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objet concret De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le serpentin est aujourd'hui une petite et fine bobine de papier, généralement de couleur, qu'on utilise au cours des fêtes, notamment le carnaval.
On le jette en le déroulant brusquement. Il forme un couple festif avec le confetti.
Il était jadis beaucoup plus large (1 centimètre) et plus long (50 à 200 mètres). Les premières années de son emploi à Paris, ils rendaient les arbres des Grands boulevards « tout chevelus et multicolores », à l'occasion de la Promenade du Bœuf Gras ou du cortège de la Mi-Carême au Carnaval de Paris.
Le serpentin s'est aussi appelé à ses débuts spirale ou spirale-opéra. Dans une ordonnance de police du 7 juillet 1922 il est appelé : serpentin-spirale[1].
La spirale-opéra était une variété de serpentin ainsi décrite dans le Journal des débats le 10 mars 1893 : « Après le confetti, le serpentin, la plume de paon, signalons la dernière nouveauté de cette Mi-Carême : la spirale-opéra. C'est une gerbe de courts serpentins, liée au milieu, et formant comme une sorte de grande papillote. Du boulevard de la Madeleine au boulevard des Capucines, cela se vendait couramment 40 et 50 centimes. La spirale-opéra n'a d'ailleurs pas obtenu un grand succès[2]. »
En allemand, le serpentin porte le nom de « Luftschlange », littéralement traduisible par « serpent aérien ». En italien, le serpentin porte le nom de « stella filante », au pluriel « stelle filanti » : « étoiles filantes ». Dans plusieurs autres langues le serpentin porte un nom issu du nom français. Par exemple, en espagnol, il se nomme « serpentina », en finnois « serpentiini » et en russe « cерпантин » (serpan'tin').
À l'origine du serpentin, on trouve le ré-emploi festif de bandes de signaux morse en papier. Il s'agit certainement de fins de bobines inutilisables et destinées à la poubelle.
Le premier exemple connu de ce ré-emploi date du . Spontané, il eut lieu à New York à l'occasion de l'inauguration de la statue de la Liberté. Le nom de ces bandes en anglais : Ticker tape, a donné Ticker-tape parade pour désigner ce genre de manifestation où on les lance, entières ou fragmentées, sur le défilé de personnes qu'on souhaite honorer.
En 1892, durant le Carnaval de Paris, un employé parisien du télégraphe dont on ignore le nom imite l'exemple new-yorkais. Il travaille au bureau de poste de Paris 47. C'est le bureau de poste de la Bourse, à l'époque le plus important de Paris, ouvert jour et nuit et relié à la Bourse par un souterrain[11]. Le fait que cet employé travaille au télégraphe de ce bureau en relation avec la Bourse new-yorkaise explique sans doute la transmission de l'idée depuis les États-Unis. Les auteurs français qui parlent du début du serpentin, quant à eux, ignorent complètement l'exemple américain de 1886 et parlent d'une invention faite par un télégraphiste parisien resté anonyme.
De nos jours, aux Ticker-tape parades à New York, les débris d'annuaires remplacent les bandes de signaux morse en papier qui ne sont plus fabriquées et utilisées.
Dès ses débuts, la vogue du serpentin est extraordinaire à Paris. L'emploi massif qui en est fait avec le confetti durant la période 1891-1914 des confetti et serpentins au Carnaval de Paris en fait une véritable épopée.
La fabrication des serpentins pour le Carnaval est réalisée à l'aide d'une machine spéciale qui est décrite ainsi en 1902 :
Les Parisiens en Carnaval les jettent par la fenêtre du haut des immeubles et depuis les trottoirs dans les arbres, les rendant tout « chevelus et multicolores ».
Un auteur, décrivant le Carnaval de Paris en 1893, parle des « arbres enguirlandés de rubans multicolores, banderoles de papier formant comme des traits d'union entre les maisons et la verdure, tandis que, dans le bas, se pressent des foules compactes saupoudrées de confettis[13] ».
Le Journal des débats rapporte qu'au cours du défilé de la Mi-Carême 1893 « Rue Turbigo, les étudiants lâchent des pigeons avec de longs serpentins aux pattes[2] ».
Le même journal écrit : « les spirales déroulées en longs rubans flottent accrochées aux balcons, aux enseignes et aux arbres. Nous avons remarqué, au coin du boulevard Saint-Denis et du boulevard Sébastopol, un arbre magnifique tout couvert de serpentins ; on eut dit un très haut saule pleureur aux feuilles multicolores[2]. » Le mot « spirale » est ici utilisé comme synonyme de serpentin.
La Préfecture de police de Paris cherche très tôt à circonscrire l'usage des serpentins et confettis. En juin 1893, le Gil Blas débute ainsi son article annonçant l'ouverture de la fête de Neuilly, dite : fête à Neu-Neu, dans la banlieue proche de Paris[14] :
En janvier 1894, un certain Heisler cherche à innover dans le domaine des serpentins. Le Bulletin de la papeterie écrit[15] :
À l'occasion de la Mi-Carême 1895, Georges Clemenceau décrit les boulevards parisiens envahi de confettis et serpentins : « assourdis d'un épais tapis de haute lisse aux pointillés multicolores, entre deux rangées d'arbres follement enrubannés, festonnés, pelotés de banderoles flottantes agitant au vent tous les rayons de lumière enchevêtrées à plaisir[16]. »
Une blanchisseuse qui vient de défiler sur son char à cette même fête s'exclame :
On lit dans le compte-rendu du défilé fait par le Journal des débats : « Les confetti pleuvaient, les balais-serpentins fouettaient le visage, mais on ne se plaignait pas[18]. » Ces « balais-serpentins » dérivent visiblement du serpentin, tout comme la « spirale-opéra » inventée deux années auparavant et le « serpentin-spirale » inventé l'année précédente.
