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En droit commercial français, un acte de commerce est un acte ou un fait juridique soumis aux règles du droit commercial plutôt qu'aux règles du droit civil ou du droit administratif en raison de sa nature, de sa forme ou de la qualité de commerçant des parties (la qualité de commerçant est le fait pour une personne physique ou morale de pratiquer habituellement des actes de commerce). Cette qualification modifie le régime juridique applicable à l'acte et aux relations contractuelles et détermine la compétence des juridictions consulaires, ainsi que le régime fiscal applicable.
Sous l'influence mondiale des commerçants, traduite juridiquement dans des traités internationaux, la qualification comme acte de commerce et comme commerçant tend à s'étendre à toutes les activités humaines et sociales, et à diminuer corrélativement le domaine des droits public et civil. Ce mouvement s'appelle la marchandisation du monde ou de la société.
Le Code de commerce français définit l'acte de commerce comme le fait d'acheter des biens mobiliers en vue de leur revente ultérieure pour en tirer un profit[1].
Selon le Code civil, certaines choses sont hors du commerce, ce qui veut dire qu'elles ne peuvent ni être achetées ni être vendues, comme le nom, les personnes physiques, les droits civiques, etc.
Selon le Code de commerce français, les opérations et actes portant sur les biens bien immobiliers, restent sous le régime du Droit civil, en raison de leur immobilité. Il en va ainsi pour les contrats de vente d'immeuble, les contrats de construction, les sociétés immobilières, etc.
Deux conceptions s'opposent en doctrine :
Le Code de commerce et la jurisprudence retiennent une conception mixte de l'acte de commerce, qualifié tantôt à raison de l'acte lui-même, tantôt à raison de la qualité de son auteur. Deux critères positifs et cumulatifs ont néanmoins émergé en jurisprudence pour qualifier un acte de commerce :
Le Code de commerce énumère une liste limitative d'actes juridiques réputés constituer des actes de commerce en raison de leur nature. En complément de cette liste, le Code de commerce reconnaît l'existence d'autres actes de commerce en raison de leur forme. Enfin, certains actes de nature purement civile peuvent constituer des actes de commerce lorsqu'ils sont accomplis à titre accessoire d'une activité commerciale.
Certains actes juridiques visés aux articles L.110-1 et L.110-2 du Code de commerce sont réputés commerciaux en raison de leur nature même. Ces actes de commerce objectifs sont ceux dont l'exercice à titre habituel, professionnel et indépendant, confère la qualité de commerçant conformément à l'article et L.121-1 du Code de commerce.
Sont réputés constituer des actes de commerce par nature, les opérations d'achat de biens de toute nature en vue de leur revente ultérieure[1]. Cette définition comporte deux critères cumulatifs :
Ainsi, un achat dépourvu d'une intention de revente ne constitue pas un acte de commerce par nature. Par ailleurs, les achats réalisés par une association ou un syndicat en vue de revendre les biens à leurs adhérents ne constituent pas des actes de commerce en l'absence d'intention lucrative ou spéculative.
A contrario, un particulier qui procède à titre habituel à des achats de biens meubles aux fins de revente sur un site de vente aux enchères électronique réalise une activité commerciale[6]
Le Code de commerce vise tous les biens de toute nature acquis en vue de leur revente :
Les opérations professionnelles de location de meubles constituent des actes de commerce par nature[9] à condition de caractériser une intention spéculative. Sont donc visées les entreprises de location de meubles qui exercent cette activité de manière régulière, habituelle et constante. A contrario, l'achat de biens immeubles aux fins de location n'entre pas dans cette définition et demeure un acte civil par nature, mais peut constituer un acte de commerce s'il est exercé par une société commerciale.
Les opérations professionnelles de fourniture, qui réalisent des prestations échelonnées de biens ou de services, constituent également des actes de commerce par nature[10].
Les activités industrielles entrent dans le champ des actes de commerce[11] et recouvrent :
La loi répute constituer des actes de commerce objectifs :
Ces opérations financières constituent des actes de commerce en eux-mêmes, indépendamment de leur répétition ou de l'intention spéculative, ou même de la qualité civile ou commerciale de leur auteur. La jurisprudence a néanmoins tempéré la portée de ce principe au regard du statut de l'acteur et de son objet, du moins pour les opérations bancaires et les opérations d'assurance.
L'opération de banque est, au sens strict, l'opération consistant à emprunter pour prêter. C'est une opération d'entremise par excellence. En conséquence, une opération de banque constitue un acte de commerce par nature, quel que soit le statut civil ou commercial de l'acteur, sauf à prouver l'absence d'intention spéculative.
