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affaire criminelle De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L’affaire de présumés faux tableaux d'art ancien est une affaire criminelle et une enquête journalistique concernant plusieurs tableaux de maîtres anciens inondant le marché de l'art international et signalés comme étant des faux par une lettre anonyme adressée à la justice française en 2015.
À la réception en 2015 d'une lettre anonyme signalant comme étant des faux plusieurs dizaines de tableaux de maîtres anciens circulant sur le marché de l'art international, le procureur de la République ouvre une information dont est chargée la juge d'instruction du pôle économique et financier du tribunal de grande instance de Paris, Aude Buresi, assistée dans son enquête par les services de l'office central de lutte contre le trafic des biens culturels (direction centrale de la police judiciaire)[1].
En recoupant la dénonciation avec d'autres informations, les enquêteurs s'orientent plus particulièrement vers une Vénus au voile attribuée à Lucas Cranach l'Ancien, un Portrait d'homme attribué à Frans Hals, un David contemplant la tête de Goliath attribué à Orazio Gentileschi, un Saint Jérôme, attribué à l'entourage du Parmigianino, un Saint François, attribué au Greco, et un Saint Côme attribué à Bronzino.
Une première saisie est réalisée le à l'hôtel de Caumont à Aix-en-Provence où elle était exposée depuis le , celle d'une Vénus au voile, une huile sur bois de 38,7 × 24,5 cm attribuée à Lucas Cranach l'Ancien, portant le monogramme au serpent ailé de la signature du peintre, datée de 1531, appartenant à la collection de princes de Liechtenstein et acquise par Hans-Adam II en 2013 pour 7 millions d'euros[2],[3]. Le conservateur du musée reste persuadé de son authenticité[4].
Le Portrait d'un homme attribué à Frans Hals est vendu par Sotheby's en 2011 pour 8,5 millions de livres sterling. À l'issue de l'enquête révélant la contrefaçon du tableau, la maison de vente a intégralement remboursé son client[5]. Le tableau avait été classé trésor national en 2008 par le ministère français de la Culture lors de sa mise en vente par le marchand d'art Giuliano Ruffini (en). La tentative du musée du Louvre de réunir les fonds, soit 5 millions d'euros, qui auraient permis son acquisition, ayant échoué, le tableau est vendu au marchand d'art Mark Weiss et à la société londonienne Fairlight Art Ventures en 2010 puis revendu de gré à gré par l'intermédiaire de Sotheby’s au collectionneur américain Richard Hedreen (en). Le la société Fairlight Ventures assignée par Sotheby's est condamnée à payer une part du remboursement[6],[7],[8],[9],[10].
David contemplant la tête de Goliath (vers 1612), huile sur lapis-lazuli de 25 × 19 cm attribuée à Orazio Gentileschi a été prêté à la National Gallery par son propriétaire actuel en 2013 et exposé jusqu'en . Il a été restitué au collectionneur à l'issue de l'enquête. Le musée anglais qui entreprend des recherches de diligence raisonnable sur les œuvres prêtées ainsi qu'un contrôle de leur état n'avait aucun doute quant à l'authenticité du tableau[5], malgré le fait que l’œuvre est une copie pure d'un véritable tableau du maître. L'œuvre n'étant réapparue sur le marché de l'art qu'en 2012, elle n'est pas mentionnée dans l'analyse des tableaux du même titre (18 et 19, p. 101 à 107) dans le catalogue des œuvres d'Orazio et Artemisia Gentileschi édité par le Metropolitan Museum of Art en 2001[11].
La maison de vente aux enchères Sotheby's de New York qui avait vendu le Saint Jérôme attribué à l'entourage du Parmigianino en 2012 pour 842 500 dollars, a également remboursé son client en 2015, après que de la phtalocyanine, un pigment synthétique vert, a été trouvé par la société Orion Analytical sur plus de vingt endroits du tableau. Sotheby's a ensuite poursuivi le vendeur, Lionel de Saint Donat-Pourrières, un marchand d'art luxembourgeois, qui a refusé de restituer la somme reçue de la vente et a été finalement condamné en novembre 2018 à rembourser 1,2 million de dollars. Il tenait le tableau de Giuliano Ruffini (en). Inconnu avant son attribution à Parmigianino en 1999 par Mario di Giampaolo, un ami de Ruffini, le tableau avait été exposé à Parme, à Vienne et au Metropolitan Museum of Art de New York après la vente par Sotheby's et son authenticité reconnue par nombre de spécialistes comme Sylvie Béguin, conservatrice honoraire du musée du Louvre. Le tableau est désormais, comme la Vénus au voile attribuée à Cranach, placé sous séquestre par ordonnance du juge chargé de l'enquête pénale ouverte en 2015[12],[13].
Début , la Guardia di Finanza saisit, le dernier jour de l'exposition, sur commission rogatoire du parquet parisien, un Saint François attribué au Greco, une huile sur toile d'une valeur de 500 000 euros présentée dans le cadre de l'exposition « El Greco in Italia. Metamorfosi di un genio » au palais Ca' dei Carraresi (it) de Trévise. Les enquêteurs soupçonnent, sur la base de la dénonciation reçue, la toile qui appartient à Pasquale Frongia dit Lino Frongia, peintre et collectionneur de Reggio d'Émilie, d'être un faux de la même main que la Vénus de Cranach. Le tableau est transféré à Paris, laissant les organisateurs de l'exposition médusés qui, pour la certification de l'authenticité de l'œuvre s'étaient appuyés sur des experts internationaux dont Leticia Ruiz Gómez. L'un des principaux experts du peintre crétois pour le musée du Prado à Madrid, elle avait signé une étude par laquelle elle certifiait l'authenticité du Saint François. L'œuvre avait également fait l'objet de tests chimiques spécifiques, avec collecte et examen des pigments qui avaient établi sans l'ombre d'un doute sa datation et sa paternité. Le critique d'art Vittorio Sgarbi était intervenu dans les pages du Corriere del Veneto expliquant qu'il avait assisté à l'acte de vente entre l'ancien propriétaire et Frongia, garantissant l'authenticité du tableau acheté comme une œuvre de la fin du XVIe siècle[14].
