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catastrophe environnementale survenue en Côte d'Ivoire De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'affaire du Probo Koala est une catastrophe environnementale survenue en Côte d'Ivoire. Elle tire son nom du navire vraquier qui a acheminé des déchets en Côte d'Ivoire en 2006 : le Probo Koala, un navire vraquier immatriculé au Panama, appartenant à une compagnie grecque et affrété par la société hollandaise et suisse Trafigura.
En , ce navire vraquier polyvalent a déchargé au port d'Abidjan 581 tonnes de déchets provenant du nettoyage du bateau (un mélange de pétrole, sulfure d'hydrogène, phénols, soude caustique et de composés organiques sulfurés). Ces derniers, répandus à terre en zone de décharge, provoquent des émanations de gaz mortels[1],[2]. La mort de 17 personnes et l'intoxication de dizaines de milliers de personnes[1] (43 492 cas d'empoisonnement confirmés et 24 825 cas probables, d'après l'INHP) sont imputées par Amnesty international aux émanations de ces déchets[3]. Trafigura est jugée responsable par un tribunal des Pays-Bas qui condamne l'entreprise le à verser des dommages et intérêts aux victimes.
Trois cargaisons d'environ 28 000 tonnes de coke de pétrole (coker naphta) ont été chargées à Brownsville, Texas sur le M/T Seapurha le , sur le M/T Moselle le et sur le M/T Seavinha le . Ces trois navires ont par la suite transféré leur cargaison sur le M/T Probo Koala les , et [2].
Le , après une traversée transatlantique, le Probo Koala accoste au quai d'Afrique du port d'Amsterdam, aux Pays-Bas. Il a auparavant déchargé une cargaison d'hydrocarbures à Algésiras, en Espagne.
La citerne à déchets étant pleine, Trafigura cherche à s'en défaire auprès de la société spécialisée Amsterdam Port Services (APS). Ces déchets seraient des slops, des résidus de fond de citerne[4]. Plus de 500 m3 (500 000 litres) de résidus d'hydrocarbures et divers composants chimiques sont déchargés sur une barge amarrée à couple du Probo Koala. Une puanteur inhabituelle se répand, probablement due à la forte odeur d'œufs pourris du sulfure d'hydrogène (H2S). La police des services d'environnement de la ville et les autorités portuaires interviennent.
Trafigura, l'affréteur du navire, est tenu de faire retraiter les résidus par une entreprise de retraitement agréée et internationalement reconnue, le retraiteur Amsterdam Port Services (APS).
Le retraiteur, la société APS remarque, lors de tests en laboratoire, que les substances ne correspondent pas aux informations données par le donneur d’ordre. Selon le directeur d’APS, il s'ensuit une négociation sur le prix qui n’a pas abouti. Les discussions durent deux jours. Trafigura refuse la décontamination, jugée trop longue et trop coûteuse : APS demande 1 000 euros puis 750 euros par mètre cube. À cela s'ajoutent une journée d'immobilisation supplémentaire au port, soit un coût de 35 000 dollars, et une journée de location du navire, soit un coût de 250 000 dollars.
À Londres, Paul Duncan, directeur de la logistique de Trafigura, décide de recharger les déchets sur le Probo Koala, ce qui, selon APS, ne s'est jamais produit auparavant.
Les résidus, qui avaient entre-temps été transbordés sur une barge, sont rechargés sur le Probo Koala. L’opération ayant dégagé une forte puanteur du fait de la présence de fortes quantités de sulfure d'hydrogène (H2S), le Ministère public de La Haye a fait ouvrir une enquête sur d’éventuelles transgressions des règles environnementales.
Les services de l'environnement d'Amsterdam ont tenté de faire immobiliser le navire mais se sont heurtés à l'administration nationale. APS et les services chargés de l'inspection des navires laissent le vraquier faire route vers l'Estonie, puis le Nigeria et la Côte d'Ivoire. Ils gardent 16 tonnes de déchets aux fins d'analyses et de garantie. La seule injonction faite est de décharger les déchets au port suivant, sans s'assurer que celui-ci possède les installations ad hoc.
La justice néerlandaise enquête sur les conditions dans lesquelles les autorités portuaires ont laissé partir ces déchets. En effet, si les autorités du port considéraient qu'il s'agissait de déchets toxiques, ceux-ci étaient alors soumis à la convention de Bâle qui impose un visa d'exportation. Selon les enquêteurs, les déchets du Probo Koala n'étaient pas des eaux usées tirées du nettoyage du tanker, mais bien des déchets chimiques.
