Loading AI tools
dramaturge et scénariste argentin De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Aída Beatriz Bortnik, née le à Buenos Aires et décédée le dans la même ville, est une dramaturge et scénariste argentine, révélée à la critique mondiale par le scénario du film L'Histoire officielle.
Naissance |
Buenos Aires |
---|---|
Nationalité | Argentine |
Décès |
(à 75 ans) Buenos Aires |
Profession | scénariste, journaliste, écrivain. |
Films notables |
La Tregua L'Histoire officielle |
Fille unique[1] élevée au milieu de ses cousins germains, tous garçons, qui la surnomment « Électre », par un père devenu à dix-sept ans soutien de famille de sa mère et de ses sœurs, toutes veuves[2], Aída Bortnik est la petite-fille d'un chanteur folklorique[3] juif[4] émigré d'Ukraine[5]. À l'exemple d'un millier d'immigrés qui, accueillis par la Jewish Colonization Association, s'assimilèrent aux gauchos[6] sous l'impulsion du baron de Hirsch, mais non sans conflits avec les « jinete (es) » locaux[7], il avait rejoint une colonie agricole de la pampa[3] pour fuir les pogroms cosaques[6] et devenir un « gaucho juif ».
Elle a dix-sept ans quand un coup d'État militaire exile le président Juan Perón et instaure la dictature de la « Révolution libératrice ». Pendant des études de droit à l’Université de Buenos Aires, elle s'inscrit au Centre de recherche de l'Institut du théâtre qu'abrite l'établissement puis à un séminaire de la Société des Auteurs (es). De 1958 à 1962, à la suite d'un accident intervenu près de la lagune (es) de Chascomús[2] lors d'un voyage, elle doit interrompre ses études. Prisonnière d'un plâtre descendant depuis sous les épaules, elle donne des slogans pour la campagne de contestation Laica o libre (es)[2]. Elle s'évade dans l'écriture[8], retrouvant un plaisir qu'elle partageait enfant avec son père, et reçoit les encouragements déterminants de Julián Delgado[2]. Elle obtient le diplôme d'histoire de l'art de la faculté de philosophie et lettres de l’UBS et renonce pour des raisons financières à devenir actrice[9].
En 1967, durant le régime dictatorial de la Révolution argentine, Julián Delgado, l'éditeur de Mafalda, lui trouve un poste de secrétaire à l’hebdomadaire Primera Plana (es)[2]. Trilingue, elle se voit confier la rubrique Arts et spectacles[2]. Rare femme journaliste[2], elle y publie jusqu'en 1972 ses critiques, apprenant la rapidité dans l'écriture[2]. Elle en donne également à Siete Días ou Panorama y Semanario et s'introduit peu à peu dans le milieu de la production audiovisuelle. Après une brève année au quotidien La Opinion, elle prend en 1973 la direction de la rubrique Arts et médias du mensuel Cuestionario.
Passionnée de Bakounine et de Camus[10], elle s'engage dans les suites du Cordobazo pour le théâtre et crée en 1972 sa première pièce, Soldats et petits soldats, dans laquelle cinq rôles sont tenus par le même acteur. En 1973, Sergio Renán lui commande pour Canal 7[2] une adaptation d'un roman de Mario Benedetti[2], La Tregua, dont le réalisateur s'empare pour en faire un film, qui sort en 1975 et est sélectionné pour concourir à un Oscar. La scénariste n'a pas même les moyens de se rendre à Hollywood.
Inscrite cette même année, où elle perd son père, sur une liste noire la privant de tout travail, elle est un des derniers civils sinon la dernière à voir Haroldo Conti vivant[2], la veille de sa « disparition (es) ». Comme le font quelque trente mil de ses compatriotes, elle fuit le « golpe » du conduit par le général Videla et se fait embarquer en août[2], avec mil quatre cents dollars en poche, sur un cargo en partance pour Le Havre, où vient l'accueillir une amie d'enfance, le peintre Delia Cugat (es)[2].
