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étude expérimentale du spectre d'un phénomène physique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La spectroscopie, ou spectrométrie, est l'étude expérimentale ou théorique du spectre d'un phénomène physique, c'est-à-dire de sa décomposition sur une échelle d'énergie, ou toute autre grandeur se ramenant à une énergie (fréquence, longueur d'onde, etc.).
Historiquement, ce terme s'appliquait à la décomposition, par exemple par un prisme, de la lumière visible émise (spectrométrie d'émission) ou absorbée (spectrométrie d'absorption) par l'objet à étudier. Aujourd'hui, ce principe est décliné en une multitude de techniques expérimentales spécialisées qui trouvent des applications dans quasiment tous les domaines de la physique au sens large : astronomie, astrophysique, biophysique, chimie, physique atomique, physique des plasmas, physique nucléaire, physique du solide, mécanique, acoustique, etc. On analyse par spectroscopie non seulement la lumière visible, mais aussi le rayonnement électromagnétique dans toutes les gammes de fréquence, les ondes élastiques comme le son ou les ondes sismiques, ou encore des particules (l'usage du terme « spectroscopie » est toutefois inapproprié, car on ne mesure pas à proprement parler l'énergie mais plutôt la masse des particules).
De manière générale, l'instrument de mesure permettant d'obtenir un spectre est appelé spectromètre ou spectroscope. Le suffixe « -scopie » fait référence à l'observation visuelle, par exemple l'impression sur un film photographique, la projection sur un écran ou bien l'utilisation d'une lunette d'observation. Le suffixe « -métrie » fait référence à l'enregistrement d'un signal par un appareil (table traçante, enregistrement électronique, etc.).
Dès le XIVe siècle, l'érudit Thierry de Freiberg (1311) avait décrit la dispersion de la lumière par un dioptre épais (en l'occurrence des urinaux) et s'était efforcé d'expliquer sur cette base le phénomène de l'arc-en-ciel[1]. Avec le succès de La Magie naturelle (1558) de della Porta, les dioptres en verre devinrent des curiosités qu'on pouvait se procurer lors des foires. C'est ainsi qu'en 1672, Newton écrivait à un de ses correspondants : « Afin de tenir ma plus récente promesse, je vous ferai savoir, sans plus de cérémonie, qu'au commencement de 1666, je me procurai un prisme de verre triangulaire pour faire l'expérience du célèbre phénomène des couleurs […] Il me fut agréable de contempler les couleurs vives et intenses ainsi produites »[2],[3]. Newton étudia ce phénomène systématiquement et publia dans son traité intitulé Opticks ses résultats sur la dispersion de la lumière. Il indiqua d'abord comment la lumière blanche peut être décomposée en composantes monochromes avec un prisme ; puis il prouva que ce n'est pas le prisme qui émet ou produit les couleurs, mais que ce dioptre ne fait que séparer les constituants de la lumière blanche[4].
Quoique la théorie corpusculaire de la lumière formulée par Descartes[5] et Newton fût graduellement supplantée par la théorie ondulatoire de Huygens et Fresnel, il fallut cependant attendre le XIXe siècle pour que la mesure quantitative des raies lumineuses bénéficie d'un protocole universellement reconnu et adopté. Comme cela sera longtemps le cas pour ses continuateurs, Newton utilisait comme sources de lumière blanche tantôt la flamme d'une bougie, tantôt la lumière du Soleil ou des étoiles. De nouvelles expériences menées avec des prismes fournirent les premiers indices que les spectres sont caractéristiques des constituants chimiques : en brûlant différents sels en solution dans l'alcool, les savants constatèrent que la lumière de la flamme, une fois décomposée au prisme, donnait des successions de couleur différentes[6]. Ces observations restaient encore qualitatives, et les raies étaient décrites par des noms de couleur, non par des nombres.
L’opticien bavarois Fraunhofer fit faire un spectaculaire bond en avant à la discipline en remplaçant le prisme par un réseau de diffraction comme instrument de dispersion des longueurs d'onde. Fraunhofer dédaignait les théories des interférences lumineuses réalisées par Thomas Young, François Arago et Augustin Fresnel. Il procéda à ses propres expériences pour étudier l'effet de diffraction par une seule fente rectangulaire, puis par deux fentes, etc. jusqu'à mettre au point un diaphragme percé de milliers de fentes équidistantes mais très rapprochées ; il forma ainsi le premier réseau de diffraction. Or, non seulement les interférences produites par un réseau de diffraction améliorent beaucoup la résolution spectrale par rapport au prisme, mais elles permettent de mesurer les différentes longueurs d'onde de la lumière résolue. L'échelle absolue de longueurs d'onde ainsi établie par Fraunhofer ouvrit la voie à la comparaison des spectres obtenus par les grands laboratoires d'Europe, quelle qu'ait été la source lumineuse (flammes et le soleil) et les instruments. Fraunhofer effectua et publia des observations systématiques du spectre solaire, et les raies sombres qu'il remarqua (1814) et dont il calcula les longueurs d’onde sont aujourd'hui appelées raies de Fraunhofer[7].
