'institutionnalisation de la réalité bilingue d'un territoire. Les organisations internationales reconnaissent un nombre limité de langues de travail, six pour l'ONU.
Planifier le corpus d'une langue, c'est par exemple adopter un système d'écriture, en fixant le vocabulaire par l'établissement de lexiques ou de dictionnaires, en arrêtant des règles grammaticales et orthographiques, en favorisant ou non la création terminologique pour limiter ou non les emprunts aux langues étrangères, etc. Des institutions ont été établies dans beaucoup de pays pour définir les normes linguistiques, comme l'Académie française dès 1635 ou la Real Academia Española (1713). C'est encore consister à modifier le nom d'une langue, en le calquant sur le nom de la région ou de l'État que l'on veut distinguer (Moldavie, etc.) ou sur des références historiques, culturelles et linguistiques différentes (Hindi/Ourdou, Malais/Indonésien, Bosnien/Croate/Monténégrin/Serbe). Dans l'ex-URSS les noms de beaucoup de langues minoritaires avaient été changés (Toungouses = Evenki, Zyrianes = Komi…).
Planifier l'acquisition des langues, c'est décider de la place relative dans le système d'enseignement des langues nationales, de communication internationale, régionales et de l'immigration : obligation d'apprentissage d'une ou plusieurs langues; politiques de promotion, de soutien, de limitation ou même parfois d'éradication de langues minoritaires.
Dans certains cas, il y a modification du statut, du corpus et de l'acquisition, quand par exemple une langue nouvelle est créée à partir d'une autre langue. C'est le cas de l'hébreu moderne en Israël à partir de l'hébreu ancien ou de l'indonésien à partir du malais.
Tous les États ont une politique linguistique, déclarée ou non. Si la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, la politique linguistique est à l'inverse une forme civile de la guerre des langues[3]. Il y a plusieurs manières implicites ou cachées d'opérer quand les gouvernements ne déclarent pas de politique linguistique officielle, comme c'est le cas aux États-Unis. La langue majoritaire est de fait favorisée : c'est celle de l'État et de son administration, de l'enseignement, des médias, du commerce, etc. Compte tenu de l'hégémonie de ces langues dominantes dans un ou plusieurs pays, les locuteurs des langues minoritaires sont obligés ou incités fortement à apprendre ces langues dominantes pour survivre et s'intégrer, et ceci aux dépens de leurs langues maternelles qui sont généralement de plus en plus minorisées et pour beaucoup peuvent aller jusqu'à disparaître[4].
Les politiques d'assimilation linguistique ou plus modérément d'accès à la maîtrise linguistique sont justifiées par la volonté de promouvoir la culture nationale dont la langue officielle est le véhicule privilégié, de favoriser la convergence culturelle, la délibération démocratique et l'accès égal aux opportunités qui facilitent l'acceptation de l'Etat social redistributif moderne[5],
Si l'existence de minorités linguistiques dans leur juridiction a souvent été considérée comme une menace potentielle pour la cohésion interne, les États comprennent également que l'octroi de droits linguistiques aux minorités peut être plus dans leur intérêt à long terme, en tant que moyen d'obtenir la confiance des citoyens dans le gouvernement central.
Les politiques linguistiques prennent une importance particulière dans les États multilingues, qui sont très majoritaires. Ilssont parfois amenés à légiférer jusque dans les détails. C'est notamment le cas en Belgique pour le néerlandais et le français. C'est aussi un sujet délicat dans nombre de pays, dont la France, face à l'hégémonie grandissante de l'anglais.
Les politiques linguistiques prônent souvent la protection d'une ou de plusieurs langues. Ainsi, on est parfois proche du "protectionnisme linguistique" pour certaines mesures qui, en France, tendent à juguler la domination de l'anglais dans l'Hexagone (quota de chansons francophones de 40 % à la radio, loi Toubon…) ou au Québec avec la Charte de la langue française au Québec. Ces lois peuvent être ou non appliquées selon la volonté politique des gouvernements.
L'existence d'environ 200 États reconnus, -voir Liste des États du monde par continent-, et de 7 000 langues dans le monde indique que cette question se pose dans la grande majorité des États. La Liste des langues officielles, au nombre de 140 environ, indique l'importance numérique des langues minoritaires. Le degré de répression ou de protection des langues minoritaires dans un pays peut être très variable selon les époques, les pays et les gouvernements.
