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L'orchestre symphonique, issu de l'orchestre à cordes de la période baroque, a suivi une évolution à partir de la fin du XVIIIe siècle avec le développement des instruments de la famille des bois (hautbois, basson) et des instruments de la famille des cuivres
L'orchestre de la période classique compte environ quarante musiciens, à partir du modèle proposé par Haydn. La période romantique est marquée par une croissance de l'orchestre jusqu'à soixante ou quatre-vingts musiciens. Beethoven et Berlioz apportent des innovations décisives, avec l'emploi d'instruments nouveaux (piccolo, cor anglais, clarinette basse, tuba, contrebasson, saxophones…) tandis que Méhul, Rossini et Weber renouvellent l'orchestration de l'opéra.
La fin du XIXe siècle est marquée par un certain « gigantisme » des effectifs, et le rôle croissant des instruments de percussion. Au XXe siècle, l'évolution de l'orchestre symphonique se divise en deux tendances : de très grands orchestres, dépassant parfois la centaine d'instrumentistes, ou des orchestres réduits à moins de vingt musiciens. Dans les deux cas, le rôle du soliste fait toujours l'objet d'une étude approfondie.
L'orchestre de l'Orfeo de Monteverdi fait date dans l'histoire de la musique.
Il comporte « dix dessus de viole, deux petits violons, deux basses de viole, trois violes de gambe, deux luths (chitaroni), une petite flûte, deux cornets, trois trompettes, quatre trombones, un clairon, deux clavecins, une harpe double, 2 orgues et un orgue portatif ou régale[1] ».
En France, « continuant l'usage établi par les ménestrels du Moyen Âge de se grouper en corporations[2] », les formations instrumentales du XVIIe siècle se définissaient par bandes, les principales étant attachées au service du roi et de la cour. Ainsi, la Grande Bande des violons du Roy comptait « vingt-quatre violonistes choisis parmi les plus habiles[2] ». La Bande des hautbois du Roy réunit « les instruments à anche et les musettes, donnant des concerts à la cour de Louis XIII et de Louis XIV au début de son règne[3] ».
La bande des violons constituait la musique de chambre du roi ou des princes. Celle des instruments à vent formait la musique d'écurie, « dirigée par un chef dépendant de l'Intendant des Écuries : ses musiciens participaient aux fêtes champêtres et accompagnaient le souverain dans ses campagnes militaires, dans des conditions matérielles parfois très pénibles[3] ».
Louis XIV nomme Jean-Baptiste Lully « compositeur de la cour » en mars 1653[4]. Le musicien florentin fonde alors la Bande des petits violons du Roy, qui comprend seize instrumentistes, à côté de la Grande Bande qui en comprend toujours vingt-quatre[4].
Dans ses opéras, Lully écrit pour « un orchestre en cinq parties, rassemblant plus de quatre-vingt instrumentistes, avec une prédominance des instruments à cordes, surtout des violons dont il exploite habilement les ressources dans l'aigu. Les flûtes et les hautbois doublent les cordes dans les tutti qui groupent l'ensemble des instruments lors des reprises, après l'exécution d'un ou de plusieurs soli. Certains passages de caractère pastoral sont confiés aux seuls hautbois. Le clavecin assure la basse continue ou continuo, et soutient les récitatifs qu'il accompagne[5] ».
Dans le même temps, François Couperin compose ses Concerts royaux pour un orchestre réduit, comprenant « des cordes, du violon à la basse de viole, flûte pouvant remplacer le violon, hautbois, basson et clavecin[6] ».
Avec Hippolyte et Aricie, son premier opéra, Jean-Philippe Rameau révolutionne l'orchestre en 1733 : « le compositeur affectionne les formations de violons par trois, souvent doublés par les flûtes, et celles des hautbois par deux, groupés avec un basson[7] ». L'orchestre de Rameau, « que ses successeurs s'empressent de copier[7] », comprend les cordes dans une formation « assez semblable à notre quatuor moderne[7] », les instruments à vent classiques, auxquels se joignent les cors et la trompette en ré, qui lui donnent « beaucoup d'ampleur[7] ». Selon Paul Pittion, les contemporains de Rameau jugeaient cet orchestre trop étoffé : « On sort assommé par le bruit des instruments[7] ».
Paul Pittion revient sur le fait qu'« on a coutume de dire que Haydn est le père de la symphonie, honneur qui reviendrait plutôt à Sammartini ou à Stamitz et d’autres compositeurs de l’école de Mannheim, qui possédait un orchestre de quarante-cinq musiciens[8] ».
Cependant, Haydn apporte « un remarquable enrichissement de l’orchestre : entre ses dernières symphonies et les symphonies de Beethoven, jusqu’à la cinquième, l’orchestre est à peu près le même : le quatuor à cordes (violons, altos, violoncelles et contrebasses), les flûtes, les hautbois, les clarinettes, les cors, les trompettes, les bassons et les timbales – tous ces instruments par deux[8] ». Fort de son expérience auprès du prince Esterházy, « mieux que quiconque à son époque, Haydn sait utiliser les ressources particulières à chaque timbre pour décrire ou suggérer[8] ».
Mozart apporte des nouveautés dans l’orchestration des symphonies : « il demande aux vents d’intervenir de manière indépendante, avec leurs timbres propres, au lieu de soutenir seulement les instruments à cordes[9] », en « admirable technicien, qui s’est assimilé très tôt les différentes manières d’écrire et de construire[10] ».
En 1960, Paul Pittion dressait un tableau permettant de distinguer les « grandes étapes de l'évolution de l'orchestre[11] », depuis le XVIIIe siècle.