Après une nuit[2] à Paris[11] puis un bref séjour à Louvain[2], où l'héberge un collègue de Primera Plana (es) doctorant en sociologie, elle arrive à Madrid. Entourée d'amis réfugiés politiques, tels Sergio De Cecco (es), Haydée Padilla (es), Federico Luppi[12], subissant l'ostracisme espagnol[1], elle y mène pendant presque trois années la vie précaire de l'exil, guidée et soutenue par Juan Carlos Frugone, le codirecteur du Festival de Valladolid. Dans le « désert culturel » madrilène[1], elle s'efforce avec ce dernier de réunir des cinéastes, tels Fernando Fernán Gómez, Mario Camus[1], tout en travaillant comme traductrice[13].
« […] chacun est tenu responsable de toute liberté, de la solidarité envers chacun, de la dignité de chacun, de la justice pour tous et de tout l'amour du monde. »
— Le chœur des fils dans la pièce créée en 1981 Cher papa[14].
Le , Aída Bortnik atterrit à Buenos Aires, appelée par Alejandro Doria pour réaliser L'Île (es). Son scénario est une critique de l'enfermement et de la folie de la société argentine dépeinte en hôpital psychiatrique. Sa métaphore d'un camp d'internement réussit à berner la censure. Elle trouve à travailler comme éditorialiste-novelliste[15] pour le journal satirique Humor (es), instrument de résistance[16] à la novlangue de la dictature[17], tout en enseignant dans une école de cinématographie, l'Escuela Grupo Profesionales de Cine. En 1981, elle abandonne celle-ci pour l'École supérieure des arts cinématographique.
C'est l'année où, en compagnie de vingt[18] auteurs engagés contre le « Processus de Réorganisation Nationale »[19], elle participe à la fondation du Teatro Abierto, scène expérimentale et lieu de résistance[20] à la censure soutenu par Sábato, Pérez Esquivel et Borges[18]. Les personnages de sa pièce Cher papa, allégorie du machisme du régime de Juan Perón[21], y dénoncent l'attentisme des argentins face à la dictature[22]. Pour obtenir un effet de mobilisation, elle réinvente, d'une manière subversive[23] à l'opposé de la technique de la distanciation, le procédé d'identification propre au théâtre de la quotidienneté portègne et à la tradition costumbriste[22]. L'ensemble de la programmation[24], commencée le mardi [25], est interrompue le jeudi à cause d'un incendie provoqué[26] à cinq heures du matin[25] par une bombe[27] mais reprend dès le 17 dans un théâtre deux fois plus grand avec deux fois plus de soutien du public[28].
Simultanément, Aída Bortnik anime avec Fernando Castets[2] l'Atelier des Auteurs de Théâtre et de Cinématographie et reste occasionnellement sollicitée par la presse étrangère, diverses universités, des revues spécialisées et même des anthologies. La suite télévisée Ruggero lui vaut un harcèlement téléphonique quotidien[2].
En 1983, la Guerre sale terminée, Aída Bortnik cesse d'enseigner pour se consacrer pleinement à la création. Elle continue de publier des textes courts[29], dont deux nouvelles, Jules Montagne d'Or, qui est une réponse optimiste à Stefan Zweig[30], et Dix-huit ans, dans laquelle elle dénonce le sacrifice rituel de la nouvelle génération[31] qu'est la guerre des Malouines[32], puis abandonne dès l'année suivante sa collaboration à Humor (es). Son travail de scénariste la conduit à Madrid de nouveau[1], à la rencontre de producteurs espagnols, à Londres[1], sur les traces des réalisateurs du Cinéma libre[33], à Rome[1], sur celles de Roberto Rossellini, qui lui est un modèle[33].
