Abbaye de Fulda
abbaye allemande De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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Située près de Cassel en Allemagne, l'abbaye de Fulda fut fondée en 744 par un disciple de saint Boniface, Sturm de Fulda, qui sera son premier abbé. Richement dotée par Carloman, l'abbaye de Fulda adopta la règle bénédictine que Sturm avait rapportée du Mont-Cassin.
Abbaye de Fulda | ||
Gravure du monastère par Matthäus Merian (1655). | ||
Ordre | Bénédictins | |
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Fondation | 744 | |
Fermeture | 1802 | |
Diocèse | Diocèse de Mayence | |
Fondateur | Saint Sturm | |
Localisation | ||
Pays | Allemagne | |
Commune | Fulda | |
Coordonnées | 50° 33′ 14″ nord, 9° 40′ 18″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Allemagne
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En 751, le pape Zacharie exempta l'abbaye de toute juridiction épiscopale autre que celle de l'évêque de Rome c'est-à-dire du pape. Sous la direction énergique de Raban Maur (822-842), la congrégation, avec un effectif d'environ 600 moines, s'imposa comme le centre scientifique de l'Occident chrétien. Avec l'ascension de la bourgeoisie, les propriétés et privilèges de l'abbaye furent de plus en plus contestés à partir du XIIe siècle, entraînant la décadence progressive de la congrégation jusqu'à la Réforme.
Au cours de l'été 742, Boniface de Mayence chargea le moine Sturmius de rechercher un certain emplacement pour y établir une confrérie. Sturmius, parti de ses quartiers d'Hersfeld, remonta le cours de la Fulda et trouva l'endroit que lui avait indiqué l'archevêque. Boniface avait sans doute entendu parler du gué d'un fief mérovingien tombé en déshérence le long de la rivière. La Vita Sturmi évoque la terre d'Eichloha, qui désignait sans doute une décurie ou une centurie du vieux pays du Grabfeldgau, autrement dit de la province de Hesse. Sturmius et ses compagnons venus d'Hersfeld commencèrent la construction du monastère le ; le toponyme de Fulda apparaît à cette époque. Boniface fit de Sturmius le premier abbé du monastère et lui demanda d'y instituer la règle de Benoît de Nursie.
En 747, Carloman fit don à Boniface de toutes les terres autour du monastère, dans un rayon de quatre mille[1]. En 751, le moine Lullus fut chargé par Boniface de se rendre à Rome, afin de faire ratifier par le pape Zacharie un certain nombre d'accords passés précédemment. Il s'agissait, par la même occasion, de mettre le monastère sous la protection du Saint-Siège. Le , le pape décréta que le monastère ne dépendait plus d'aucun évêché. La signification de cette décision d'exemption est controversée : signifiait-elle pour autant que le monastère dépendrait désormais directement du Saint-Siège ? Toujours est-il que l'autonomie ainsi conférée au monastère permit d'accroître le rayonnement de cet établissement et des couvents auxquels il donna naissance, jusqu'à l'érection finale de Fulda en évêché.
La dépouille de Boniface, assassiné le à Dokkum, fut transportée à Mayence sur l'ordre de l'archevêque. En effet, Boniface était déjà à ce moment considéré comme un saint par les populations locales et chacun était soucieux de conserver son corps comme une relique précieuse. De ce moment datent les premières tensions entre le monastère et l'archevêché de Mayence : car Sturmius fit lui-même le voyage avec quelques moines jusqu'à Mayence pour représenter aux abbés que les dernières volontés du défunt étaient qu'il repose dans son monastère de Fulda, ce que les Mayençais ne purent nier. C'est ainsi que les cendres de Boniface furent rapportées à Fulda, et inhumées sous le maître-autel de la basilique Saint-Sauveur.
À la nouvelle du martyre de Boniface en Francie, le monastère devint un lieu de pèlerinage. Sturmius sut exploiter l'émotion suscitée par les événements : il organisa le culte de l'archevêque défunt autour de sa tombe à Fulda, ce qui valut au monastère de nouvelles donations en terres. L'expansion du sanctuaire se repère entre autres au changement précoce de patronage du monastère, qui, de « monasterium sancti Salvatoris » devient dès 761 « monasterium sancti Bonifatii ». Ce changement de nom se révéla fructueux par la suite.