Tout au long des années 1800, plusieurs savants améliorèrent les techniques et la compréhension de la spectroscopie[8],[9].
Au cours des années 1820, les astronomes John Herschel et William H. F. Talbot entreprirent l’observation spectroscopique systématique des différents sels chimiques connus en analysant leur couleur de flamme[10]. En 1835, Charles Wheatstone signala qu'on pouvait facilement reconnaître les sels des différents métaux grâce aux raies claires du spectre d'émission de leurs étincelles, technique alternative au test de flamme des chimistes[11].
En 1849, Léon Foucault démontra expérimentalement que les raies d’absorption et d’émission de même couleur (de même longueur d’onde) proviennent du même corps chimique, les autres différences venant de la différence de température de la source lumineuse[12].
En 1853, le physicien Suédois Anders Jonas Ångström fit connaître ses observations et sa théorie du spectre des gaz dans son traité Optiska Undersökningar présenté devant l’Académie royale des sciences de Suède. Ångström postulait que les gaz portés à incandescence émettent des rayons lumineux de même longueur d’onde que celles qu'ils peuvent absorber : il ignorait, comme on le voit, les résultats des expériences antérieures de Foucault. Vers la même époque, George Stokes et William Thomson (Lord Kelvin) envisageaient des hypothèses similaires[12]. Ångström mesura aussi le spectre d’émission visible de l'hydrogène, qu'on appellera par la suite « raies de Balmer »[13]. En 1854 et 1855, David Alter publia ses observations sur les spectres des métaux et des gaz, contenant une description personnelles des raies de Balmer de l’hydrogène[14].
On entreprit la compilation d'un catalogue systématique des spectres des différentes espèces chimiques dans les années 1860 avec les recherches du physicien allemand Gustav Kirchhoff et du chimiste Robert Bunsen. Bunsen et Kirchhoff appliquaient les techniques optiques de Fraunhofer, Bunsen améliorant pour sa part la qualité de flamme et développant un protocole expérimental rigoureux pour étudier en détail les spectres des composés chimiques. Ces deux savants confirmèrent le lien unique entre les éléments chimiques et leur spectre caractéristique. Par la même occasion, ils fixèrent la technique de l’analyse spectroscopique. En 1860, ils publièrent leurs recherches sur les spectres de huit éléments et reconnurent la présence de ces mêmes éléments dans différents produits chimiques[15],[16], démontrant ainsi qu'on pouvait employer la spectroscopie pour dépister les composants chimiques connus et reconnaître les éléments chimiques encore inconnus. Kirchhoff et Bunsen établirent aussi le lien entre les raies d'absorption et d’émission, ce qui leur permit d'attribuer la présence de certaines raies d'absorption du spectre solaire à des éléments chimiques particuliers[17]. Kirchhoff poursuivit par des recherches fondamentales sur la nature des spectres d'absorption et d’émission, ce qui le conduisit à énoncer ce qu'on appelle aujourd'hui la loi du rayonnement de Kirchhoff. On retrouve l'application que Kirchhoff fit de cette loi en spectroscopie, avec les trois lois de spectroscopie :
Le R.P. Angelo Secchi, directeur de l'observatoire du Collège romain, poursuivit dans la voie engagée par Kirchhoff en répertoriant les étoiles selon leur spectre lumineux. Il était en effet convaincu que les étoiles se répartissaient selon une gradation logique à grande échelle. À l'aide d'un spectrographe, Secchi classa ainsi les étoiles en quatre catégories[3],[18] : étoiles de type I, II, III et IV (classe spectrale). Cette division spectrale prit une importance accrue lorsque l'on s'aperçut qu'elle correspondait à la température superficielle des astres. Grâce à l’analyse spectrale, Secchi avait compilé le premier catalogue spectral de l’histoire de l’astronomie : son travail sera repris trente ans plus tard par Williamina Fleming, Antonia Maury et Annie Jump Cannon.