Compositeur | Handel | Haydn | Mozart | Beethoven | Berlioz | Liszt | Rimski-Korsakov | Dukas |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Œuvre | Water Music (1736) |
Symphonie no 35 (1767) |
Symphonie no 41 « Jupiter » (1788) |
9e symphonie (1824) |
Symphonie fantastique (1830) |
Mazeppa (1851) |
Capriccio espagnol (1887) |
L'Apprenti sorcier (1897) |
Petite flûte | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | |||
Flûte | 2 | 1 | 1 | 2 | 1 | 2 | 2 | 2 |
Hautbois | 2 | 2 | 2 | 2 | 1 | 2 | 1 | 2 |
Cor anglais | 1 | 1 | 1 | |||||
Petite clarinette | 1 | |||||||
Clarinette | 2 | 2 | 1 | 1 | 2 | 2 | ||
Clarinette basse | 1 | 1 | ||||||
Basson | 1 | 2 | 2 | 2 | 4 | 3 | 2 | 2 |
Contrebasson | 1 | 1 | ||||||
Cor | 4 | 2 | 2 | 4 | 4 | 4 | 4 | 4 |
Trompette | 2 | 2 | 2 | 2 | 3 | 2 | 2 | |
Cornet à pistons | 2 | 2 | ||||||
Trombone | 3 | 3 | 3 | 3 | 3 | |||
Tuba | 2 | 1 | 1 | |||||
Harpe | 2 | 1 | 1 | |||||
Timbales | 3 | 2 | 2 | 4, de deux à quatre exécutants | 3 | 2 | 3 | |
Cordes | 24 | 24 | 24 | 44 | 48 | 48 | 48 | 48 |
Percussions[N 1] | Triangle | Tambour militaire, 2 cloches | Triangle | Triangle, tambour, Tambourin, Castagnettes | Triangle, Glockenspiel | |||
En plus : | 4 chanteurs solistes, chœurs |
Si « Beethoven adopte d’abord le cadre de la symphonie classique de Haydn et de Mozart, il s’en libère peu à peu, et va jusqu’à introduire les voix dans la dernière. Son orchestre évolue aussi, s’enrichit considérablement à mesure que le compositeur, enfermé dans sa surdité qui l’isole du monde, rejette les conventions et se confie à son inspiration[12] ».
Ainsi, « les derniers traits du presto final de la neuvième symphonie marquent la victoire de la certitude sur le doute, proclamée par les voix et l’orchestre qui s’enrichit des timbales et de la batterie dans une magistrale apothéose[13] ».
Hector Berlioz joue un rôle primordial dans l'évolution de l'orchestre : « il manie les timbres avec une maîtrise encore jamais rencontrée, donnant à chacun le rôle exact qu'il doit jouer dans la recherche de l'expression[14] ». Ses innovations, décisives, déterminent trois grands axes de progression :
Le tableau suivant permet de mesurer l'influence à long terme des actions entreprises par Beethoven et Berlioz[11] :
L'évolution des pupitres de percussion est remarquable. Charles Koechlin en déplore les excès dans son Traité de l'orchestration (1941) :
« À chacun sa nature, et l'on ne saurait interdire ni même déconseiller ces moyens souvent un peu brutaux. Tout dépend de ce que l'on veut exprimer. Cependant, il convient de mettre en garde les jeunes musiciens contre l'abus de la percussion. Il n'est pas douteux que les codas de certaines œuvres — écrites pourtant par des maîtres — insistent avec un si grand et si bruyant concours de timbales, cymbales, grosse caisse et autres sonorités violentes, que cela devient tout à fait bastringue, indigne de ce qui précédait. Tant est dangereuse la recherche de l'effet, et la surenchère en matière de [15]… »
La section du Traité d'instrumentation et d'orchestration de Berlioz consacrée à l'orchestre présente un « effectif idéal », qui atteint le nombre de 827 exécutants[16].
Bois |
6 Grandes flûtes,
4 Flûtes tierces (en Mi), improprement appelées en Fa, 2 petite flûtes octaves, 2 Petites flûtes (en Ré) improprement appelées en Mi, 4 Petites clarinettes en Mi, 8 clarinettes (en Ut, en Si ou en La), 3 clarinette basses en Si, 6 Hautbois, 6 cors anglais, 4 bassons quinte, 12 bassons, |
Cuivres |
16 Cors (dont 6 à Pistons),
8 Trompettes, 4 trombones-Altos, 6 trombones-Ténors, 2 trombones-Basses, 1 Ophicléide en Ut, 2 bass-tubas |
Percussions |
30 harpes,
30 pianos, 8 paires de timbales (10 Timbaliers), 4 paires de cymbales, 12 paires de cymbales antiques (en différents tons), 6 triangles, 6 tambours militaires (avec timbre / sans timbre), 2 Grandes Cloches très graves, 4 pavillons Chinois, 2 Tam-Tams |
Cordes |
120 violons divisés en deux ou en trois et quatre parties,
40 altos divisés ou non en premiers et seconds, et dont dix au moins joueraient dans l’occasion de la viole d’amour, 45 violoncelles divisés en premiers et seconds, 18 contrebasses à 3 cordes accordées en quintes (Sol, Ré, La), 4 octobasses, 15 autres contrebasses à 4 cordes accordées en quartes (Mi, La, Ré, Sol) |
Chœurs |
40 soprani enfants (Premiers et seconds),
100 soprani femmes (Premiers et seconds), 100 ténors (Premiers et seconds), 120 basses (Premières et secondes) |
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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