Dans le programme du cortège des étudiants parisiens à la Mi-Carême 1895, un char met les serpentins à l'honneur[19] :
Un dessin de Georges Redon, paru dans L'Univers illustré, immortalise ce char pittoresque[9].
Le , dans son compte-rendu de la première journée du défilé de la Cavalcade du Bœuf Gras, L'Intransigeant écrit[20] :
Le , on lit dans le compte-rendu fait par le Journal des débats de la première Promenade de la Vache enragée[21] :
Un gâteau, orné d'une spirale, porta jadis en l'honneur du serpentin le nom de spirale-opéra.
La Justice du écrit à propos du cortège du Bœuf Gras qui sort le dimanche suivant[22] :
Cet instrument festif est aujourd'hui oublié depuis très longtemps. Le terme « spirobole » évoque aujourd'hui pour ceux qui l'ont rencontré un jeu pratiqué avec une balle attachée par une corde à un poteau[24], ou un myriapode[25].
Une information illustre bien la vogue parisienne que connait le serpentin à ses débuts. C'est au Carnaval de Paris en 1897. Le journal parisien La Patrie écrit[26] :
Le 1er aout 1897, à la fête aérostatique de Montmorency, l'ascension d'un aérostat, monté par J. Bloch, est suivie d'une pluie de confettis et serpentins[28].
Dans une description du cortège de la Mi-Carême parisienne 1899 défilant sous la pluie, apparaît un nouveau modèle de serpentin combiné aux confettis[29] :
Le Rappel écrit le dans son compte-rendu des fêtes de la Mi-Carême à Paris[30] :
Le 1er décembre 1905, Le Moniteur de la papeterie française et de l'industrie du papier indique que « Le serpentin pour le carnaval est peut-être notre plus lucratif article aujourd'hui » au nombre des produits papetiers français exportés en Uruguay[32].
En 1902, un rapport consulaire cité par cette publication rapporte qu'il a été vendu pour 240 piastres de serpentins en Uruguay. La vente progresse très vite, et dès 1903, il est vendu pour 4770 piastres de serpentins, soit 25 000 francs de l'époque !
Ce bond en avant du serpentin paraît correspondre à son arrivée et son adoption enthousiaste par les adeptes du Carnaval en Uruguay.
Dès les années 1890, les autorités parisiennes pourchassent et interdisent l'emploi des serpentins durant le Carnaval de Paris. Le prétexte invoqué est que leur enlèvement, effectué à l'aide de crochets en fer, coûte cher et va endommager les bourgeons et faire mourir les arbres.
En 1896, Émile Gautier, dans un article intitulé La Question des Serpentins, paru dans la Science Française[34], propose un projet en réponse aux critiques du serpentin. Les réaliser avec un papier spécial, soluble dans l'eau. L'auteur précise qu'il a envoyé son projet au Préfet de police[35] qui :
La proposition d’Émile Gautier ne connaît finalement pas de suites pratiques.
Témoin de la chasse aux adeptes de l'usage du serpentin, un journaliste du Petit Journal écrit à propos du Carnaval de Paris 1902[36] :
Les Parisiens restent attachés à leurs outils festifs qu'on les empêche d'utiliser. En 1921, en lisant entre les lignes du compte-rendu de la journée de la Mi-Carême fait par Le Gaulois, on voit que le mécontentement existe face à l'interdiction des confettis et serpentins[37] :
Le « généralement » en dit long, sous la plume d'un journaliste hostile aux confettis et serpentins censés générer « des incidents parfois regrettables. »
De 1919 à 1932 et encore à diverses reprises par la suite, l'usage du serpentin est interdit à Paris. Le confetti subit le même sort, excepté une année. Son autorisation en 1922 relève probablement de la bienveillance du préfet de police Robert Leullier, qui mourut à son poste et ne connut que ce seul Carnaval durant l'exercice de sa fonction à Paris[38].
Le 8 juillet 1929, le Préfet de police de Paris publie une ordonnance réglementant les fêtes foraines. On y lit notamment que sont interdits[39] :
Dans cette ordonnance sont mentionnés juste après les serpentins, les « spirales ». Ce nom qui désignait aussi les serpentins à leurs débuts, peut sans doute désigner ici autre chose.
Si on en croit le journal Ce soir, qui en parle le , serpentins et confettis ont envahi la Fête nationale française à Paris[40] :
On lit dans les Mesures d'ordre et de sûreté à observer pendant la Fête nationale du 14 juillet 1953. prises par le Préfet de police de Paris le et publiées dans le Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du [41] :
Le serpentin actuel, qu'on trouve à la vente, est beaucoup plus fin et court que celui des origines.
En 2000, en hommage à l'« inventeur du serpentin » (en fait celui qui l'a seulement propagé à Paris, imitant l'exemple new-yorkais), la Compagnie Carnavalesque Parisienne « Les Fumantes de Pantruche » organisa des expositions sur le Carnaval de Paris. Elles eurent lieu, au moment du Carnaval, dans quatre bureaux de poste parisiens dont le bureau de la Bourse héritier du bureau de Paris 47[11].
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