La France ne mène officiellement aucune politique linguistique déclarée contre les langues autochtones autres que le français, ni aucune en leur faveur. Ces langues sont appelées langues régionales. L'attitude de l'administration peut être cependant parfois hostile ou à tout le moins sujette à caution. Certaines langues régionales peuvent théoriquement néanmoins être choisies en LV2 (deuxième langue vivante étrangère) dans les établissements publics. On ne connaît cependant aucune section LV2 débutant, comme les langues étrangères, au niveau de la classe de 4e dans les collèges publics.
L'usage des langues régionales et de leur place face à une langue officielle dominante est un sujet parfois très délicat. La Diglossie ou expression alternative d'un même locuteur dans deux langues est souvent asymétrique entre une langue dominante et une langue dominée. La politique linguistique reflète souvent le rapport de force politique entre le pouvoir central et le pouvoir régional : volonté d'assimilation à la "langue de la République" en France, ou bien, à l'inverse, tendances à une autonomie plus large, comme en Catalogne.
On peut distinguer deux grandes formules de traitement politique du plurilinguisme, bien qu'il existe des situations mixtes[6] :
Les différents pays mènent une politique linguistique, qu'elle soit officielle ou implicite.
Expérimentation de politique linguistique publique
De la même manière, les pays (ou organisations) qui se lancent dans la concrétisation d'une politique linguistique voient plusieurs options s'offrir à eux :
Plusieurs politiques ont été observées historiquement.
Plurilinguisme de fait dans la majorité des empires. Ainsi, celui de de Charles Quint avec les langues espagnole, allemande, néerlandaise, etc.
Imposition de la langue impériale comme seule langue administrative et souvent d'enseignement : Rome antique à l'origine des langues romanes, Amérique latine coloniale, ou à partir de l'enseignement du second degré l'anglais dans l'Inde coloniale.
Répression de ceux qui parlent une autre langue, voire linguicide qui peut aller dans certains cas extrêmes jusqu'au génocide, comme celui des Arméniens dans l'Empire Ottoman en 1915.
Des coalitions militaires se coordonnent dans la langue dominante de l'époque, comme en français à Waterloo par les généraux prussiens, anglais, autrichiens. Le français est la langue diplomatique de référence à partir de la fin du XVIIe siècle.
À la fin du XIXe siècle, les puissances économiques anglophones et germanophones sont très importantes. L'anglais et l'allemand concurrencent le français en tant que langues scientifique et de communication internationale.
Les langues internationales choisies sont le français et l'anglais, puis l'espagnol.
En , 13 pays incluant environ la moitié de la population mondiale, dont la Chine, les Indes, le Japon et la Perse votent une recommandation pour enseigner la langue internationale auxiliaire Espéranto dans les écoles[7]. Cette résolution est rejetée par la délégation française qui pense ainsi mieux défendre le rôle international du français.
On compte six Langues officielles de l'Organisation des Nations unies, pour lesquelles ont aussi été créées en 2010 les Journées des langues aux Nations unies. En 1945, à la création de l'Organisation des Nations unies (ONU) les langues officielles sont l'anglais, le français, le russe, l'espagnol, le chinois (mandarin). L'arabe est ajouté en . Dans les faits, l'anglais a une place prépondérante.
Les organisations dépendantes de l'ONU: Organisation mondiale de la santé (OMS), Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), Organisation internationale du travail (OIT), etc. suivent son exemple.
L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, a notamment publié un atlas mondial des langues en danger. Il recense en 2 464 langues. Pour chacune de ces langues, l'atlas donne son nom, le degré de menace et le ou les pays où cette langue est parlée.
L'Unesco considère que les langues appartiennent au patrimoine culturel immatériel de l'humanité et œuvre pour la diversité linguistique par des programmes de sauvegarde des langues en danger. L'organisme fournit les chiffres suivants :
Les linguistes sont préoccupés par ce phénomène, car les langues qui disparaissent sont souvent des langues qui contiennent des phénomènes linguistiques rares, voire uniques, et s'ils n'ont pas été répertoriés, enregistrés, étudiés, ils seront perdus à jamais.