Un fonctionnaire de la ville d'Amsterdam, chargé de la surveillance de l'environnement à la mairie d'Amsterdam a été inculpé pour avoir délivré l'autorisation de complaisance qui a permis au Probo Koala de repomper ses déchets, pratique inhabituelle, et de quitter Amsterdam[5].
Le Parlement néerlandais a demandé des comptes à Pieter van Geel, le Secrétaire d'État auprès du ministre du Logement, de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement des Pays-Bas.
Après son escale néerlandaise, le Probo Koala se rend en Estonie pour charger de l'essence destinée in fine au Nigeria.
Le , après deux escales aux îles Canaries et à Lomé (Togo), le Probo Koala atteint Lagos (Nigeria). Il livrerait une cargaison de pétrole. Trafigura fait une nouvelle et vaine tentative de vidange.
Selon Trafigura, il s'agit de slops, des résidus de fonds de citernes peu toxiques. La compagnie néerlandaise affirme que ceux-ci ont « une teneur toxique très faible ». Les « slops » font l'objet d'une convention internationale (Marpol), qui interdit de les rejeter en mer. Les slops sont exportables pour être retraités dans des installations adéquates. Les déchets incriminés seraient un mélange d'essence, d'eau et de soude caustique résultant du nettoyage des cuves du navire.
Trafigura assure avoir communiqué aux autorités ivoiriennes la nature des déchets et dit s'être assurée au préalable de leur « élimination sûre ». Trafigura a expliqué qu'il s'agissait de « slops », des déchets maritimes, des boues qui restent au fond des citernes des navires.
Le , Trafigura a indiqué qu'elle disposait de tests indiquant la « teneur toxique très faible » de ses « eaux de nettoyage ». Les résultats proviennent du laboratoire Saybolt, à Rotterdam, dont un des responsables, Jan Heinsbroek, a émis des doutes sur les échantillons qu'il a expertisés. Selon Trafigura, « aucune trace » d'hydrogène sulfuré n'apparaît. « C'est de l'eau sale », avait-on dit aux chauffeurs des citernes qui déverseront le produit dans Abidjan.
Cependant, après avoir nié pendant deux mois la toxicité des déchets déversés à Abidjan, le directeur financier et cofondateur de Trafigura Eric de Turckheim a reconnu qu'une opération de transformation de naphte avait bien eu lieu à bord du Probo Koala, en pleine mer, quelques semaines avant le désastre[8].
Dans un reportage de l'émission française Complément d'enquête qui avait pour thème « Déchets toxiques : la bombe écologique », diffusée le sur France 2, Eric de Turckheim déclarait, en pensant qu'il n'était pas filmé, que si le Probo Koala avait vidé ses cuves en pleine mer, on n'aurait jamais entendu parler de Trafigura dans cette affaire.
Trois enquêtes sont ouvertes aux Pays-Bas : le parquet, la ville d'Amsterdam et le ministre des transports tentent de déterminer dans quelles circonstances le navire a pu quitter le pays alors que ses soutes ne contenaient sans doute pas que des résidus issus d'un nettoyage.
Les analyses révèlent que les déchets se présentaient sous deux phases. La phase aqueuse était constituée majoritairement d’une solution d’hydroxyde de sodium (soude) à 10 %. Elle contenait des thiols (mercaptans), des phénols et de l’hydrogène sulfuré. La phase organique était constituée de naphte (oléfines, paraffines et hydrocarbures aromatiques) et contenait des disulfides.
Selon une enquête du parquet néerlandais, cité le par le quotidien néerlandais de centre gauche de Volkskrant, le Probo Koala aurait raffiné en pleine mer du pétrole brut, en mélangeant soude et naphta. En mai et , le Probo Koala aurait pu transformer 70 000 tonnes de pétrole brut en essence, en pleine mer. Selon de Volkskrant, le Probo Koala a reçu trois cargaisons de 28 000 tonnes de naphte en provenance des États-Unis.