Cependant, l'accomplissement de ces actes ne confère pas automatiquement à leur auteur la qualité de commerçant. Ainsi, les établissements bancaires relevant du service public[19] ou ayant un statut de société civile ou coopérative (caisses de crédit agricole[20] ou caisse centrale de crédit mutuel[21] ne peuvent être tenus en principe pour commerçants. Cependant, ces personnes morales peuvent être tenues en tant que commerçantes au titre d'une activité habituelle consistant en la pratique répétée d'actes de commerce par des opérations de banque[22].
Les opérations d'assurance, non visées par le Code de commerce, constituent néanmoins des opérations financières susceptibles de relever de la catégorie des actes de commerce. La jurisprudence a ainsi reconnu la qualité de commerçant aux sociétés d'assurances à primes fixes[23], mais pas aux compagnies d'assurances mutuelles qui ont un objet non commercial et qui exercent sous forme de société civile, même si elles accomplissent des actes réputés constituer des actes de commerce par nature[24].
Constituent des actes de commerce, pour la personne qui les accomplis, les opérations de change de toute nature :
Les opérations de bourses sont nécessairement commerciales pour les intermédiaires (banques, sociétés de gestion, conseillers financiers, etc.) qui accomplissent des actes de commerce par nature, à titre habituel et dans une intention lucrative. Elles peuvent également constituer des opérations commerciales pour des particuliers en raison de la fréquence et de l'importance des ordres[25].
Le courtier est la personne qui rapproche deux parties pour les amener à contracter, sans jamais intervenir dans le contrat qui pourrait naître. En principe, un acte isolé de courtage sera un acte de commerce, quelle que soit la qualité du courtier et la nature de l'acte pour lequel il sert d'intermédiaire.
Sont réputées actes de commerce par nature les opérations de commerce maritime explicitement visées par le Code de commerce[26] et qui relèvent de trois catégories :
La construction de bâtiments pour la navigation intérieure (fluviale) et extérieure (maritime) constitue un acte de commerce par nature[27] à la condition qu'elle soit effectuée en entreprise, à titre habituel[28], ce qui exclut toute activité purement artisanale ou dépourvue d'intention lucrative. L'activité de construction demeure commerciale pour le constructeur, qu'il fournisse les matériaux ou seulement la main d’œuvre[29] : elle sera commerciale ou mixte selon la qualité commerciale ou civile du client.
L'achat, la vente et la revente de tels bâtiments ainsi que l'achat de vente d'agrès, apparaux et avitaillements constitue également un acte de commerce par nature à condition de caractériser une intention lucrative, ce qui exclut de fait l'achat d'un navire sans revente et pour un usage personnel[30]. En revanche, la réparation de navire, même effectuée en entreprise, ne constitue pas un acte de commerce par nature faute d'être visée à l'article L.110-2 du Code de commerce[28].
Les expéditions maritimes de toute nature constituent des actes de commerce par nature, y compris les entreprises de pêche, « sauf lorsqu'elle est exercée à titre habituel sur des navires d'une longueur inférieure ou égale à douze mètres ou effectuant habituellement des sorties de moins de vingt-quatre heures »[31]. Mais l'exercice d'une entreprise de pêche ne confère pas automatiquement à son auteur la qualité de commerçant[32]. Par ailleurs, les domaines de la plaisance[33], des voyages d'étude et d'agrément ne relèvent pas du domaine commercial[30].
Relèvent également des actes de commerce par nature tout affrètement ou nolissement, et tout contrat de transport de passagers, à condition qu'il se rattache à des opérations de commerce de me[34]. Ces contrats sont commerciaux pour l'armateur mais peuvent constituer des actes mixtes pour le voyageur[35].
Cette dernière catégorie recoupe certaines opérations annexes aux opérations maritimes commerciales :
Certains actes sont considérés par la loi comme commerciaux en raison de leur forme même[41], alors qu'ils ne présentaient pas exactement les caractères spécifiques de la commercialité. À la différence des actes de commerce par nature, ces actes sont soumis au droit commercial, aussi bien lorsqu'ils sont faits professionnellement par un commerçant, que lorsqu'ils sont faits à titre isolé par un non commerçant. Le Code de commerce vise à ce titre la lettre de change et la société commerciale par la forme.
La lettre de change est un titre par lequel une personne dénommée « tireur » donne à un débiteur appelé « tiré » un ordre de payer à l'échéance fixée, une certaine somme à une troisième personne appelée « bénéficiaire ou porteur ». À la différence du chèque ou du billet à ordre, ce mode de paiement est considéré comme un acte commercial par sa forme même, indépendamment de la nature civile ou commerciale de la créance constatée par la lettre, ou la qualité de l'une des parties[42].