Lullus, successeur de Boniface à l'archevêché de Mayence, entreprit dès 754 d'étendre les limites de son diocèse. Il rallia les évêchés d'Erfurt et de Büraburg à sa tutelle, mais ne parvint pas à annexer le monastère qu'avait fondé son prédécesseur : il était en fait gêné par le privilège papal, qu'il avait contribué à obtenir trois ans auparavant ! Il parvint cependant, avec l'appui de quelques moines de Fulda, à discréditer l'abbé Sturmius auprès de Pépin le Bref. Le roi franc bannit Sturmius en 763, il le relégua à l'abbaye de Jumièges, et le statut d'exception du monastère de Fulda fut temporairement aboli. Lullus plaça son homme-lige Markus à la tête du monastère, mais les deux hommes se heurtèrent à une telle opposition devant le synode qu'ils durent concéder une élection du nouvel abbé. C'est un proche de Sturmius, Prezzold, qui prit la tête de la congrégation, jusqu'au retour en grâce de Sturmius en 765. Non seulement le privilège du pape Zacharie fut restitué mais le monastère fut dès lors placé sous la protection du roi des Francs, devenant par là-même un monastère royal. Lullus, pour ne pas être en reste, modela son propre monastère, celui d'Hersfeld, sur celui de Fulda, donnant naissance à la congrégation de Trutzfulda.
Si la protection royale assujettit tant soit peu le monastère, elle lui rapporta de nouvelles gratifications : parmi les plus considérables, citons la donation de la terre royale d'Umstadt par Pépin le bref en 766, et l'octroi royal d'Hammelburg par Charlemagne en 777. Ce dernier souverain accorda en outre au monastère un privilège d'immunité (774) qui consacrait le principe de libre élection de l'abbé par la congrégation. Ainsi dans le monde médiéval en formation, Fulda s'affranchit des liens féodaux en train de se former.
La campagne de Charlemagne en Saxe en 772 fut suivie de nombreuses déprédations par les tribus saxonnes. Le couvent de Fritzlar fut pillé en 773 et en 778 le monastère de Fulda était sérieusement menacé. Les moines évacuèrent les lieux et prirent la route du sud en emportant la dépouille de Boniface. À la fin des hostilités, le monastère devint entre 775 et 777 le centre d'évangélisation de toute la Saxe. Missionnés par l'abbé Sturmius, prêtres et clercs remontèrent le cours de la Weser et de la Leine. Les principaux îlots de résistance furent Hameln et Brunshausen-bei-Gandersheim, où l'abbaye maintint deux couvents de religieuses, consacrés à Boniface de Mayence, jusqu'au Xe siècle. Témoignage supplémentaire du rayonnement de l'abbaye de Fulda dans cette contrée, c'est un moine de la congrégation, Erkanbert, qui fut le premier évêque de Minden. Sturmius participait à la dernière campagne saxonne de Charlemagne (779) qui se termina par la destruction d'Irminsul à Eresburg, lorsqu'il tomba gravement malade. Il reprit la route de Fulda et, dans son discours d'adieu, il exhorta ses frères à rester fidèles à leur serment, « in proposito vestro perseverate ». Il expira le , et fut inhumé dans la chapelle de l'abbaye qu'il avait lui-même fait édifier.
Le successeur de Sturmius fut Baugulf, le frère d'Erkanbert, évêque de Minden : ainsi Baugulf avait accès à la cour et à Charlemagne, qu'il put accueillir au monastère en 782. Dans son discours d'introduction intitulé « Epistola de litteris colendis », il exhortait les moines à se consacrer aux lettres. Telle est l'origine de l'école de Fulda, qui dès 798 pouvait envoyer ses disciples les plus prometteurs, Raban Maur et Hatton, étudier auprès d'Alcuin à l'abbaye Saint-Martin de Tours. Eginhard, le biographe de Charlemagne, et plus tard Loup de Ferrières étudièrent au monastère de Fulda.