L'opération de transformation consistait à libérer le soufre contenu dans le naphte à l'aide de substances dérivées de la soude et d'une substance adjuvante, un produit catalyseur utilisé dans les raffineries, appelé ARI-100 EXL (cobalt phthalocyanine sulphonate). L'essence ainsi produite n'est pas exempte de soufre et ne pouvait donc être commercialisée en Europe. Elle pouvait, en revanche, l'être en Afrique (Le navire s'est rendu au Nigeria début ). Ce sont les 70 tonnes de résidus de l'opération qui auraient été déchargées en Côte d'Ivoire.
Cette manipulation aurait généré un bénéfice de 8 millions de dollars (5,5 millions d'euros) pour Trafigura, qui a jugé ces informations « complètement inexactes ». Ce raffinage sauvage aurait formé des déchets très toxiques, dont 72 tonnes de résidus soufrés[9].
Cette hypothèse, une réaction chimique incontrôlée, est corroborée par des analyses effectuées aux Pays-Bas sur des échantillons recueillis à Amsterdam, le par le Centre national d'information sur les empoisonnements. Outre la présence d'oxyde de soufre, le document note la présence d'« un résidu qui apparaît lors du raffinage de pétrole brut ».
Après avoir nié pendant deux mois la toxicité des déchets déversés à Abidjan, Eric de Turckheim a reconnu qu'une opération de transformation de naphte avait bien eu lieu à bord du Probo Koala, en pleine mer, quelques semaines avant le désastre[8].
Il ressort d'une note d’information sur les déchets toxiques à Abidjan rédigée par l’Organisation Mondiale pour la Santé que : « cet échantillon [prélevé sur le Probo Koala] s’apparente à du produit pétrolier de masse volumique 750,6 kg/m3, très proche de l’essence, avec une très forte teneur en hydrogène-sulfuré, substance toxique pouvant, à cette dose, entraîner la mort immédiate en cas d’inhalation. »
En outre, l’échantillon testé contenait une « très forte concentration d’organochlorés avec un taux supérieur à 250 mg/L et un taux excessif de sulfure […]. Les organochlorés et l’hydrogène provoquent des atteintes cérébrales pouvant engendrer des malaises, des céphalées, des migraines, des douleurs thoraciques accompagnées de toux, des irritations naso laryngo pharyngées, des vertiges, des convulsions et même le coma en cas d’intoxication aigüe. »
Ainsi, les moyens utilisés pouvaient « entraîner la mort immédiate en cas d’inhalation », des « convulsions et même le coma en cas d’intoxication aigüe »[10].
Il est donc avéré que les substances contenues dans les déchets déversés créent un danger pour les personnes. Cela est d'autant plus avéré que la liste officielle des victimes de ces infractions est quasiment sans fin.
Un expert des Nations unies a affirmé que le déchargement de ces produits constituait clairement une infraction aux lois internationales sur le traitement des déchets toxiques.
Trafigura a été créé en 1993 par Claude Dauphin, président du conseil d’administration jusqu'à son décès en 2015, et Éric de Turckheim. Cette multinationale est spécialisée dans le négoce des marchandises, comme le pétrole brut, les produits raffinés, les concentrés de métaux et les métaux raffinés, et fournit également les navires et les installations nécessaires à leur transport et à leur stockage.
Trafigura mène ses activités à travers plusieurs entités, notamment :
Trafigura était le propriétaire de déchets contenus dans la cargaison du Probo Koala. En outre, elle a affrété ce navire et est responsable de son transport jusqu’en Côte d’Ivoire.
Ces affirmations sont déduites de :
Le groupe Trafigura a choisi la Compagnie Tommy SARL comme principal prestataire pour « l’enlèvement et le traitement » des déchets toxiques.
Cette affirmation est déduite de :
Enfin, Trafigura ne pouvait ignorer que la société Tommy allait se débarrasser des déchets sans le moindre traitement. Cela est déduit du message donné par M. Ugborugbo à M. Kablan à l'intention de M. Marrero. Il ressort de ce message que « compte tenu de la haute concentration de soufre de mercaptan et la forte odeur [des ...] produits, un chimiste [leur ...] a conseillé de déverser [les déchets à ... ] Akouedo […] »
Le terme « déverser » qui est utilisé ne saurait être compris comme équivalent à traiter ; il ne laisse aucun doute sur les intentions de M. Ugborugbo dès la rédaction de ce message. Il ne pouvait laisser de doute dans l'esprit de ses destinataires.