La sortie en 1985 de L'Histoire officielle, dont elle a écrit le scénario à la demande de Luis Puenzo durant les derniers mois de la dictature[2], connait, un an avant le témoignage de La nuit des crayons (es), un retentissement international qui confronte, dans le miroir du cas d'un « enfant disparu », l'opinion publique argentine à la complicité de son silence[34]. En 1986, l'Académie du cinéma italien la sélectionne avec Luis Puenzo pour concourir au Donatello du meilleur scénario étranger et l'AMPAS au Prix du meilleur scénario original. Réalisé dans une Argentine culturellement isolée, sans la créativité du cinématographe américain ou européen, le film est reçu par des encouragements bienveillants voire condescendants[35]. Pour prix de consolation, Hollywood élit la scénariste membre permanent de son Académie.
Dans Pauvre Papillon (Pobre mariposa), qui sort presque au même moment, elle et le réalisateur Raúl de la Torre explicitent, à travers des scènes inspirées de son autobiographie et illustrées de documents d'archives, la collusion originelle du régime militaire péroniste avec le régime nazi[36]. Elle participe au premier congrès consacré en Argentine au Juif dans la littérature latino américaine[37], adhère à l'Association Internationale des Écrivains Juifs de Langue Espagnole et Portugaise qui se crée alors et contribue à la revue de celle-ci, Noaj[38].
Désormais célèbre, Aída Bortnik continue d'animer des ateliers d'écriture[39], rejointe dans cette activité par Juan José Campanella, qui fut son élève en 1979[2], et écrit pour la télévision argentine ou espagnole aussi bien des téléfilms que des feuilletons ou des mini-séries sans se départir d'un style mélodramatique se réclamant de la critique sociale de Tchekhov[34]. En 1989, elle tient son propre rôle dans une création donnée au Teatro Abierto, Pays fermé, et le film Old Gringo de Luis Puenzo, pour lequel elle a adapté un roman de Carlos Fuentes sur la Révolution mexicaine évoquant le rôle ambigu de la démocratie américaine, est présenté en avant première du festival de Cannes.
L'année suivante, elle est nommée aux côtés d'Alain Robbe-Grillet et Jean-Claude Carrière assesseur à l'Université du Ciné de Buenos Aires. En 1993, le Festival du film de Sundance en fait un invité permanent de son laboratoire d'écriture cinématographique. Tango féroce, la légende de Tanguito, fiction dont elle a écrit le scénario à partir de notes biographiques de Marcelo Piñeyro et Juan Carlos Muñiz[40], est vu rien qu'en Argentine par un million sept cent mil spectateurs. À travers la figure d'un Tanguito réinventé, elle y dénonce le capitalisme sauvage sur le thème « tout ne s'achète pas, tout ne se vend pas »[40].
Les succès s'enchaînent, Caballos Salvajes en 1995, Cenizas del paraíso en 1997. Toutefois, elle perd de sept voix l'élection à la vice-présidence de Société des Auteurs (es) sur un programme de défense du service public[41] face à une équipe à laquelle il est reproché, sans qu'il n'y ait eu de condamnation, de s'être compromise avec la dictature[42] et d'être impliquée dans une vaste affaire d'« évaporation »[43] des fonds liés aux droits d'auteurs[44]. En 1998, c'est au tour de la Faculté d'Architecture, Dessin et Urbanisme de l’Université de Buenos Aires de lui confier un enseignement, puis en 1999 à celui de l'Université du Ciné. En 2001, la liste qu'elle soutient aux élections de la Société des Auteurs (es) est de nouveau battue.
En , accompagnée au Festival de Guadalajara par son mari, Manuel Ferreira, elle remet[45] l'adaptation du Journal d'un enlèvement à Gabriel García Márquez, qui l'en avait chargée. Elle meurt d'un cancer quatre ans plus tard à l'âge de soixante quinze ans alors qu'elle est devenue une figure jouissant d'une reconnaissance nationale[46] pour avoir maintenu, au-delà de son engagement, une exigence littéraire dans l'art cinématographique et télévisuel[47]. Elle est enterrée dans la localité d'Acevedo.
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.