Baugulf entreprit de nouvelles constructions autour du cloître en 791, et notamment une nouvelle chapelle, la basilique de Ratgar, consacrée à un ancien abbé. L'abbaye s'accrut rapidement de nouveaux domaines octroyés par Charlemagne. On dénombre dès 781 sur une nomenclature 364 moines, mobilisés pour l'essentiel à travers les domaines et églises dépendant du monastère. Mais cette croissance trop brutale, ajoutée aux demandes incessantes du pouvoir royal et à la fièvre constructive de Baugulf devaient mener à une opposition frontale entre la congrégation et son abbé. Malgré des partisans prestigieux (tels Alcuin), Baugulf ne parvenait plus à éviter la formation de factions au sein de la congrégation. Confronté au risque d'une scission, il préféra démissionner en 802 et se retira au couvent de Wolfsmünster-bei-Hammelburg, où il mourut en 815.
Le chantier de la basilique Ratgar s'activa sans interruption entre 791 et 819, donnant le jour au plus grand édifice religieux du nord des Alpes.
De nombreux monastères affiliés émergent à partir du IXe siècle tels que Abbetesrode[2].
Sous la direction énergique de Raban Maur (822-842), la congrégation, avec un effectif d'environ 600 moines, s'imposa comme le centre scientifique de l'Occident chrétien. La bibliothèque, fondée par Raban Maur et le directeur de l'école, Rodolphe de Fulda, comprenait environ 2 000 manuscrits. Au gré de nouvelles donations, elle acquit un rayonnement inégalé auprès des savants de toute l'Europe. Par donation de nobles francs, l'abbaye obtint de nouvelles terres jusque dans la vallée du Main.
Parmi les œuvres de l'Antiquité qui ont été recopiées (et par là-même sauvées) au scriptorium de Fulda, on compte[3] :
Le scriptorium développe par ailleurs une école d'enluminure, dont le style est inspiré de celui de l'école de la cour de Charlemagne. Les plus célèbres manuscrits provenant de cette école sont l'évangéliaire de Fulda, un autre évangéliaire conservé à l'université d'Erlangen (ms.9) et des exemplaires du Liber de laudibus Sanctae Crucis[5].
À partir de 968, il fut décidé que le primat d'Allemagne serait un bénédictin. C'est vers cette époque que les premiers paysans et artisans s'établirent autour du monastère. L'abbaye et la congrégation obtinrent en 1019 de l'empereur Henri II le droit de battre monnaie, le droit de foire et le droit d'octroi ; Fulda est mentionnée pour la première fois comme « ville » (Civitas) en 1114.
Par la suite, la bourgeoisie n'eut de cesse de s'affranchir de l'autorité des abbés successifs. Sous le principat de l'abbé Markward Ier (1150 - 1165), des particuliers n'hésitèrent plus à citer en justice l'abbaye, mettant en cause l'authenticité de plusieurs actes de donation. Lors de procès, il apparut que l'inventaire abbatial, dit « Codex Eberhardi », avait « interprété » un certain nombre d'actes de façon abusive. La confiscation graduelle des biens du monastère conduisit à sa décadence économique au XIIe siècle.
L'abbaye fut érigée en seigneurie par l'empereur Frédéric II en 1220. Le seigneur-abbé Henri V von Diez-Weilnau (1288 - 1313) fit construire une abbaye fortifiée entre 1294 et 1312, où il pourrait résider en marge du monastère. Ce château fort fut transformé en château de style Renaissance au XVIIe siècle par le seigneur-abbé Johann Friedrich von Schwalbach.
Peu avant 1320, les bourgeois de Fulda, avec l'appui du comte Johann von Ziegenhainn, haut-bailli des deux châteaux, se soulevèrent contre le nouvel abbé, lequel entendait faire construire un second château fort à l'intérieur de la ville. Ils détruisirent le donjon et abattirent la muraille d'enceinte. À la suite de la plainte de l'abbé en fuite auprès de l'empereur Louis IV, la ville et le comte de Ziegenhainn furent mis au ban de l'Empire.
Pour lever la condamnation, l’archevêque de Trèves Baudouin intercéda auprès de l'empereur en 1331, proposant la reconstruction du donjon et des murs d'enceinte du nouveau château aux frais de la ville, ainsi qu'un dédommagement conséquent. Les meneurs de l'insurrection furent exécutés.
Louis IV octroya en 1356 au seigneur de Fulda le titre d' « archichancelier de l'impératrice ». Mais déjà la région de Fulda, le monastère et la ville étaient à l'intersection des sphères d'influence de deux puissants voisins, le prince-archevêque de Mayence et le landgrave de Hesse. Le règne de l'abbé Reinhard von Weilnau (1449 - 1476) marque la fin de l'abbaye de Fulda en tant qu'entité politique et territoriale.