Certaines sociétés sont réputées commerciales par la loi en raison de leur forme sociale[43], indépendamment de leur objet social :
En conséquence, ces sociétés acquièrent la qualité de commerçant dès leur formation et sont soumises à toutes les règles applicables aux commerçants et notamment l'obligation de s'immatriculer auprès du registre du commerce et des sociétés[44]. Constituent donc des actes de commerce les actes se rapportant à ces sociétés, notamment :
Un acte de commerce par accessoire est un acte contractuel ou délictuel de nature civile, mais qui revêt le caractère commercial dans deux hypothèses :
Le Code de commerce répute comme acte de commerce tout acte civil accompli par un commerçant dans l'intérêt de son commerce[48], même accompli pour une activité commerciale future, à la condition qu'il devienne effectivement commerçant[49]. La loi visant les obligations de toute nature, le domaine de l'accessoirité vise tous les contrats (mandat, prêt, travail, assurance, etc.), mais également les obligations légales dérivant de l'activité commerciale (comme les dettes de cotisations à la Sécurité sociale[50] mais pas les dettes fiscales[51]), les quasi-contrats[52], les délits et les quasi-délits. La qualification d'acte de commerce ne fait toutefois pas obstacles aux compétences exclusives de certaines juridictions.
Le défaut de la qualité de commerçant n'exclut pas nécessairement la qualité commerciale de l'acte accompli, notamment lorsque l'acte civil est la conséquence nécessaire de l'exploitation d'un commerce. La loi et la jurisprudence ont ainsi reconnu la qualité commerciale :
Les actes de commerce dérogent au régime des actes civils tant sur les règles de fond que dans les règles de procédure. Cependant, ces dérogations ne s'appliquent qu'envers les commerçants ayant accompli un acte pour les besoins de leur commerce. En présence d'un acte mixte, le régime des actes civils demeure applicable aux parties non-commerçantes et aux commerçants accomplissant des actes pour des besoins personnels.
Par dérogation au droit civil qui impose un formalisme aux actes[66], le droit commercial admet la liberté de la preuve des actes de commerce par tous moyens à l'égard des commerçants[67]. La liberté de la preuve, dont bénéficie un créancier non-commerçant[68] est strictement admise qu'envers un commerçant[69] ayant agi dans l'exercice ou pour l'intérêt de son commerce[70]. Un commerçant agissant à l'encontre d'un non-commerçant ou d'un commerçant agissant pour des besoins personnels devra respecter les règles de preuve du droit civil[71].
La liberté de la preuve s'étend aux actes de commerce de toute nature, et s'impose à toutes les juridictions[72]. La liberté de la preuve connaît néanmoins des exceptions envers la partie non-commerçante en présence d'un acte mixte (conclu entre un commerçant et un non-commerçant). Les règles de preuve prévues par le Code civil voire le Code de la consommation redeviennent applicables envers la partie non-commerçante.
Par dérogation au droit civil qui dispose que « la solidarité ne se présume point ; il faut qu'elle soit expressément stipulée »[73], la solidarité est présumée entre commerçants[74]. Il s'agit cependant d'une présomption simple de solidarité qui peut être renversée par tous moyens[75] et qui ne s'applique pas à l'égard de non-commerçants ou de commerçants agissant pour des besoins personnels.
Depuis la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription des obligations civiles et commerciales[76] est réduit à cinq ans. Le Code de commerce réduit toutefois le délai d'action en paiement à un an pour :
En matière de procédure, les dérogations au droit civil consistent en la compétence des tribunaux de commerce pour juger des litiges nés des actes de commerce, et en la validité des clauses attributives de compétence matérielle (dites clauses compromissoires).
Les tribunaux de commerce sont compétents pour juger en premier ressort[80] des litiges relatifs :
En conséquence, la compétence des tribunaux de commerce est déterminée, soit en raison de la qualité commerçante des parties, soit en raison de la matière (acte de commerce). Par ailleurs, les actes accomplis par un commerçant bénéficient d'une présomption de commercialité[83] et il incombe à la partie invoquant le caractère civil d'un acte accompli par un commerçant de prouver qu'il ne l'a pas été pour les besoins de son commerce[84].
Cette compétence connaît des exceptions :
Lorsque l'une des parties est non-commerçante, cette partie ne peut être attraite devant les juridictions consulaires, et peut opposer une exception d'incompétence in limine litis (avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir)[87]. Elle peut néanmoins renoncer à se prévaloir de l'incompétence du tribunal de commerce[88]. En revanche, la partie non-commerçante dispose d'une option pour attraire un commerçant, soit devant les juridictions civiles, soit devant les juridictions consulaires[89].
La compétence exceptionnelle des tribunaux de commerce s'efface devant celle des juridictions civiles :
Les clauses attributives de compétence des juridictions commerciales (clauses compromissoires) peuvent valablement être stipulées dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle[93]. Cependant, la jurisprudence a limité la portée de ces clauses en les rendant inopposables aux défendeurs non-commerçants[94].
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