Affaire Tiphaine Véron
disparition d'une Française au Japon en 2018 De Wikipédia, l'encyclopédie libre
disparition d'une Française au Japon en 2018 De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.
Tiphaine Véron est une touriste française de 36 ans disparue au Japon, le , partie seule en vacances à Nikkō, cité touristique de la préfecture rurale de Tochigi, à 150 kilomètres au nord de Tokyo, après avoir été vue pour la dernière fois dans son hôtel alors qu'elle prenait son petit-déjeuner.
Disparition de Tiphaine Véron | |
Tiphaine Véron disparait dans la ville touristique de Nikkō, non loin du sanctuaire Tōshō-gū. | |
Pays | Japon |
---|---|
Ville | Nikkō |
Date | 29 juillet 2018 |
Jugement | |
Statut | Enquête ouverte |
modifier |
Cette affaire illustre une approche judiciaire des cas de disparitions souvent jugée très différente dans la culture japonaise par rapport à celle adoptée dans les cultures européennes et occidentales.
En janvier 2023, ce dossier est repris par le pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non élucidées, aussi connu sous le nom de pôle « cold cases » de Nanterre, qui prévoit de se rendre à Nikkō début 2024.
Tiphaine Véron naît le 22 juillet 1982 à Rennes[1]. Elle habite Poitiers dès 1984.
Passionnée d'art et de langues étrangères, elle obtient une licence en histoire de l'art et s'initie à la pratique du russe et du japonais[2].
Alors qu'elle débute sa vie professionnelle, elle développe divers problèmes de santé découlant d'une épilepsie réfractaire aux traitements habituels. Après quelques années, une médication s'avère efficace et lui permet de mener une vie normale[2]. Au moment de son voyage au Japon, elle occupe un poste d'assistante de vie scolaire auprès d'enfants handicapés[3] dans deux écoles de Poitiers.
Au Japon, la disparition inexpliquée d'une personne majeure, en l'absence d'une trace évidente d'origine criminelle, n'est pas considérée comme un élément suffisant dans la procédure pénale nippone pour initier une enquête criminelle. De surcroît, la loi japonaise rend difficile le traçage des données personnelles des individus[4].
Chaque année, environ cent mille personnes disparaissent au Japon dont une grande proportion est composée de disparus volontaires[5]. Communément dénommés « jōhatsu » (évaporés), ce phénomène s’est accentué ces dernières années, notamment en raison d'une conjoncture économique déclinante, certains Japonais préférant organiser leur propre disparition plutôt que de subir l'affront de l'endettement face à leur entourage. Le sujet est souvent considéré comme tabou pour la société japonaise. Les enquêtes de police sont souvent très succinctes comparées à ce qui est pratiqué en Europe[6], la police n'intervenant que lorsqu'un crime ou un accident[7] est avéré.
Tiphaine Véron atterrit à l’aéroport international de Narita le [8]. Elle prévoit de passer trois semaines de vacances dans le pays dans le cadre d'un voyage minutieusement étudié et planifié, comme en témoignent les notes manuscrites détaillées qu'elle a prises sur les sites à visiter. Elle passe une première nuit à Tokyo[3].
Le , elle se rend à Nikkō en train, puis rejoint son hôtel à pied, comme le montrent plusieurs images de caméra de surveillance. Elle prend notamment des vidéos au niveau du pont Shinkyo, dans lesquels ont peut entendre des vents violents, probablement dus au typhon Jongdari[3]. Elle arrive entre 16h00 et 16h30[3] à l'hôtel Turtle Inn d'où elle partage via WhatsApp une série de photos à sa famille[2], ; elle se dit notamment enthousiasmée par l'accueil que lui réserve la femme à la réception, et juge l'hôtel « mignon ». La journée est trop avancée pour ressortir visiter les sites touristiques alentour, aussi elle reste « au calme »[3].