À la clôture le de l'exposition de la collection Alana au musée Jacquemart-André, les autorités françaises saisissent, sur ordonnance de la juge Aude Buresi, le Saint Côme attribué à Bronzino, une huile sur bois de 81 × 56,2 cm[15]. Le tableau pourrait être un faux mis en circulation par Giuliano Ruffini (en)[16],[17].
Entré dans la collection Alana en 2011, le tableau est authentifié et attribué à Bronzino en raison de ses nombreux pentimenti par Philippe Costamagna, conservateur du musée Fesch d'Ajaccio et spécialiste de l'école florentine. Le tableau lui a été présenté chez Giuliano Ruffini. Il semblait appartenir à des marchands d'art espagnols présents lors de la rencontre. Cependant, le nom de Giuliani Ruffini n'apparaît pas dans le catalogue de l'exposition de la collection Alana au musée Jacquemart-André : seules sont mentionnées les provenances Juan Lamella à Londres et H. Wirth à Zurich en 2009 avant l'acquisition par la collection Alana en 2011. Les représentants de la collection Alana ont par la suite précisé que l'achat en 2011 a été réalisé auprès de la Derek Johns gallery (Londres)[15],[17],[18].
Philippe Costamagna, qui a identifié le Saint Côme comme l'une des parties d'un ensemble dont La Déposition conservée au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon est la pièce maîtresse, considère que le tableau n'est pas un faux[19],[17].
Un nom est associé à tous ces tableaux, celui de Giuliano Ruffini (en), collectionneur d'œuvres d'art entre les mains duquel sont aussi passés des originaux comme des copies d'œuvres de Brueghel, du Corrège, d'Antoine van Dyck, de Diego Vélasquez, d'Abel Grimmer ou d'Adriaen Coorte[20]. Plusieurs expertises ayant renforcé les doutes induits par la dénonciation anonyme sur l'authenticité des toiles attribuées à Lucas Cranach l'Ancien et à Frans Hals aux yeux des enquêteurs de l'office central de lutte contre le trafic des biens culturels, les autorités françaises interrogent d'abord Giuliano Ruffini et son fils Matthieu[21],[22].
À la suite du rapport adressé au Parquet de Reggio d'Émilie, une information est ouverte par le procureur Giacomo Forte. Le domaine de Giuliano Ruffini dans l'Appenin de Reggio-d'Émilie (it) près de Parme, dans le nord de l'Italie, est perquisitionné à la fin du mois de . Dans l'opération, la Guardia di Finanza saisit en vue de leur expertise des œuvres d'art dont une Tête de Christ attribuée à Andrea Solari et une Scène de carnaval attribuée à l'entourage des Brueghel ainsi qu'un « four » qui semble avoir servi à vieillir les œuvres, mais l'intervention des avocats de Ruffini parvient à empêcher la saisie. En un mandat d'arrêt européen est émis contre lui. Le collectionneur est arrêté en juin et libéré dans l'attente de l'audience du pour laquelle la France devra avoir transmis toutes les preuves caractérisant les faits reprochés[23],[22].
Le peintre Pasquale Frongia, dit Lino Frongia, de Montecchio Emilia, diplômé de l'Académie des beaux-arts de Bologne, présumé faussaire suspecté de fraude, blanchiment d'argent et contrefaçon d'œuvres d'art, est interpellé en et, après une journée de garde à vue, libéré par la cour d'appel de Bologne faute de preuves. Il sera cité à une audience d'extradition ultérieure. Son avocate conteste les faits reprochés. Ce n'est pas la première fois que le peintre est lié à des allégations de contrefaçon : le même Vittorio Sgarbi qui soutient l'authenticité du Greco, affirmait en 2008 avoir vu une Tête du Christ, attribuée à Correggio et exposée à la Galleria nazionale de Parme, dans l'atelier de Lino Frongia[23],[24],[14],[25],[26],[27],[28],[22].
Aucune décision judiciaire n'a encore reconnu formellement que tous ces tableaux sont des faux. Les enquêteurs soupçonnent cependant qu'ils pourraient provenir d'un atelier de fabrication situé dans le Nord de l'Italie. La Vénus au voile attribuée à Cranach pourrait avoir été chauffée dans un « four à pizza » pour être artificiellement vieillie. Giuliano Ruffini, multi-propriétaire immobilier en Émilie, possesseur de comptes bancaires à Monaco et en Suisse, ayant choisi Malte pour résidence fiscale, n'a pas été mis en examen : il se défend d'avoir jamais présenté ces tableaux comme des toiles de maître, arguant que ce sont les spécialistes des peintres, les experts des musées et les maisons de vente qui les ont reconnus comme authentiques. Il soutient également qu'un seul et même faussaire ne peut contrefaire autant de styles différents[1],[18].
Si l'enquête aboutissait à révéler l'existence d'un tel artiste, capable de peindre des Brueghel, des Velasquez, de Hals, des Greco, « ce serait sans doute l'un des faussaires les plus brillants qui ait jamais existé » comme s'en émerveille le journaliste Vincent Noce qui enquête depuis le début de l'affaire[1].
L'auteur de la lettre anonyme n'a pas non plus été découvert[1].
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