Enfin, selon le rapport de la Commission Nationale d’Enquête sur les Déchets Toxiques (p. 60 à 62), « Ni M. Paul Short, ni M. Marrero ne pouvait ignorer l’incapacité technique de la compagnie Tommy. »
En conséquence :
Il résulte de tous ces éléments que Trafigura est la principale responsable du déversement des déchets.
Puma International CI est une filiale du groupe Trafigura, elle est basée à Abidjan. Trafigura est son actionnaire unique. L’objet de Puma International CI est le stockage et la vente des produits pétroliers sous douane.
Malgré cet objet social, il ressort des divers éléments que la société Puma International CI a pris une part active dans le transfert des déchets toxiques. Cette assertion s’appuie sur :
Ainsi, M. Kablan a été le personnage central, le pivot, de cette tragédie. Il a mis les divers acteurs en relation, il a assuré l'interface entre la société Tommy et la société Waibs, entre la société Tommy et Trafigura et entre la société Tommy et les autorités ivoiriennes.
M. Kablan est le seul ivoirien dont la libération ait été obtenue aux termes du protocole d'accord. Cette circonstance laisse à penser que Trafigura craignait ses révélations.
Elle est le consignataire de tous les navires affrétés par la société Trafigura à destination de la Côte d’Ivoire. M. Paul Short l’a mandaté par un message électronique du .
Les statuts de cette compagnie, adoptés le , ont été enregistrés le à la Direction du Recouvrement de la Direction Générale des Impôts à Abidjan.
Il ressort de ces statuts que la Compagnie Tommy a pour objet :
Cette compagnie a pour associés M. Konate Ibrahim, de nationalité ivoirienne et M. Ugborugbo Salomon, de nationalité nigériane, par ailleurs gérant.
Le , la Compagnie Tommy a déposé sa demande d’agrément d’avitailleur maritime à la Direction Générale des Affaires Maritimes et Portuaires (DGAMP).
Le , le projet d’Arrêté d’agrément de la Compagnie Tommy a été approuvé et transmis au Ministre des Transports ivoiriens. Les circonstances de cette approbation sont mystérieuses.
Le , l’Arrêté d’agrément de la compagnie Tommy est signé par le Ministre des Transports.
Dans l’intervalle, le , le navire Probo Koala est refoulé du Port d’Amsterdam en Hollande avec ses déchets.
Le , la Compagnie Tommy adresse une demande d’autorisation au Directeur Général du Port autonome d'Abidjan pour la vidange, l’enlèvement d’hydrocarbures et de déchets à bord des navires.
Ainsi, la compagnie Tommy n’a déposé cette demande d’autorisation auprès du directeur général du Port autonome d'Abidjan qu’après que le Probo Koala ait été refoulé d’Amsterdam.
L'enlèvement des hydrocarbures et des déchets, objets principaux de la demande, sont hors de l'objet social, ces deux activités sont à l’origine du drame.
Le , la Compagnie Tommy obtient du Colonel Bombo, Commandant de la Capitainerie du Port, l’autorisation d’exercer au Port autonome d'Abidjan.
Cette autorisation a été donc été obtenue en 20 jours.
Le , le navire Probo Koala accoste au quai Petroci du Port autonome d'Abidjan. Le même jour, la Compagnie Tommy commence à décharger les déchets jusqu’au .
Il ressort de ce qui précède que :
Au regard de ces éléments, la compagnie Tommy a toutes les apparences d’une société-écran créée pour la circonstance dont le bras séculier est M. Salomon Ugborugbo.
Selon Fodjo Kadjo Abo, écrivain ivoirien et magistrat hors hiérarchie :
A la suite du déversement de ces produits, plus de cent mille personnes furent intoxiquées. Parmi elles, on dénombra plus de vingt mille morts et des milliers de malades hospitalisés dont certains étaient dans un état critique[13].
Sur le plan judiciaire, sept Ivoiriens et un Nigérian ont été arrêtés par les autorités ivoiriennes.
Le procès s'est ouvert à Abidjan, le . Comme cela a été prévu dans les tractations financières évoquées plus haut[14], aucun membre de l'affréteur Trafigura n'a été mis en examen ou jugé[15].
L'enlèvement devait débuter le sous la houlette de la société Trédi, filiale du groupe français Séché environnement, spécialiste du traitement des déchets.
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