Le lendemain matin, , Tiphaine Véron prend son petit-déjeuner à l'hôtel. L'aubergiste estime qu'elle reste dans la salle à manger entre 8h30 et 9h30 ; sa présence est confirmée par une photographie prise par un autre client à 8h41[3].
Par la suite, les témoignages de témoins et les indices identifiés ne se recoupent plus et ne permettent pas d'établir avec fiabilité ce qu'il est arrivé à la disparue. Le gérant de l'hôtel prétend qu'elle aurait quitté le Turtle Inn vers 9 h 53 ou 9 h 54, vraisemblablement en direction de points d'intérêts touristiques, mais le portable de Tiphaine Véron borne encore quelques heures dans sa chambre d'hôtel et indique qu'elle l'utilisait pour faire des recherches[3].
Le à 10 h 30, alors que la réservation de la Française est censée prendre fin, le propriétaire de l'hôtel pénètre dans sa chambre et découvre ses affaires encore défaites et son passeport sur la table. Sans nouvelle de sa cliente, il prévient la police[3].
Parmi les scénarios envisagées figurent l'implication d'un tiers, la région de Nikkō ayant été le théâtre de nombreux meurtres parfois inexpliqués au cours des mois suivant la disparition de Tiphaine Véron, notamment, en août 2018 où un crâne est découvert dans une pelouse près de la voie ferrée de Nikko ; quelques semaines après, deux femmes sont retrouvées égorgées sur un parking de Nikko ; le 9 octobre 2018, un corps non identifiable est retrouvé sur une rive de la Daiya-gawa à Nikkō ; en décembre 2018 et janvier 2019, des ossements sont retrouvés dans une des forêts autour de Nikkō ; le 19 janvier 2022, un cadavre démembré est retrouvé dans une valise à Nikkō[9] ; au total, selon un enquêteur privé engagé par la famille, entre 2018 et 2022, 15 corps sont retrouvés et 33 personnes sont victimes d'agressions sexuelles dans la préfecture de Tochigi[10].
En 2019, devant le sanctuaire Takinoo, à proximité des chutes d'eau de Shiraito, que Tiphaine avait prévu de visiter, un panneau mettait en garde contre la présence d'un homme « ayant touché physiquement des personnes après s'être fait passer pour un guide ». Un enquêteur privé engagé par la famille a retrouvé des témoignages de voyageuses japonaises se plaignant sur Instagram d'un chikan (frotteur) à cet endroit. La police a déclaré à la famille que cet homme était connu de leurs services et n'avait pas été vu dans les environs depuis janvier 2018, mais sans préciser s'il était surveillé[11].
Entre autres suspects, le profil du gérant de l'hôtel est étudié : il est la dernière personne connue à avoir vu Tiphaine Véron en vie, ses déclarations sur l'heure de départ de l'hôtel de la jeune femme se contredisent, et de grandes éclaboussures (possiblement de sang, mais aucune analyse de ces traces n'a été communiquée par les enquêteurs de la police japonaise)[9] sont découvertes au luminol sur un des murs de la chambre occupée par Tiphaine[3].
Tiphaine Véron a aussi pu être la victime d'accidents naturels, comme une chute dans le cours d'eau qui traverse Nikkō, ou une mauvaise rencontre avec des animaux dans les bois[3].
Le , la famille est prévenue par l'ambassade de France au Japon. La sœur et les deux frères de Tiphaine se déplacent alors au Japon le et participent aux recherches avec les policiers nippons. Rapidement, Anne Désert, sa mère, adresse un courrier au président de la République, Emmanuel Macron, pour « réclamer plus de moyens de recherches ».
Le , Sibylle Véron, sa sœur, lance un appel aux touristes à Nikkō pour savoir s’ils disposent de photos. Elle interpelle Emmanuel Macron dans la cour de l’Élysée le 17 octobre à l’occasion de la visite du Premier ministre japonais, Shinzo Abe.