Si le règne de l'abbé et de Johannes II von Henneberg (1477-1513) fut une période de calme, celui de Hartmann II von Kirchberg (1513-1529), détesté pour ses dépenses inconsidérées, fut des plus agités. C'est vers 1523 que les premières manifestations de la Réforme agitèrent le domaine abbatial. Vers la fin de la guerre des paysans, à la Pâques de 1525, les paysans se liguèrent avec les bourgeois de Fulda contre leur seigneur ; le château et tous les monastères furent pillés. Le landgrave de Hesse Philippe Ier de Hesse vint à la rescousse le avec une puissante armée, contraignant les mutins à la reddition avec une brève résistance. La ville, incendiée, dut en outre supporter les réparations de guerre.
Balthasar von Dernbach, abbé de Fulda à partir de 1570, appelait de ses vœux une régénération morale de l'évêché : il fit appeler les jésuites en 1571, lesquels fondèrent d'abord un lycée (1572) puis un collège catholique (1584). La situation dégénéra en conflit ouvert avec la noblesse locale, convertie au calvinisme, de sorte qu'il s'ensuivit l'instauration de la Contre-Réforme en 1602.
La guerre de Trente Ans (1618 - 1648) affecta de larges portions du Saint-Empire, et Fulda y paya un lourd tribut. Le duc Christian pilla puis incendia le château abbatial en 1622, inaugurant toute une série de déprédations à travers la région. Ainsi le monastère lui-même fut pillé par l'armée hessoise en 1631, faisant disparaître à jamais des milliers de précieux manuscrits d'époque carolingienne. Guillaume V de Hesse-Cassel gouverna l'abbaye de 1632 à 1634 en tant que prince-électeur de Buchen. Finalement la seigneurie fut restituée en 1635 lors de la Paix de Prague. Il revint au nouvel abbé, Joachim von Gravenegg (1644 - 1671) de relever les principaux dommages de guerre.
L'abbé Albert von Schleifras chargea en 1700 l'architecte Johann Dientzenhofer de reconstruire une cathédrale à l'emplacement de la basilique carolingienne de Ratgar, détruite, et de convertir l'ancien château fort en un château de style baroque.
L'université de Fulda, fondée en 1734, fut active jusqu'en 1805. Cette institution, modelée par l'abbé Adolph von Dalberg sur le collège jésuite, s'enorgueillissait de quatre facultés : théologie, philosophie, médecine et droit. Les corps de bâtiment, construits dans le style baroque entre 1731 et 1734, sont l'œuvre de l'architecte Andrea Gallasini et abritent aujourd'hui l'école professionnelle Adolf-von-Dalberg.
L'abbaye de Fulda fut élevée au rang d'évêché par le pape Benoît XIV le .
En 1801, l'abbaye de Fulda fut attribuée, avec celle de Corvey, au stadhouder de Hollande Guillaume V d'Orange-Nassau en dédommagement de l'invasion de la Hollande par les Français en 1795 ; mais lors de la Diète d'empire de 1802, l'évêché fut dissous avec tous ses monastères. Le séminaire emménagea l'année suivante dans les pièces conventuelles du vieux monastère bénédictin. En 1806, Napoléon Ier annexa la province de Fulda au royaume de Westphalie, avant de la rattacher en 1810 au grand-duché de Francfort. Lors du congrès de Vienne (1815), et après une année d'administration prussienne, elle fut rattachée au Grand-duché de Hesse. Les documents de l'ancienne abbaye rejoignent alors les collections des archives d'État de Wurtzbourg. Puis à l'issue de la guerre austro-prussienne, Fulda et tout l'électorat de Hesse furent intégrées au royaume de Prusse (1866) puis à l'Empire allemand (1871).
L'évêché de Fulda subsistait alors non seulement en droit, mais même en fait. Le prince-évêque Albert d'Herstal avait gouverné jusqu'en 1814 en tant que père supérieur. À sa mort, l'évêché fut administré par un chanoine jusqu'à ce que les bulles Provida solersque (1821) et Ad dominici gregis custodiam (1827) sanctionnent la mutation du diocèse en tant qu'évêché de Hesse. La chaire épiscopale resta seulement vacante au cours du Kulturkampf (de 1873 à 1881).
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