Dans les années 1860, William Huggins et sa femme Margaret se servirent de la spectroscopie pour prouver que les étoiles sont formées des mêmes éléments chimiques que la Terre. Ils appliquèrent la relation de l'effet Doppler classique (Décalage vers le rouge) au spectre de Sirius en 1868 pour déterminer sa vitesse de rotation propre[19],[18]. Ils furent les premiers à décomposer le spectre d'une nébuleuse planétaire avec la Nébuleuse de l'Œil de Chat[20] (NGC 6543). Grâce aux techniques spectrales, ils sont parvenus à distinguer les nébuleuses des galaxies.
Johann Balmer découvrit en 1885 que les quatre raies visibles dans le spectre de l'hydrogène formaient une progression, qu'il baptisa série spectrale. L'étude des raies spectrales suivantes, dans l'ultraviolet, conduisit à la formule de Rydberg ().
Les principaux phénomènes utilisés sont :
Ces phénomènes peuvent faire intervenir[21] :
Le tableau ci-dessous présente une illustration des différentes techniques de spectroscopie en fonction du domaine de longueur d'onde.
Domaine de longueur d'onde | Longueur d'onde | Type de spectroscopie | Commentaires |
---|---|---|---|
Radiofréquence | > 100 µm | Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire | liaison chimique, conformation moléculaire, distances interatomiques |
Résonance paramagnétique électronique | entités paramagnétiques (radicaux, espèces transitoires…) | ||
Résonance ferromagnétique | aimantation matériaux ferromagnétiques | ||
Micro-ondes | > 30 µm | Spectroscopie rotationnelle | structure petites molécules (eau, ozone, chlorure d'hydrogène gazeux...) avec une haute précision |
Infrarouge | De 1 à une vingtaine de µm | Spectroscopie infrarouge | groupements fonctionnels d'une molécule organique, liaisons chimiques, structure de la molécule |
Spectroscopie proche infrarouge | |||
Spectroscopie vibrationnelle | |||
Visible et ultraviolet | 102 nm | Spectroscopie ultraviolet-visible | dosage des composés organiques conjugués et métaux de transition |
Spectrophotométrie | |||
Spectroscopie Raman | fréquences des modes de vibration du cristal/de la molécule, énergie des ondes de spin | ||
Spectroscopie de fluorescence | molécules fluorescentes, environnement local de la molécule (conformation et interactions) | ||
Spectroscopie de corrélation de fluorescence | |||
Spectroscopie Brillouin | constantes élastiques et caractéristiques magnétiques d'un matériau (aimantation, échange…) | ||
Rayons X | < 100 nm | Spectrométrie d'absorption des rayons X (EXAFS et XANES) | EXAFS: environnement local d'un atome, distances avec les plus proches voisins
XANES: état d'oxydation, coordinence XPS: composition chimique à la surface d'un matériau (état d'oxydation, quantification d'éléments…) |
Spectrométrie photoélectronique X (XPS) | |||
Spectrométrie de fluorescence des rayons X classique et en réflexion totale | quantification d'éléments chimiques | ||
Microsonde de Castaing | quantification d'éléments chimiques (analyse locale de l'ordre de 1 µm3) | ||
Rayons gamma | 0.01 nm | Spectrométrie gamma | éléments radioactifs |
Spectroscopie Mössbauer | état d'oxydation, ordre magnétique |
L’imagerie spectrale forme une branche de la spectroscopie fondée sur la photographie numérique. Elle consiste à cartographier en tout point d'une image plane de l'objet analysé le spectre complet ou toute autre information de nature fréquentielle (comme celles recueillies par effet Doppler ou effet Zeeman sur une raie spectrale). Les principales applications se trouvent en astronomie (astrophysique et planétologie), analyse des plasmas dans les expériences de fusion nucléaire, et télédétection spatiale.
L'imagerie spectrale se divise en une multitude de techniques différentes, selon le domaine spectral analysé, la résolution spectrale, le nombre, l'épaisseur ou la contiguïté des bandes spectrales, et le domaine d'application : on parle ainsi d'imagerie multispectrale, superspectrale, spectrale intégrale, d'imagerie spectroscopique ou d'imagerie chimique. Ces termes désignent cependant rarement les cartes à quatre ou cinq bandes (tétrachromie, pentachromie) qui opèrent toujours dans le domaine de la lumière visible.
La spectroscopie est une technique largement utilisée en astronomie, essentiellement dans l'UV, l'optique et l'infrarouge. On distingue :
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