La mobilisation débute en France et près de 500 citoyens participent à une marche à Poitiers « pour retrouver Tiphaine » le , débutant ainsi une campagne d'information.
Du 7 au 17 mai 2019, une mission de recherches est organisée au Japon avec des spécialistes du secours en montagne, mais ne donne aucun résultat. Un autre séjour de la famille a lieu fin juillet 2019 pour organiser une manifestation à Nikkō, un an jour pour jour après sa disparition.
Début août 2019, de nouvelles recherches sont menées autour de l’hôtel avec Damien Véron, cinq bénévoles et sept chiens de Japan Rescue Dog, mais sans donner de résultat.
Après d’importantes recherches menées au mois de mai 2019, la famille déclare ne pas croire à la thèse de l’accident et prépare de nouveaux déplacements sur place pour poursuivre leur enquête. Elle exprime des doutes sur le fait que le dossier remis aux autorités françaises soit complet.
Elle considère notamment que les auditions menées par les enquêteurs japonais sont incomplètes et extrêmement contradictoires autour du départ de l’hôtel de Tiphaine. La famille de Tiphaine a longuement travaillé sur les données du compte Google Maps de la disparue. Les points GPS ont permis de suivre les déplacements dès son arrivée au Japon et jusqu'au dimanche 29, 11 h 40, où sa trace disparaît (fin de la connexion Wi-Fi).
Les proches évoquent un « manque d’expérience » de la police japonaise dans la recherche des disparus.
Les proches de Tiphaine ont créé l'association « Unis pour Tiphaine ».
Xavier Niel, fondateur de l'opérateur de téléphonie mobile Free, a répondu à une interpellation de la famille et a contribué au volet technique de l'enquête[12]. Il permettra notamment d'établir que le téléphone portable de Tiphaine Véron n'a pas été éteint de manière habituelle mais a été coupé de façon violente (la batterie a été arrachée ou le téléphone brisé)[13].
En juillet 2020, pour commémorer les deux ans de la disparition de Tiphaine Véron, un appel est lancé sur les réseaux sociaux par l'humoriste Élie Semoun[14].
L'enquête bénéficie également du support local de Kazunari Watanabe, retraité japonais ayant multiplié ses visites à Nikkō[15] (plus d'une quarantaine) afin d'assister la famille dans ses recherches.
La famille exprime ses motivations à ne pas cesser les initiatives par l'idée que la disparue « puisse être entre les mains d'un ravisseur[16] ».
En juillet 2020, le cabinet Dupond-Moretti est chargé de la reprise du dossier[17] et dit être en train d'identifier le meilleur « levier » au Japon pour de prochaines actions[18].
Une juge d'instruction a été nommée à Poitiers[12], l'enquête demeure ouverte en France pour « enlèvement et séquestration », thèse privilégiée par la famille, persuadée qu'il ne s'agit pas d'un accident[19].
Fin 2020, la famille annonce qu'elle engage Jean-François Abgrall[20], un ancien gendarme et enquêteur privé notamment reconnu pour avoir été à l'origine de l'arrestation de Francis Heaulme, un tueur en série français.
Le frère de Tiphaine Véron se rend au Japon en décembre 2022 pour poursuivre les recherches et rencontrer la police locale, afin de signaler des similitudes avec d'autres affaires criminelles[21].
Une reprise de l'enquête est prévue début 2024, avec le déplacement à Nikkō de l'avocate Corinne Herrmann et de Sabine Kheris, juge du Pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non élucidées[3].
Le 22 janvier 2024, la Commission des droits de l'homme des Nations unies confirme à la famille Véron que leur demande d'intervention pour débloquer le dossier judiciaire est en cours, en l'informant avoir officiellement demandé aux autorités japonaises de relancer l'enquête et de collaborer avec la police française[9].
Le , Damien Véron lance un appel à témoins international[22] pour tenter d'obtenir des photos d'autres touristes prises ce jour-là.