Le degré de menace est mesuré avec l'échelle suivante :
Certains observateurs estiment que la promotion complémentaire de la langue internationale auxiliaire espéranto, estimée du fait notamment de l'absence d'exceptions huit à dix fois plus facile que n'importe quelle autre langue par le secrétaire général adjoint de la Société des Nations, le scientifique japonais Nitobe Inazō, permet à la fois de faciliter l'apprentissage des langues et de conserver plus facilement l'usage de sa langue maternelle en disposant d'une langue internationale neutre parallèlement à d'autres langues.
L'organisation institutionnelle de l'UE est en partie supranationale (le Parlement européen et ses députés européens élus dans chaque pays) ; la Commission européenne) et en partie intergouvernementale : le Conseil européen réunit les chefs d'État ou de gouvernement, le Conseil de l'Union européenne des ministres des États membres.
Or, chaque État de l'UE a eu le droit de présenter une langue officielle, et les langues officielles de l'Union européenne, de 4 (dans au moins un des 6 États membres) au départ en 1958, sont au fil des élargissements successifs, au nombre de 24 dans l'UE à 27 États membres (en 2020). L'ensemble des langues dans l'Union européenne comprend aussi les langues dites régionales ou minoritaires.
De 1958 à 1973, le français, langue diplomatique et juridique utilisée dans trois États sur six, était la principale langue de référence pour les documents introductifs de la Commission, version initiale de nombreux décrets et lois. Ce rôle va progressivement passer à l'anglais surtout à partir des élargissements de 1995 et 2005, les nouveaux États membres choisissant massivement, parfois contraints pour ceux de 2004, l'anglais comme principale langue procédurale.
On distingue trois langues de travail procédurales, l'anglais, le français et l'allemand[8]. De plus, pour les traductions simultanées et compte tenu du grand nombre de combinaisons, sont utilisées comme langue pivot ces trois langues (surtout l'anglais, puis le français,l'allemand,), et si besoin l'espagnol, l'italien ou le polonais[9]. Ces six langues incluent ensemble plus des deux tiers des locuteurs natifs et 99 % des apprenants de langues de communication internationale.
Avec le Brexit, certains considèrent que l'anglais, qui est aussi une langue officielle de Malte et de l'Irlande, soit un peu plus de 1% de la population de l'UE, deviendrait une langue « neutre ». D'autres estiment que l'anglais est la langue nationale de la superpuissance hégémonique concurrente de l'UE, et qu'il faut utiliser davantage les langues les plus parlées dans la nouvelle UE, particulièrement les deux autres langues procédurales, le français et l'allemand, ainsi que si les gouvernements le désirent d'autres langues largement parlées comme l'italien, l'espagnol, le polonais qui pourraient jouer un rôle plus actif.
Enfin d'autres, actuellement minoritaires, estiment que, au côté des langues procédurales, quand certains documents ne peuvent être traduits dans toutes les langues de l'UE, la langue internationale auxiliaire parlée espéranto, neutre, facile et précise, pourrait être introduite comme langue pivot ou relais auxiliaire ce qui améliorerait l'équité et l'efficacité en interne, et éviterait de donner un avantage économique trop important à de grandes puissances concurrentes de l'UE se traduisant parfois par des pertes d'emplois dans cette dernière. Elle pourrait aussi être introduite comme langue commune relativement facile dans l'enseignement, tremplin efficace pour l'étude des autres langues selon le Rapport Grin.
Les minorités linguistiques régionales et les immigrés internationaux (3 à 4 % de la population mondiale), dans le cas d'une immigration de travail, sont souvent discriminés linguistiquement et socialement[10] du fait aussi de leur connaissance insuffisante de la langue dominante du pays ou de la région. La scolarisation et des programmes d'apprentissage peuvent limiter ce type de discrimination.
Cette discrimination peut être aussi le cas pour la principale langue de communication internationale inégalement maîtrisée par les natifs (5 % de la population mondiale) et l'énorme majorité des autres qui le plus souvent ne la parlent pas du tout ou alors une forme très appauvrie appelée Globish ou Basic English. Claude Piron, ancien traducteur d'anglais, espagnol, chinois à l'OMS estime qu'une bonne maîtrise de l'anglais nécessite en moyenne 10 000 heures de travail soutenu, l'équivalent de cinq années de travail[11].
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.